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Traitement hormonal du cancer du sein précoce : les inhibiteurs de l’aromatase d’emblée

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - Le 33e Symposium annuel de San Antonio sur le cancer du sein

San Antonio, Texas / 9-12 décembre 2010

Il est bien établi que les inhibiteurs de l’aromatase (IA) ont un rôle à jouer dans le traitement hormonal adjuvant du cancer du sein précoce. Cependant, vu les particularités structurelles et moléculaires qui distinguent l’exémestane, IA stéroïdien, de l’anastrozole, IA non stéroïdien, il semble que l’exémestane soit plus avantageux, du moins en théorie, explique le Dr Paul Goss, Massachusetts General Hospital, Harvard Medical School, Boston. Par exemple, l’exémestane se lie de façon irréversible au récepteur œstrogénique (RO) alors que l’anastrozole est un inhibiteur réversible. En outre, poursuit le Dr Goss, l’IA stéroïdien «est doté de certaines propriétés androgéniques que les IA non stéroïdiens n’offrent pas. Ensemble, ces deux facteurs donnent tout lieu de croire que l’exémestane pourrait inhiber l’aromatase plus fortement.»

Des études précliniques étayent cette hypothèse. Contrairement à l’anastrozole, l’exémestane inhibe l’aromatase à la fois dans le sein et la tumeur. Une légère activité androgénique évoque la possibilité de mécanismes antitumoraux secondaires. Par ailleurs, il est plus avantageux que les agents non stéroïdiens sur le plan du métabolisme osseux et lipidique, précise le Dr Goss.

Raison d’être de l’essai MA.27

Les avantages théoriques de l’exémestane justifiaient amplement la comparaison avec l’anastrozole dans le cadre d’une étude avec randomisation. C’est ainsi que l’essai MA.27 a vu le jour sous l’égide de l’Institut national du cancer du Canada. Des chercheurs du Canada, des États-Unis et de pays européens ont recruté 7576 femmes ménopausées atteintes d’un cancer du sein localisé à récepteurs hormonaux (RH+). Les femmes atteintes d’un cancer du sein localement avancé ou métastatique n’étaient pas admissibles. Conçu pour tester la supériorité de l’exémestane sur l’anastrozole, l’essai était doté de la puissance statistique nécessaire pour faire ressortir une augmentation du taux de survie sans événement (SSE) à 5 ans, de 87,5 % dans le cas de l’anastrozole à 89,9 % dans le cas de l’exémestane.

À la suite d’une intervention chirurgicale à visée curative, les patientes étaient randomisées de façon à recevoir, dans le cadre d’un traitement adjuvant de 5 ans, 1 mg/jour d’anastrozole ou 25 mg/jour d’exémestane. L’âge médian était de 64 ans, et 95 % des patientes étaient caucasiennes. Environ 70 % des patientes ont eu une chirurgie mammaire conservatrice, et le cancer était de stade T1 chez 72 % des sujets. Environ le tiers des patientes avaient reçu une chimiothérapie adjuvante et 4 %, du trastuzumab.

Constance des résultats

Après un suivi d’une durée médiane de 4,1 ans, le taux de SSE était de 90,8 % sous exémestane et de 90,9 % sous anastrozole. Les analyses de sous-groupes ont objectivé des résultats similaires, qu’il y ait eu ou non une atteinte ganglionnaire au moment de l’admission à l’étude et quelles aient reçu ou non une chimiothérapie. «Les courbes de survie étaient essentiellement superposables», rapporte le Dr Goss.

Lorsque l’essai a pris fin, la comparaison des deux groupes a fait ressortir une probabilité relative (HR, hazard ratio) de SSE de 1,02. La comparaison des patientes avec atteinte ganglionnaire (71 % de la population) et des patientes sans atteinte ganglionnaire a objectivé une probabilité relative (HR) de 1,04 pour le premier groupe et de 0,99 pour le second. Chez les patientes qui avaient reçu une chimiothérapie adjuvante, la probabilité relative (HR) de SSE se chiffrait à 1,02, comparativement à 1,01 pour celles qui n’en avaient pas reçu. La survie globale se chiffrait à environ 94 % dans les deux groupes, tandis que la survie sans métastases à distance était d’environ 96 % et la survie liée à la maladie, d’environ 97 %.

Les deux traitements hormonaux ont été bien tolérés, mais l’analyse des données d’innocuité a mis en lumière plusieurs différences statistiquement significatives, en partie grâce à la grande taille de l’étude. Une élévation des taux d’enzymes hépatiques, l’apparition d’acné et des changements de nature androgénique sont survenus chez environ 1 à 2 % des patientes sous exémestane et étaient significativement plus fréquents que dans le groupe anastrozole (p=0,04 à p<0,0001).

On a signalé une hypertriglycéridémie chez 2 % des patientes sous exémestane et 3 % des patientes sous anastrozole (p=0,002), une hypercholestérolémie chez 15 % et 18 % des patientes, respectivement (p=0,01), et de l’ostéoporose chez 31 % et 35 % des patientes (p=0,001). Comme on pouvait s’y attendre, les saignements vaginaux et les nouveaux cas d’ostéoporose rapportés par les patientes elles-mêmes étaient moins fréquents chez les femmes recevant l’IA stéroïdien. L’incidence des événements cardiovasculaires était similaire dans les deux groupes, mais la fibrillation auriculaire était moins fréquente sous anastrozole. L’adhésion au traitement était médiocre dans les deux groupes de traitement. À 4 ans, 30 à 40 % des patientes avaient mis fin à leur traitement.

