Comptes rendus

Traitement et prophylaxie des thromboembolies veineuses : stratégies en vue d’une intervention plus efficace
Utilisation des antipsychotiques atypiques dans le trouble dépressif majeur

Mise à jour importante sur la prévention de l’AVC en présence de fibrillation auriculaire

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - Le 31e Congrès annuel de la Société européenne de cardiologie

Barcelone, Espagne / 29 août – 2 septembre 2009

Les données cliniques présentées ici laissent entrevoir l'élaboration de stratégies probantes plus judicieuses pour la réduction du risque d'accident vasculaire cérébral (AVC). Les regards se tournent surtout vers l'étude RE-LY (Randomized Evaluation of Long-term anticoagulation therapY), lors de laquelle on a comparé le dabigatran, inhibiteur direct de la thrombine (IDT) pour la voie orale, au traitement de référence, la warfarine, en prévention de l'AVC. Alors même que d'autres données remettent en question l'utilité des statines ou, au contraire, corroborent les bénéfices de la dronédarone, un antiarythmique, les résultats de RE-LY indiquent que l'IDT présente des avantages relatifs appréciables en matière d'efficacité et d'innocuité. Il s'agit du premier représentant d'une nouvelle classe d'anticoagulants se révélant efficace contre l'AVC, et ses avantages pratiques sur la warfarine, qui s'ajoutent à son efficacité supérieure, sont appréciables.

Résultats de l'étude RE-LY

«Les résultats obtenus à l'aide du dabigatran dans l'étude RE-LY ont dépassé toutes nos attentes. Nous disposons maintenant d'un traitement oral qui offre une protection supérieure contre l'AVC, provoque moins de saignements et ne nécessite pas de surveillance», se réjouit le Dr Stuart Connolly, directeur, Division de cardiologie, Population Health Research Institute, McMaster University, Hamilton, Ontario. Les résultats de RE-LY, étude la plus vaste à ce jour sur la fibrillation auriculaire, ont été publiés (Connolly et al. N Engl J Med 2009;361; publication en ligne le 31 août) au moment même où le Dr Connolly présentait son exposé.

Dans RE-LY, plus de 18 000 patients en fibrillation auriculaire (N=18 133) provenant de 44 pays, dont le Canada, ont reçu après randomisation du dabigatran (deux doses possibles) ou de la warfarine. Les doses fixes de l'IDT, soit 110 mg ou 150 mg, ont été administrées en aveugle. Dans le cas de la warfarine, toutefois, on n'a pu retenir le mode aveugle, puisque la dose devait être réglée en vue du maintien d'un rapport normalisé international (RNI) de 2,0 à 3,0, mesuré au moins une fois par mois. Le paramètre principal était l'AVC ou l'embolie systémique.

Après une médiane de deux ans, la réduction du risque relatif de concrétisation du paramètre principal était plus marquée dans les deux groupes IDT que dans le groupe warfarine. Pour la dose la plus faible, soit 110 mg, la diminution de 9 % du risque (risque relatif [RR] : 0,91; IC à 95 % : 0,74-1,11) n'était pas statistiquement significative au chapitre de la supériorité, mais elle l'était fortement au chapitre de la non-infériorité (p<0,001), résultat d'ailleurs attendu vu le plan de l'étude. Cependant, la dose la plus forte a autorisé un recul de 36 % du paramètre principal par rapport à la warfarine, avantage fortement significatif sur le plan statistique (RR : 0,64; IC à 95 % : 0,53-0,82; p<0,001 pour la supériorité).

Des substances aussi efficaces que la warfarine, antivitamine K, peuvent s'imposer dans la pratique clinique et devenir un traitement de référence. Cependant, «les antivitamines K sont des agents bien peu commodes en raison de leurs multiples interactions avec les aliments et les médicaments, et des épreuves de surveillance fréquentes qu'ils exigent [pour le maintien du patient dans la zone thérapeutique], font observer le Dr Connolly et ses collègues. Par conséquent, on préfère souvent s'en passer, et si d'aventure on en fait l'essai, on finit souvent par les abandonner.»

