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Sur le pied de guerre grâce à la vaccination antigrippale prépandémique

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

La Troisième Conférence européenne sur la grippe

Vilamoura, Portugal / 14-17 septembre 2008

Si un virus grippal zoonotique, aviaire notamment, devenait facilement transmissible d’homme à homme à la suite d’une mutation, l’idéal serait d’endiguer la pandémie à la source, explique le D<sub>r</sub> Ira M. Longini fils, University of Washington, Seattle. En cas d’échec, le monde devrait s’employer à ralentir la propagation du virus jusqu’à ce qu’un vaccin efficace soit disponible. Cela dit, un vaccin «prépandémique», fabriqué à partir de souches existantes du virus de la grippe aviaire (p. ex. H5N1), pourrait offrir une certaine protection en cas de pandémie naissante, jusqu’à la mise en marché d’un vaccin spécifique, ce qui, selon l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), pourrait prendre quatre à six mois.

«Dès les premiers signes de pandémie, les médecins doivent commencer à lutter contre la propagation du virus si l’endiguement échoue», affirme le Dr Longini. Pour ce faire, ils peuvent prescrire divers médicaments, dont des antiviraux. «Si un vaccin prépandémique est disponible, les médecins devront l’utiliser sans délai conformément aux indications, à savoir une primovaccination suivie, après 21 jours, d’une injection de rappel», poursuit-il. Bref, les médecins doivent «être prêts à réagir et bien comprendre les deux [démarches médicales]».

Il ne s’agit pas là de considérations purement théoriques, prévient le Dr Longini. «Les rapports de résistance [de souches existantes du virus grippal] aux antiviraux sont de plus en plus nombreux»; en Norvège, ajoute-t-il, les deux tiers des souches H1N1 ayant infecté des humains résistent déjà à certains antiviraux. «Les autorités devraient, par prudence, commencer à se constituer des réserves de vaccins [prépandémiques] dès maintenant, en conservant séparément l’antigène et l’adjuvant», de sorte que l’on puisse remplacer l’antigène advenant une dérive antigénique, de préciser le Dr Longini.

Efficacité potentielle du vaccin prépandémique : démonstration par modélisation mathématique

Le Pr Neil M. Ferguson, professeur titulaire de biologie mathématique, division d’épidémiologie, de santé publique et de soins de premier recours, Imperial College, Londres, Royaume-Uni, a démontré, au moyen d’un modèle mathématique, l’efficacité potentielle de la vaccination prépandémique. À en juger par l’information dont nous disposons, explique-t-il, «le virus se propagera dans le monde à une vitesse telle qu’il est utopique d’espérer avoir à notre disposition un vaccin spécifique pendant la première vague de la pandémie».

Selon les modèles mathématiques, la vaccination immédiate, dès l’éclosion d’une pandémie, pourrait contenir assez efficacement la propagation du virus et limiter les dégâts. Le Pr Ferguson a supposé que de 1 à 10 millions de personnes seraient vaccinées à proximité du lieu de l’éclosion initiale. Il a obtenu des résultats favorables, même en supposant que le vaccin prépandémique n’offrirait qu’une faible protection contre la souche réelle déterminant la pandémie grippale. L’efficacité de la vaccination prépandémique immédiate était fonction de deux éléments, soit la possibilité d’accélérer l’administration des deux doses usuelles du vaccin, et la protection offerte par une seule de ces doses. «Nous devons ajouter [la vaccination immédiate] aux mesures d’endiguement déjà prévues», déclare le Pr Ferguson, soulignant que les résultats seront optimaux dans la mesure où cette vaccination viendra s’ajouter aux antiviraux et aux interventions de santé publique visant à réduire les taux de contact, et non les remplacer. «La vaccination prépandémique peut réduire notablement le taux d’attaque clinique pendant une pandémie de grippe, même si elle est relativement peu efficace et sa couverture est modérément étendue», conclut le professeur.

Vaccin prépandémique : souche H5N1 de clade 1

Selon le Dr Albert Osterhaus, Centre médical Erasmus, Université de Rotterdam, Pays-Bas, le vaccin doit être sûr, fortement immunogène, produit à l’aide d’une quantité limitée d’antigène et procurer une immunité en cas de dérive génétique. «[Ce type de vaccin] doit déclencher une forte production d’anticorps, de préférence de longue durée, et présenter une réactogénicité étendue.» L’immunoprotection croisée contre de multiples nouvelles souches H5N1 des clades 1 et 2, associées toutes les deux à des cas de grippe aviaire chez l’humain, est particulièrement importante. (Un clade est un groupe de variantes d’un virus étroitement apparentées.)

Le Dr Osterhaus a examiné les résultats cliniques obtenus au moyen d’un vaccin prépandémique dirigé contre la souche H5N1 A/Vietnam/1194/2004 (clade 1) du virus grippal. Ce vaccin antigrippal prépandémique contient un adjuvant novateur, à savoir une émulsion huile dans l’eau à 10 % (AS03). À raison de deux doses administrées à 21 jours d’intervalle, ce vaccin a déclenché une réaction immunitaire contre la souche vaccinale chez des volontaires sains de 18 à 64 ans. En outre, la vaccination a déterminé une immunité croisée contre un isolat H5N1 de clade 2 récent (A/Indonesia/5/2005, sous-clade 2.1) et a fait montre d’un potentiel d’immunoprotection croisée contre des virus prototypes de l’OMS des sous-clades 2.2 et 2.3.

Grâce à l’adjuvant, on a pu diminuer la quantité d’antigène présente dans le vaccin. Ainsi, un vaccin adjuvanté contenant 3,8 µg d’hémagglutinine a provoqué une inhibition marquée de l’hémagglutination et une forte production d’anticorps neutralisants, rapporte le Dr Osterhaus. «Il est capital de ménager les antigènes, prévient-il, car la capacité mondiale de production de vaccins en prévision de la pandémie à venir est limitée.»

