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Rétablir la qualité de vie des patients atteints de maladie pulmonaire obstructive chronique

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

Le 16e Congrès annuel de la European Respiratory Society

Munich, Allemagne / 2-6 septembre 2006

La maladie pulmonaire obstructive chronique (MPOC) est une affection respiratoire évolutive qui compte parmi les principales causes de mortalité des patients âgés dans les pays industrialisés. Elle consiste en un déclin de la fonction pulmonaire qui se traduit par une dyspnée progressive, laquelle entraîne une limitation de plus en plus marquée de la capacité d’accomplir les activités de la vie quotidienne et une dégradation de la qualité de vie. Ces restrictions de l’activité quotidienne peuvent elles-mêmes contribuer à perturber d’autres systèmes, tel le système cardiovasculaire. Les options de traitement les plus utilisées pour soulager les symptômes sont les b2-agonistes à longue durée d’action (BALA), les corticostéroïdes en inhalation (CSI) et, depuis peu, le tiotropium, un anticholinergique à longue durée d’action. Les études cliniques sur ces agents sont classiquement axées sur les améliorations de la fonction pulmonaire, mais le souci de mieux mesurer les bienfaits cliniques a amené les investigateurs à accorder une plus grande place à l’évaluation des résultats qui importent aux patients, en particulier la capacité fonctionnelle.

La qualité de vie : paramètre clé de la réussite du traitement

Si la dyspnée est le principal symptôme de la MPOC, la détérioration de la qualité de vie en est la conséquence essentielle. De l’avis du Dr François Maltais, directeur, unité de recherche en pneumologie, Centre de recherche de l’Hôpital Laval, Québec, il est important de ne pas seulement évaluer l’effet du traitement sur la fonction pulmonaire mais aussi d’explorer sa capacité d’améliorer la tolérance à l’effort et de maintenir cet effet. Lors d’une étude regroupant 261 patients atteints de MPOC qui avaient été randomisés dans un groupe tiotropium à 18 µg administré une fois par jour ou un groupe placebo et qui ont été évalués pendant 42 jours, l’anticholinergique s’est révélé supérieur au placebo dès le premier jour de traitement et les avantages qu’il procurait se sont maintenus tout au long de l’étude.

Plus précisément, on a noté une réduction significative de l’intensité de la dyspnée lors de toutes les journées d’évaluation (p=0,002) de même qu’une augmentation significative de l’endurance à l’exercice à 75 % de la capacité d’effort maximale après la première dose, augmentation qui s’est maintenue pour le reste de l’étude. Le Dr Maltais rapporte que, lors de toutes les journées d’évaluation, l’augmentation significative de l’endurance s’accompagnait d’une réduction significative de l’intensité de la dyspnée lorsque l’effort était restreint par les symptômes. Plus précisément, on a noté une amélioration de la capacité inspiratoire et une diminution de la durée des malaises. Comme ces améliorations étaient encore évidentes huit heures après la prise du médicament, elles couvraient donc les périodes durant lesquelles les patients sont le plus susceptibles d’accomplir des activités quotidiennes importantes.

Exacerbations et mortalité

Selon le Dr David Halpin, Royal Devon and Exeter Hospital, Royaume-Uni, un autre paramètre clé de l’efficacité des traitements actuels est leur capacité à réduire le risque d’exacerbations. À mesure que la MPOC évolue, des exacerbations fréquentes contribuent à miner la qualité de vie en accélérant le déclin de la fonction pulmonaire et de l’état de santé.

Les exacerbations sont la cause la plus fréquente des consultations médicales et des hospitalisations liées à la MPOC. Elles sont en outre associées à un accroissement de la mortalité, leur évolution aboutissant au décès chez près de 40 % des patients après 12 mois. Comme l’explique le Dr Halpin, «nous disposons de traitements efficaces, mais il subsiste un fardeau important, si bien que la prévention des exacerbations est un objectif majeur du traitement. La plupart des premiers essais sur l’évolution de la MPOC ont surtout porté sur la fonction pulmonaire et l’atténuation des symptômes; ce n’est que récemment que l’on a reconnu l’importance des exacerbations et conçu des études en vue de centrer l’attention sur leur traitement.»

L’analyse des effets du tiotropium sur la fonction pulmonaire effectuée par le Dr Halpin – qui portait sur les données de neuf études d’une durée d’au moins six mois regroupant 6171 patients – a fait ressortir des effets substantiels. «Le bronchodilatateur à longue durée d’action a réduit de 25 % la fréquence des exacerbations nécessitant une corticothérapie orale, ou de 18 % la fréquence des exacerbations nécessitant une antibiothérapie.» La réduction du risque d’exacerbations de la MPOC était indépendante du traitement subséquent nécessaire, et la robustesse de ce résultat a été démontrée pour l’ensemble des sous-groupes définis en fonction de la sévérité de la maladie, de l’utilisation de CSI ou de l’âge.

