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Diabète de type 2 : le traitement antidiabétique oral revisité pour une meilleure maîtrise et un risque moindre

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - 74es Séances scientifiques de l’American Diabetes Association (ADA)

San Francisco, Californie / 13-17 juin 2014

San Francisco – Deux études menées en conditions réelles ont jeté un éclairage nouveau sur la conduite à tenir pour maîtriser la glycémie de façon durable dans le diabète de type 2 (DT2). Ces études – toutes deux présentées au congrès de lADA – ont permis de mieux comprendre le lien entre le choix de l’antidiabétique oral que l’on associe à la metformine en deuxième intention et la maîtrise de la glycémie à long terme. La maîtrise durable de la glycémie est LE plus grand défi que nous ayons à relever pour réduire les complications du DT2. L’une de ces études – menée en Europe – a objectivé les limites d’une sulfonylurée, l’association de cette sulfonylurée et de la metformine n’ayant pas procuré une aussi bonne maîtrise à long terme que l’association inhibiteur oral des incrétines + metformine. Dans l’autre étude, menée au Canada, l’association fixe metformine + agent de deuxième intention a augmenté considérablement la probabilité d’obtention et de maintien des cibles glycémiques comparativement aux deux médicaments pris séparément. Les avantages de chaque stratégie éclairent la prise en charge des patients pour qui la metformine seule ne suffit plus.

Rédactrice médicale en chef : Dre Léna Coïc, Montréal, Québec

Dans ses lignes directrices de 2013, l’Association canadienne du diabète (ACD) (Harper et al. Can J Diabetes 2013;37[suppl 5]:S428-36) recommande au médecin de prendre une décision à la lumière des caractéristiques du patient et de ses préférences personnelles quand vient le temps de choisir l’antidiabétique à ajouter à la metformine en deuxième intention. De nouvelles données présentées au congrès de l’ADA pourraient toutefois éclairer le médecin concrètement. Si l’ACD estime qu’aucun objectif n’est plus important que la maîtrise durable de la glycémie, il reste que deux études présentées au congrès de l’ADA objectivent d’importantes différences entre les stratégies que l’on utilise pour y arriver. Dans la plus vaste des deux études, menée en France, l’association metformine + inhibiteur de la dipeptidylpeptidase-4 (DPP-4) a permis de maîtriser la glycémie de façon plus durable dans la pratique clinique, comparativement à l’association metformine + sulfonylurée.

«L’analyse primaire de l’efficacité a révélé que la durée médiane du traitement avait été de 43,2 mois pour le schéma metformine + inhibiteur de la DPP-4 vs 20,2 mois [p<0,0001] pour le schéma metformine + sulfonylurée», affirme le Dr Paul Valesi, directeur du Service d’endocrinologie, de diabétologie et de nutrition, Hôpital Jean Verdier, Université de Paris Nord, Bondy, France. Peu importe le motif de la modification du traitement – c’est-à-dire l’ajout, le retrait ou le remplacement d’un agent –, le choix de l’inhibiteur de la DPP-4 – par opposition à une sulfonylurée – a permis aux patients de poursuivre leur traitement plus de deux fois plus longtemps.

L’étude, intitulée ODYSSEE, a été réalisée à la demande des autorités françaises; l’objectif était de déterminer si les inhibiteurs de la DPP-4 – lesquels ont été mieux tolérés que les sulfonylurées lors d’études comparatives – étaient plus avantageux dans la pratique sur le plan de l’observance. En France, les deux schémas que l’on utilise le plus souvent pour améliorer la maîtrise glycémique chez les patients sous metformine seule sont l’ajout d’un inhibiteur de la DPP-4 (40 % des ordonnances) et l’ajout d’une sulfonylurée (38 % des ordonnances).