En menant des études précliniques chez le furet, modèle expérimental éprouvé, les chercheurs ont pu évaluer directement la protection qu’offre le vaccin contre une infection subséquente par le virus H5N1, fortement pathogène, travaux impossibles à réaliser chez l’être humain. Chez les animaux vaccinés, par comparaison aux témoins, le taux de survie a été plus élevé et la charge virale dans les échantillons de tissu pulmonaire, plus faible. On a observé une excrétion virale chez seulement 30 % des furets vaccinés, autre avantage important qui, s’il se concrétise également chez l’être humain, pourrait réduire considérablement la transmission virale lors d’une pandémie grippale.

Le vaccin a également été mis à l’essai chez des enfants de 3 à 9 ans, chez lesquels son profil d’innocuité et de réactogénicité s’est révélé acceptable.

Données cliniques : vaccins dirigés contre une souche H5N1 de clade 2

La Dre Joanne Langley, Dalhousie University, IWK Health Centre, Halifax, Nouvelle-Écosse, a présenté les résultats sur l’innocuité et l’immunogénicité croisée de candidats vaccins dirigés contre une souche de clade 2; l’essai clinique de phase I/II, mené chez des adultes, a pris fin récemment. La plupart des essais cliniques réalisés jusqu’à maintenant portent sur des vaccins dirigés contre des souches H5N1 de clade 1, qui ont infecté des humains en 2004 et 2005. Cependant, des souches de clade 2 ont également infecté des humains depuis 2005. Dans le présent essai, on a comparé à un vaccin sans adjuvant deux candidats vaccins dirigés contre la souche H5N1 A/Indonesia/5/2005 (clade 2.1) et contenant l’adjuvant AS03.

Des adultes de 18 à 64 ans ont reçu deux doses, à 21 jours d’intervalle, d’un vaccin contenant 3,75 µg d’hémagglutinine et l’adjuvant AS03 (150 participants) ou du même vaccin sans adjuvant (75 témoins). On s’est intéressé à l’innocuité, notamment aux symptômes locaux et généraux, aux effets indésirables (EI) et aux EI graves. Les douleurs au point d’injection ont été plus fréquentes chez les sujets ayant reçu le vaccin adjuvanté que chez les témoins, mais les rougeurs et l’œdème ont touché moins de 5 % des participants. Aucun EI grave lié au vaccin n’a été signalé. Après la primovaccination, le taux de séroconversion contre le clade 2.1 a atteint 42,1 % à 45,7 % avec le vaccin adjuvanté (groupe témoin : 6,7 %). Après la dose de rappel, on a obtenu un taux de 96,4 % à 97,2 % grâce au vaccin adjuvanté contre 17,3 % dans le groupe témoin. Le vaccin adjuvanté a également procuré une protection contre une souche de clade 1 du virus grippal : après deux doses, le taux de séroconversion variait entre 56,4 % et 62,1 %. Bref, résume la Dre Langley, les résultats témoignent d’une séroconversion nettement plus marquée dans le groupe ayant reçu les vaccins adjuvantés que dans le groupe ayant reçu le vaccin sans adjuvant.

Préparation des candidats vaccins pandémiques

Dans un second exposé, le Dr Osterhaus a décrit les problèmes logistiques que pose la mise au point de vaccins spécifiques en cas de pandémie, en ne manquant pas de souligner les progrès appréciables accomplis à ce chapitre. Lorsqu’elles définissent leur plan d’action en cas de pandémie, les autorités de chaque pays doivent composer avec certaines incertitudes, notamment l’efficacité d’une éventuelle réserve de vaccins prépandémiques contre la souche pandémique, le délai de mise au point d’un vaccin spécifique et la capacité mondiale de produire ce vaccin rapidement et en quantité suffisante. Heureusement, grâce à de nouvelles techniques d’élaboration, les vaccins offrent aujourd’hui une protection plus étendue et plus durable. Grâce à des procédés de stimulation de la réaction immunitaire, on peut fabriquer les vaccins à partir d’une quantité moindre d’antigène, ce qui accroît la capacité de production. Qui plus est, une fois le virus pandémique isolé, les scientifiques peuvent recourir à des techniques moléculaires novatrices telle la génétique inverse afin d’accélérer la mise au point d’un vaccin. Par ailleurs, les scientifiques constituent des réserves de «virus de semence», qui pourraient servir à l’élaboration d’un vaccin pandémique, et les tiennent à jour en puisant régulièrement dans les réservoirs aviaires. Enfin, la capacité mondiale de production de vaccins s’est accrue.

Résumé

Combiné à d’autres médicaments et à des mesures d’endiguement, le vaccin prépandémique dirigé contre la souche H5N1 du virus grippal représente une arme précieuse en cas de pandémie. Son importance cruciale tient au délai de production d’un vaccin spécifique après l’éclosion d’une pandémie. Un vaccin adjuvanté dirigé contre la souche H5N1 A/Vietnam/1194/2004 (clade 1) du virus grippal s’est révélé sûr et efficace lors d’essais cliniques, en plus d’offrir une immunité croisée contre un isolat H5N1 de clade 2 récent. On a élaboré et mis à l’essai d’autres candidats vaccins, notamment deux vaccins adjuvantés dirigés contre une souche H5N1 de clade 2.1 plus récente du virus grippal. On a obtenu des taux de séroconversion de 42,1 % à 45,7 % après la primovaccination et de 96,4 % à 97,2 % après le rappel, accompagnés d’une immunogénicité croisée appréciable contre une souche de clade 1 plus ancienne.

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