Diagnostiquer la MPOC

Le diagnostic de la maladie est l’un des grands défis à relever si nous aspirons à améliorer la qualité de vie des patients atteints de MPOC en leur proposant des bronchodilatateurs efficaces. Bien que l’installation des symptômes puisse être insidieuse, l’interrogatoire doit systématiquement apprécier la fonction pulmonaire chez les patients qui se situent dans la tranche d’âge où la MPOC se manifeste habituellement, en particulier s’ils ont des antécédents de tabagisme.

Selon le Dr Gunnar Johansson, département des sciences de la santé publique et des soins de santé, Université d’Uppsala, Suède, «lorsqu’on leur pose la question, plus des deux tiers des sujets atteints d’une MPOC d’intensité légère non diagnostiquée indiquent qu’ils ont des symptômes d’essoufflement, de toux et de dyspnée, mais ne cherchent toujours pas à se faire traiter. Cette situation est lamentable, car le diagnostic précoce et le traitement efficace de la MPOC aux stades peu avancés sont cruciaux pour prévenir le déclin de la fonction pulmonaire.» Afin d’explorer le traitement pharmacologique de la MPOC aux premiers stades, le Dr Johansson et ses collègues ont évalué l’utilisation d’un anticholinergique à longue durée d’action, le tiotropium, chez 224 patients atteints d’une MPOC d’intensité légère (définie comme un VEMS [volume expiratoire maximal en une seconde] post-bronchodilatateur ³60 % de la valeur théorique).

Les résultats ont fait ressortir une amélioration significative de tous les paramètres de la fonction pulmonaire comparativement au placebo, et ces améliorations étaient équivalentes à celles qui sont observées dans les cas de MPOC modérée à sévère. La sécheresse buccale – qui était l’effet indésirable le plus fréquent – était généralement d’intensité légère et se résorbait souvent spontanément. Le traitement actif a augmenté significativement l’aire sous la courbe et la valeur minimale du VEMS, de 8,4 % et de 6 % respectivement (p<0,0001). Les améliorations étaient observables 30 minutes après la prise de la première dose et se sont maintenues tout au long de l’intervalle posologique de 24 heures et pendant au moins 85 jours.

Réduire la mortalité

La recherche s’oriente vers la modification de la capacité fonctionnelle du patient et de sa qualité de vie, l’une des raisons étant qu’aucune étude n’a pu mettre en évidence de diminution de la mortalité. Lors de l’étude la plus récente conçue pour examiner ce paramètre (intitulée TORCH, pour Towards a Revolution in COPD Health), on a constaté une réduction numérique de la mortalité à trois ans dans le groupe salmétérol (BALA) plus fluticasone (CSI) comparativement au groupe placebo, mais la réduction du risque absolu n’était que de 2,6 % et n’a pas atteint le seuil de signification statistique (p=0,052).

La possibilité que la maîtrise efficace des symptômes par les bronchodilatateurs rompe le cercle vicieux menant au déclin progressif de la fonction pulmonaire suscite actuellement un grand intérêt, mais des études plus vastes s’imposent. «Je pense que l’imprécision statistique de l’étude TORCH aurait en grande partie été évitée [si le nombre de patients avait été plus élevé]», indique le Dr Peter Calverley, Aintree University Hospital, Liverpool, Royaume-Uni. En fait, ce dernier demeure optimiste quant à la capacité des études futures à démontrer une réduction de la mortalité, en particulier grâce à l’utilisation de bronchodilatateurs, y compris ceux de la classe des anticholinergiques.

L’abandon du tabac : une première mesure fondamentale

Selon les lignes directrices cliniques actuelles, la première étape de la prise en charge de la MPOC est l’abandon du tabac. à ce jour, cette mesure est la seule intervention à être associée à un avantage significatif sur le plan des paramètres objectifs de la fonction pulmonaire, en particulier le degré d’abaissement du VEMS. Bien que le tabac soit un facteur déterminant de la maladie et une cible appropriée de la stratégie de traitement, il est important de reconnaître que l’atténuation des atteintes fonctionnelles et la prévention des exacerbations récurrentes par l’emploi de bronchodilatateurs ont aussi des effets bénéfiques théoriques substantiels sur le pronostic à long terme. On mène actuellement des études afin d’évaluer l’effet de différentes stratégies de maîtrise stricte des symptômes sur le pronostic à long terme, mais la démonstration d’un bénéfice ne reposera pas seulement sur les paramètres objectifs de la fonction pulmonaire. Comme on reconnaît de plus en plus le retentissement important de la MPOC sur la vie des patients, on s’attachera plutôt à évaluer systématiquement des paramètres comme la capacité d’exercice, les activités de la vie quotidienne et la qualité de vie afin d’établir les bienfaits thérapeutiques dans la perspective du patient.

Résumé

Les données qui montrent que les bronchodilatateurs peuvent grandement améliorer la qualité de vie des patients atteints de MPOC doivent être communiquées tant aux patients qu’aux médecins. La question de savoir si les traitements faisant appel au tiotropium ou aux BALA peuvent prolonger la survie reste à explorer dans de futures études, mais déjà, un nombre appréciable de données plaident en faveur de l’utilisation de ces agents pour améliorer le niveau d’activité à mesure que la maladie progresse. Le défaitisme face à cette maladie n’a donc plus sa raison d’être.

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