Comptes rendus

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Maîtrise de l’asthme par des corticostéroïdes en inhalation chez le patient type

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - Conférence internationale de 2011 de l’American Thoracic Society (ATS)

Denver, Colorado / 13-18 mai 2011

Denver - Les patients exclus des essais cliniques prospectifs avec randomisation et comparaison minutieuse sont souvent ceux-là mêmes que traitent la plupart des omnipraticiens. En revanche, dans les études d’observation rétrospectives, on examine de près, et avec rigueur, les patients traités dans des contextes cliniques plus habituels. Lors d’études menées au Royaume-Uni et aux États-Unis, on a comparé, à partir de vastes bases de données, les posologies et les résultats du traitement par deux corticostéroïdes en inhalation (CSI). En outre, les chercheurs ont voulu savoir si les médecins traitaient l’asthme conformément aux recommandations en la matière. Par ailleurs, d’autres chercheurs se sont demandé si l’ajout d’un CSI à petites particules pouvait resserrer la maîtrise de l’asthme lorsqu’une association ne donnait pas pleine satisfaction et ont étudié, plus précisément, l’impact des CSI sur les petites voies aériennes.

Rédactrice médicale en chef : Dre Léna Coïc, Montréal, Québec

Le propionate de fluticasone (PF) et le dipropionate de béclométhasone avec hydrofluoroalkane (DPB-HFA) sont des corticostéroïdes en inhalation (CSI) de prescription courante; bien que, µg pour µg, le PF soit plus puissant, les petites particules du DPB-HFA assurent un dépôt plus étendu dans l’ensemble des voies respiratoires, y compris les petites voies aériennes périphériques.

On a présenté au congrès trois études rétrospectives récentes en conditions réelles portant sur des populations de patients asthmatiques. Les chercheurs ont répertorié les posologies usuelles de ces deux agents et les résultats obtenus, dans des contextes sans doute plus représentatifs de la réalité clinique américaine et canadienne que de nombreux essais comparatifs prospectifs.

 

Analyses rétrospectives

 

Lors d’une étude rétrospective, on a évalué la maîtrise de l’asthme, le taux d’exacerbation, les hospitalisations en raison de troubles respiratoires et l’utilisation d’un ß<sub>2</sub>-agoniste à courte durée d’action (BACA) sur une période de 1 an dans une population de 1212 patients américains âgés de 5 à 80 ans chez lesquels on avait intensifié le traitement par du PF ou du DPB-HFA. Les sujets, répertoriés dans la base de données Ingenix Normative Healthcare Information Database, étaient appariés en fonction des données démographiques et de la sévérité de la maladie au début de l’étude, et étaient comparables sur le plan de la maîtrise de l’asthme si l’on en juge par les données consignées pendant l’année ayant précédé l’intensification du traitement.

Cette étude a révélé que les médecins ne suivaient pas les recommandations américaines (du National Health, Lung and Blood Institute – NHLBI) quant au traitement de l’asthme, selon lesquelles la posologie du DPB-HFA et du PF devrait être équivalente, µg pour µg. En effet, la dose quotidienne était plus faible chez les patients sous DPB-HFA que chez les patients sous PF (écart interquartile [EIQ] médian : 88 µg [44-153] et 145 µg [72-235], respectivement; p<0,001). On n’a pas noté de différence au chapitre des critères principaux de maîtrise de l’asthme (risque relatif approché [OR, pour odds ratio] : 0,98; [IC à 95 % : 0,75-1,27]) ni du taux d’exacerbation (ratio des taux ajustés : 1,11; [IC à 95 %, 0,91-1,45]). Les hospitalisations pour cause de troubles respiratoires étaient également comparables dans les deux groupes, mais les sujets sous DPB-HFA ont été moins nombreux à avoir recours au BACA (>180 µg/jour) que ceux sous PF, et l’écart était significatif (20,5 % vs 28,1 %; p=0,003).

