Comptes rendus

Traitement ciblé dans le cancer du rein avancé : prolongation de la survie
Associations à doses fixes : nouvelles données sur la compatibilité des antirétroviraux dans les schémas HAART et le risque de résistance

Nouveau regard sur le maintien d’une bonne santé de la prostate

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

Le 22e Congrès annuel de l’Association européenne d’urologie

Berlin, Allemagne / 21-24 mars 2007

On estime que l’hypertrophie bénigne de la prostate (HBP) est cliniquement manifeste chez environ 80 % des hommes de plus de 80 ans. Une prostate hypertrophiée est synonyme de problèmes urinaires et sexuels, de douleur et d’une diminution du bien-être émotionnel. Dans son discours inaugural, le Dr Peter F. A. Mulders, directeur, département d’urologie et d’oncologie médicale, Centre médical universitaire St-Radboud, Nimègue, Pays-Bas, affirmait que «le vieillissement de la population se traduira, dans le cabinet de l’urologue, par un nombre croissant de patients aux prises avec des troubles de la prostate». Le cancer de la prostate, souvent lié à l’HBP, est un autre problème de taille en matière de santé prostatique. La prévalence de ce cancer, comme celle de l’HBP, augmente avec l’âge, environ 40 % des hommes de plus de 80 ans en étant atteints. On doit envisager des stratégies de prévention, affirme le Dr Mulders. «Des études en médecine qui font fi de la prévention des maladies ont une valeur limitée, tout comme le diplôme qui en découle», déclarait il y a 200 ans le père de la médecine du travail, Charles Turner Thackrah, dont la perspicacité est maintenant légendaire.

Inhibiteurs de la 5a-réductase : leur rôle dans les maladies de la prostate

La prolifération et l’apoptose des cellules épithéliales de la prostate dépendent d’androgènes circulants comme la testostérone. Lorsque la testostérone entre dans une cellule épithéliale de la prostate, elle est transformée en dihydrotestostérone (DHT) par la 5a-réductase (5AR), qui se présente sous forme de deux isoenzymes. «La DHT se fixe alors à un récepteur androgénique qui transmet un signal de survie à ces cellules», affirme le Dr Helmut Klocker, laboratoire de recherche, département d’urologie, Université d’Innsbruck, Autriche. Il a été démontré que l’inhibition de la 5AR intercepte ce signal de survie. Deux inhibiteurs de la 5a-réductase (I5AR) sont commercialisés à l’heure actuelle, le finastéride et le dutastéride. Cependant, explique-t-il, ces deux agents sont dotés de modes d’action légèrement différents; en effet, si le finastéride inhibe uniquement l’isoenzyme de type 1, le dutastéride inhibe les deux types. Cette double inhibition de la 5AR1 et de la 5AR2 par le dutastéride se traduit par une suppression plus marquée et plus constante de la DHT que l’inhibition de la seule 5AR2. Cliniquement parlant, cela veut dire que la DHT est supprimée à >90 % chez tous les hommes prenant du dutastéride, par comparaison à 70 % pour le finastéride (Clark et al. J Clin Endocrinol Metab 2004;89:2179-84).

Prévention de la progression de l’HBP

La progression de l’HBP inquiète les patients pour plusieurs raisons. Lorsqu’un patient consulte un urologue, «ses symptômes et les inconvénients qui en découlent le préoccupent», explique le Dr François Desgrandchamps, Hôpital Saint-Louis, Paris, France. «Il s’inquiète également de la rétention urinaire et de sa qualité de vie, mais d’abord et avant tout, il s’inquiète du risque d’autres maladies comme le cancer et de la nécessité éventuelle d’une intervention chirurgicale.» Il va de soi que les symptômes s’accentuent à mesure que progresse l’HBP. L’avenir inquiète tous les patients, de sorte que la prévention de la progression devrait être l’un des principaux objectifs du traitement (Kaplan S, Naslund M. Int J Clin Pract 2006;60:1157-65). Fort heureusement, il est maintenant possible, grâce aux progrès récents, d’identifier avec plus d’exactitude les patients à risque de progression.

À la lumière d’une analyse des données obtenues dans le groupe placebo de l’étude MTOPS (Medical Therapy of Prostatic Symptoms), nous savons maintenant qu’un volume prostatique total ³31 mL ou un taux d’antigène spécifique de la prostate (PSA) ³1,6 ng/dL sont des facteurs de risque de la progression (Crawford et al. J Urol 2006;175:1422-6).

L’étude MTOPS a également généré des données détaillées sur l’efficacité d’un I5AR (en l’occurrence, le finastéride) comparativement à celle d’un alpha-bloquant (McConnell et al. N Engl J Med 2003;349[25]:2387-98). Après quatre ans, le risque de rétention urinaire aiguë avait été abaissé de 68 % et le risque d’intervention chirurgicale, de 64 % (p<0,05) comparativement à un placebo, alors que les réductions correspondantes pour l’alpha-bloquant, soit 35 % et 3 % respectivement, n’étaient pas significatives. Outre ces agents en monothérapie, l’étude a évalué l’association de l’I5AR et de l’alpha-bloquant. Leur efficacité était additive, mais les effets indésirables l’étaient aussi, souligne le Dr Desgrandchamps, qui précise néanmoins que ces effets indésirables pouvaient être traités.

