Comptes rendus

Stratification du risque cardiovasculaire aux fins de prévention primaire
Évolution de la prise en charge de l’asthme

Prévention et traitement des nausées et vomissements chimio-induits

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - Symposium national de pharmacie oncologique de 2008

Calgary, Alberta / 17-19 octobre 2008

Depuis 25 ans, les patients considèrent les nausées et les vomissements comme les pires effets indésirables de la chimiothérapie, affirme Scott Edwards, PharmD, pharmacien spécialisé en oncologie clinique, Eastern Health, St. John’s, Terre-Neuve. Ces symptômes minent la qualité de vie des patients, dit-il. Il existe plusieurs types de nausées et vomissements chimio-induits (NVCI). Les NVCI dits immédiats apparaissent de quelques minutes à quelques heures après la chimiothérapie et disparaissent généralement dans les 24 heures. Les NVCI dits retardés apparaissent au moins 24 heures après le traitement et peuvent durer jusqu’à six jours. Dans une étude qui regroupait 322 patients sous chimiothérapie, 43 % ont manifesté des nausées immédiates et 73 %, des nausées retardées; 39 % des patients ont eu les deux types. Les vomissements ont été moins fréquents : si 76 % des sujets de cette étude ont manifesté l’un ou l’autre type de nausées, seulement 30 % ont présenté des vomissements. Les NVCI anticipatoires – qui surviennent chez des patients ayant déjà eu des NVCI – se manifestent avant le traitement. Les NVCI résistants surviennent en dépit d’un traitement antiémétique en cours et peuvent nécessiter la prise de médicaments de secours. Enfin, les NVCI dits réfractaires sont ceux qui ne répondent à aucun antiémétique.

Facteurs de risque des NVCI

Au nombre des facteurs de risque des NVCI, citons certaines caractéristiques du patient, comme un jeune âge, le sexe féminin et une consommation nulle ou minime d’alcool. L’anxiété, facteur de risque très important, pourrait être associée à des NVCI passés qui amènent le patient à craindre leur répétition au cours des cycles de chimiothérapie subséquents. Le facteur de risque prédominant, cependant, demeure le potentiel émétisant de l’anticancéreux lui-même, précise M. Edwards. Les nausées et les vomissements peuvent aussi être imputables à d’autres facteurs liés au cancer, notamment : obstruction intestinale, métastases cérébrales, trouble vestibulaire, anxiété, traitements concomitants (p. ex., opiacés) et gastroparésie.

Si l’on en juge par le registre ANCHOR (Anti-nausea Chemotherapy Registry), le personnel traitant aurait tendance à sous-estimer le risque de NVCI, surtout de NVCI retardés, et pourrait donc les sous-traiter. Lors d’une petite étude menée à Terre-Neuve, M. Edwards a constaté que les nausées retardées étaient beaucoup plus fréquentes que les nausées immédiates ou que les vomissements, tous types confondus, et que le personnel en sous-estimait l’incidence davantage que celle des autres types. La pire conséquence d’une non-répression des NVCI est l’abandon du traitement, fait remarquer M. Edwards, ajoutant que les perturbations métaboliques, l’anorexie, les déchirures oesophagiennes de même que la détérioration physique, psychologique et sociale sont aussi au nombre des risques.

Stratégies de traitement

Il semble que deux mécanismes concourent aux NVCI. Le mécanisme périphérique serait lié à l’irritation de l’intestin par l’anticancéreux. L’association d’un antagoniste des récepteurs 5-HT<sub>3</sub> (anti-5HT<sub>3</sub>) et d’un corticostéroïde, qui semble bloquer les stimuli périphériques, a permis des réductions remarquables des NVCI immédiats d’origine périphérique. Le mécanisme central serait lié à l’action directe de l’anticancéreux sur les récepteurs NK1 de la substance P, présents en grand nombre dans les aires cérébrales impliquées dans le réflexe émétique. Le blocage de ce récepteur par l’aprépitant inhibe le mécanisme central; le mode d’action de l’aprépitant étant différent de celui des anti-5HT<sub>3</sub>, les deux agents peuvent être administrés en concomitance. L’inhibition des récepteurs NK<sub>1</sub> par l’aprépitant est efficace pour la répression des NVCI, tant retardés qu’immédiats, souligne M. Edwards.

Traitements antiémétiques recommandés

Lors d’une conférence en 2004, la Multinational Association of Supportive Care in Cancer (MASCC) est parvenue à un consensus sur le traitement antiémétique. Neuf organismes, dont deux nord-américains (ASCO [American Society of Clinical Oncology] et CCO [Clinical Care Options]), souscrivent à ces recommandations internationales. La MASCC – dont les recommandations ont été mises à jour en 2008 – propose une classification des anticancéreux administrés par voie intraveineuse (i.v.) ou orale (p.o.) en fonction du risque qui leur est associé : élevé (>90 % des patients), modéré (30 à 90 % des patients), faible (10 à 30 % des patients) et minime (<10 % des patients). Ses recommandations thérapeutiques sont donc fonction du potentiel émétisant des anticancéreux. Voici les principes clés du traitement antiémétique (étayés par des données de niveau I) qui ont fait l’unanimité :

• On doit utiliser la plus faible dose évaluée comme étant pleinement efficace.

