Comptes rendus

Stratégies factuelles pour réduire le risque de maladie cardiovasculaire chez les patients diabétiques : nouvelles données de l’étude ADVANCE
Observance thérapeutique et état de santé général des patients psychotiques : atouts et obstacles

Rôle des nouveaux anticoagulants dans le traitement du syndrome coronarien aigu et de la fibrillation auriculaire

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

Congrès de la Société européenne de cardiologie de 2008

Munich, Allemagne / 30 août-3 septembre 2008

Malgré des avantages reconnus, la warfarine et les autres antagonistes de la vitamine K «ont une réponse anticoagulante imprévisible, ce qui impose des vérifications fréquentes de l’anticoagulation et des ajustements posologiques répétés», rapporte le Dr Jeff Weitz, professeur titulaire de médecine et de biochimie, McMaster University, Hamilton, Ontario. «Comme ils sont très peu pratiques, il en résulte une sous-utilisation chez les patients souffrant de fibrillation auriculaire (FA) ou une utilisation inadéquate se traduisant par des valeurs sous-optimales de l’INR.» En revanche, estime-t-il, les nouveaux agents, dont les inhibiteurs directs de la thrombine (IDT) qui se fixent à la fois à la thrombine libre et à la thrombine liée au caillot, pourraient non seulement éviter ces problèmes, mais aussi être plus efficaces.

Évolution de l’anticoagulation

Une étude de phase III sur le dabigatran etexilate, nouvel IDT oral, dans la prévention des AVC chez des patients porteurs de FA, est en cours d’achèvement. Cette étude fait partie d’un vaste programme d’évaluation clinique de cette molécule dans des indications autres que la prévention des thrombo-embolies veineuses (TEV) après une chirurgie orthopédique, pour laquelle elle a récemment été homologuée. Le dabigatran est représentatif d’une génération d’anticoagulants visant de nouvelles cibles dans la cascade de la coagulation. Bien que la plupart de ces agents soient encore en développement, ils pourraient modifier profondément les stratégies de prévention des événements thrombotiques. Leurs avantages potentiels dans la prévention des AVC au cours de la FA et dans d’autres indications cardiovasculaires (CV) sont notables.

Les résultats de l’étude de phase II PETRO publiés l’année dernière (Ezekowitz et al. Am J Cardiol 2007;100:1419-26) permettaient de prévoir que le dabigatran serait à l’origine d’une évolution importante dans le traitement de la FA. Cette étude – qui était principalement destinée à l’établissement de la posologie et à l’évaluation de l’innocuité du dabigatran – a confirmé un faible risque hémorragique à toutes les doses évaluées, à l’exception de la dose la plus forte, et a permis d’évaluer la protection contre les événements thrombotiques à toutes les doses, sauf à la dose la plus faible. L’étude de phase III RE-LY (Randomized Evaluation of Long-Term Anticoagulant Therapy), qui est en cours et porte sur plus de 18 000 patients, compare le dabigatran – 110 mg deux fois par jour ou 150 mg deux fois par jour – à la warfarine. Le paramètre principal de cette étude, destinée à apporter les preuves nécessaires à une modification des pratiques, est la survenue d’un AVC.

Dans cette étude, dont les résultats sont attendus en 2009, le nouvel IDT est comparé à la warfarine, qui reste le premier choix en dépit de son utilisation insuffisante, explique le Dr Lars Wallentin, professeur titulaire de cardiologie, hôpital universitaire, Uppsala, Suède. «Chez les patients porteurs d’une FA, la warfarine a été associée à une réduction du risque de survenue d’un AVC pouvant atteindre 68 % par rapport à un placebo, ce qui dénote une grande efficacité. L’ennui, c’est qu’elle n’est pas très facile à utiliser, non seulement en raison des variations métaboliques interindividuelles, mais aussi des nombreuses interactions alimentaires et médicamenteuses qui rendent difficile le maintien d’une anticoagulation optimale à l’intérieur d’une marge thérapeutique restreinte malgré une surveillance étroite. C’est la raison pour laquelle nous avons besoin de nouvelles options thérapeutiques.»

À l’horizon

À l’heure actuelle, les IDT représentent les molécules les plus prometteuses parmi celles qui sont en cours de développement pour le traitement de la FA et du syndrome coronarien aigu (SCA). Les résultats de l’étude sur l’apixaban, inhibiteur oral du facteur Xa, ont montré une certaine efficacité de cette molécule dans le SCA, mais la marge de manœuvre est faible entre la réduction du risque CV et l’augmentation du risque hémorragique. Même après l’abandon des deux doses les plus élevées en raison d’un taux d’hémorragies inacceptable, ce taux est resté bien supérieur pour les deux autres posologies – à savoir 2,5 mg deux fois par jour et 10 mg une fois par jour – comparativement à ce que l’on a observé sous placebo. S’il n’y a pas eu de différence entre le placebo et l’apixaban en ce qui concerne la survenue d’hémorragies majeures, on n’a observé qu’une tendance en faveur du traitement actif dans la prévention d’autres événements majeurs, tels que l’infarctus du myocarde, les AVC et les décès CV.

