Comptes rendus

Myélome multiple : de plus en plus, on mise sur le traitement d’entretien pour prolonger la survie

Prise en charge des maladies inflammatoires de l’intestin : on se rapproche du but

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRIORITY PRESS - 19e Semaine européenne de gastroentérologie (UEGW)

Stockholm, Suède / 22-26 octobre 2011

Stockholm - Les discussions sur le traitement des maladies inflammatoires de l’intestin par les inhibiteurs du facteur de nécrose tumorale alpha (anti-TNFα) ont mis à l’avant-plan les résultats d’essais cliniques à long terme et d’études en conditions réelles telles que les études de registre et d’observation. Ces données devraient contribuer à guider la prise en charge vers son but ultime : l’obtention d’une rémission profonde alliant rémission clinique et cicatrisation de la muqueuse. Le patient pourrait aussi constater des retombées tangibles comme le soulagement rapide des symptômes, une efficacité soutenue, la prévention des hospitalisations et une qualité de vie normale. Il faudra peut-être intervenir plus tôt, optimiser promptement le traitement par les agents traditionnels ou un premier anti-TNFα et individualiser la prise en charge. Reste la question de la conduite à tenir en cas d’échec des agents traditionnels et des anti-TNF actuels. D’autres options pourraient être envisagées, si l’on en croit les données présentées au congrès.

Rédactrice médicale en chef : Dre Léna Coïc, Montréal, Québec

Au cours des 10 dernières années, l’émergence d’agents biologiques ciblant le facteur de nécrose tumorale alpha (TNFa) – une cytokine pro-inflammatoire de la cascade inflammatoire − a révolutionné le traitement des maladies inflammatoires de l’intestin (MII). On a montré l’efficacité de trois anti-TNF – l’infliximab, l’adalimumab et le certolizumab pegol – dans le traitement de la maladie de Crohn (MC). Pour la colite ulcéreuse (CU), seuls les deux premiers ont fait leurs preuves.

Nouveaux résultats d’essais cliniques

Le Dr Brian G. Feagan, Robarts Research Institute, University of Western Ontario, London, a entretenu les congressistes de la première étude à associer le traitement par un anti-TNF à une réduction du risque d’hospitalisation toutes causes confondues dans la CU modérée ou sévère. L’étude était fondée sur un examen à l’insu des rapports d’effets indésirables pour les patients des essais ULTRA 1 (M06-826) et ULTRA 2 (M06-827), les deux comparant l’adalimumab à un placebo chez des sujets réfractaires ou intolérants aux corticostéroïdes et/ou aux immunosuppresseurs. L’analyse des données regroupées (N=939) a révélé que l’adalimumab avait réduit significativement de 32 % le taux d’hospitalisation toutes causes confondues par rapport au placebo (p=0,015). De même, le nombre d’hospitalisations liées à la CU était significativement réduit de 48 % (p=0,001). Quant au taux de colectomie, il était 22 % moins élevé que chez les témoins.

Selon une sous-analyse de l’essai UC SUCCESS, présentée par le Dr Subrata Ghosh, University of Calgary, Alberta, les patients atteints de CU modérée ou sévère recevant l’infliximab (5 mg/kg) associé à l’azathioprine (2,5 mg/kg) ou en monothérapie étaient plus susceptibles de parvenir à une cicatrisation de la muqueuse sans corticothérapie à 16 semaines que les patients sous azathioprine seule. Au chapitre de la cicatrisation complète de la muqueuse, l’association était significativement plus efficace que la monothérapie par l’un ou l’autre agent (30 % vs 12 % ou 13 %, respectivement; p<0,05), indique le Dr Ghosh.

