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Regard sur les micro-organismes à Gram positif : démarches thérapeutiques visant l’éradication d’infections menaçant le pronostic vital

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - 24e Congrès européen de microbiologie clinique et d’infectiologie (ECCMID)

Barcelone, Espagne / 10-13 mai 2014

Barcelone - Les micro-organismes à Gram positif, Staphylococcus aureus en particulier, sont à l’origine d’une proportion élevée des infections survenant en Amérique du Nord. Si certaines sont bénignes, d’autres – comme les bactériémies et les endocardites infectieuses – peuvent être mortelles. La pression exercée par les antibiotiques au fil du temps a donné lieu à un nombre croissant d’isolats résistants de S. aureus non seulement à la méthicilline (SARM), mais aussi, depuis peu, aux glycopeptides. Nous avons maintenant quelques solutions de rechange aux glycopeptides qui élargissent l’arsenal thérapeutique en cas de besoin. Certaines de ces options se sont révélées encore plus actives lorsqu’elles étaient administrées à forte dose ou en association avec d’autres antibiotiques. Toutes ces nouvelles approches thérapeutiques devraient nous permettre de maîtriser les infections, même celles qui peuvent être mortelles, et d’optimiser les résultats cliniques.

Rédactrice médicale en chef : Dre Léna Coïc, Montréal, Québec

Les micro-organismes à Gram positif sont en grande partie responsables des infections liées aux soins de santé et communautaires. Aux États-Unis, Staphylococcus aureus cause àlui seul environ la moitiéde cesinfections, depuis les infections de la peau et des tissus mous plutôt bénignes jusqu’aux bactériémies et aux endocardites menaçant le pronostic vital. Sous l’effet de la pression exercée par les antibiotiques au fil du temps, de plus en plus d’isolats de S. aureus sont résistants à la méthicilline (SARM), et on prescrit souvent de la vancomycine pour ces infections à SARM difficiles à traiter.

Résistance croissante

Depuis quelque temps, les établissementssont nombreux à noter, au bas mot, une tendance à la hausse de la résistance àla vancomycine, d’où un risque accru d’échec du traitement, de rechute et même de mortalité. La concentration minimale inhibitrice (CMI) de vancomycine est d’environ 0,5 mg/L (ou µg/mL) pour les souches sauvages ou non mutées de S. aureus, précise le Dr Ian Gould, directeur de la microbiologie médicale, Aberdeen Royal Infirmary, Aberdeen, Écosse. «Qui dit résistance croissante, dit mutations et, plus il y a de mutations, plus la CMI est élevée», ajoute-t-il.

Lorsque la CMI atteint 2 mg/L, «environ 50 % des souches sont devenues de sensibilité intermédiaire à la vancomycine et hétérorésistantes», affirme le Dr Gould. Pour d’autres classes d’antibiotiques, il suffit souvent d’augmenter la dose pour déjouer la résistance aux antimicrobiens. Tous les conférenciers s’entendaient pour dire que ce n’est toutefois pas possible avec la vancomycine à cause du risque de toxicité et, en particulier, de néphrotoxicité. Faisant référence à la nécessité d’atteindre un ratio ASC/CMI d’au moins 400 pour maximiser l’effet bactéricide de la vancomycine, Patel et al. (Clin Infect Dis 2011;52:969) ont montré que même s’ils utilisaient le schéma posologique le plus énergique qui soit (2 g toutes les 12 heures), la probabilité d’un effet bactéricide maximum était inférieure à 60 % lorsque la CMI de vancomycine atteignait 2 mg/L. En parallèle, la probabilité d’induire une néphrotoxicité, du moins chez les patients  aux soins intensifs, était supérieure à 35 %, ce qui est beaucoup trop élevé, concluent les auteurs. «Si vous augmentez la dose et que la concentration minimale devancomycine est trop élevée, la toxicité est inévitable», confirme le Dr Joseph Blondeau, directeur, Service de pathologie et de médecine de laboratoire, University of Saskatchewan, Saskatoon. «Il y a donc des limites à la dose de médicament que l’on peut administrer, et si la CMI continue d’augmenter insidieusement, le risque d’échec du traitement augmente.»

