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Prévention du cancer de la prostate et santé de la prostate : nouvelles retombées de l’étude PCPT

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

102e Assemblée annuelle de l’American Urological Association

Anaheim, Californie / 19-24 mai 2007

L’étude PCPT (Prostate Cancer Prevention Trial) regroupait près de 19 000 hommes de 55 ans et plus ayant un taux d’antigène spécifique de la prostate (PSA) £3 ng/mL. Après randomisation, les patients ont reçu du finastéride – un inhibiteur de la 5-alpha réductase (I5AR) – à raison de 5 mg par jour ou un placebo et ont fait l’objet d’un suivi d’une durée maximale de sept ans comportant des évaluations régulières par dosage du PSA et toucher rectal. L’étude a pris fin 15 mois plus tôt que prévu lorsqu’une analyse partielle préalablement fixée a mis en évidence une réduction statistiquement significative de l’incidence du cancer de la prostate dans le groupe finastéride, laquelle s’établissait à 18,4 % vs 24,4 % dans le groupe placebo (p<0,001).

Toutefois, les résultats de l’étude PCPT ont également documenté un nombre statistiquement supérieur de cancers à forte malignité (score de Gleason entre 7 et 10) dans le groupe finastéride. À cet égard, les données de diverses sources ont aiguillé sur deux hypothèses : il s’agit d’un artéfact résultant d’une erreur d’échantillonnage à la biopsie, ou encore d’une amélioration attribuable au finastéride des caractéristiques d’efficacité du dosage du PSA pour la détection du cancer de la prostate. «Nous savons que le finastéride accroît la sensibilité du dosage du PSA et du toucher rectal pour détecter le cancer de la prostate, et également qu’il améliore la détection à la biopsie des cancers à forte malignité», affirme le Dr Ian M. Thompson, chef de l’urologie, University of Texas Health Science Center, San Antonio (UTHSA), et investigateur principal de l’étude PCPT. Ses assertions sont étayées par deux articles basés sur les données de l’étude PCPT (Thompson et al. J Natl Cancer Inst 2006;98[16]:1128-33; Thompson et al. J Urol 2007; 177[5]:1749-52).

Volume de la prostate et biopsie

Lors de l’étude PCPT, le traitement par le finastéride a engendré une réduction significative du volume de la prostate et, ce faisant, a amélioré la capacité de détection et de classement de la malignité du cancer à la biopsie. En présence d’un cancer à forte malignité, une prostate de petit volume augmente la probabilité de détection et l’exactitude de la stadification, note le Dr Thompson. De fait, 70 % des cancers à forte malignité ont été détectés à la biopsie dans le groupe sous traitement actif contre 50 % dans le groupe placebo (p=0,01). Une étude canadienne récente a conforté ces conclusions en démontrant que le risque de ne pas détecter un cancer de la prostate à forte malignité sur les biopsies augmente en fonction du volume de la prostate (Kulkarni et al. J Urol 2006;175[2]:505-9).

«Cette observation nous amène à conclure qu’il semble exister une différence de détection des cancers à forte malignité chez les sujets traités par le finastéride, fort probablement attribuable à un meilleur échantillonnage de la glande en raison de son plus petit volume», explique le Dr Thompson.

Une étude publiée dans le numéro de juin du Journal of Urology citée par le Dr Thompson révèle que le finastéride semble en outre réduire l’incidence des néoplasies prostatiques intra-épithéliales à forte malignité, avec ou sans cancer concomitant. Comme ce dernier le fait observer, une incidence plus faible de ces lésions signifie moins de biopsies.

Le Dr Thompson a passé en revue d’autres résultats qui blanchissent le finastéride quant à sa responsabilité dans l’apparition de cancers à forte malignité. Si le composé exerçait un tel effet, le nombre de cas aurait augmenté avec la durée du traitement, ce qui ne s’est pas produit lors de l’étude PCPT. En réalité, la différence observée entre les deux groupes de traitement n’a été mise en évidence que durant la première année de suivi.

La disparité observée entre les résultats de la biopsie et ceux de la prostatectomie est particulièrement éclairante. Chez les patients sous placebo, l’évaluation anatomopathologique des pièces de prostatectomie a donné lieu à environ 25 % plus de reclassements à la hausse de la tumeur que dans le groupe finastéride. En revanche, presque 20 % des pièces de prostatectomie provenant du groupe finastéride ont été reclassées à la baisse par rapport au degré de malignité établi sur les biopsies, comparativement à 12,5 % dans le groupe placebo.

