Comptes rendus

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Nouvelles lignes directrices canadiennes sur le traitement des dyslipidémies : objectifs plus ambitieux et nouveaux marqueurs de risque

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - Congrès canadien sur la santé cardiovasculaire 2009

Edmonton, Alberta / October 24-28, 2009

Les nouvelles recommandations que la Société canadienne de cardiologie vient de publier en 2009 pour le traitement des dyslipidémies (Genest et al. Can J Cardiol 2009;25:567-79) sont à la fois plus simples et plus ambitieuses que les recommandations précédentes. Les patients dits à risque modéré ont été intégrés à la catégorie des patients à risque élevé en raison de données probantes montrant un bénéfice clinique associé à l’atteinte des mêmes taux cibles. Selon les nouvelles recommandations, la protéine C-réactive ultrasensible (hsCRP) est un marqueur du risque utile chez les patients à risque modéré, ce qui sous-entend que l’inflammation participe au processus physiopathologique.

Plaque friable

Les marqueurs de l’inflammation comme l’hsCRP soulèvent plusieurs questions, et on se demande entre autres s’ils permettent de repérer la présence de plaques athéromateuses friables.

«La recherche de biomarqueurs de la vulnérabilité de la plaque est devenue une grosse industrie, et de nombreux marqueurs sont en cours d’évaluation», affirme le Dr G.B. John Mancini, Division de cardiologie, University of British Columbia, Vancouver. L’angiographie n’est pas efficace pour mettre ces lésions en évidence, précise-t-il. Bien que diverses techniques d’imagerie novatrices soient prometteuses, l’imagerie de l’arbre vasculaire demeure coûteuse et difficile, ce qui rend le dosage des biomarqueurs d’autant plus attrayant.

Une plaque friable se caractérise par un gros noyau lipidique entouré d’une fine chape fibreuse, laquelle rend la plaque vulnérable aux facteurs déstabilisateurs, notamment les cytokines inflammatoires. Lorsque la plaque se rompt, son contenu se trouve exposé à la circulation sanguine et il en résulte une cascade d’événements qui aboutissent rapidement à la formation d’un thrombus. On pense maintenant qu’il s’agit d’une source importante d’événements vasculaires. Par le passé, le bénéfice principal du traitement hypolipidémiant était attribué à l’arrêt de la progression de l’athérosclérose, mais pour que le risque vasculaire diminue immédiatement, il pourrait aussi être important que le traitement hypolipidémiant stabilise la plaque et réduise le nombre de facteurs pro-inflammatoires en circulation.

Résultats de l’essai JUPITER

Les données les plus probantes à l’appui de l’importance éventuelle de l’effet anti-inflammatoire du traitement hypolipidémiant proviennent de l’essai JUPITER (Justification for the Use of statins in Prevention: an Intervention Trial Evaluating Rosuvastatin), qui est d’ailleurs cité dans les nouvelles recommandations canadiennes. Lors de cet essai multinational, des adultes généralement en bonne santé (hommes de plus de 50 ans, femmes de plus de 60 ans) dont le taux de C-LDL était <3,4 mmol/L mais dont le taux d’hsCRP était >2,0 mg/L ont été randomisés de façon à recevoir 20 mg de rosuvastatine 1 f.p.j. ou un placebo. Au terme d’un suivi d’une durée médiane de 1,9 an, l’étude a pris fin prématurément en raison de l’énorme bénéfice observé dans le groupe sous traitement actif, à savoir une diminution de 44 % dans le groupe rosuvastatine (HR de 0,56; IC à 95 %, 0,46-0,69; p<0,00001) du risque de survenue des événements regroupés dans le paramètre principal mixte, soit l’infarctus du myocarde, l’AVC, l’intervention de revascularisation artérielle, l’hospitalisation pour cause d’angine instable ou le décès d’origine cardiovasculaire (CV).

Sur la foi de cette étude, on a déterminé que le taux d’hsCRP était un marqueur du risque utile chez les patients à risque modéré, défini par l’équation de Framingham ou le calculateur de risque de Reynolds comme une probabilité de 10 à 19 % d’événement CV sur une période de 10 ans. Chez les patients exposés à un risque plus élevé, l’hsCRP n’est pas un facteur discriminant utile, car l’objectif actuel du traitement – un taux de C-LDL <2,0 mmol/L ou une diminution de 50 % par rapport au taux initial – doit être atteint, quel que soit le taux d’hsCRP. Chez les patients à faible risque, l’utilité de l’hsCRP en tant que facteur discriminant du risque n’a pas encore été établie. De l’avis du Dr Jacques Genest, directeur de la Division de cardiologie, CUSM-Hôpital Royal Victoria, Montréal, Québec, on devrait mesurer le taux d’hsCRP uniquement si le résultat risque d’influer sur la prise en charge du patient. Bien qu’il qualifie l’hsCRP de «marqueur du risque robuste», il précise que «la plupart de ses confrères et consœurs voient l’hsCRP comme un biomarqueur et non comme un facteur de risque modifiable».

Débat sur le marqueur du risque

Il existe très peu de données montrant que l’hsCRP est un facteur de risque causal, mais on ne s’entend pas sur la possibilité d’utiliser l’hsCRP comme marqueur de l’efficacité du traitement. Dans le cadre d’un débat visant à déterminer si l’inflammation est un paramètre que l’on peut cibler, le Dr Mancini a cité diverses sources, notamment l’essai JUPITER, dont les résultats donnent à penser que l’atteinte d’un faible taux de C-LDL et d’un faible taux d’hsCRP génère de meilleurs résultats que l’atteinte d’un seul des deux paramètres. Ce principe a été démontré non seulement lors d’essais cliniques, mais aussi lors d’études sur la régression de l’athérosclérose. Bien que ces résultats découlent probablement du bénéfice associé à la maîtrise de la réponse inflammatoire, ils indiquent tout de même que la baisse du taux d’hsCRP pourrait être un objectif valable.