De nature observationnelle, cette étude était simple et réunissait des omnipraticiens de partout en France. Des adultes atteints de DT2 sous metformine ont été recrutés au cours des 8 semaines suivant le début d’un traitement par la metformine et une sulfonylurée (MetSu) ou par la metformine et la sitagliptine (MetSita). La composition des groupes – dont les sujets n’avaient pas été randomisés – dépendait des ordonnances des médecins. Les données sur les 2607 patients participants ont été recueillies lors des consultations de suivi sur une période de 3 ans. Les données recueillies portaient non seulement sur la modification du traitement – le paramètre principal – mais également sur les effets indésirables, la maîtrise de la glycémie et les complications du diabète.

Efficacité comparable

L’efficacité du schéma MetSita a été comparable à celle du schéma MetSu. Les deux ont abaissé le taux d’HbA1c d’environ 0,6 % par rapport au traitement antérieur. Dans l’ensemble, le risque plus élevé de modification du traitement sous MetSu semblait lié à la tolérabilité. Comme on s’y attendait, l’incidence des épisodes d’hypoglycémie était plus élevée sous MetSu que sous MetSita (21,0 % vs 9,7 %). L’hypoglycémie a aussi motivé plus de modifications du traitement dans le groupe MetSu que dans le groupe MetSita, mais les motifs «autres» de modification du traitement étaient aussi plus fréquents sous MetSu, ce qui témoigne peut-être d’une meilleure acceptation globale du schéma MetSita. 

Les données qui se dégagent de cette «étude d’observation menée en situation réelle» sont comparables à ce que l’on avait constaté dans le programme de développement clinique de la sitagliptine», affirme le Dr Valesi, mais l’étude montre que les différences observées ont des retombées sur la pratique clinique. En particulier, elles évoquent une probabilité plus forte d’atteinte des cibles préconisées. 

Considérations thérapeutiques 

Dans ses lignes directrices, l’ACD ne recommande pas de hiérarchie particulière des traitements de deuxième intention, mais elle précise les propriétés clés à prendre en compte. Les deux plus importantes sont la durabilité de l’effet antihyperglycémiant, suivie du risque relatif d’hypoglycémie. La diminution des complications du diabète fait aussi partie de la liste. Les sulfonylurées sont peu coûteuses, mais elles sont associées non seulement à un risque appréciable d’hypoglycémie, mais aussi à un effet défavorable sur le fonctionnement à long terme des cellules bêta; de plus, des données d’observation ont soulevé des doutes quant à leur innocuité cardiovasculaire. À en juger par l’étude ODYSSEE, les stratégies de deuxième intention ne sont pas interchangeables sur le plan de la durabilité de l’effet en situation réelle. 

Une autre étude présentée au congrès de l’ADA – dont l’objectif était d’évaluer l’impact des décisions thérapeutiques en situation réelle – a aussi permis de générer des données éclairantes pour la pratique clinique. Dans cette étude canadienne, intitulée GIFT, on a évalué l’effet sur l’observance d’associations à dose fixe metformine + inhibiteur de la DPP-4 et des deux mêmes médicaments administrés séparément. Si ces associations à dose fixe ont fait la preuve de leur efficacité et de leur innocuité lors d’essais traditionnels avec randomisation, l’étude GIFT avait plutôt pour objectif de déterminer si la commodité d’un comprimé unique modifiait l’efficacité du traitement dans la pratique clinique. 

Évaluation des résultats  

Comparativement aux prescriptions séparées de metformine et d’un inhibiteur de la DPP-4, «nous avions observé une amélioration des glycémies rapportées à la suite de l’inscription au FMO [Formulaire des médicaments de l’Ontario] de la première association à dose fixe, mais nous voulions faire une évaluation systématique», explique le Dr Harpreet S. Bajaj, LMC Diabetes and Endocrinology Center, Brampton, Ontario. Les deux coparamètres principaux de l’étude, le taux d’HbA1c et la glycémie à jeun (GJ), ont été évalués rétrospectivement à trois moments différents : avant le changement, au moins 3 mois après le changement, et lors de la consultation la plus récente (typiquement >12 mois). 