• Le meilleur schéma est une dose unique administrée avant la chimiothérapie.

• L’efficacité antiémétique et les effets indésirables des anti-HT<sub>3</sub> sont semblables à en juger par les essais comparatifs.

• Les préparations i.v. et orales sont aussi efficaces et sûres les unes que les autres.

• On doit toujours administrer de la dexaméthasone en concomitance avec un anti-5HT<sub>3</sub> avant le début de la chimiothérapie.

«Ce sont les grands principes que nous devons appliquer lorsque nous traitons un patient pour des NVCI», explique M. Edwards. La MASCC a formulé des recommandations spécifiques pour la prévention des NVCI immédiats d’après le potentiel émétisant du schéma administré. Pour les schémas à risque élevé ou les schémas à risque modéré qui comportent une anthracycline ou du cyclophosphamide, on doit administrer avant la chimiothérapie une dose de chacun des trois agents suivants : anti-5HT<sub>3</sub>, dexaméthasone et aprépitant. Si le schéma ne comporte pas d’anthracycline ou de cyclophosphamide, seuls l’anti-5-HT3 et la dexaméthasone doivent être administrés. M. Edwards propose d’appliquer les recommandations formulées par la British Columbia Cancer Agency (BCCA) (Tableau 1), lesquelles s’inspirent de celles de la MASCC. «Ce guide est fantastique et facile à utiliser», affirme-t-il. Les recommandations de la BCCA s’appliquent à la fois aux NVCI immédiats et aux NVCI retardés.

Tableau 1. Schémas antiémétiques recommandés par la British Columbia Cancer Agency


Les défis du traitement des NVCI

Certaines situations présentent des défis particuliers, et le choix du traitement approprié n’est pas toujours évident. Ainsi, les chimiothérapies administrées sur plusieurs jours pourraient entraîner la présence simultanée de NVCI immédiats et de NVCI retardés durant le traitement. On ne doit pas oublier que la durée du risque de NVCI dépend du potentiel émétisant du dernier anticancéreux administré. Dans le cas d’une chimiothérapie modérément ou fortement émétisante, il est recommandé d’administrer l’anti-5HT<sub>3</sub> chaque jour, avant le médicament modérément ou fortement émétisant. La dexaméthasone doit être administrée une fois par jour le jour 1, puis deux fois par jour pendant deux ou trois jours après la chimiothérapie pour prévenir les NVCI retardés. L’aprépitant peut quant à lui être administré à raison de 125 mg le jour 1, puis de 80 mg les jours 2 et 3. Il est ressorti d’essais de phase III qu’il pourrait aussi être administré deux jours de plus après la chimiothérapie.

Le traitement des NVCI résistants et réfractaires présente de grandes difficultés. L’une des stratégies consiste à administrer un traitement antiémétique 24 heures sur 24 et d’avoir aussi recours à des agents de classes thérapeutiques différentes. Aucun agent spécifique n’étant recommandé, la séquence ne revêt pas d’importance. Parmi les choix possibles figurent les antagonistes dopaminergiques, le métoclopramide, l’halopéridol, les cannabinoïdes, les corticostéroïdes et les benzodiazépines. En cas d’échec, on doit évaluer les nausées et le schéma qui n’a pas réussi à les prévenir, et essayer une autre modalité le cycle suivant. Un anti-acide, comme un anti-H<sub>2</sub> ou un inhibiteur de la pompe à protons, pourrait aussi être utile. Une hydratation appropriée est essentielle, souligne M. Edwards. La présence éventuelle d’autres causes traitables (obstruction, piètre motricité intestinale, douleur, augmentation de la pression intracrânienne) doit aussi être évaluée.

Les NVCI anticipatoires sont le lot de 18 à 57 % des patients sous chimiothérapie, surtout les jeunes patients qui reçoivent souvent un traitement énergique. Cette forme de NVCI étant une réponse conditionnée aux épisodes de NVCI passés, le traitement le plus efficace est de prévenir assidûment les NVCI durant la chimiothérapie en optimisant le traitement antiémétique lors de chaque cycle de traitement. L’administration d’alprazolam ou de lorazépam avant la chimiothérapie peut être bénéfique, tout comme la thérapie cognitivo-comportementale et la désensibilisation systématique, si ces méthodes sont accessibles.

Les NVCI retardés méritent toute notre attention. «Ils sont souvent laissés pour compte», fait remarquer M. Edwards, ajoutant que ceux-ci sont 2,5 fois plus fréquents que les NVCI immédiats. Les prédicteurs des NVCI retardés sont le sexe féminin, un âge inférieur à 52 ans, l’anticipation des nausées et, surtout, la présence de NVCI immédiats, explique-t-il. Les NVCI retardés étaient plus sévères chez les patients qui avaient aussi été en proie à des NVCI immédiats. La répression efficace des NVCI immédiats étant bien corrélée avec celle des NVCI retardés, l’administration d’un traitement approprié pour prévenir les NVCI immédiats revêt une importance capitale. Il est primordial de connaître les facteurs de risque du patient avant d’amorcer la chimiothérapie afin que ce dernier reçoive les antiémétiques appropriés à titre préventif. Enfin, conclut Scott Edwards, le suivi du patient est essentiel si l’on souhaite que les NVCI retardés n’échappent pas au médecin traitant.

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