Comptes rendus

Physiopathologie des syndromes myélodysplasiques et stratégies visant à modifier leur évolution naturelle
Carcinome hépatocellulaire et hypernéphrome avancés : évaluation des gains de survie associés aux traitements ciblés

Optimisation de la durée d’action du traitement dans le TDAH

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

FRONTIÈRES MÉDICALES - 162e Assemblée annuelle de l’American Psychiatric Association

San Francisco, Californie / 16-21 mai 2009

Dans le contexte de la pharmacothérapie du trouble Déficit de l’attention/hyperactivité (TDAH), la longue durée d’action d’un psychostimulant peut s’obtenir, notamment, à l’aide d’un promédicament inactif graduellement biotransformé en un métabolite actif. Le dimésylate de lisdexamfetamine (LDX) est métabolisé en L-lysine et en dextroamphétamine (métabolite actif). Il a déjà été démontré que cette préparation est bien tolérée, que son profil d’innocuité est comparable à celui des psychostimulants à longue durée d’action et qu’elle exerce une action thérapeutique bénéfique pendant une durée atteignant 12 heures.

Résultats d’une étude réalisée dans une école-laboratoire

La Dre Sharon Wigal, professeure de clinique en pédiatrie et directrice de la recherche clinique, University of California, Irvine, a présenté les résultats d’une analyse de l’ampleur de l’effet de ce promédicament dans le cadre d’une étude de phase III croisée avec inversion des traitements, randomisation et placebo. Lors de cette étude, qui évaluait l’efficacité de ce traitement pendant 1,5 à 13 heures et qui se déroulait dans une école-laboratoire, des observateurs formés à cet égard suivaient les enfants en classe tout au long de la journée et leur attribuaient des scores. L’environnement de l’école-laboratoire a permis de très bien structurer la démarche de surveillance et d’évaluation des patients, explique la Dre Wigal. «L’étude nous a en fait permis de standardiser les types de traitement, de connaître l’heure exacte de la prise, d’administrer les traitements simultanément ou presque et de connaître avec certitude les moments exacts où [le comportement] était évalué pendant la journée.»

La première phase de l’étude, réalisée en mode ouvert, avait pour but d’optimiser la dose du médicament. La dose quotidienne optimisée se chiffrait à 30 mg (n=58), à 50 mg (n=50) ou à 70 mg (n=21). Dans un deuxième temps, les patients recevaient un placebo ou leur traitement optimisé pendant une semaine, puis on inversait les traitements la semaine suivante. Les scores initiaux sur l’échelle ADHD RS-IV étaient élevés, 42,4 en moyenne, ce qui signifie que le trouble était sévère.

Le paramètre principal de l’étude était le délai d’action du médicament calculé à l’aide de l’échelle SKAMP-D (Swanson, Kotkin, Agler, M-Flynn, and Pelham Deportment). Le principal paramètre secondaire était la durée d’action par rapport au placebo. L’étude comportait plusieurs autres paramètres secondaires de même qu’une évaluation des effets indésirables survenant pendant le traitement.

La Dre Wigal a présenté les résultats sous forme d’ampleur de l’effet (c’est-à-dire l’écart entre l’effet du médicament et l’effet placebo, divisé par leurs écarts-types [ÉT] groupés), ce qui permet une comparaison directe des études. Les données présentées portaient non seulement sur la significativité statistique de chaque évaluation, mais aussi sur l’ampleur de l’effet du médicament à chacune de ces évaluations. À titre indicateur, des scores de 0,2, de 0,5 et de 0,8 correspondent à un effet de faible, moyenne et forte ampleur, respectivement.

Selon l’échelle SKAMP-D, l’effet était d’ampleur cliniquement pertinente 1,5 heure après la prise et de forte ampleur 10 heures après la prise. Au bout de 13 heures, même si les enfants commençaient à avoir des écarts de conduite, le médicament demeurait associé à un bénéfice significatif, enchaîne la Dre Wigal, précisant que l’ampleur de l’effet selon l’échelle SKAMP-A, qui mesure l’attention, était supérieure de 0,42 à celle de l’effet selon l’échelle SKAMP-D.

Le maintien de l’attention a été corroboré par des effets de forte ampleur selon les échelles objectives PERMP (Permanent Product Measure of Performance), qui permettent d’analyser le nombre de tentatives (PERMP-A) et le nombre de bonnes réponses (PERMP-C) dans un test de mathématiques comportant 400 questions. Les scores PERMP demeuraient supérieurs à 1 après 13 heures. «[Après 13 heures,] il se pourrait que les enfants soient capables d’être attentifs, mais que leur comportement n’en témoigne pas vraiment», suggère la Dre Wigal. Certaines données de l’étude semblent indiquer l’existence d’un lien entre la dose et l’effet, note-t-elle. Selon l’échelle SKAMP-D, l’ampleur moyenne de l’effet du traitement tout au long de la journée en classe se chiffrait à -1,73 (ÉT de 0,18), ce qui dénote un effet de forte ampleur (Figure 1).

