Comptes rendus

Manipulations thérapeutiques pour prolonger la survie en présence de tumeurs cérébrales malignes : résultats d’études de phase II et III
Mise à jour des recommandations sur le traitement de l’hypertension : associations à doses fixes

Réduction optimale du risque de maladie vasculaire diffuse : cibler la maladie artérielle périphérique

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

Point de vue sur les communications présentées au congrès-exposition de formation médicale Primary Care Today

Toronto, Ontario / 8-10 mai 2008

Compte rendu de :

Alan D. Bell, MD, MCFP

Humber River Regional Hospital, Toronto (Ontario)

On a toujours pensé que l’athérosclérose était une maladie généralisée qui entraînait un rétrécissement progressif des artères pour finalement aboutir au blocage de l’irrigation sanguine d’organes essentiels et à l’apparition d’un événement vasculaire aigu. On sait maintenant que ce processus n’est qu’un aspect de la pathologie qui vient au premier rang des causes de mortalité à l’échelle mondiale. La survenue d’un événement cardiovasculaire (CV) résulte de la formation aiguë d’un thrombus déclenchée par la rupture d’une plaque artérielle. C’est la combinaison de la rupture d’une plaque et de la formation d’un thrombus dans un lit artériel qui se traduit par les manifestations cliniques d’une maladie vasculaire, dont l’angine instable, l’infarctus du myocarde (IM), l’AVC ischémique et l’aggravation de la maladie vasculaire périphérique. L’exploration de lésions coronariennes ayant causé un IM a révélé que les plaques les plus sujettes à la rupture bloquent généralement moins de 50 % de la lumière artérielle : ce n’est donc pas le degré de rétrécissement qui explique l’événement vasculaire aigu, mais bien l’instabilité de la plaque.

Ainsi, chez les patients souffrant de la maladie vasculaire diffuse, les stratégies de réduction du risque doivent à la fois viser à améliorer la stabilité de la plaque et à réduire le risque de thrombose.

Pour l’instant, trois interventions pharmacologiques se sont révélées capables à maintes reprises de contribuer à l’atteinte de ces objectifs : les statines, les inhibiteurs du système rénine-angiotensine-aldostérone (SRAA) et les antiplaquettaires. D’ailleurs, comme le souligne la Société canadienne de cardiologie (SCC) dans ses lignes directrices consensuelles sur la maladie artérielle périphérique (MAP) (Can J Cardiol 2005;21:997-1006), de solides données tirées d’essais cliniques randomisés montrent que les antiplaquettaires, les inhibiteurs de l’ECA et les statines réduisent le risque d’événement vasculaire d’environ 25 % chacun, et il semble que leurs bénéfices soient indépendants et additifs. Il paraît donc plausible de s’attendre à ce que ces interventions pharmacologiques – couplées à de nouvelles habitudes de vie – puissent toutes ensemble réduire le risque d’événement vasculaire de 75 %. Pareille diminution aura d’énormes répercussions sur la santé publique si ces stratégies sont utilisées avec succès.

Registre REACH

Le registre REACH (Reduction of Atherothrombosis for Continued Health) a révélé que les stratégies de réduction du risque ne sont pas encore utilisées de façon optimale. Contrairement à un essai clinique avec randomisation, une base de données comme REACH brosse un tableau des résultats réellement obtenus au sein d’une population particulière. REACH – qui porte sur 68 000 patients du monde entier, ce qui est énorme – permet d’évaluer l’évolution naturelle de la maladie vasculaire diffuse.

Pour être admissibles à la base de données REACH, les patients devaient avoir au moins 45 ans et avoir reçu un diagnostic de maladie vasculaire dans un des trois lits artériels ou encore, présenter de multiples facteurs de risque CV. Chez environ 80 % des sujets de la base de données, la maladie était manifeste dans au moins un lit vasculaire; les 20 % restants ont été inscrits dans le registre uniquement en raison des multiples facteurs de risque qu’ils présentaient. Chez 16 % des patients symptomatiques, la maladie était manifeste dans plus d’un lit vasculaire.