De nouveaux antibiotiques anti-SARM

Cinq antibiotiques sont maintenant homologués pour le traitement des infections à SARM. Comme le fait remarquer le Dr Éric Senneville, chef de service, Hôpital deTourcoing, France, les 5 agents sont efficaces contre les infections à SARM difficiles à traiter, mais chacun a son propre profil d’innocuité, et il faut en tenir compte pour déterminer l’agent qui convient le mieux au patient. Le linézolide, par exemple, n’exerce pas d’activité bactéricide ni n’agit sur le biofilm, mais il s’administre par voie orale, alors que les 4 autres agents anti-SARM doivent être administrés par voie intraveineuse (i.v.). Sur le plan de l’innocuité, le linézolide est connu pour son hématotoxicité et sa neurotoxicité, fait valoir le Dr Senneville.

La tigécycline exerce une activité comparable à celle du linézolide et elle est utilisée lorsque cela est justifié, mais en raison de la surmortalité qui lui a été associée dans le traitement de certaines infections graves lors d’études récentes, la FDA a exigé l’insertion d’une mise en garde encadrée dans la monographie deproduit (Expert Rev Anti Infect Ther 2014;12[4]:397-400). La daptomycine, quant à elle, exerce une activité bactéricide, tout comme la ceftaroline et la télavancine. Là encore, la toxicité de ces trois anti-SARM varie : élévation (quoique rare) de la créatine phosphokinase sous daptomycine; allergies sous ceftaroline, et néphrotoxicité sous télavancine. En raison de son activité bactéricide, un agent comme la daptomycine convient bien au traitement de la bactériémie à SARM, surtout en présence de CMI de vancomycine élevées.

Dans l’une de ces études (Clin Infect Dis 2013;56:1592), Murray et al. ont constaté que les taux de mortalité et de bactériémie persistante étaient significativement plus faibles après 30 jours dans le groupe qui était passé à l’anti-SARM de rechange que dans le groupe demeuré sous vancomycine. Dans une autre étude, Moore et al. (Clin Infect Dis 2012:54:51-8) ont indiqué que chez des patients présentant une septicémie à SARM imputable à des isolats associés à une CMI de vancomycine plus élevée, la survie à 60 jours était plus probable lorsqu’ils passaient àcemême antibiotique anti-SARM.

L’endocardite, surtout l’endocardite du cœur gauche, compte parmi les infections les plus difficiles à traiter, car elle touche souvent simultanément des valves natives et prothétiques. L’endocardite du cœur gauche est aussi associée à un taux élevé de mortalité. Comme le souligne le Dr José Miro, professeur agrégé de médecine, Universitat de Barcelona, Espagne, les staphylocoques constituent la cause principale des endocardites à l’échelle mondiale. Dans sa revue des autres stratégies de traitement de l’endocardite infectieuse, le Dr Miro a mentionné que l’augmentation de la dose de certains anti-SARM pouvait se substituer à un traitement par la vancomycine lorsque la CMI était >1 mg/L.

«Nous savons, par exemple, que jusqu’à une dose de 10 ou 12 mg/kg, la daptomycine est sûre pour le patient», affirme le Dr Miro. Dans une analyse rétrospective de données sur l’endocardite infectieuse tirées de la base de données européenne CORE (Cubicin Outcomes Registry Experience), Dohmen et al. (J Antimicrob Chemother 2013;68:936) ont objectivé un taux de réussite clinique globale de 80 % et l’absence de nouveaux problèmes d’innocuité à la dose standard de cet agent (6 mg/kg) chez 224 patients difficiles à traiter en échec de traitement. Comme on pouvait s’y attendre, le taux de réussite était plus élevé pour l’endocardite infectieuse du cœur droit que pour l’endocardite du cœur gauche, mais les taux de réussite ne variaient pas selon que l’infection avait été causée par un SA sensible à la méthicilline (SASM) ou un SARM. Dans la même analyse, au sein d’un sous-groupe de 72 patients qui avaient reçu une dose plus forte du même antimicrobien (≥8 mg/kg), les chercheurs ont obtenu un taux de réussite clinique globale de 90 % et des taux de réussite presque identiques dans l’endocardite infectieuse du cœur droit et celle du cœur gauche.

