Comptes rendus

Efficacité et constance des antimuscariniques dans l’hyperactivité vésicale
Prévention de l’AVC en présence de fibrillation auriculaire : l’anticoagulation entre dans une nouvelle ère

Premier énoncé de position de la SCC sur la désaccoutumance au tabac : une démarche systématique factuelle voit le jour

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - Congrès canadien sur la santé cardiovasculaire 2010

Montréal, Québec / 23-27 octobre 2010

Aucune intervention n’est plus efficace que l’arrêt du tabagisme pour diminuer le risque d’événement cardiovasculaire (CV). Que ce soit en prévention primaire ou secondaire, le renoncement au tabac – comparativement à la maîtrise de l’hypertension ou à la normalisation du bilan lipidique – réduit le risque relatif d’événement CV de façon plus marquée, a des effets qui s’observent plus rapidement et confère une protection plus marquée avec le temps. Bien qu’il soit souvent plus difficile d’amener un patient à cesser de fumer que de le traiter pour l’hypercholestérolémie ou l’hypertension, les gains plus appréciables en valent le coup.

Le tabagisme est une dépendance et non une habitude

C’est une mauvaise compréhension du problème de fond, et non un manque de traitements efficaces, qui empêche les médecins d’intervenir de façon systématique et énergique pour aider leurs patients à cesser de fumer, comme ils le font pour traiter d’autres facteurs de risque modifiables. «Nous devons nous enlever de la tête que l’usage du tabac est une simple habitude, c’est un concept dépassé», affirme l’un des coprésidents du comité qui a rédigé l’énoncé de position de la SCC, le Dr Andrew L. Pipe, Institut de cardiologie de l’Université d’Ottawa, Ontario. De nombreux professionnels de la santé, y compris les spécialistes en santé CV, persistent à croire que le tabagisme est un choix et que l’incapacité d’y renoncer procède d’un manque de volonté, souligne-t-il. Le tabagisme est bel et bien une dépendance qui nécessite une intervention active, généralement dans le cadre d’une démarche qui comprend un traitement médicamenteux.

Données à l’appui de la pharmacothérapie

L’importance critique que revêt un traitement systématique – démontrée noir sur blanc – est au cœur du nouvel énoncé de position de la SCC. Certes, le traitement médicamenteux ne peut pas être prescrit isolément, mais la SCC énumère tout de même trois aides antitabagiques d’efficacité éprouvée : la varénicline, les substituts nicotiniques et le bupropion. Dans sa présentation, le Dr Pipe a cité une méta-analyse d’essais avec randomisation réalisée sous la direction du Dr Mark J. Eisenberg, Division de cardiologie, Université McGill, Montréal, Québec, coprésident du comité qui a rédigé l’énoncé de position de la SCC. Publiée dans le Journal de l’Association médicale canadienne en 2008 (Eisenberg et al. JAMC 2008;179:135-44), cette méta-analyse portait sur 69 essais comparatifs qui regroupaient en tout 32 908 sujets. La probabilité relative (OR) de succès par rapport au placebo était de 2,41 pour la varénicline, de 2,07 pour le bupropion et de 2,06 pour le comprimé de nicotine, les trois aides antitabagiques les plus efficaces.

Une analyse hiérarchique a objectivé la «supériorité» de la varénicline par rapport aux autres pharmacothérapies. Cela dit, préviennent le Dr Eisenberg et ses co-investigateurs, on ne peut pas considérer que ce type d’analyse fasse autorité. Néanmoins, dans le cadre des trois essais où l’on a comparé directement la varénicline au bupropion, qui vient au deuxième rang en termes d’efficacité, la probabilité relative (OR) de succès associée à la varénicline par rapport au bupropion se chiffrait à 2,18 (IC à 95 % : 1,09-4,08).

À en juger par de nouvelles données présentées au congrès, les aides antitabagiques ne sont pas forcément interchangeables. Dans une étude pilote présentée par le Dr Pipe, 50 patients hospitalisés pour un syndrome coronarien aigu ou devant subir une intervention coronarienne percutanée ou un pontage aortocoronarien ont été randomisés de façon à recevoir de la varénicline ou un timbre transdermique de nicotine. À ces deux traitements se greffait l’aide psychologique périodique d’une infirmière avant et après la sortie de l’hôpital.

Le pourcentage de patients ayant atteint le paramètre principal de l’étude (abstinence à la 12e semaine) s’élevait à 45 % dans le groupe varénicline et à 31,6 % dans le groupe timbre transdermique. La probabilité relative (OR) de succès en faveur de la varénicline n’a pas atteint le seuil de significativité statistique (1,77; p=0,39), indique le Dr Pipe, mais il reste qu’une différence significative serait difficile à obtenir dans une si petite étude. Il estime que ces résultats sont encourageants.

«Nous considérons que ces résultats représentent une différence cliniquement significative très importante en faveur de la varénicline», poursuit le Dr Pipe. Le bénéfice associé au traitement chez les coronariens hospitalisés «est compatible avec le bénéfice observé chez les coronariens stables». Une étude dont l’effectif est relativement petit et dont le suivi n’est pas très long a ses limites, souligne-t-il, mais «l’arrêt du tabagisme après 12 semaines de pharmacothérapie chez 45 % de nos patients cardiaques est un résultat très significatif».