La maladie coronarienne – dont souffraient environ 45 % des patients – était la principale maladie vasculaire au sein de la population de REACH (Figure 1). La maladie vasculaire cérébrale touchait environ 17 % de la population, alors que la MAP, qui ne touchait que 5 % environ, était la moins fréquente. La distribution assez uniforme des facteurs de risque CV dans toutes les sous-populations de REACH est l’une des principales observations à se dégager de la base de données. Autrement dit, que la maladie vasculaire ait été coronarienne, cérébrale ou périphérique, les facteurs de risque CV connus – hypertension, hypercholestérolémie, diabète, obésité et tabagisme – étaient distribués de façon assez uniforme dans les trois catégories de patients. (Cela dit, comme on pouvait s’y attendre, l’hypertension prédominait le tableau clinique de la maladie vasculaire cérébrale alors que l’hypercholestérolémie était le principal facteur de risque chez les patients souffrant de la maladie coronarienne et le tabagisme, le principal facteur chez les patients souffrant de la MAP). Chez 25 % des plus de 40 000 sujets de REACH souffrant de la maladie coronarienne, la maladie athérothrombotique ou maladie vasculaire diffuse était présente dans d’autres lits vasculaires; c’était également le cas chez 40 % des patients souffrant de la maladie vasculaire cérébrale et 60 % des patients souffrant de la MAP.

Figure 1. Portrait pathologique des sujets du registre REACH


Après un an, 4,2 % de tous les sujets du registre REACH avaient subi un événement vasculaire. Il en résulte un risque de 42 % sur 10 ans, ce qui est de loin plus élevé que le risque de 20 % sur 10 ans considéré comme élevé selon l’équation de Framingham.

Nous, les cliniciens, devons donc repenser à notre perception des patients stables comme les sujets du registre REACH, car ces patients sont exposés à un risque élevé d’événement vasculaire, même à court terme.

Le taux élevé de manifestations dans un autre lit vasculaire au sein de la population atteinte de la MAP reflète probablement deux réalités : d’une part, les patients atteints de la MAP comptent parmi les patients CV les plus à risque; et d’autre part, nous avons tendance à ne pas reconnaître la MAP jusqu’à ce que la maladie vasculaire diffuse se soit manifestée dans un autre lit vasculaire. Le taux annuel d’événements formant le triple paramètre (décès CV, IM ou AVC) se chiffrait à 5,2 % au sein de la population atteinte de la MAP. Il en résulte un risque d’événement vasculaire de 54 % sur 10 ans, ce qui est extrêmement élevé et bien supérieur au risque élevé de 20 % sur 10 ans selon l’équation de Framingham.

Si on limite l’analyse aux patients dont l’inscription au registre REACH a été motivée par les seuls facteurs de risque, le taux annuel d’événements (décès CV, IM ou AVC) se chiffrait à 2,2 %. Si l’on ajoute l’hospitalisation à ce paramètre, le taux annuel grimpe à 5,3 % de la même population.

Comme les événements athérothrombotiques motivant l’hospitalisation comprenaient l’angine instable, les ischémies cérébrales transitoires ou les pontages aortocoronariens avec ou sans pose de tuteurs, les sujets du registre REACH – et les patients comme eux que nous voyons tous – sont exposés à un risque très réel d’événement vasculaire et devraient recevoir un traitement énergique sans délai. Chez les patients dont la maladie était présente dans plus d’un lit vasculaire, comparativement à ceux dont la maladie ne touchait qu’un lit vasculaire, le taux d’événements CV à un an était significativement plus élevé, peu importe la maladie vasculaire dont ils souffraient. En effet, la présence d’un deuxième lit vasculaire touché doublait essentiellement le risque d’atteinte du triple paramètre. Les patients souffrant de la MAP étaient particulièrement exposés au risque d’événement vasculaire pendant la même année de suivi, rivalisant avec les patients coronariens quant au risque d’événement vasculaire cardiaque, dont l’angine instable et l’insuffisance cardiaque congestive.

Les données du registre REACH ont montré que le taux d’événements atteignait un maximum chez les patients dont les facteurs de risque étaient les plus négligés, ce qui était surtout le cas dans les pays d’Europe de l’Est.

