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Le traitement immunosuppresseur chez le transplanté cardiaque à risque élevé

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - Les 29e Assemblée/Séances scientifiques annuelles de l’International Society for Heart and Lung Transplantation

Paris, France / 22-25 avril 2009

Quatre groupes de patients sont connus pour être particulièrement vulnérables à une piètre issue clinique après une transplantation cardiaque : les femmes, les individus d’ascendance africaine, les insuffisants cardiaques porteurs d’un dispositif d’assistance ventriculaire (DAV) et les patients qui présentent une allo-immunisation définie par un score PRA (panel-reactive antibody) <u>></u>10 %. Souvent, ces patients se trouvent dans un état critique et sont particulièrement vulnérables aux infections lorsqu’ils reçoivent un schéma immunosuppresseur contenant un corticostéroïde, d’où la nécessité d’explorer les schémas d’épargne stéroïdienne.

Il ressort d’une analyse des données de l’essai TICTAC (Tacrolimus in Combination, Tacrolimus Alone Compared) qu’un inhibiteur de la calcineurine (ICN) en monothérapie comme traitement immunosuppresseur d’entretien chez les patients à risque élevé donne d’excellents résultats et permet un sevrage rapide des stéroïdes, soulignent le Dr David Baran, directeur de la recherche sur l’insuffisance et les transplantations cardiaques, Newark Beth Israel Medical Center, New Jersey, et ses collaborateurs. TICTAC était un essai ouvert, prospectif et comparatif avec randomisation qui regroupait 150 transplantés cardiaques d’âge adulte. Ces patients recevaient du tacrolimus, des corticostéroïdes et du mycophénolate mofétil (MMF) pendant deux semaines, après quoi ils étaient randomisés de façon à recevoir en traitement d’entretien l’association tacrolimus-MMF ou le tacrolimus seul, une fois terminé le sevrage des stéroïdes après six à huit semaines. Aucun traitement d’induction n’était administré. L’étude durait un an, mais certains patients ont été suivis pendant une période atteignant cinq ans.

Issue clinique chez les patients à risque élevé

Les chercheurs ont analysé l’issue clinique des groupes à risque susmentionnés en fonction du score biopsique moyen selon l’ISHLT (International Society for Heart and Lung Transplantation) à six et à 12 mois, de l’absence d’un rejet de grade 2R/3R selon l’ISHLT à un an et de la survie à un et à trois ans. L’analyse portait sur les patients à risque élevé qui avaient été randomisés de façon à recevoir du tacrolimus en monothérapie ou l’association tacrolimus-MMF.

Chez les 28 femmes, le score biopsique moyen à 12 mois était de 0,57 ± 0,40, vs 0,67 ± 0,39 chez les hommes; ni cet écart ni l’écart à six mois entre les sexes n’a atteint le seuil de significativité statistique. De même, il n’y avait aucun écart à six et à 12 mois dans les scores biopsiques de l’ISHLT chez les Afro-Américains vs les non-Afro-Américains (0,69 ± 0,44/0,65 ± 0,41 vs 0,67 ± 0,42/0,65 ± 0,39, respectivement).

Les chercheurs n’ont pas noté non plus d’écart significatif à six ou à 12 mois entre les 38 patients porteurs d’un DAV avant la transplantation et les 112 non-porteurs d’un DAV, ni entre les 45 patients dont le score PRA était <u>></u>10 % et ceux dont le score PRA était <10 %. Les auteurs ont aussi constaté que les courbes de mortalité sur cinq ans pour chacun des sous-groupes définis en fonction des facteurs de risque étaient statistiquement similaires, ce qui semble indiquer que ni le sevrage des corticostéroïdes ni le tacrolimus en monothérapie ne présentaient de risque à long terme passé inaperçu.

Les auteurs en sont venus à la conclusion que leurs données étayent la stratégie d’un sevrage rapide des corticostéroïdes peu de temps après la transplantation. «Les résultats de cet essai prospectif et randomisé présentés au congrès semblent indiquer que le risque de rejet du greffon est faible en présence d’un schéma immunosuppresseur minimum, et les courbes de mortalité sur cinq ans montrent l’innocuité à long terme de cette nouvelle approche», soulignent-ils.

«Si nous avions un seul message à communiquer, ce serait le suivant : exit les stéroïdes! lance le Dr Baran. Dans notre domaine, nombreux sont les experts qui se demandent par quoi remplacer l’azathioprine ou le MMF s’ils doivent arrêter de les administrer. La réponse est simple : on n’ajoute rien. Je ne sais pas si la théorie tiendrait la route dans le cas de la cyclosporine, mais je soupçonne que la plupart des médecins n’oseraient pas en arrêter l’administration en raison de la diminution éventuelle de l’activité du traitement.»

Dysfonction rénale : ICN ou pathologie préexistante en cause?

