Comptes rendus

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Prise en charge du sca axée sur l’inhibition de l’agrégation plaquettaire : De meilleurs résultats à l’horizon

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

Société européenne de cardiologie de 2008

Munich, Allemagne / 30 août-3 septembre 2008

Compte rendu de :

Jean-François Tanguay, MD, FRCPC

Professeur agrégé de médecine, Division de médecine, Université de Montréal, Montréal (Québec)

La formation d’un thrombus étant le noeud du syndrome coronarien aigu (SCA), le traitement invasif précoce et le traitement de prévention secondaire doivent tous les deux cibler l’agrégation plaquettaire, facteur pathogène clé, dans le continuum de la prise en charge du SCA. Lors d’un symposium qui s’est tenu durant le congrès, le Dr Michael Böhm, professeur titulaire et directeur, département de médecine interne et de cardiologie, Université de la Sarre, Homburg/Sarre, Allemagne, a rappelé à l’auditoire qu’il est recommandé d’administrer de l’AAS à raison de 160 à 325 mg comme dose d’attaque, puis de 75 à 150 mg comme dose d’entretien, dans tous les cas d’infarctus du myocarde (IM) sans sus-décalage du segment ST (ST-) pour autant que le patient ne présente aucune contre-indication. Cette stratégie réduit le risque d’événement thrombotique récidivant d’environ 50 %, selon les plus récentes recommandations européennes.

Dans les mêmes recommandations, on préconise aussi d’administrer du clopidogrel à une dose d’attaque de 300 mg, puis à une dose d’entretien de 75 mg, et de poursuivre le traitement pendant 12 mois après l’événement de référence. Cette recommandation repose sur les résultats concluants de plusieurs études, principalement l’essai CURE (Clopidogrel in Unstable Angina to Prevent Recurrent Events), lors duquel l’ajout de l’antithrombotique à l’AAS s’est traduit par une réduction de 20 % du risque relatif d’événement ischémique récidivant.

Il en va de même pour les patients qui subissent une intervention coronarienne percutanée (ICP). Les antagonistes des récepteurs de l’ADP sont également recommandés lorsqu’on opte pour la fibrinolyse chez un patient en proie à un IM avec sus-décalage du segment ST (ST+). Selon les nouvelles recommandations, une dose d’attaque de 600 mg pourrait aussi être utilisée dans les cas où l’on envisage une ICP, car cette dose pourrait inhiber la fonction plaquettaire plus rapidement. Par mesure de précaution, on recommande toutefois de reporter la réalisation d’un pontage aorto-coronarien de cinq jours s’il est cliniquement possible de le faire chez les patients qui ont déjà reçu un antiplaquettaire, mais chez qui cette intervention est néanmoins nécessaire, affirme le Dr Böhm.

Lors de la même séance, le Dr Shamir Mehta, professeur agrégé de médecine, McMaster University, Hamilton, Ontario, a rappelé aux congressistes que 80 % des événements ischémiques faisant suite à un SCA surviennent dans un délai d’une semaine après l’ICP. «Si vous décidez de prescrire un traitement antiplaquettaire énergique, aussi bien le faire lorsque le risque d’événement ischémique est maximal, c’est-à-dire la première semaine», fait-il valoir. L’essai CURE a montré en effet que le bénéfice associé à l’ajout de la thiénopyridine à l’AAS était évident à peine deux heures suivant l’administration du traitement, «ce qui plaide fortement en faveur de l’administration précoce du clopidogrel aux urgences», insiste le Dr Mehta.

Les patients qui ne subissent pas d’ICP forment un autre groupe important de patients pouvant bénéficier de l’action antiplaquettaire protectrice du clopidogrel. Il est ressorti d’une étude de Fox et al. que son utilisation chez les patients ne subissant pas d’ICP s’était traduite par une diminution de 20 % du risque relatif d’événement au sein d’une cohorte sous traitement médicamenteux (Circulation 2004; 110:1202-8). «Même chez les patients opérés pour des pontages aorto-coronariens, le clopidogrel est associé à un bénéfice constant, poursuit le Dr Mehta, et si le traitement est amorcé sans délai, tous les groupes de patients peuvent en bénéficier.»