MAP et recommandation Canadiennes

Le registre REACH a permis de constater que les patients souffrant de la MAP comptent parmi les patients vasculaires les plus à risque. Pour tempérer ce risque, nous devons d’abord et avant tout diagnostiquer la MAP à un stade où la correction des facteurs de risque sera plus efficace. À l’heure actuelle, environ 27 millions de Nord-Américains et d’Européens souffrent de la MAP et, de ces individus, 16,5 millions n’ont aucun symptôme. Autrement dit, la MAP passe inaperçue chez 60 à 65 % des patients qui en souffrent, car ces patients ne présentent aucun symptôme avant que la maladie soit avancée.

Pour mieux diagnostiquer la MAP en présence de symptômes, la SCC recommande aux médecins de faire un interrogatoire axé sur les symptômes de la MAP. L’une des méthodes très simples consiste à utiliser le questionnaire d’Édimbourg validé. Si le patient répond comme il se doit à chacune des six questions, le questionnaire permet de repérer les patients atteints de la MAP avec une sensibilité de 91,3 % et une spécificité de 99,3 % (Tableau 1)
ionnaire d’Édimbourg

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Le médecin doit aussi faire un examen physique dirigé chez ses patients exposés à un risque élevé de MAP, les fumeurs et les diabétiques étant les plus à risque, et être alors à l’affût d’un souffle artériel ou d’une diminution du pouls périphérique, deux marqueurs sensibles de la MAP. Le médecin devrait également demander le test bien simple et peu coûteux de la mesure de l’indice tibio-branchial (t:b). Un indice t:b inférieur à 0,9 signe le diagnostic de la MAP alors qu’un indice inférieur à 0,4 est indicatif d’une atteinte sévère. Plus l’indice t:b est faible, moins la survie est bonne, si l’on en juge par les données de Diehm et ses collaborateurs présentées au congrès de la Société européenne de cardiologie l’année dernière.

Pourquoi cibler la MAP?

Les patients souffrant de la MAP sont exposés à un risque très élevé d’événement vasculaire aigu. Lors d’une étude (Circulation 1996;94:3026-49), 50 % des patients atteints de la MAP avaient été victimes d’un événement vasculaire mortel ou non mortel après cinq ans. Un autre suivi à long terme des patients atteints de la MAP, réalisé par Criqui et al. (N Engl J Med 1992;326:381-6), a révélé qu’après 12 ans de suivi, quelque 80 % des patients chez qui la MAP était sévère et symptomatique étaient morts à la suite d’un événement vasculaire.

La MAP étant souvent associée à un taux de morbi-mortalité beaucoup plus élevé que l’on pense, que pouvons-nous faire en tant que médecins pour réduire le risque de survenue de ces événements cliniques majeurs et améliorer la qualité de vie de nos patients atteints de la MAP? Comme il s’agit d’une maladie vasculaire diffuse, les stratégies auxquelles on a recours pour réduire le risque chez les patients atteints de la maladie coronarienne ou de la maladie vasculaire cérébrale conviennent parfaitement aux patients atteints de la MAP, l’abandon du tabac étant particulièrement important.

Les statines, les inhibiteurs du SRAA et les antiplaquettaires sont la clef de voûte de la stratégie globale de réduction du risque vasculaire, et les patients atteints de la MAP devraient prendre un médicament de chacune de ces trois classes. Côté antiplaquettaires, la SCC recommande un traitement à vie soit par l’AAS à raison de 75 à 325 mg/jour, soit par le clopidogrel à raison de 75 mg/jour.