Efficacité à long terme des anti-TNF

Dans la CU modérée ou sévère, il pourrait être nécessaire d’intensifier la dose d’adalimumab pour maintenir l’efficacité à long terme, selon une étude présentée par le Dr Marc Ferrante, Hôpital universitaire de Louvain, Belgique. Le Dr Ferrante et ses collègues ont étudié les dossiers de 50 patients traités à l’hôpital entre 2005 et 2010. «Il s’agissait de cas très réfractaires n’ayant pas répondu à l’infliximab», précise-t-il. Tous ont reçu un traitement d’induction par 160/80 mg d’adalimumab, suivis de 40 mg toutes les 2 semaines. 

Après un suivi médian de 23 mois, 26 patients (52 %) présentaient une réponse clinique durable et 6 (12 %) n’avaient pas eu de rechute. «On a dû intensifier la dose chez une forte proportion de patients, mais la majorité en ont clairement bénéficié», rapporte le Dr Ferrante. Bien que l’on ait augmenté la dose chez 76 % des patients, ce qui s’est traduit par une augmentation significative des concentrations sériques d’adalimumab, on a pu commencer à la diminuer chez 55 % d’entre eux après une médiane de 16 semaines. Le taux de colectomie s’est chiffré à 20 %. L’atteinte rapide d’une réponse clinique et la réponse à l’intensification de la dose étaient corrélées avec la survie sans colectomie (p=0,030 et p<0,001). Les concentrations sériques d’adalimumab n’étaient par ailleurs pas prédictives de l’efficacité à long terme, précise le Dr Ferrante. 

Le Pr Curt Tysk, Hôpital universitaire d’Örebro, Suède, a fait état du bénéfice à long terme associé à l’utilisation de l’infliximab comme traitement de secours efficace dans les poussées modérées ou sévères de la CU réfractaire aux corticostéroïdes. Chez 212 patients hospitalisés entre 1999 et 2010 ne répondant pas à la corticothérapie intraveineuse (i.v.) et ayant reçu de l’infliximab à raison de 5 mg/kg en traitement de secours, le taux de survie sans colectomie était de 70 % à 3 mois et de 63 % à 12 mois. Comme six décès sont survenus pendant le suivi, dont trois pouvaient être liés au traitement de secours, le Pr Tysk a qualifié le risque de complications sérieuses de «faible mais non négligeable». 

Études en conditions réelles

«Dans les MII, il y a un écart considérable entre la pratique et les essais cliniques, c’est pourquoi il importe de ne pas négliger, à côté des essais cliniques, les études de cohortes, d’observation et de registre menées en conditions réelles», souligne le Dr Geert D’Haens, Centre médical universitaire, Université d’Amsterdam, Pays-Bas. Ce dernier a présenté les résultats à 3 ans du registre PYRAMID, une étude d’observation continue de 6 ans sur l’innocuité de l’adalimumab amorcée en 2007 dans 24 pays (421 centres). Sur les 5080 participants initiaux, 52 % avaient déjà reçu un anti-TNF, principalement l’infliximab. 

En date du 1er décembre 2010, il restait 3866 participants (76,1 %). L’adalimumab continuait d’être bien toléré. De la 2e à la 3e année, les taux d’effets indésirables d’intérêt ont été faibles et stables et l’on n’a pas observé de nouveaux faits cliniques préoccupants ou problèmes d’innocuité. Les taux d’infections graves étaient plus faibles chez les patients sous monothérapie (4,1 %) que chez ceux qui recevaient en outre un immunosuppresseur avec (7,0 %) ou sans corticostéroïde (6,0 %). «Sur la foi de ces résultats et de ceux du registre ENCORE sur l’infliximab, il se confirme que la polythérapie expose à un risque d’infection grave significativement accru», avertit le Pr D’Haens.

La Dre Charlotte P. Peters, Centre médical universitaire, Université d’Amsterdam, a rapporté l’expérience du traitement de la MC avec l’adalimumab dans des conditions de pratique réelles depuis sa commercialisation aux Pays-Bas, en 2003. Ses collègues et elle ont examiné les dossiers médicaux d’une cohorte prospective de 438 patients atteints de MC provenant de 18 hôpitaux; 61,6 % étaient réfractaires ou intolérants à l’infliximab.