Figure 1. Ampleur moyenne de l’effet (ÉT) sur l’échelle SKAMP-D* déterminée par la méthode des moindres carrés, après l’administration de la dose


Bien que 85 % des patients aient signalé des effets indésirables pendant la phase d’optimisation de la dose, ces effets étaient d’intensité légère ou modérée pour la plupart. Aucun effet indésirable grave n’a été rapporté. Les plus courants étaient les suivants : diminution de l’appétit, insomnie, céphalées, irritabilité, labilité de l’affect et douleur abdominale haute. Les effets indésirables ont motivé neuf abandons.

De l’avis de la Dre Wigal, nous gagnerions à avoir dans notre arsenal thérapeutique un médicament dont la durée d’action est aussi longue. «C’est la première fois qu’un médicament de cette classe est associé à une durée d’action de 13 heures», conclut-elle.

Programme estival de traitement en «conditions réelles»

L’efficacité relative de la thérapie comportementale, de la pharmacothérapie et de l'association de ces démarches, continue de susciter la controverse. En outre, comme la plupart des essais sont réalisés en laboratoire, dans des conditions contrôlées, les données en conditions réelles sont lacunaires.

Un petit essai randomisé et à double insu dans lequel les patients recevaient une dose optimisée visait à comparer l’efficacité du traitement par le LDX à celle de la thérapie comportementale en «conditions réelles». Vingt-cinq enfants (20 garçons et cinq filles) âgés de 6 à 12 ans (8,8 ans en moyenne) ont été recrutés pour un programme estival de thérapie comportementale (PETC). De la quatrième à la sixième semaine du PETC, les enfants étaient randomisés de façon à recevoir, en alternance, le traitement médicamenteux actif seul, la thérapie comportementale seule ou l’association des deux, selon des séquences diverses, également réparties au sein du groupe. Le médicament était administré vers 8 h 30, mais l’heure pouvait varier légèrement en raison du contexte de l’étude, précise le Dr Thomas W. Frazier, Center for Pediatric Behavioral Health, Children’s Hospital, Cleveland, Ohio. C’est aussi vers cette heure que commençait le PETC. Les thérapeutes évaluaient le comportement sur les échelles SKAMP une demi-heure, puis 1, 3, 5, 7 et 9 heures après l’administration de la dose, du premier au quatrième jour de la semaine. Le troisième jour de chaque semaine, les parents participaient à une séance de formation en soirée pour apprendre à renforcer les comportements positifs à la maison. Durant ces séances en soirée, les thérapeutes se servaient des échelles SKAMP pour évaluer les enfants 10,5 et 12,5 heures après l’administration de la dose. Dix-sept des 25 patients ont pris part à la totalité des évaluations de jour et des sessions de soirée du troisième jour. Chaque semaine, les jours 1, 2 et 4, les parents évaluaient certains comportements 10,5 et 12,5 heures après l’administration de la dose à l’aide de l’échelle CGI-S (Clinical Global Impression of Severity).

À mesure qu’avançait la journée, les scores SKAMP calculés par les thérapeutes de 9 h à 17 h 30 se détérioraient dans le groupe thérapie comportementale alors qu’ils s’amélioraient dans les groupes LDX et association. Les scores SKAMP moyens mesurés de 9 h à 21 h chez les 17 enfants ayant participé à toutes les séances de soirée dénotaient un bénéfice qui se maintenait toute la journée dans les groupes LDX ou association, vs une détérioration dans le groupe thérapie comportementale dès 11 h 30 (p<0,001). L’ampleur de l’effet du traitement actif seul par rapport à la thérapie comportementale seule se chiffrait à 1,22, ce qui est substantiel (Figure 2).

Figure 2. Scores SKAMP moyens après l’administration de la dose
), entre 9 h et 21 h

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Le score CGI-S que les parents mesuraient trois soirs par semaine a révélé qu’à 19 h, les enfants sous LDX et les enfants recevant l’association étaient davantage capables de suivre les consignes que les sujets suivant uniquement la thérapie comportementale (p=0,03). Cela dit, il n’y a pas eu de différence entre les groupes quant à la capacité des enfants de se calmer d’eux-mêmes ou de tolérer la frustration. À 21 h, on n’observait aucune différence comportementale entre les groupes.

Les chercheurs ont conclu que le LDX ou l’association conféraient un bénéfice d’une durée pouvant atteindre 12,5 heures après l’administration de la dose dans diverses conditions réelles et que les enfants étaient davantage capables de suivre les consignes à la maison 10,5 heures après l’administration de la dose. Le traitement actif, utilisé seul ou en association avec la thérapie comportementale, était supérieur à la thérapie comportementale seule. «La thérapie comportementale aide, fait valoir le Dr Frazier, mais l’ajout du médicament semble encore plus utile pour certains comportements [...] La capacité de suivre les consignes est un exemple fort pertinent parce qu’au fur et à mesure qu’avance la soirée, les enfants doivent se plier au rituel du coucher [...] Les comportements que les parents devaient évaluer en conditions réelles, comme l’adhésion aux consignes, peuvent s’améliorer de façon appréciable sous l’effet du traitement par le LDX.»