«Tant à la première évaluation que par la suite, nous avons noté une diminution d’environ 22 % du taux d’HbA1c et de la GJ comparativement aux agents administrés séparément», précise le Dr Bajaj. En termes absolus, la diminution était de 0,2 % pour le taux d’HbA1c et de 0,6 mmol/L pour la GJ (p<0,01 dans les deux cas). La diminution était légèrement plus marquée chez les sujets dont le taux d’HbA1c se situait entre 7,0 % et 10,0 % au moment du changement, mais similaire dans tous les autres sous-groupes, qu’ils aient été définis par l’ethnie ou l’âge [moins de 65 ans, ou 65 ans et plus], pour ne nommer que ceux-là. 

L’amélioration «tient probablement à une meilleure observance», fait remarquer le Dr Bajaj, ce qui concorderait avec ce que nous avons observé pour d’autres associations à doses fixes, des antihypertenseurs par exemple. Au Canada, la sitagliptine a été le premier inhibiteur de la DPP-4 à être jumelé avec la metformine dans une association à dose fixe. Deux autres inhibiteurs de la DPP-4, la saxagliptine et la linagliptine, ont depuis été commercialisés en associations à doses fixes avec la metformine. Il existe aussi des associations regroupant la metformine et une sulfonylurée. 

«Nous avons besoin d’études comme celles-là menées en situation réelle afin de déterminer les meilleures stratégies à utiliser pour atteindre les cibles thérapeutiques», poursuit le Dr Bajaj. Il a d’ailleurs cité plusieurs études récentes, y compris une étude canadienne (Leiter et al. Can J Diabetes 2013;37:82-9) selon laquelle les taux de maîtrise glycémique ne s’améliorent pas malgré un arsenal grandissant de traitements efficaces et bien tolérés. 

La lenteur des médecins à adopter des traitements novateurs mieux tolérés pourrait être un obstacle. Une autre étude présentée au congrès de l’ADA, soit un sondage mené auprès de 1498 patients sous antidiabétique aux États-Unis, a révélé que les sulfonylurées demeuraient utilisées chez 52,4 % des patients, seules ou en association. Comme l’a souligné l’auteur principal de l’étude, le Dr Charles F. Shaefer, Jr., Medical College of Georgia, Augusta, Géorgie, les répondants qui prenaient une sulfonylurée étaient généralement plus âgés ou avaient un DT2 depuis plus longtemps. Seulement 16 % des répondants avaient atteint leur taux cible d’HbA1c de même que leurs cibles lipidiques et tensionnelles. 

De l’avis du Dr Shaefer, «l’utilisation des sulfonylurées s’explique par des habitudes bien ancrées, les directives des assureurs et un coût plus faible». Le risque accru d’hypoglycémie et de complications CV lié à l’utilisation des sulfonylurées donne tout lieu de croire qu’il «est essentiel de former les professionnels de la santé si l’on aspire à corriger l’inertie» qui semble faire obstacle à la sélection de traitements assortis d’un meilleur profil d’innocuité et d’observance. 

Conclusion 

Dans les plus récentes directives de l’ACD, les sulfonylurées demeurent une option de deuxième intention viable, surtout lorsque le coût est une considération importante. Une étude d’observation menée en situation réelle semble toutefois indiquer que la glycémie pourrait être maîtrisée plus souvent si l’on ajoutait un inhibiteur de la DPP-4 plutôt qu’une sulfonylurée à la metformine. Selon les résultats d’une autre étude d’observation, la maîtrise de la glycémie est encore plus probable si les patients ayant besoin d’au moins deux antidiabétiques reçoivent une association à dose fixe. L’objectif global du traitement étant de favoriser l’atteinte des taux cibles afin d’éviter les complications du diabète, ces données jettent un éclairage pratique sur le choix du traitement. 

 

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