REGISTRE GRACE

Tant dans les recommandations nord-américaines que dans les recommandations européennes, on souligne l’importance d’évaluer le risque chez les patients en proie à un IM, avec ou sans sus-décalage du segment ST, rappelle le Pr Keith Fox, professeur titulaire de cardiologie, University of Edinburgh, Royaume-Uni. Selon le registre GRACE (Global Registry of Acute Coronary Events), le risque de mortalité était 10 à 40 fois plus élevé chez les patients les plus à risque d’une issue défavorable que chez les patients les moins à risque, «de telle sorte que l’ECG et le dosage de la troponine sont insuffisants pour l’évaluation du risque», précise le Pr Fox.

Il est plutôt paradoxal de constater que les patients très vulnérables semblent recevoir des traitements interventionnels moins énergiques, les antithrombotiques y compris, que les patients exposés à un risque moindre, enchaîne-t-il. Par exemple, toujours selon le registre GRACE, l’utilisation d’un inhibiteur de la glycoprotéine IIb/IIIa est moins probable en présence d’un IM ST- chez les patients du tertile supérieur. «On observe exactement le même phénomène en Amérique du Nord et dans le reste du monde, explique le Dr Fox, et exactement le même phénomène chez les victimes d’un IM ST+. C’est donc dire que la crainte des complications est répandue à l’échelle mondiale, surtout quand on procède à une ICP.»

À la fois lors de cette séance et d’une séance de communications par affiche sur les antithrombotiques, le Dr Fox a fait remarquer que la hausse des taux de stratégies interventionnelles et d’utilisation d’antithrombotiques s’accompagnaient d’une baisse des taux de mortalité et d’IM récidivants chez les patients en proie à un IM ST+, ces derniers taux étant passés d’environ 9 % à 6 %. «Il est aussi très rassurant de constater que les hémorragies majeures et les AVC hémorragiques diminuent avec le temps», ajoute-t-il. De même, on observe une «baisse très marquée» des nouveaux cas d’insuffisance cardiaque après un IM ST+, le pourcentage étant passé d’environ 20 % à 10 %. La situation est très semblable chez les victimes d’un IM ST-, car la diminution de l’incidence de l’insuffisance cardiaque est remarquable, souligne-t-il. En revanche, il ressort des données du registre GRACE que, même si les taux d’hémorragies majeures diminuent, le risque de mortalité est multiplié par un facteur de trois à quatre et le risque d’IM récidivant, par un facteur de deux et demi à trois, lorsqu’une hémorragie majeure survient.

Durant la même séance de communications par affiche, les investigateurs de l’essai OASIS-5 ont présenté une analyse par sous-groupes du rapport bénéfice:risque associé à l’administration du fondaparinux (2,5 mg une fois par jour), par comparaison à l’administration de l’énoxaparine (1 mg/kg deux fois par jour), chez des patients européens ayant subi un IM ST-. À neuf jours, l’incidence du paramètre principal d’évaluation de l’efficacité – qui regroupait la mortalité, l’IM et l’IM récidivant – était semblable dans les deux groupes, soit environ 6 %, qu’une ICP ait été pratiquée ou non.

À 30 jours, en revanche, le fondaparinux a été associé à une réduction significative de 20 % du risque relatif de décès par comparaison à l’énoxaparine, et à 180 jours, à une réduction de 14 %. Le taux d’hémorragies majeures était aussi significativement plus faible : 1,9 % chez les sujets sous fondaparinux vs 4,3 % chez les sujets sous énoxaparine (p<0,001); et ce bénéfice se maintenait à 180 jours, qu’on ait pratiqué ou non une ICP. Ainsi, concluent les chercheurs, le fondaparinux a été associé à une amélioration significative du bénéfice clinique net qui s’est maintenue jusqu’à six mois chez les sujets d’OASIS-5 ayant subi un IM ST-.