«Aux États-Unis, les médecins augmentent la dose du CSI, alors que selon les recommandations de traitement américaines, ils devraient plutôt lui adjoindre un ß-agoniste à longue durée d’action (BALA)», constate le Dr Richard J. Martin, University of Colorado Health Sciences Center, Denver, auteur principal de l’étude. Rappelant que les patients de la vaste base de données ont été appariés suivant diverses variables, dont la sévérité de la maladie, il ajoute : «les médecins prescrivaient le PF à une dose significativement plus forte que le DPB-HFA. [Pourtant], les résultats sur le plan de la maîtrise de l’asthme et d’autres variables étaient équivalents, voire légèrement supérieurs, dans le groupe DPB-HFA. Ce que nous apprend cette étude, c’est donc qu’aux yeux des médecins, il est possible de maîtriser l’asthme par une dose plus faible de DPB-HFA.»

On a également évalué l’efficacité du DPB-HFA et du PF dans deux études rétrospectives plus vastes. Pour ce faire, les chercheurs ont examiné des paramètres de l’asthme sur une période de 1 an dans une population au sein de laquelle on avait amorcé (cohorte «amorce») ou intensifié (cohorte «intensification») une corticothérapie par un de ces agents. Au fur et à mesure qu’on validera les résultats du traitement au moyen de diverses bases de données, les études montrant l’efficacité des CSI dans des populations réelles gagneront en crédibilité. L’étude du Royaume-Uni porte sur la General Practice Research Database (n=2638) et celle des États-Unis, sur la Normative Healthcare Information Database (n=16 896). Les patients des deux bases ont été appariés suivant les données démographiques et la sévérité de la maladie au début de l’étude. Les critères principaux étaient la maîtrise de l’asthme et le ratio des taux d’exacerbation. La dose quotidienne du CSI et le recours à un BACA étaient également sous la loupe des chercheurs.

Au départ, la maîtrise de l’asthme était identique dans les cohortes «amorce» et «intensification». Dans les deux études, le DPB-HFA était prescrit à une dose moindre que le PF, et les résultats étaient comparables (maîtrise de l’asthme, taux d’exacerbation et utilisation d’un BACA).

 

Résultats obtenus dans une clinique privée canadienne

 

Le Dr Warren Ramesh, Royal Alexandra Hospital, Edmonton, Alberta, a dirigé une étude portant sur la clientèle d’une clinique privée du Canada spécialisée dans les troubles respiratoires entre avril 2002 et juin 2010. Les chercheurs voulaient savoir si l’ajout de DPB-HFA pouvait resserrer la maîtrise de l’asthme lorsque cette dernière n’était pas satisfaisante sous l’association CSI+BALA.

Huit patients asthmatiques répondaient aux critères d’admissibilité, à savoir : 18 à 90 ans; sous CSI+BALA depuis au moins 3 mois lors de l’ajout du DPB-HFA; sous DPB-HFA et CSI+BALA depuis au moins 3 mois; disponibilité des données spirométriques pour une période de =3 mois avant et après l’ajout du DPB-HFA. Le CSI était prescrit à une dose moyenne de 971±71 µg et le BALA, de 91±27 µg. La dose quotidienne moyenne du DPB-HFA était de 338±92 µg.

Figure 1. Augmentation du VEMS (en %)


Après l’ajout du DPB-HFA, le VEMS (% de la valeur théorique) moyen s’est élevé de manière statistiquement significative (Figure 1). Chez 5 patients, le VEMS (L) a augmenté de =5 % après l’ajout du DPB-HFA, tandis qu’il est demeuré inchangé chez 3 autres patients. Par ailleurs, le DEM25-75 (L/sec) s’est accru de =5 % chez 6 patients et a diminué de =5 % chez 2 autres; chez ces deux patients, toutefois, le VEMS avait augmenté de =5%. Les 8 patients ont tous noté une amélioration d’au moins un symptôme respiratoire (p. ex., toux, dyspnée, respiration sifflante).