Taux croissant de réussite avec le temps

Comme l’ont montré cette étude et d’autres études, la varénicline – comparativement à d’autres aides antitabagiques – semble associée à un plus grand bénéfice cumulatif au fil du temps, explique le Dr Pipe. En effet, alors que la majorité des patients sous traitement substitutif ou sous bupropion cessent de fumer immédiatement ou n’y arrivent pas du tout, la proportion de patients sous varénicline qui cessent de fumer augmente avec le temps si bien que le taux de succès continue de grimper après au moins 2 mois de traitement.

On ignore si ce taux croissant de réussite est attribuable au mode d’action de la varénicline, agoniste partiel du récepteur nicotinique a4ß2 de l’acétylcholine qui pourrait conférer une suppression plus durable du besoin impérieux de nicotine, mais il confirme l’hypothèse voulant que la dépendance au tabac se traite.

L’importance d’une démarche systématique

Malgré les traitements médicamenteux relativement efficaces à notre disposition, nous devons reconnaître qu’il ne suffit pas de rédiger une ordonnance pour venir à bout de la dépendance au tabac. La nature insidieuse de l’accoutumance exige une approche plus globale et, selon toutes probabilités, une certaine forme de prise en charge comportementale.

La nécessité de conseils et d’une modification du comportement pourrait expliquer en partie qu’un grand nombre de médecins ne soient pas enclins à prescrire des aides antitabagiques. Les six recommandations clés de l’énoncé de position sont conçues pour favoriser une démarche systématique. Le médecin n’a pas à porter seul le fardeau de la prise en charge jusqu’à la réussite, mais il lui incombe de reconnaître les fumeurs, de les diriger vers un centre antitabac et de les suivre jusqu’à ce qu’ils aient réussi à renoncer au tabac.

Dans sa description de l’énoncé de position de la SCC, le Dr Pipe a expliqué que la première recommandation était une approche systématique ciblant tous les fumeurs, peu importe le contexte de soins. À cette première recommandation pour une démarche systématique et méthodique se greffent cinq recommandations dont trois portent sur la prise en charge. D’abord, lors d’un bilan de santé standard, le médecin doit demander au patient s’il fume et consigner cette information dans le dossier. Ensuite, il doit pouvoir prodiguer au patient, sans ambiguïté et sans préjugé, des conseils clairs et concis quant aux aides antitabagiques à sa disposition. Enfin, le médecin doit se familiariser avec les pharmacothérapies qui aident le fumeur à renoncer au tabac. Les deux dernières recommandations de la SCC traitent de l’importance du leadership et de la formation des médecins en matière de désaccoutumance au tabac et de la nécessité de préconiser des politiques de santé publique visant à limiter l’usage des produits du tabac.

L’étude INTERHEART revisitée

Les retombées bénéfiques du renoncement au tabac sont bien définies, non seulement pour la prévention des maladies CV, mais aussi pour celle d’autres risques pour la santé, principalement le cancer. Au chapitre des maladies CV, l’étude INTERHEART a associé des antécédents de tabagisme à une OR d’événement CV de 2,87 comparativement à l’absence de tels antécédents, ce qui est de loin supérieur à la probabilité d’événement CV associée à des antécédents d’hypertension (OR : 1,91) (Yusuf et al. Lancet 2004;364:937-52). Si le fumeur est exposé à un risque plus élevé d’événement CV que l’ex-fumeur, la différence entre l’ex-fumeur et celui qui n’a jamais fumé s’estompe avec le temps. Le lien dose-effet est énorme. Dans le cadre d’une étude, le risque d’événement était multiplié par 2 chez les sujets qui fumaient au plus 6 cigarettes par jour et par 8 chez ceux qui fumaient 2 paquets par jour.

Le Dr Pipe s’est dit consterné que la SCC n’ait jamais publié d’énoncé de position sur l’usage du tabac, mais, concède-t-il, toute la recherche réalisée au cours des dernières années lui a permis de bien étoffer son énoncé de position. En particulier, la SCC recommande des traitements dont l’utilité a été démontrée. Une pharmacothérapie doit être offerte aux patients qui semblent décidés à renoncer au tabac, mais cette dernière doit s’inscrire dans une stratégie ayant pour objectif de les aider à combattre une sérieuse dépendance.

Résumé

Dans le premier énoncé de position qu’elle vient de publier sur la désaccoutumance au tabac, la SCC souligne que le tabagisme est une dépendance et non une simple habitude. Pour réussir à cesser de fumer, la majorité des fumeurs ont besoin d’aide, généralement un traitement médicamenteux. Les spécialistes et les médecins de premier recours devraient souscrire à une démarche systématique qui comporte à la fois une évaluation de l’usage du tabac chez chaque patient et un programme de traitement pour tous ceux qui continuent de fumer. La pertinence d’une intervention a été démontrée, et la réduction du risque associée à la désaccoutumance au tabac est probablement plus marquée que la réduction associée au traitement de n’importe quel autre facteur de risque modifiable.

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