À 1 an, il restait 267 participants dont 83,3 % avaient une réponse soutenue, après quoi on a observé une perte de réponse de 10 % chaque année. Ce taux de réponse était plus élevé que dans la plupart des essais pivots, note la Dre Peters. La présence de sténoses avant l’instauration du traitement par l’adalimumab était associée à l’échec de l’induction de la rémission (risque relatif approché [odds ratio] de 2,2; IC à 95 %, 1,0-4,1; p=0,02). On n’a pas relevé de facteurs liés au patient ou à la maladie qui seraient associés à une réponse soutenue. Le fait d’avoir déjà reçu de l’infliximab n’a pas influé sur la courbe d’efficacité de l’adalimumab. «Cette étude montre qu’un échec avec l’infliximab ne doit pas nécessairement faire exclure l’adalimumab», conclut la Dre Peters.

Quel recours reste-t-il quand les anti-TNF échouent?

L’anticorps monoclonal (AcM) humain dirigé contre les interleukines 12/23, tel l’ustekinumab, pourrait être une option. Ce dernier est déjà commercialisé pour le traitement du psoriasis et, selon les données de l’essai CERTIFI, il s’est montré efficace dans la MC modérée ou sévère chez des patients réfractaires ou intolérants à ≥1 anti-TNF. Lors de cet essai comparatif avec placebo de phase IIB, 526 patients ont été randomisés en vue de recevoir l’ustekinumab par voie i.v. à raison de 1, 3 ou 6 mg/kg ou un placebo, précise le Dr Feagan. À 6 semaines, 35,8 % des patients sous ustekinumab (toutes les doses) satisfaisaient au critère de réponse clinique (baisse du score CDAI initial de ≥100 points) contre 17,4 % pour le placebo (p<0,001). Lorsqu’on tenait compte de la dose, l’écart par rapport au placebo pour les taux de rémission clinique à 6 et à 8 semaines avoisinait le seuil de significativité statistique. Après une nouvelle randomisation des répondeurs initiaux dans un groupe ustekinumab à 90 mg et un groupe placebo, 69,4 % des patients sous traitement actif et 42,5 % des témoins (p<0,001) satisfaisaient toujours au critère de réponse clinique à 22 semaines. L’anti-IL 12/23 fait actuellement l’objet d’études de phase III sur le traitement de la MC modérée ou sévère chez des patients réfractaires aux agents traditionnels ou aux anti-TNF.

Objectifs futurs de la prise en charge

L’approche thérapeutique des MII est en train de changer pour viser au-delà de la suppression des symptômes cliniques, souligne le Pr Jean-Frédéric Colombel, Centre Hospitalier Universitaire de Lille, France, qui évoque la similitude avec d’autres maladies chroniques comme l’hypertension, l’hyperlipidémie, le diabète et la polyarthrite rhumatoïde. «Nombre de concepts empruntés à d’autres affections chroniques peuvent être transposés à la MC», enchaîne-t-il. Par exemple, celui de «traitement axé sur les cibles» et de «maîtrise serrée» de la maladie en vue d’enrayer sa progression. Dans la MC, la cible pourrait être la rémission profonde. «Lors de l’essai EXTEND, l’obtention d’une rémission profonde, définie comme une rémission clinique (score CDAI <150) et une cicatrisation complète de la muqueuse, était associée à une diminution des hospitalisations et des coûts de santé ainsi qu’à une amélioration de la qualité de vie après 1 an», note le PrColombel. Des essais cliniques sur ce concept sont en cours, dont l’étude internationale CALM qui vise à déterminer si l’ajustement du traitement en fonction de mesures plus strictes de l’activité de la maladie peut améliorer la cicatrisation de la muqueuse dans la MC modérée ou sévère.

«L’objectif ultime de rémission profonde vaut sans doute également pour la CU», indique le Pr D’Haens. Rémission qui pourrait aussi englober la cicatrisation histologique et la rémission biologique, conclut-il.















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