Dans une autre étude majeure citée par le Dr Miro (Kuller et al. Pharmacotherapy 2011;31:527-36), des médecins ont traité 250 patients aux prises avec une infection à SARM ou à entérocoque résistant à la vancomycine (ERV) au moyen de fortes doses de daptomycine (dose médiane de 10 mg/kg pour les infections à SARM et de 13 mg/kg pour les infections à ERV). «Malgréces fortes doses, un échec clinique et microbiologique est survenu chez 5 à10 % des patients présentant une bactériémie compliquée ou un endocardite sur valve native ou prothétique, poursuit le Dr Miro. Dans les cas d’endocardite, donc, il ne suffit pas d’augmenter la dose de cet agent : il faut recourir à une association.» 

Traitement d’association

Comme le font remarquer des chercheurs de Wayne State University, Detroit, Michigan (eP177), les SARM ayant une résistance intermédiaire aux glycopeptides sont souvent plus sensibles aux bêta-lactamines, phénomène que l’on qualifie d’ «effet en dents de scie» (seesaw effect).

Des données in vitro ont montré que la daptomycine en association avec une bêta-lactamine exerçait une action synergique contre de multiples isolats de SARM de même que contre Entercoccus faecalis et Enterococcus faecium. Comme le soulignent les chercheurs, les résultats des tests de sensibilité ont montré que toutes les bêta-lactamines – notamment la ceftaroline, le céfépime, la ceftriaxone, le céfotaxime, la céfoxitine, la céfazoline et l’ampicilline – agissaient en synergie avec cet agent anti-SARM contre les 4 souches de SARM testées.

L’association daptomycine-aztréonam est la seule qui ait fait exception. Miro et ses collaborateurs ont aussi démontré que l’association du même anti-SARM et de la fosfomycine i.v. avait exercé une «activité bactéricide synergique, puissante et rapide» contre les SARM dans un modèle d’endocardite chez le lapin de même que chez quelques patients.

Encouragés par ces résultats, des chercheurs espagnols ont entrepris un essai multicentrique avec randomisation afin d’évaluer l’efficacité et l’innocuité de la daptomycine à forte dose avec ou sans fosfomycine i.v. dans le traitement de septicémies à SARM au sein d’un groupe cible de 240 patients.

«L’association de daptomycine à raison d’au moins10 mg/kg et de cloxacilline ou de fosfomycine [i.v.] est la meilleure antibiothérapie empirique pour une endocardite à S. aureus», conclut le Dr Miro. Dans le cas d’une endocardite infectieuse à SARM, prévient-il, la daptomycine doit être administrée à raison d’au moins 10 mg/kg et être associée à une bêta-lactamine ou à la fosfomycine i.v. Si l’on est en présence d’une endocardite infectieuse à SASM, les bêta-lactamines demeurent le traitement de référence.

Résumé

Souvent, l’augmentation de la dose d’antibiotique potentialise l’activité bactéricide et vient à bout de l’infection plus rapidement, mais la toxicité accrue ne permet pas toujours d’augmenter la dose; c’est d’ailleurs le cas pour la vancomycine. La vancomycine demeure peut-être l’antibiotique recommandé dans un contexte de sepsis ne menaçant pas le pronostic vital, mais les CMI de vancomycine élevées, la lente réponse auxglycopeptides et les bactériémies compliquées devraient amener le médecin à envisager un autre antibiotique anti-SARM soit seul à forte dose, soit dans le cadre d’une association exerçant une activité synergique. 

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