Études en cours

La capacité des I5AR de réduire le risque de cancer de la prostate continue d’être explorée dans le cadre de l’étude REDUCE (Reduction by Dutasteride of Prostate Cancer Events). La population à l’étude comprend 8200 hommes de 50 ans ou plus dont le taux de PSA initial se situe entre 2,5 et 10 ng/mL et qui ne présentent aucun signe de cancer de la prostate au moment de l’admission, ce qui doit être confirmé par une biopsie réalisée dans les six mois précédant la randomisation (Gomella LG. Curr Opin Urol 2005; 15[1]:29-32). Après randomisation dans le groupe dutastéride (I5AR) ou le groupe placebo, les sujets sont suivis durant quatre ans. L’incidence du cancer de la prostate représente le paramètre d’évaluation principal.

Dans une autre étude en cours, on s’intéresse au rôle possible des I5AR dans la prise en charge de patients atteints d’un cancer de la prostate à faible risque évolutif faisant l’objet d’une surveillance active, ou traitement différé. Les investigateurs de l’étude REDEEM (Reduction by Dutasteride of Clinical Progression Events in Expectant Management of Prostate Cancer) espèrent déterminer si l’administration d’un I5AR peut réduire le volume de la tumeur prostatique et abaisser le taux de PSA et, de cette manière, prévenir ou retarder le besoin d’un traitement énergique.

Valeur pronostique du calculateur de risque de cancer de la prostate

Les médecins peuvent facilement appliquer les résultats de l’étude PCPT dans la pratique clinique en se servant d’un calculateur de risque de cancer de la prostate dérivé des données de l’étude et dont il a été question au congrès (http://www.compass.fhcrc.org/edrnnci/bin/calculator/).

Lors d’une étude visant à évaluer l’utilité du calculateur, le Dr Thompson et ses collègues ont appliqué cet outil à une population d’hommes plus hétérogène que celle de l’essai PCPT, constituée de 446 des 3488 participants de l’étude SABOR (San Antonio Center for Biomarkers of Risk for Prostate Cancer). Par rapport aux sujets de l’étude PCPT, ces derniers étaient plus jeunes, provenaient de groupes ethniques plus divers et présentaient un taux plus élevé d’antécédents familiaux positifs.

L’analyse des données de l’étude SABOR portait principalement sur des hommes ayant subi une biopsie de la prostate à la suite d’un dosage du PSA et d’un toucher rectal, explique le Dr Dipen Parekh, professeur adjoint d’urologie, UTHSA. L’analyse des biopsies a révélé la présence d’un cancer de la prostate dans 148 cas.

Après avoir examiné l’association entre le risque de cancer de la prostate et différentes variables, soit le taux de PSA, le toucher rectal, l’âge, les antécédents familiaux, la race et l’origine ethnique, le Dr Parekh et ses collègues ont comparé les résultats avec le score estimé d’après le calculateur de risque PCPT. Ils ont constaté une forte corrélation entre le taux de cancer chez les participants de l’étude SABOR et l’accroissement du risque de PCPT; en effet, pour des scores établis à l’aide du calculateur de risque passant de <25 % à >75 %, le taux de cancer progressait de 15,7 % à 100 %.

«Le calculateur de risque PCPT intègre le meilleur faisceau de facteurs de risque actuellement connus dans un outil qui est facilement accessible à tous les praticiens, affirme le Dr Parekh. Les résultats de cette étude prouvent que le calculateur de risque est valable dans une population plus hétérogène que la population initiale de l’étude PCPT.»

Deux autres études de validation ont apporté des preuves additionnelles de l’applicabilité clinique du calculateur de risque. L’une d’elles portait sur 1108 hommes ayant subi une biopsie de la prostate et au sujet desquels on disposait de données cliniques complètes. L’analyse de la courbe ROC (Receiver Operator Characteristic curve, ou courbe de caractéristiques d’efficacité) a montré que le calculateur de risque PCPT avait une aire sous la courbe (ASC) de 0,67, soit une ASC significativement plus grande que celle du dosage du PSA qui était de 0,62 (p=0,0002). Au chapitre de la prédiction des cancers à forte malignité, le calculateur de risque avait une ASC de 0,74 vs 0,71 pour le dosage du PSA (p=0,024), souligne le Dr David Hernandez, Johns Hopkins University, Baltimore, Maryland.

Des résultats similaires se sont dégagés d’une autre évaluation multicentrique ayant porté sur 4672 hommes soumis à un contrôle biopsique à la faveur duquel 1501 cas de cancer de la prostate ont été diagnostiqués, dont 224 cancers à forte malignité. Pour la prédiction des cancers sans égard au degré de malignité, le calculateur de risque présentait une ASC de 0,66 vs 0,64 pour le dosage du PSA seul (p=0,01), indique le Dr Misop Han, Johns Hopkins University. Pour la prédiction des cancers à forte malignité, les deux outils obtenaient une ASC de 0,63 et de 0,57, respectivement (p<0,001).