Ce sont là des résultats intéressants, estime le Dr Ramesh. «Cette étude rétrospective, qui porte sur un échantillon restreint, nous apprend que lorsque la maîtrise de l’asthme est déficiente malgré la prise d’un CSI et d’un BALA à des doses maximales, l’ajout d’un CSI à petites particules peut améliorer les choses. Qui plus est, la fonction respiratoire semble s’améliorer également de manière significative.» Bien que l’étude ait une portée limitée en raison de sa nature rétrospective, de l’absence de témoins et de son faible effectif, cette nouvelle association pourrait se révéler utile dans l’asthme mal maîtrisé et devrait dès lors faire l’objet d’un essai prospectif avec randomisation.

 

Atteinte fonctionnelle des petites voies aériennes

 

Les petites voies aériennes ont été montrées du doigt dans la physiopathologie de l’asthme. C’est pourquoi des chercheurs se sont intéressés à l’atteinte fonctionnelle de ces voies chez des Japonais n’ayant jamais pris de corticostéroïdes et dont l’asthme, léger ou modéré, a été traité par du DPB-HFA ou du PF dans le cadre d’un essai prospectif avec randomisation.

Des patients atteints d’asthme léger ou modéré et n’ayant jamais reçu de corticothérapie ont été affectés au hasard et consécutivement à un traitement ouvert de 12 semaines, à raison de 200 µg 2 fois/jour, par du DPB-HFA (n=31) ou du PF (n=29). Les paramètres et moyens d’évaluation étaient les suivants : spirométrie, oscillométrie à impulsions (IOS), volumes pulmonaires, capacité de diffusion pulmonaire, sensibilité et réactivité des voies aériennes à la méthacholine, tomodensitométrie avec synchronisation spirométrique pour l’évaluation du calibre des voies aériennes centrales et de l’atteinte des petites voies aériennes (piégeage expiratoire), monoxyde d’azote expiré (NOe), éosinophilie des expectorations induites et questionnaires sur la qualité de vie.

Dans le groupe DPB-HFA, on a noté, par rapport au groupe PF, une amélioration significativement plus marquée de la sensibilité des voies aériennes (p=0,008) et de la capacité de diffusion pulmonaire (DLCO; p=0,04); dans le cas de la fraction alvéolaire de NOe, l’écart n’était pas significatif (p=0,056). Le VEMS, l’éosinophilie des expectorations induites, la fraction bronchique de NOe, le rétrécissement de la lumière des voies aériennes centrales à la tomodensitométrie et la quasi-totalité des indicateurs de l’IOS et de la qualité de vie se sont améliorés de façon comparable dans les deux groupes. Enfin, les clichés tomodensitométriques montrent une diminution de l’épaisseur des parois des grosses voies aériennes dans le groupe PF, mais le syndrome obstructif chronique des petites voies aériennes ne s’est atténué dans aucun des groupes.

Le Dr Tomoshi Takeda, Service de médecine pulmonaire, École de médecine de l’Université de Kyoto, Japon, explique ainsi les résultats obtenus : «le CSI à particules extrafines, soit le DPB-HFA, diminue l’inflammation des petites voies aériennes plus efficacement que le CSI à particules plus grosses, soit le PF. Nous avons examiné la question sous de nombreux angles – notamment par la tomodensitométrie haute résolution, l’IOS et divers indices inflammatoires – et nous avons constaté que le DPB-HFA agissait plus efficacement que le PF sur le NO alvéolaire, la capacité de diffusion pulmonaire et la sensibilité des voies aériennes.»

 

Résumé

 

Les résultats d’études rétrospectives rigoureuses et représentatives de la réalité clinique indiquent qu’à une dose plus faible, le DPB-HFA maîtrise l’asthme et diminue le taux d’exacerbation aussi efficacement que le PF, en plus de réduire l’utilisation des BACA. L’ajout de DPB-HFA à l’association CSI+BALA a donné lieu à une amélioration du VEMS et des symptômes cliniques. Enfin, dans une étude prospective, le DPB-HFA a agi plus favorablement que le PF sur divers paramètres d’inflammation des petites voies aériennes.

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