Le Dr Sean Pinney, directeur du programme de l’insuffisance cardiaque avancée et des transplantations cardiaques, Mount Sinai Medical Center, New York, a présenté une revue rétrospective des données cliniques recueillies chez 18 transplantés cardiaques présentant une néphropathie chronique qui ont été dirigés en néphrologie dans son établissement entre janvier 2005 et janvier 2009. Au total, 83 % des sujets étaient des hommes; 44 % étaient caucasiens, 33 %, d’ascendance africaine et 17 %, d’origine latino-américaine. Au moment de la greffe, les patients avaient en moyenne 55,2 ± 10 ans. Avant la transplantation, près du tiers des patients (29 %) avaient reçu un diagnostic de diabète, 89 %, un diagnostic d’hypertension et 72 %, un diagnostic de cardiomyopathie ischémique. Les autres patients souffraient d’une myocardite (n=2), d’une cardiomyopathie dilatée/restrictive (n=2) et d’une sarcoïdose (n=1). Les ICN utilisés étaient le tacrolimus seul (70,6 %), la cyclosporine seule (17,6 %) ou l’association cyclosporine-sirolimus (11,8 %).

Les résultats des biopsies rénales ont révélé qu’un seul des 18 patients (5,5 %) présentait une pathologie directement imputable à la toxicité des ICN, pathologie que les médecins ont décrite comme une fibrose interstitielle ou une hyalinose artériolaire nodulaire. L’examen histologique des fragments biopsiques prélevés chez les 18 patients a mis en évidence une néphroangiosclérose diabétique chez neuf patients, une néphrosclérose avec glomérulosclérose segmentaire et focale chez quatre patients, une simple néphrosclérose chez quatre patients et l’absence de signes de néphrosclérose chez un patient.

Les pathologies concomitantes connues pour altérer les vaisseaux rénaux, notamment le diabète de type 2 et l’hypertension, sont fréquentes après une transplantation cardiaque orthotopique, rapporte le Dr Pinney. «Selon nos résultats, la toxicité des ICN n’est pas souvent la cause directe de la néphropathie chronique», précise-t-il.

Étude CAPRI

Les résultats du groupe du Mount Sinai ont été étayés au congrès par ceux de l’étude CAPRI. Cette étude espagnole – qui portait sur les facteurs de risque de la dysfonction rénale modérée ou sévère chez des transplantés cardiaques – regroupait 1062 adultes ambulatoires répartis dans 14 centres qui se sont présentés pour un suivi entre novembre 2007 et mars 2008 après une première transplantation cardiaque. Les chercheurs ont surveillé de près les paramètres de la fonction rénale, dont le débit de filtration glomérulaire (DFG), une dysfonction rénale modérée ou sévère étant définie comme un DFG <60 mL/min/1,73 m². Ils ont constaté qu’environ 27 % des patients étaient atteints de diabète et 64 %, d’hypertension, deux facteurs de risque de dysfonction rénale. Au moment de l’évaluation, 68 % des patients recevaient des stéroïdes, 53,9 % de la cyclosporine, 33,2 % du tacrolimus, 66,5 % du MMF, 11,7 % de l’azathioprine, 5,9 % du sirolimus et 14,2 %, de l’évérolimus.

L’un des co-investigateurs de l’étude CAPRI, le Dr Juan F. Delgado, Hospital 12 de octubre, Madrid, Espagne, et président du groupe d’étude sur l’insuffisance et la transplantation cardiaques, Société espagnole de cardiologie, a rapporté que chez les 924 patients sous ICN au moment du suivi, les prédicteurs significatifs de la néphropathie étaient le sexe féminin (p=0,001), le taux de créatinine avant la transplantation (p<0,001), l’âge au moment de la transplantation (p<0,001), le taux de créatinine 30 jours après la transplantation (p<0,001) et le temps écoulé depuis la transplantation (p<0,001). Les chercheurs ont observé une tendance à la baisse du risque chez les patients sous tacrolimus (vs cyclosporine) lors du suivi, mais l’écart n’était pas statistiquement significatif.

Altérations de la fonction ventriculaire gauche

Des données semblent indiquer que le passage au tacrolimus pourrait atténuer les événements associés à l’utilisation de la cyclosporine, comme l’hypertension, l’hypertrophie ventriculaire gauche (VG) et l’insuffisance rénale chronique. Dans le cadre d’une étude publiée dans un supplément du Journal of Heart and Lung Transplantation en février 2009, le Dr M. Abdul Kashem, professeur adjoint, Cardiovascular Research Center, Temple University School of Medicine, Philadelphie, Pennsylvanie, et son équipe ont examiné les effets du passage de la cyclosporine au tacrolimus sur l’hypertrophie VG ainsi que sur les fonctions systolique et diastolique. Chez des transplantés cardiaques qu’ils suivaient depuis 14 ans et qui étaient passés au tacrolimus pour diverses raisons médicales, les chercheurs ont observé une légère augmentation de la fraction d’éjection VG et une amélioration significative de la relaxation diastolique six mois après le changement d’immunosuppresseur.

«Outre le fait que le tacrolimus est avantageux pour la fonction rénale et qu’il expose le patient à un risque moindre d’athérosclérose dans le greffon, le passage de la cyclosporine au tacrolimus est aussi susceptible d’améliorer la fonction diastolique VG et la tolérance à l’effort après une greffe», concluent les investigateurs.

Résumé

De toute évidence, le pronostic des transplantés cardiaques s’est grandement amélioré depuis les premières transplantations du Dr Christian Barnard dans les années 1960. L’arrivée des ICN et d’autres immunosuppresseurs moins toxiques a considérablement allongé l’espérance de vie de patients autrement voués à une mort certaine. Bien que les ICN, comme tous les autres agents, entraînent des effets indésirables, il est possible de traiter ces effets, et les bénéfices de ces agents l’emportent sur leurs risques, s’entendent les experts en matière de transplantation cardiaque.

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