Hypertrophie bénigne de la prostate et symptômes du bas appareil urinaire

Avant l’exploration récente des possibilités de prévention du cancer de la prostate, d’autres études ont démontré que les I5AR soulagent efficacement les symptômes de l’hypertrophie bénigne de la prostate (HBP) et réduisent le risque de progression vers le recours à un traitement invasif et la rétention urinaire (McConnell et al. N Engl J Med 1998;338[9]:557-63; Roehrborn et al. Urology 2002; 60[3]:434-41; McConnell et al. N Engl J Med 2003; 349[25]:2387-98; Debruyne et al. Eur Urol 2004; 46[4]:488-94). Le Dr Roger Kirby, professeur titulaire d’urologie, St. George’s Hospital, Londres, Royaume-Uni, a fait un résumé de la place actuelle des I5AR dans le traitement de l’HBP, en se reportant à l’expérience et à la recherche cliniques. Les I5AR «diminuent les symptômes et améliorent le débit urinaire. Ils sont le plus efficaces lorsque le volume de la prostate dépasse 30 cm3 et que le taux de PSA est >1,4 ng/mL. Ils réduisent environ de moitié l’incidence de la rétention urinaire aiguë et le besoin de recourir à un traitement invasif. Par ailleurs, ils provoquent des dysfonctions sexuelles réversibles chez de 3 à 5 % des patients et une gynécomastie chez 1 % d’entre eux.»

L’innocuité et l’efficacité dont font preuve ces agents dans le traitement de l’HBP/symptômes du bas appareil urinaire (SBAU) ont au moins le mérite de rassurer quelque peu les praticiens qui ne voient aucun recul du nombre de patients à la recherche d’un traitement en raison d’une hypertrophie de la prostate et de symptômes urinaires. Selon une étude épidémiologique présentée par le Dr Donald Naslund, University of Maryland, Baltimore, 42 % des hommes de 50 ans et plus manifestent des SBAU, selon un critère défini par un score >7 sur l’échelle IPSS (International Prostate Symptom Scale). En outre, les deux tiers des hommes présentaient une augmentation pathologique du volume de la prostate selon le toucher rectal ou le dosage du PSA, et 30 % avaient un score IPSS >7 de même qu’une hypertrophie de la prostate selon le toucher rectal ou le dosage de PSA. Cela dit, seulement le tiers des hommes atteints d’HBP/SBAU avaient l’intention de parler de ces symptômes avec leur médecin de premier recours. De l’avis du Dr Naslund, «il incombe aux médecins d’aborder le sujet des symptômes urinaires et de l’hypertrophie de la prostate de façon que les patients qui pourraient avoir besoin d’être traités le soient.»

L’importance d’engager la discussion avec les patients sur l’HBP/SBAU a également été soulignée dans une autre présentation indiquant que le score de la qualité de vie appliquée à la santé (QVAS) est le meilleur prédicteur de la progression de l’HBP vers un stade nécessitant un traitement invasif. Ces résultats ont été documentés dans une analyse de données du registre de l’HBP; il s’agit d’un registre observationnel, longitudinal et multicentrique, basé sur la collecte prospective de données démographiques, cliniques et sur la QVAS auprès d’hommes atteints d’HBP/SBAU en quête d’un traitement, précise le Dr Claus Roehrborn, chef de l’urologie, Southwestern Medical Center, Dallas, Texas.

L’évaluation des données de 3854 patients inclus dans le registre a révélé que 120 d’entre eux (3,1 %) avaient subi une intervention chirurgicale liée à l’HBP dans un délai moyen de 223 jours après la consultation médicale initiale. Une analyse distincte des patients qui ont eu besoin d’un traitement chirurgical corrobore elle aussi la capacité du finastéride de réduire au minimum le risque de progression. Chez les patients dont l’HBP était traitée par des alpha-bloquants (sélectifs ou non), le taux d’intervention chirurgicale se situait entre 4,6 % et 4,7 %, comparativement à 1,4 % chez les hommes traités par un I5AR (p=0,0142). Fait quelque peu surprenant, on a relevé un taux d’intervention chirurgicale de 6,6 % chez les hommes qui recevaient un traitement d’association (dont l’efficacité supérieure pour prévenir la progression a été démontrée dans des études récentes). À la lumière d’une analyse multivariée des prédicteurs possibles de la progression vers la nécessité du recours à la chirurgie, la seule variable qui est demeurée significative sur le plan statistique était une élévation du score BPH II (BPH Impact Index, mesure du retentissement de l’HBP reflétant une détérioration de la QVAS).