TEST RÉALISÉ AU CHEVET DU PATIENT

Comme l’ont souligné plusieurs conférenciers, il serait évidemment prématuré d’utiliser des marqueurs cliniques de l’inhibition de l’agrégation plaquettaire pour guider les décisions cliniques, mais les chercheurs s’emploient activement à mettre au point un test réalisable au chevet du patient qui pourrait indiquer si celui-ci répond au traitement par une thiénopyridine. Comme ils l’ont expliqué lors de plusieurs communications par affiche avec modérateur sur les stratégies antiplaquettaires, le Dr Chris Varenhorst, résident en cardiologie, Centre de recherche clinique d’Uppsala, Suède, et ses collaborateurs ont comparé la fonction plaquettaire mesurée à l’aide du dispositif VerifyNow P2Y<sub>12</sub> au chevet du patient avec la fonction du récepteur P2Y<sub>12</sub> mesurée soit par phosphorylation de la VASP, soit par agrégométrie (variation de la transmission lumineuse) chez des patients souffrant d’une maladie coronarienne stable et déjà sous AAS.

Les patients ont reçu soit 600 mg de clopidogrel, soit 60 mg de prasugrel, puis la dose d’entretien standard de chaque agent. L’agrégation plaquettaire – qui était mesurée ex vivo dans du plasma riche en plaquettes après l’ajout d’ADP – était exprimée par deux valeurs : agrégation plaquettaire maximale et résiduelle. Les résultats ont montré que la variation de la fonction plaquettaire mesurée à l’aide du dispositif VerifyNow P2Y<sub>12</sub> au chevet du patient était semblable à la variation observée avec les deux autres tests, tant après la dose d’attaque qu’après la dose d’entretien de chacun des deux thiénopyridines.

Le nouveau dispositif s’est aussi avéré très exact lorsqu’il a servi à mesurer les taux sous-maximaux d’inhibition plaquettaire; par contre, la concordance entre les trois tests était moins marquée lorsque les taux d’inhibition plaquettaire étaient très élevés. Les chercheurs ont conclu que le nouveau test «semble être un outil pratique que l’on peut utiliser au chevet du patient pour évaluer les effets [d’une thiénopyridine] chez les patients atteints de la maladie coronarienne, tant après la dose d’attaque que pendant le traitement d’entretien».

Lors de la même communication par affiche avec modérateur, il a aussi été question de la réactivité plaquettaire évaluée à l’aide du dispositif VerifyNow chez 160 patients qui avaient reçu l’antagoniste des récepteurs de l’ADP avant de subir une ICP. «Le paramètre principal était la survenue, dans les 30 jours, d’événements cardiaques majeurs en fonction de la distribution en quartiles des unités de réactivité de P2Y<sub>12</sub> [PRU]», soulignent les chercheurs. Comme le rapportent Patti et al., le paramètre principal a été atteint chez un pourcentage significativement plus élevé de patients dont le taux préopératoire de PRU était situé dans le quatrième quartile (20 %) que de patients dont le taux était situé dans le quartile inférieur (3 %) (p=0,034). «Cet écart tient exclusivement aux IM péri-opératoires, car les taux absolus moyens de PRU étaient plus élevés chez les patients ayant eu un IM péri-opératoire que chez ceux n’en ayant pas eu [258 vs 219, p=0,030], ajoutent les auteurs. L’utilisation d’un test rapide au chevet du patient pour surveiller la réactivité plaquettaire résiduelle après l’administration du clopidogrel pourrait aider à repérer les patients chez qui une stratégie antiplaquettaire plus énergique serait indiquée avec l’intervention coronarienne», concluent-ils.

La variabilité de la réponse, même à la dose d’attaque de 600 mg de l’antagoniste des récepteurs de l’ADP, peut avoir d’importantes conséquences cliniques, comme l’ont montré les auteurs d’une autre étude. Le Dr Zenon Huczek, École de médecine de Varsovie, Pologne, et ses collaborateurs ont tenté de déterminer si des taux élevés de réactivité plaquettaire après l’administration de 600 mg de clopidogrel étaient associés à un pronostic plus sombre chez des patients en proie à un IM ST+ qui subissaient une ICP avec pose de tuteur en première intention.