Étayée par cette étude, la demande d'homologation du dabigatran dans le traitement de la fibrillation auriculaire fera certes l'objet d'un examen sérieux. Cet agent a semblé plus sûr que la warfarine à la dose la plus faible et au moins aussi sûr à la dose la plus élevée. Le taux de saignements majeurs, effet indésirable et paramètre de la plus haute importance, s'est établi à 3,36 %/année sous warfarine, à 2,76 %/année (p=0,003 vs la warfarine) sous dabigatran à 110 mg et à 3,11 %/année (p=0,31 vs la warfarine) sous dabigatran à 150 mg. Par ailleurs, les taux d'AVC hémorragiques pour ces trois traitements ont été les suivants : 0,36 %, 0,12 % et 0,10 % (p<0,001 vs la warfarine pour les deux doses de dabigatran). Et ce n'est pas tout : on a enregistré un taux de mortalité moins élevé dans les deux groupes sous IDT, et une forte tendance vers un bénéfice significatif pour la dose la plus élevée (Figure 1).

«Les deux doses de dabigatran offrent des avantages par rapport à la warfarine, permettant dès lors d'adapter le traitement aux besoins du patient», explique le Dr Connolly. Dans des sous-populations fort diverses, précise-t-il (définies, par exemple, selon le poids, le sexe, les antécédents d'AVC, l'hypertension ou la prise d'AAS, d'amiodarone ou d'un inhibiteur de la pompe à protons en début d'étude), les taux de risque ont toujours favorisé l'IDT à 150 mg plutôt que la warfarine. Dans les rares cas où, l'IDT étant administré à la faible dose, cette tendance n'était pas présente, les intervalles de confiance ont confirmé que l'efficacité de l'IDT et de la warfarine était à tout le moins comparable.

Figure 1. Étude RE-LY : taux de mortalité relatif


Les statines dans la fibrillation auriculaire

Grâce à ces données sur le dabigatran, de nouvelles façons de faire se dessinent enfin dans la prise en charge de l’AVC. Ces résultats sont les bienvenus, d’autant plus que les nouvelles sont moins encourageantes du côté des statines. En effet, bien que plusieurs études et méta-analyses aient laissé entrevoir une réduction du risque d’AVC chez les patients en fibrillation auriculaire traités par une statine, la mise en commun des données a produit des résultats hétérogènes. Les données ne manquent pas, mais elles ne témoignent pas toujours du bénéfice des statines : tout dépend de la façon dont on les analyse.

«Le bénéfice des statines dans la fibrillation auriculaire, présumé sur la foi de méta-analyses qui ne portaient que sur une partie des données randomisées, ne résiste pas à un examen plus approfondi des essais sur ces agents», affirme le Dr Kazem Rahimi, Clinical Trial Service Unit, Oxford, Royaume-Uni, représentant un collectif constitué du Oxford Research Group, du Royal Infirmary of Glasgow, Royaume-Uni, de l’Université de Groningue, Pays-Bas, et de l’École de médecine de Wurtzbourg, Allemagne. «Vu les données récentes, ajoute le Dr Kazem, il est permis de douter des effets directs des statines sur la fibrillation auriculaire.»

On s’est livré à plusieurs analyses. Par exemple, on a regroupé les données de sept essais comparatifs avec randomisation publiés entre 1966 et 2008, réunissant du coup 3609 patients en fibrillation auriculaire. Les statines avaient alors été associées à une réduction de 30 % du risque d’AVC (RR : 0,70; IC à 95 % : 0,56-0,88; p=0,002), mais on note des disparités entre les études, la statine n’ayant conféré aucun avantage selon la plus vaste d’entre elles. Par ailleurs, l’évaluation d’un groupe distinct de 15 essais de confirmation d’hypothèse, portant sur un total de 68 504 sujets, n’a pas mis au jour d’effet protecteur notable des statines contre la fibrillation auriculaire (RR : 0,96; IC à 95 % : 0,87-1,07; p=0,49). Enfin, dans un troisième groupe d’études comparatives sur les statines ayant réuni au total 109 242 patients en fibrillation auriculaire, on n’a observé, une fois encore, aucun bénéfice statistique (RR : 0,99; IC à 95 % : 0,92-1,06; p=0,73).