Selon le Dr Theodore Johnson, Emory University, Atlanta, Géorgie, le finastéride, la doxazosine (alpha-bloquant) et l’association de ces deux agents ont tous trois montré un certain degré d’efficacité dans la prise en charge de la nycturie, symptôme particulièrement gênant de l’HBP/SBAU. Les résultats dont il a fait état proviennent d’une analyse secondaire des données à un an et à quatre ans sur 2583 hommes ayant participé à l’étude MTOPS (Medical Therapy of Prostatic Symptoms) (McConnell et al. N Engl J Med 2003;349[25]:2387-98). À un an et à quatre ans, les hommes traités par la doxazosine ou l’association doxazosine/finastéride présentaient une atténuation significative de la nycturie (p<0,05). Chez les hommes de 70 ans et plus, les trois stratégies de traitement actif ont significativement réduit le nombre d’épisodes de nycturie, comparativement au placebo (p<0,05).

Bien que l’étude MTOPS ait démontré l’efficacité de l’association médicamenteuse pour réduire le risque de progression de l’HBP, les résultats ont par ailleurs soulevé la question de la possibilité de faire passer à la monothérapie les patients répondant au traitement d’association. Une étude canadienne multicentrique a répondu affirmativement à cette question, au moins en ce qui concerne le finastéride.

Le Dr Jack Barkin, University of Toronto, et ses collègues ont examiné l’innocuité et l’efficacité de la monothérapie chez des patients initialement traités par une association. L’étude regroupait 124 hommes ayant un score IPSS >12 et une hypertrophie de la glande prostatique lors de l’examen initial. Tous les participants avaient reçu un traitement d’association pendant neuf mois avant de passer au traitement par le finastéride pendant neuf autres mois. Le paramètre d’évaluation principal était l’équivalence thérapeutique, définie comme une variation <2 points du score IPSS après le passage à la monothérapie. Après neuf mois de traitement par l’association médicamenteuse, le score IPSS moyen était passé de 19,5 à 11,9 (p=0,0001). Au terme des neuf mois de traitement par le finastéride seul, le score IPSS moyen s’est établi à 11,5.

«Cette étude ouverte non randomisée a démontré que, chez les patients manifestant des symptômes d’HBP modérés à sévères, le finastéride administré en monothérapie pendant neuf mois avait maintenu la maîtrise des symptômes urinaires et l’amélioration de la qualité de vie obtenues après une bithérapie initiale de neuf mois par le finastéride et un alpha-bloquant», de conclure le Dr Barkin et ses collègues.

Résumé

L’analyse encore en cours des données de l’étude PCPT confirme que le finastéride, un I5AR, réduit le risque de cancer de la prostate chez les hommes qui sont exempts de cancer au moment de l’instauration du traitement. Des données de multiples sources accréditent la thèse selon laquelle le taux plus élevé de cancer à forte malignité observé chez les participants de l’étude PCPT traités par le finastéride résultait, d’une part, des effets favorables du composé sur les caractéristiques d’efficacité du dosage du PSA, et, d’autre part, du meilleur échantillonnage biopsique de la prostate qu’il autorise en réduisant son volume. De nouvelles données ont par ailleurs corroboré la capacité du finastéride d’atténuer les symptômes de l’HBP/SBAU et de réduire au minimum la progression vers le recours à un traitement invasif. Le composé a également fait la preuve de son innocuité et de son efficacité pour le passage à la monothérapie chez des patients atteints d’HBP/SBAU traités par une association médicamenteuse.

De l’avis du Dr Thompson, les visées du traitement par le finastéride vont au-delà de la prévention de la mortalité par cancer de la prostate, ce qui constituerait en soi une réalisation remarquable. Toutefois, poursuit-il, l’objectif ultime doit être de réduire le fardeau global de la maladie. Faisant observer que 92 % des hommes atteints de cancer de la prostate sont traités, le Dr Thompson souligne que le traitement «modifie irrévocablement la vie du patient. De nombreux patients éprouvent des dysfonctions urinaires, intestinales et sexuelles. Les médecins sous-estiment constamment le retentissement de ces problèmes.» Une détection précoce, un traitement curatif et un traitement de sauvetage en cas de récidive méritent certainement la mobilisation d’importantes ressources sociétales, mais «je vous avoue bien honnêtement que je préférerais de loin ne jamais être atteint du [cancer de la prostate]», conclut-il.

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