«Est-ce le fruit du hasard que les taux d’événements soient systématiquement plus faibles lorsqu’on abaisse les taux d’hsCRP et de C-LDL? Je ne pense pas», lance le Dr Mancini, qui prône l’utilisation de l’hsCRP pour confirmer l’efficacité des stratégies actuelles. Le tenant du camp adverse, le Dr David C.W. Lau, directeur du Groupe de recherche sur le diabète et les troubles endocriniens, University of Calgary, Alberta, reconnaît que l’hsCRP est un outil utile pour cerner les patients qui bénéficieraient d’une baisse du taux de C-LDL, mais, prévient-il, l’hsCRP n’a jamais été étudiée en tant que paramètre, si bien que la stratégie visant à fonder les décisions thérapeutiques sur la variation du taux d’hsCRP sous l’effet du traitement n’est «pas tout à fait au point». Il attend les résultats des essais en cours qui évaluent le bénéfice associé à l’hsCRP en tant que cible du traitement.

Que l’hsCRP soit un facteur de risque que l’on peut cibler ou non, l’ajout de la diminution de 50 % du taux de C-LDL à l’objectif antérieur – soit un taux <2,0 mmol/L – est une modification substantielle des nouvelles recommandations canadiennes. Comme on le précise dans les lignes directrices, cette modification est «fondée en grande partie sur l’essai JUPITER» et implique que la baisse du taux de C-LDL en deçà de 2,0 mmol/L confère un bénéfice supplémentaire. Lors de l’essai JUPITER, la baisse de 50 % du taux de C-LDL chez les patients qui recevaient 20 mg de rosuvastatine s’est traduite par un taux médian de C-LDL de 1,4 mmol/L à 12 mois. D’autres études ont aussi objectivé une diminution du risque encore plus marquée sous l’effet d’une baisse supplémentaire du taux de C-LDL en deçà de 2,0 mmol/L.

«Nous recommandons que cet objectif soit atteint au moyen d’une statine puissante en monothérapie», enchaîne le Dr Genest. Bien qu’un seul agent ne permette pas d’atteindre le nouvel objectif chez la totalité des patients, reconnaît-il, il estime que c’est possible dans la majorité des cas, sans oublier que la monothérapie a l’avantage de faciliter l’observance. Les principales statines sont toutes sûres et efficaces aux doses approuvées.

Autres modifications apportées aux lignes directrices

La décision d’accepter l’apolipoprotéine B (apoB) comme marqueur de rechange au C-LDL a donné lieu à une autre modification des lignes directrices. Si les auteurs reconnaissent que de nombreux laboratoires cliniques ne sont pas encore équipés pour mesurer le taux d’apoB, ils estiment néanmoins que le taux d’apoB est bien corrélé avec le taux de C-LDL, qu’il pourrait y avoir moins d’erreurs de laboratoire dans le dosage de l’apoB et que l’apoB pourrait être un meilleur marqueur de l’efficacité du traitement visant à abaisser le taux de C-LDL. Le taux cible d’apoB est de <0,8 g/L. Dans les nouvelles lignes directrices, il est aussi fait mention des cibles secondaires suivantes, déterminées à partir d’essais antérieurs : ratio CT:C-HDL <4,0, taux de cholestérol non-HDL <3,5 mmol/L, ratio apoB:apoA1 <0,80, taux de triglycérides <1,7 mmol/L et taux d’ hsCRP <2,0 mg/L. L’ajustement du traitement hypolipidémiant de façon à optimiser une ou plusieurs de ces cibles secondaires pourrait être envisagé chez les patients à risque élevé une fois atteint le taux cible de C-LDL ou d’apoB, mais les retombées de cette démarche sur les résultats cliniques n’ont pas encore été validées.

Ces cibles sont fondées sur des données montrant une diminution des taux d’événements CV à long terme, mais la probabilité d’une maîtrise efficace du taux de C-LDL permet aussi de réduire le risque à court terme. Les principales études cliniques, y compris JUPITER, ont pour la plupart objectivé une divergence des courbes après quelques mois. Cette période donne à penser que la baisse des taux lipidiques, qu’elle découle directement d’une diminution de la cholestérolémie ou indirectement d’une diminution de l’inflammation, stabilise les plaques friables et réduit le nombre de ruptures se soldant par un événement thrombotique.

Résumé

Les nouvelles recommandations canadiennes quant au taux de C-LDL, qui concernent à la fois les patients à risque modéré et les patients à risque élevé, incluent maintenant une diminution de 50 % du taux de C-LDL par rapport au taux initial en plus de l’objectif existant, soit un taux de <2,0 mmol/L. Cet objectif plus ambitieux nécessitera un traitement plus énergique, mais les auteurs des nouvelles lignes directrices estiment qu’une statine puissante en monothérapie devrait permettre de les atteindre chez la plupart des patients. Ils reconnaissent aussi que l’inflammation participe au risque CV. Bien qu’il n’ait pas encore été démontré que l’hsCRP est un facteur de risque des événements thrombotiques qui se traite, elle s’est révélée utile pour nous aider à reconnaître les patients qui bénéficieraient d’une forte diminution du taux de C-LDL.

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