«Jamais un si grand nombre d’essais n’avaient été analysés auparavant», fait remarquer le Dr Rahimi, notant au passage que les chercheurs ont communiqué avec les auteurs de toutes les études soumises aux analyses pour obtenir d’éventuelles données non publiées. L’hétérogénéité «frappante» semble indiquer que l’efficacité des statines pour la protection contre les événements vasculaires sur un terrain de fibrillation auriculaire reste à prouver.

Stratégies antiarythmiques : des résultats encourageants

Par contre, des analyses rétrospectives de l’essai ATHENA (A placebo-controlled, double-blind Trial to assess the efficacy of dronedarone 400 mg for the prevention of cardiovascular Hospitalization or dEath from aNy cause in patients with Atrial fibrillation/atrial flutter) sont venues étayer le dossier de la dronédarone, agent antiarythmique. Lors de cette étude, publiée plus tôt cette année (Hohnloser et al. N Engl J Med 2009;360:68-78), 4628 patients en fibrillation auriculaire ont reçu, après randomisation, de la dronédarone à 400 mg (analogue de l’amiodarone, mais moins toxique que celle-ci) ou un placebo. Le composé a été associé à un recul de 24 % (RR : 0,76; IC à 95 % : 0,69-0,84; p<0,001) du paramètre principal, à savoir une première hospitalisation en raison de troubles cardiovasculaires ou la mort.

Par suite de l’analyse, sous un nouvel angle, de la fréquence et des caractéristiques des hospitalisations motivées par la fibrillation ou le flutter auriculaire, on a constaté que la dronédarone n’avait pas seulement fait diminuer le nombre d’hospitalisations liées à la fibrillation auriculaire, mais avait aussi donné lieu à une réduction de 37 % (RR : 0,63; p<0,001) de l’ensemble des hospitalisations, toutes causes confondues. Fait étonnant, la probabilité de cardioversion en cours d’hospitalisation était identique dans les groupes dronédarone et placebo (soit 27 %), ce qui laisse supposer que le traitement actif exerce son effet protecteur en agissant plus en profondeur sur les troubles cardiovasculaires découlant de la fibrillation auriculaire.

«Une cardioversion a été réalisée, dans l’un ou l’autre groupe, pendant seulement le quart des hospitalisations environ. On peut donc penser que la réduction des hospitalisations pour cause de fibrillation auriculaire constatée dans l’étude ATHENA ne tenait pas à une simple diminution des admissions aux fins de cardioversion, mais découlait d’autres facteurs cliniques», avance le Dr Richard L. Page, chef de la Division de cardiologie, University of Washington, Seattle.

Résumé

On fait état de progrès dignes de mention dans la prise en charge de la fibrillation auriculaire. Les données récentes ont fait naître un doute quant à l’effet protecteur des statines en prévention de l’AVC. En revanche, le dabigatran, IDT pour la voie orale, a autorisé une prévention de l’AVC moyennant une dose de 150 mg, prévention à la fois prévisible et supérieure à celle de la warfarine. La plus forte des deux doses de l’IDT mises à l’essai a été associée à un bénéfice au chapitre de la mortalité par rapport à la warfarine; c’est peut-être là le résultat le plus étonnant de l’étude, d’autant plus que l’IDT ne nécessite pas de réglage posologique ni de surveillance en laboratoire. Finalement, la production d’autres données à l’appui de la dronédarone, antiarythmique prometteur dans la fibrillation auriculaire, semble avoir enrichi l’arsenal thérapeutique à opposer à cet état.

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