Un important corpus de données étaye le bénéfice supplémentaire qui découle du traitement par le clopidogrel, par rapport au traitement par l’AAS seul, que l’on administre aux patients souffrant de la maladie vasculaire diffuse afin de réduire le risque d’événement thrombotique. Lors de l’essai CAPRIE (Clopidogrel Versus Aspirin in Patients at Risk of Ischemic Events), par exemple, le traitement par le clopidogrel a été associé à une réduction de 22,7 % du risque relatif d’AVC ischémique, d’IM ou de décès d’origine vasculaire, par comparaison à l’AAS, chez des patients dont la maladie touchait plusieurs lits vasculaires. Lors de l’essai CURE (Clopidogrel in Unstable Angina to Prevent Recurrent Events), le suivi à 12 mois a révélé que l’association clopidogrel plus AAS avait réduit de 20 % le risque relatif d’IM, d’AVC et de mortalité d’origine CV par rapport à l’AAS seul chez des patients qui avaient subi un syndrome coronarien aigu, ce qui représente un résultat hautement significatif sur le plan statistique (p=0,00009).

Bien que l’association clopidogrel plus AAS, peu importe la dose d’AAS, comporte un risque de saignement plus élevé que l’AAS seul, le risque réel de saignement dépend davantage de la dose d’AAS. Dans le cadre de l’essai CURE, en particulier, l’association clopidogrel plus AAS à 100 mg s’est révélée plus sûre que l’AAS seul à raison de 200 à 325 mg sur le plan des saignements (2,6 % vs 4 % de saignements majeurs).

En revanche, comme l’ont montré les résultats de l’étude CHARISMA (Cardiac Arrhythmia and Risk Stratification after Myocardial Infarction), il n’est pas recommandé d’administrer un double traitement antiplaquettaire à des patients qui présentent de multiples facteurs de risque, mais n’ont aucun symptôme. Les sujets de l’étude CHARISMA s’apparentaient à ceux du registre REACH, car ils présentaient une maladie symptomatique ou de multiples facteurs de risque, et ils recevaient tous de l’AAS seul ou l’association AAS plus clopidogrel. Au terme d’un suivi d’une durée médiane de 27 mois dans le cadre de l’essai CHARISMA, le double traitement antiplaquettaire à long terme a été associé à un bénéfice significatif chez les patients qui avaient déjà subi un événement athérothrombotique. En revanche, non seulement les patients présentant de multiples facteurs de risque n’ont-ils pas bénéficié de cette double stratégie antiplaquettaire, mais les IM et les AVC ont été plus nombreux chez les patients asymptomatiques qui recevaient le double traitement antiplaquettaire que chez ceux qui recevaient l’AAS seul.

Interventions non pharmacologiques

Le traitement médicamenteux est peut-être la pierre angulaire de la réduction du risque, mais il doit s’accompagner d’interventions non pharmacologiques, dont la diétothérapie pour optimiser le bilan lipidique, une activité physique régulière et l’abandon du tabac. Il a été démontré qu’un programme d’exercice supervisé atténue la claudication chez les patients atteints de la MAP. On doit encourager les patients à marcher d’un pas modérément rapide jusqu’à l’apparition d’une gêne ou d’une douleur, puis à se reposer avant de reprendre leur marche. Cette méthode devrait se traduire par des bienfaits cliniques concrets dans un délai d’à peine quatre semaines, motivant ainsi le patient à persévérer dans ses efforts.

Le patient sera plus susceptible de renoncer définitivement au tabac s’il reçoit l’aide du médecin et s’il utilise des aides pharmacologiques, comme les substituts nicotiniques, le bupropion ou la varénicline. De même, une diététiste professionnelle peut aider le diabétique à perdre du poids et à mieux contrôler sa glycémie par la diétothérapie.

Résumé

REACH a révélé que trop de patients atteints de la maladie vasculaire diffuse sont victimes d’un événement aigu dans un délai relativement court. Ces observations militent en faveur d’une réduction plus énergique du risque chez les patients atteints de la maladie coronarienne, de la maladie vasculaire cérébrale et de la MAP, car ils risquent de subir un événement non seulement dans le lit vasculaire atteint, mais également dans d’autres lits vasculaires. L’utilisation plus fréquente d’outils pharmacologiques et non pharmacologiques éprouvés permettrait de réduire significativement les taux d’événements vasculaires aigus. En tant que médecins de premier recours, nous avons le devoir de mettre ces stratégies en application chez tous les patients atteints de la maladie vasculaire diffuse, peu importe le lit vasculaire où la maladie se manifeste.

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