Bien que la méthodologie utilisée pour évaluer le traitement d’association soit discutable, ces résultats «ont préparé le terrain pour une étude plus approfondie du traitement d’association» et ont motivé la tenue de l’étude COMBAT (Combination of Avodart and Tamsulosin), dont l’objectif est de comparer l’association dutastéride-tamsulosine avec la monothérapie. Outre le fait que le groupe témoin reçoit un traitement actif (pour des raisons éthiques), cette étude diffère de l’étude MTOPS par ses critères d’inclusion qui reflètent davantage la population clinique type présentant plusieurs facteurs de risque de la progression.

Nouvelles tendances dans le cancer de la prostate

Les taux de prévalence du cancer de la prostate varient d’un pays à l’autre, mais les taux de mortalité par cancer de la prostate sont similaires dans la plupart des pays occidentaux. La prévalence variable pourrait refléter des différences quant à l’efficacité des programmes nationaux de dépistage; cependant, les taux de mortalité comparables semblent indiquer qu’un dépistage plus efficace ne se traduit pas encore par une prolongation de la survie. En fait, la plupart des traitements contre le cancer étant énergiques, ce type de traitement est souvent nocif. De l’avis du Dr Alexandre Zlotta, directeur de l’uro-oncologie, Mount Sinai Hospital, Toronto, Ontario, «l’une des questions les plus intéressantes, mais aussi les plus controversées, entourant les I5AR est la prévention primaire, car le cancer de la prostate est une bonne cible pour la prévention primaire en raison de sa longue période de latence». L’objectif de la prévention secondaire est de prolonger la survie des patients atteints d’un cancer de la prostate. À l’heure actuelle, de nombreux patients souffrent d’un cancer de la prostate de type plutôt non agressif ou indolent et meurent d’autres causes. Cela dit, et c’est là une question pertinente, qu’adviendra-t-il des cancers indolents dans le contexte du vieillissement de la population?

Le Dr Zlotta a passé en revue les études sur les I5AR dans le cancer de la prostate. L’étude PCPT (Prostate Cancer Prevention Trial), qui regroupait 18 882 hommes, a mis en évidence une réduction de 25 % du risque relatif associée au finastéride après sept ans de traitement, comparativement à un placebo (Thompson et al. N Engl J Med 2003;349:215-24). La prévalence accrue des tumeurs de grade élevé pourrait avoir été un artefact attribuable à la diminution du volume de la prostate, celle-ci rendant les tumeurs en général et les tumeurs de grade élevé en particulier plus faciles à déceler à la biopsie. Cette lacune méthodologique a été comblée dans l’étude en cours REDUCE (Reduction by Dutasteride of Prostate Cancer Events), dont les sujets devront avoir eu des résultats négatifs à la biopsie pour être admissibles. De plus, comme seuls des hommes ayant un taux de PSA compris entre 2,5 et 10,0 ng/dL participeront à l’étude, les résultats pourraient brosser un tableau plus clair de la réduction du risque au sein d’une population exposée à un risque assez élevé.

Ces études permettront de préciser le rôle des I5AR dans la prévention primaire du cancer de la prostate, mais, poursuivant sa réflexion, le Dr Zlotta se demande si «les I5AR ralentissent la progression du cancer de la prostate une fois celui-ci confirmé par une biopsie?» Les données semblent indiquer pour l’instant que les I5AR ralentissent la progression d’un cancer de la prostate établi, mais l’étude REDEEM (Reduction by Dutasteride of Clinical Progression Events in Expectant Management) devrait nous donner une réponse plus catégorique. Trois cents hommes souffrant d’un cancer de la prostate localisé de faible malignité et à faible risque qui a été confirmé par biopsie recevront du dutastéride ou un placebo pendant 36 mois. Le paramètre principal sera le délai de progression du cancer.

Résumé

Notre compréhension de l’HBP s’est beaucoup améliorée depuis quelques années. L’arrivée sur le marché d’un premier I5AR, le finastéride, a amené les chercheurs à vouloir retarder la progression de la maladie plutôt que de se limiter à en traiter les symptômes. Un deuxième I5AR, le dutastéride, qui inhibe les isoenzymes de type 1 et de type 2, supprime la DHT de façon plus marquée. À l’heure actuelle, ce dernier est aussi évalué en prévention primaire chez des hommes exposés au risque de cancer de la prostate et en prévention secondaire chez des hommes atteints d’un cancer de faible malignité.

Nota : Au moment où le présent article a été mis sous presse, le dutastéride n’était pas indiqué au Canada pour la prévention ou le traitement du cancer de la prostate ni pour le traitement d’association dans l’HBP.

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