À l’aide du même dispositif VerifyNow évalué par les autres chercheurs qui participaient à la même séance de communications par affiche avec modérateur, le groupe de Varsovie a mesuré la réactivité plaquettaire six heures après l’administration du traitement chez 103 patients. «Le paramètre principal de l’étude était l’incidence cumulative des décès d’origine cardiovasculaire, des IM non mortels et des interventions urgentes de revascularisation de la lésion cible à 30 jours», indiquent les auteurs.

Le taux moyen de PRU après l’administration d’une dose d’attaque de 600 mg se chiffrait à 206. Après stratification des taux en quartiles, les patients du quatrième quartile – dont le taux de PRU était <u>></u>289, dénotant la réactivité plaquettaire la plus marquée – étaient ceux chez qui l’incidence cumulative d’événements du paramètre principal était la plus élevée (28 %), celle-ci n’ayant été que de 7,7 % dans les trois quartiles inférieurs (p=0,042). Ainsi, concluent les investigateurs, «les patients en proie à un IM ST+ qui présentent le taux le plus faible de récepteurs P2Y<sub>12</sub> bloqués selon le test réalisé au chevet du patient sont exposés à un risque accru d’issue défavorable à court terme».

Le Dr Jean-Philippe Collet, Hôpital universitaire de la Pitié-Salpêtrière, Paris, France, souligne que les doses d’attaque élevées de la thiénopyridine ont surtout été étudiées chez des patients qui n’avaient jamais reçu d’agent de cette classe. Pourtant, ajoute-t-il, «un nombre croissant de patients reçoivent un traitement chronique par le clopidogrel après une intervention coronarienne ou après un épisode coronarien instable». Bref, on ignorait si les patients recevant déjà un traitement antiplaquettaire et hospitalisés de nouveau pour un SCA ou une ICP pouvaient bénéficier d’une nouvelle dose d’attaque, et on ignorait quelle était la nouvelle dose d’attaque optimale.

On a donc conçu l’essai RELOAD (Reload with Clopidogrel Before Coronary Angioplasty in Subjects Treated Long Term with Dual Antiplatelet Therapy) pour évaluer les retombées de trois stratégies de traitement par le clopidogrel chez des patients recevant déjà une dose d’entretien de 75 mg. Lors de cette étude, les chercheurs ont attribué à 166 patients consécutifs une première dose d’attaque de 300 mg, de 600 mg ou de 900 mg. Quatre heures plus tard, une deuxième dose d’attaque de 600 mg, de 300 mg ou de 0 mg a été administrée, respectivement, de sorte que tous les sujets ont reçu 900 mg au total. Les patients recevaient ensuite la dose d’entretien standard en plus de l’AAS.

Les résultats ont objectivé une inhibition plus marquée de l’agrégation plaquettaire sous l’effet d’une nouvelle dose d’attaque de 900 mg chez les patients qui recevaient déjà un traitement antiplaquettaire d’entretien. La dose d’attaque de 900 mg a aussi amélioré la réponse au traitement de façon significativement plus marquée qu’une dose d’attaque de 300 mg ou de 600 mg.

«Nos résultats plaident en faveur de l’administration d’une dose d’attaque élevée de 900 mg de clopidogrel chez les patients subissant une ICP, que ceux-ci reçoivent déjà un traitement chronique ou non, concluent les auteurs de l’étude. Il s’agit là d’une nouvelle donnée pratique dont on devrait tenir compte chez les patients ayant besoin d’être réopérés.»

Cette publication découle des séances suivantes du congrès de la Société européenne de cardiologie qui a eu lieu à Munich, en Allemagne, du 30 août au 3 septembre 2008.

• Séance de communications par affiche avec modérateur. Lundi 1er septembre, de 15 h 30 à 16 h 30. Présidents : Drs Kristian Thygesen et Dan Tzivoni. • Séance satellite : «Antiplatelet Therapy: When the Experience Meets the Evidence». Mardi 2 septembre, de 16 h à 17 h 30. Président : Dr Salim Yusuf. • Séance satellite : «Antiplatelet Therapy for ACS Treated with Percutaneous Coronary Intervention: New Developments». Lundi 1er septembre, de 18 h 30 à 20 h. Président : Dr José Luiz López-Sendón.

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