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Inhibiteurs de la calcineurine topiques dans le traitement de la dermatite atopique

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - Le 18e Congrès de l’EADV (European Academy of Dermatology and Venereology)

Berlin, Allemagne / 7-11 octobre 2009

Les pertes d’eau transépidermiques (PETE) exercent une grande influence sur l’intégrité de la barrière cutanée. Pour illustrer la façon dont les divers traitements de la dermatite atopique (DA) influent sur les PETE, le Dr Michael J. Cork, University of Sheffield, Royaume-Uni, a cité une étude où l’on comparait divers agents topiques, notamment des corticostéroïdes, le tacrolimus et un agent de comparaison (Cork MJ. Symposium international sur la DA [ISAD] de 2009). Les résultats ont révélé que les corticostéroïdes entraînaient une perte de 60 % de la densité des cornéodesmosomes et des PETE substantielles. En revanche, les PETE associées au tacrolimus, inhibiteur de la calcineurine topique (ICT), étaient identiques à celles de l’agent de référence.

«Les corticostéroïdes topiques sont extrêmement efficaces lorsqu’ils sont administrés en cycles brefs dans le traitement des poussées sévères de DA, affirme le Dr Cork. Des problèmes surgissent uniquement lorsqu’on en prolonge l’utilisation. Nos patients nous le disent depuis des années : s’ils sont utilisés de façon chronique, surtout sur le visage, ils peuvent mener à une exacerbation de la DA; c’est le phénomène de la corticodépendance.»

Lors d’une autre étude, le Dr Cork et ses collaborateurs ont comparé directement un corticostéroïde topique (valérate de bétaméthasone) et le tacrolimus topique chez des volontaires. Les chercheurs appliquaient le corticostéroïde topique sur un bras et le tacrolimus sur l’autre pendant trois semaines, période pendant laquelle ils prélevaient des échantillons de peau à l’aide d’un ruban adhésif. Au terme de l’étude, le corticostéroïde topique très actif avait entraîné un taux élevé de PETE alors que l’ICT n’avait eu aucun effet sur les PETE. «Au quotidien, pour traiter la DA, j’estime que le moyen le plus efficace est la combinaison d’un émollient, d’un ICT comme le tacrolimus et de brefs cycles d’administration d’un corticostéroïde topique très actif pendant au plus trois semaines consécutives», précise le Dr Cork.

Physiopathologie de la dermatite atopique

Près de la moitié de tous les cas de DA apparaissent au cours des six premiers mois de vie (Bieber T. N Engl J Med 2008;358:1483-94). À un si jeune âge, il est fréquent que la DA ne soit pas «atopique», c’est-à-dire qu’elle ne découle d’aucune réaction allergique, fait remarquer le Pr Thomas Bieber, Université de Bonn, Allemagne. «En fait, plus de la moitié des enfants chez qui elle apparaît avant l’âge de deux ans ne montrent aucune sensibilisation IgE-dépendante, cette sensibilisation survenant généralement un peu plus tard dans l’évolution de la maladie, poursuit-il. De même, parmi les adultes qui développent une DA, nombreux sont ceux qui ne montrent aucune sensibilisation au départ.»

Les mutations génétiques qui entraînent un dysfonctionnement de la barrière cutanée ouvrent la porte à l’inflammation. La barrière cutanée altérée devient alors sujette à la pénétration d’allergènes environnementaux dans la peau, ce qui amène les cellules dendritiques à orienter la réponse immunitaire vers un profil Th2. «La peau des patients atteints de DA se caractérise par une inflammation infraclinique, même en l’absence de lésions visibles», souligne le Pr Bieber.

L’inflammation accroît la sensibilité de la peau aux infections chez les patients porteurs d’une DA. Certaines études ont objectivé une colonisation de la peau par Staphylococcus aureus qui toucherait jusqu’à 90 % des patients (Verhagen et al. J Allergy Clin Immunol 2006; 117:176-83). De plus, la synthèse d’endotoxines bactériennes est associée à une exacerbation de la DA (Bieber T. N Engl J Med 2008).

L’auto-immunité joue aussi un rôle, à tout le moins dans certains cas de DA, ajoute le Pr Bieber. Environ 25 % des adultes atteints de DA ont des anticorps IgE dirigés contre protéines du soi. Les taux sériques d’autoanticorps sont corrélés avec la sévérité de la maladie, et les anticorps IgE dirigés contre les autoantigènes présents dans la peau peuvent perpétuer l’inflammation allergique (Bieber T. N Engl J Med 2008).

Bien-fondé du traitement continu

Les signes d’inflammation infraclinique continue justifient le recours à un traitement actif continu pour supprimer l’inflammation. L’inflammation infraclinique évolue inévitablement vers une inflammation clinique et des poussées récurrentes de la maladie, note le Pr Bieber. En supprimant l’inflammation infraclinique sans relâche, le traitement actif continu perturbe la nature cyclique du processus morbide et prévient les poussées.

Comme le souligne le Dr Sakari Reitamo, Université de Helsinki, Finlande, le traitement actif continu de la DA s’est révélé supérieur à l’ancien paradigme thérapeutique en vertu duquel seules les poussées étaient traitées.