«Le paramètre principal n’a pas été atteint, mais l’essai n’est pas négatif pour autant, affirme le Dr Goss. À notre avis, les résultats montrent clairement que l’exémestane se compare à l’anastrozole et qu’il constitue une nouvelle option pour les 5 ans de traitement adjuvant en première intention chez les patientes ayant un cancer du sein RH+ précoce.»

La taille de l’essai MA.27 ayant donné lieu à une importante réserve de fragments tissulaires, la tenue de multiples études satellites a été possible, ce qui devrait être utile aux fins d’individualisation du traitement. «Je soupçonne que les cliniciens et les scientifiques vont entendre parler de l’essai MA.27 pendant des années et des années, conclut le Dr Goss. Les premières publications devraient paraître bientôt.»

Vaincre la résistance au traitement hormonal

Dans une autre communication présentée au symposium de San Antonio, il a été question d’un essai clinique avec randomisation sur un antagoniste du récepteur de l’IGF-1 (insulin-like growth factor type 1) expérimental, l’AMG 479 (ganitumab). Le développement clinique de cet agent a été motivé par des données expérimentales montrant que la résistance au traitement hormonal tenait peut-être à une signalisation accrue ou aberrante dans la voie de l’IGF-1R, explique le Dr Peter Kaufman, Dartmouth-Hitchcock Medical Center, Lebanon, New Hampshire.

Dans un modèle préclinique du cancer du sein RO+, l’inhibition simultanée du RO et de l’IGF-1R a supprimé la prolifération cellulaire plus efficacement que le blocage de l’une ou l’autre voie (Cohen et al. Clin Cancer Res 2005;11:2063-73). «L’inhibition de la voie IGF-1R pourrait stimuler l’activité du traitement hormonal de deuxième intention dans le cancer du sein», poursuit le Dr Kaufman.

Afin de déterminer si les avantages théoriques de l’inhibition de l’IGF-1R se matérialisaient en pratique, les chercheurs ont recruté 156 femmes ménopausées atteintes d’un cancer du sein RH+ métastatique ou localement avancé. Les patientes étaient randomisées selon un ratio 2:1 de façon à recevoir l’AMG 479 ou un placebo avec un agent hormonal dont le choix était laissé à la discrétion de l’investigateur (exémestane ou fulvestrant). Le paramètre principal était la survie sans progression (SSP).

Au terme de l’essai, l’AMG 479 ne s’était pas révélé supérieur au placebo. En fait, la SSP était plus longue de près de 2 mois chez les patientes recevant un placebo et un agent hormonal que chez celles recevant l’AMG 479 et un agent hormonal (5,7 vs 3,9 mois, HR 1,17; p=0,435). L’analyse des résultats par type d’agent hormonal a révélé que la SSP était plus longue lorsque l’exémestane était associé à l’AMG 479 ou à un placebo (4,8 vs 7,3 mois, respectivement) que lorsque le fulvestrant était l’agent hormonal administré (3,7 vs 5,4 mois).

Chez les patientes randomisées de façon à recevoir l’AMG 479, le taux de bénéfices cliniques (réponses complète et partielle, et stabilisation) était légèrement plus élevé : 35 % vs 31 % dans le groupe placebo.

Les taux et la sévérité des effets indésirables étaient semblables dans les deux groupes de traitement. «L’AMG 479 en association avec le fulvestrant ou l’exémestane n’a pas semblé retarder ni faire régresser la résistance au traitement hormonal au sein de cette population de patientes atteintes d’un cancer du sein RH+ métastatique ayant déjà résisté à un traitement hormonal, enchaîne le Dr Kaufman. La SSP ne différait pas selon que les patientes avaient reçu de l’AMG 479 ou un placebo. On n’a noté aucune différence significative entre les agents quant aux taux de réponse globale, de bénéfices cliniques ou de maintien de la stabilisation.»

Les patientes dont le cancer progressait sous placebo pouvaient changer de groupe et recevoir de l’AMG 479, ajoute-t-il. Les données relatives à la substitution n’ont pas été analysées.

Effets osseux du traitement hormonal

Les agents hormonaux diffèrent quant à leurs effets métaboliques, ce qui peut influer sur le choix de l’agent. Un groupe multinational de chercheurs s’est penché sur ces différences en procédant à une méta-analyse de trois études satellites avec randomisation de TEAM (Tamoxifen Exemestane Adjuvant Multicenter), le plus vaste essai de phase III à comparer un IA avec le tamoxifène chez des femmes atteintes d’un cancer du sein postménopausique. Les études satellites visaient à évaluer les effets des deux agents hormonaux sur la densité minérale osseuse (DMO) et les marqueurs du renouvellement osseux.

Chez les patientes sous tamoxifène, on a observé à 24 mois une augmentation de 0,2 % de la DMO lombaire par rapport à la DMO initiale, par comparaison à une diminution de 3,5 % chez les patientes sous exémestane, affirme le Dr Payman Hadji, Philipps-Universität, Marbourg, Allemagne, et la différence était statistiquement significative (p<0,0001). Toujours à 24 mois, la DMO de l’ensemble de la hanche avait diminué de 0,4 % dans le groupe tamoxifène et de 3,3 % dans le groupe exémestane (p<0,05).

Les taux de marqueurs du renouvellement osseux ont diminué sous tamoxifène alors qu’ils ont augmenté sous exémestane. Le Dr Hadji fait remarquer que la DMO et les taux de marqueurs du renouvellement osseux semblent se détériorer au début du traitement pour ensuite se stabiliser.

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