Psychostimulants à longue durée d’action et perturbations du sommeil

Bien que l’administration d’un psychostimulant à longue durée d’action puisse être souhaitable chez un enfant aux prises avec un TDAH, la question des perturbations du sommeil associées à ce type de médicament suscite toujours des inquiétudes. Dans le cadre d’une étude monocentrique réalisée à double insu avec placebo sur des groupes parallèles, les chercheurs ont étudié les effets du LDX sur divers paramètres, tant subjectifs qu’objectifs, dans un groupe de 24 enfants atteints du TDAH. Après une phase d’optimisation de la dose de trois semaines en mode ouvert, les patients recevaient aléatoirement pendant quatre semaines un placebo ou la dose de LDX optimisée antérieurement. Le score CGI-S initial permettait de déterminer si le TDAH était modéré ou sévère.

Durant l’étude, le paramètre principal, la latence d’endormissement mesurée à la polysomnographie n’a pas augmenté par rapport à celle du groupe placebo. En outre, les chercheurs n’ont observé aucune différence statistiquement significative entre les groupes quant aux paramètres secondaires, soit la durée d’éveil après l’endormissement et la durée totale du sommeil, également mesurés à la polysomnographie. Les chercheurs ont toutefois observé une diminution statistiquement significative (p<0,0001) du nombre d’éveils après l’endormissement dans le groupe de traitement actif par rapport au groupe placebo. «C’est une surprise», fait valoir le Dr John Giblin, Clinical Study Centers LLC, Little Rock, Arkansas, «mais nous avons démontré que ces enfants bénéficiaient d’un sommeil plus efficace, qu’ils se réveillaient moins souvent la nuit et qu’ils ne demeuraient pas éveillés aussi longtemps au beau milieu de la nuit».

Tentant d’expliquer ce phénomène, le Dr Giblin y allé de l’hypothèse suivante : «Chez les enfants non traités, je pense, un faible bruit de fond est toujours présent et les stimule suffisamment pour les réveiller pendant la nuit, et une fois éveillés, ils demeurent éveillés. Avec [le traitement], par contre, ils accomplissent ce qu’ils ont à faire pendant la journée, ils ont des journées efficaces et ils bénéficient d’une nuit de sommeil efficace». Il importe toutefois de noter que le nombre d’éveils après l’endormissement était au départ considérablement plus élevé dans le groupe LDX que dans le groupe placebo (Figur
et du traitement sur le nombre d’éveils après l’endormissement

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L’actigraphie n’a toutefois révélé aucune variation significative entre les groupes sur les plans de l’efficacité du sommeil, de la durée totale du sommeil ou de la durée d’éveil après l’endormissement. Les impressions subjectives des parents quant aux habitudes de sommeil de leur enfant – qui ont été mesurées à l’aide du questionnaire CSHQ (Child Sleep Habits Questionnaire) – n’ont mis en lumière aucune différence entre les enfants traités et les témoins sous placebo. Bien que 43 effets indésirables aient été signalés pendant l’étude, aucun n’était relié au sommeil et aucun effet grave n’a été rapporté. Les effets indésirables survenant durant le traitement étaient typiques des effets indésirables associés aux amphétamines. Tous les patients ont terminé l’étude.

«Ces enfants se sont tous beaucoup améliorés sous l’effet du traitement, une fois leur dose optimisée», note le Dr Giblin. Des études plus vastes sur le sommeil aideront peut-être à clarifier les effets du LDX sur le sommeil chez les patients atteints d’un TDAH en éliminant certaines anomalies présentes dans les données initiales de cette étude et en permettant d’obtenir des données actigraphiques plus concluantes, le bénéfice statistiquement non significatif associé au LDX dans cette étude laissant présager un effet bénéfique plus marqué sur le sommeil.

Résumé

Les parents se plaignent souvent du fait que l’effet des psychostimulants utilisés dans le traitement du TDAH commence à s’estomper en début de soirée. Des études comparatives avec randomisation, réalisées en conditions contrôlées ou réelles, ont montré que le LDX est associé à un effet d’ampleur substantielle au chapitre de la maîtrise des symptômes du TDAH et qu’il demeure cliniquement efficace pendant 13 heures. En outre, aucune donnée n’a confirmé qu’il exerçait un effet délétère sur la qualité du sommeil.

Nota : Au moment de la mise sous presse, le dimésylate de lisdexamfetamine n’était pas commercialisé au Canada.

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