Dernièrement, le traitement continu par le tacrolimus topique à raison de deux applications par semaine a été comparé au traitement traditionnel des poussées par ce même ICT (Thaçi et al. Br J Dermatol 2008;159:1348-56; Wollenberg et al. Allergy 2008;63:742-50). Les patients atteints de DA, peu importe sa sévérité, recevaient un traitement de stabilisation par l’ICT d’une durée maximale de six semaines dont l’objectif était de maîtriser les poussées. Les patients étaient ensuite randomisés de façon à recevoir un traitement continu à raison de deux applications par semaine d’onguent au tacrolimus ou d’onguent renfermant uniquement l’excipient (onguent placebo). Les poussées de la maladie étaient traitées jusqu’à ce qu’elles se soient résorbées sous l’effet de deux applications par jour de l’onguent à l’ICT.

«Le groupe qui recevait l’onguent placebo était traité selon le schéma de référence actuel, c’est-à-dire le traitement par le tacrolimus administré uniquement en cas de poussée, rapporte le Dr Reitamo. Les résultats ont montré que l’application bihebdomadaire d’onguent au tacrolimus réduisait le nombre de poussées et prolongeait l’intervalle sans poussée, et que l’onguent était bien toléré.» La durée médiane de l’intervalle précédant la première poussée a été prolongée de manière significative chez les adultes (142 vs 15 jours) et les enfants (178 vs 38 jours) (p<0,001 dans les deux cas).

Les chercheurs ont réalisé une analyse a posteriori qui se limitait aux patients atteints de DA modérée ou sévère. Tant chez les enfants que chez les adultes, l’application bihebdomadaire a réduit significativement le nombre de poussées comparativement au traitement épisodique (p<0,001).

Le nombre de patients n’ayant eu aucune poussée était environ trois fois plus élevé dans le groupe qui recevait l’ICT deux fois par semaine que dans le groupe témoin, poursuit le Dr Reitamo. Parmi les adultes, le pourcentage de patients n’ayant eu aucune poussée s’établissait à 42,5 % dans le groupe qui recevait l’onguent au tacrolimus deux fois par semaine, par comparaison à 12,3 % dans le groupe qui recevait le traitement en cas de poussée (p<0,001). Une différence semblable s’est dégagée de l’analyse des données chez l’enfant : 41 % vs 14,7 %, respectivement (p<0,001).

La tolérabilité des deux schémas d’ICT était comparable chez les enfants et les adultes. De plus, l’utilisation quotidienne moyenne d’onguent à l’ICT était similaire dans les deux groupes. La maîtrise supérieure de la maladie sous l’effet du traitement proactif n’a pas donné lieu à une plus grande consommation du médicament, note le Dr Reitamo. L’utilisation quotidienne de l’onguent au tacrolimus se chiffrait en moyenne à environ 2 g dans les deux groupes de sujets adultes et 1,3-1,4 g dans la cohorte pédiatrique.

Les résultats ont amené l’Union européenne à accepter le traitement continu par le tacrolimus comme traitement de référence de la DA modérée ou sévère, chez les adultes comme chez les enfants, explique le Dr Reitamo. Chez les adultes, le médecin doit réévaluer le schéma d’entretien bihebdomadaire après 12 mois pour déterminer s’il doit se poursuivre vu l’absence de données d’innocuité sur le traitement d’entretien continu au-delà de 12 mois. Chez les enfants qui reçoivent le traitement deux fois par semaine, en revanche, le traitement doit prendre fin après 12 mois, après quoi on détermine s’il y a lieu de continuer à traiter.

Risque de cancer non majoré

L’arrivée des ICT a suscité certaines craintes quant au risque théorique de cancer. Plus de 15 années de recherche et d’utilisation cliniques n’ont pas corroboré ce risque, fait valoir le Pr Carle Paul, chef de la dermatologie, Université de Toulouse, France.

Plusieurs études épidémiologiques ont confirmé que le risque de cancer n’était pas majoré chez les patients traités par un ICT. Lors d’une étude, les chercheurs ont comparé 1946 patients atteints de DA sous ICT et 875 patients qui n’avaient pas reçu ce traitement. Les résultats n’ont fait ressortir aucune augmentation du risque de cancer de la peau non mélanique chez les utilisateurs d’ICT (Margolis DJ, Hoffstad O, Bilker W. Dermatology 2007;214:289-95).

De même, l’analyse de données provenant de près de 300 000 patients atteints de DA n’a mis en évidence aucun lien entre l’utilisation d’ICT et un risque accru de lymphome. En fait, seule la sévérité de la DA est prédictive d’un risque accru de lymphome (Arellano et al. J Invest Dermatol 2007;127:808-16).

«Dans l’ensemble, l’onguent au tacrolimus est un traitement bien toléré dans la DA modérée ou sévère, conclut le Pr Paul. L’exposition systémique au tacrolimus est très faible, et rien n’indique que le risque de cancer soit majoré chez les patients qui utilisent cet onguent.»

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