«Les données montrent que l’apixaban recèle un potentiel thérapeutique, et nous estimons qu’il devrait faire l’objet d’autres études cliniques», précise le Dr John Alexander, Duke University Medical Center, Raleigh, Caroline du Nord. «Cela dit, il est très important de parvenir à un compromis acceptable entre la réduction du risque thrombotique et l’augmentation du risque hémorragique pour tous ces agents.»

Toxicité hépatique et autres aspects de l’innocuité de traitement

Le faible risque de toxicité hépatique de l’apixaban est l’une des bonnes nouvelles dont on a parlé au congrès, l’hépatotoxicité étant un problème réel. Ainsi, malgré une réduction de 30 % du risque d’hémorragie majeure par rapport à la warfarine, le ximélagatran (IDT) a été retiré du marché en raison d’une toxicité hépatique jugée inacceptable. Jusqu’à présent, ce risque ne semble partagé ni par le rivaroxaban, autre inhibiteur du facteur Xa en cours d’étude clinique, ni par l’argatroban (IDT intraveineux), ni par le dabigatran.

Lors de la phase initiale de l’étude RE-LY sur le dabigatran, la fonction hépatique a été surveillée de près. «Pour les 6000 premiers patients, le protocole prévoyait de fréquentes évaluations de la fonction hépatique, mais se fondant sur ces premiers résultats, le comité indépendant de surveillance des essais a permis une diminution de la fréquence des contrôles pour le reste des patients recrutés», rappelait le Dr Wallentin à l’auditoire.

L’innocuité du dabigatran avait déjà été bien établie par une série d’études ayant permis son homologation dans le traitement prophylactique des TEV en début d’année. Il s’agit du premier anticoagulant oral de nouvelle génération à être approuvé au Canada depuis plus de 40 ans. Dans l’une des études ayant mené à l’homologation, l’étude RE-NOVATE, le dabigatran était comparé à l’énoxaparine pour la prévention des TEV après mise en place d’une prothèse totale de hanche (Eriksson et al. Lancet 2007;370:949-56). Dans cet essai de non-infériorité, le nouvel agent s’est révélé aussi efficace et bien toléré que l’héparine de bas poids moléculaire injectable : le taux d’hémorragies a été faible dans les deux groupes tandis que le taux d’élévation des enzymes hépatiques a été légèrement inférieur sous dabigatran (3 % vs 5 %).

Ces résultats ainsi que ceux d’autres études comparatives «nous apprennent que le dabigatran administré à dose fixe sans surveillance est aussi efficace que l’énoxaparine pour la prévention des TEV et qu’il possède un profil d’innocuité similaire, souligne le Dr Weitz. Bien entendu, un traitement administré par voie orale à dose fixe est bien plus pratique.»

Si on le compare à de nombreux autres anticoagulants oraux comme la warfarine, le dabigatran a l’avantage de ne pas être métabolisé par les enzymes du cytochrome P450. Chez plus de 38 000 patients qui ont participé à des études cliniques sur le dabigatran, dont trois études pivots sur la prophylaxie des TEV, les données concernant l’innocuité n’ont montré aucune interaction significative avec des médicaments ou des aliments.

En raison des résultats encourageants sur l’efficacité et l’innocuité de cet anticoagulant oral à dose fixe dans la prophylaxie des TEV, on a élargi le programme d’études cliniques du dabigatran afin d’inclure la prévention secondaire des événements CV après un SCA et la prévention primaire chez les patients atteints d’une thrombose artérielle. Les objectifs principaux de l’étude rejoignent ceux des études sur tous les anticoagulants : le dabigatran doit prévenir efficacement les événements thrombotiques tout en maintenant les patients relativement à l’abri des hémorragies. Sa spécificité d’action en tant qu’IDT peut lui conférer ces deux avantages par rapport à un antagoniste de la vitamine K comme la warfarine et peut-être également par rapport aux agents visant d’autres cibles dans la cascade de la coagulation.

Résumé

Le développement de molécules agissant sur de nouvelles cibles au niveau de la formation du caillot constitue sans doute une avancée clinique d’importance du fait des limites des autres options thérapeutiques. Si on les compare à la warfarine, qui possède une marge thérapeutique restreinte et nécessite de fréquents contrôles, la plupart des nouveaux agents partagent l’avantage de pouvoir être administrés à dose fixe. L’inhibition directe de la thrombine, qu’on sait déjà être une stratégie viable dans la prévention des TEV, paraît prometteuse dans le domaine CV. C’est le dabigatran, IDTadministré par voie orale et déjà homologué au Canada dans la prophylaxie des TEV après une chirurgie orthopédique, qui progresse le plus rapidement au chapitre des applications CV. Les résultats définitifs de l’étude RE-LY, première étude clinique majeure sur la prévention secondaire des AVC, sont attendus l’année prochaine.

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