Comptes rendus

Optimisation du traitement par un inhibiteur de la pompe à protons
Un nouveau schème de référence dans le traitement des tumeurs neuro-endocrines bien différenciées

Un pas en avant dans le diagnostic et la maîtrise des maladies gastro-œsophagiennes

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

FRONTIÈRES MÉDICALES Semaine canadienne des maladies digestives (CDDW) 2009

Banff, Alberta / 27 février-2 mars 2009

Le test PASS

Dans la prise en charge du reflux gastro-œsophagien (RGO), les inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) soulagent suffisamment les symptômes pour servir à la fois au diagnostic et au traitement du RGO, mais de plus en plus de données semblent indiquer que les médecins tiennent pour acquis, à tort, que le soulagement des symptômes est complet et durable. Une étude lors de laquelle on a utilisé le test PASS (PPI Acid Suppression Symptoms) a souligné l’importance de vérifier auprès du patient si ses symptômes sont soulagés. Ce test a permis de cerner un nombre substantiel de patients sous IPP dont les symptômes n’étaient pas soulagés adéquatement (Tableau 1). Lorsqu’on s’en sert pour modifier la stratégie de traitement, le test PASS est un outil hautement efficace qui améliore la suppression des symptômes et l’issue clinique.

«L’ennui, c’est que très souvent, le médecin ne s’enquiert plus des symptômes du RGO auprès de son patient après lui avoir prescrit un IPP», explique le Dr David Armstrong, professeur agrégé de médecine, division de gastroentérologie, McMaster University, Hamilton, Ontario. «On a conçu le test PASS pour évaluer rapidement les patients qui demeurent incommodés par leurs symptômes malgré leur traitement. Ce test peut aider le médecin à faire de meilleurs choix pour ses patients.»

Le problème que le test PASS vise à corriger en est un de taille, et on en sous-estime l’importance. Un sondage réalisé par l’American Gastroenterological Association (AGA) a révélé que des symptômes non négligeables du RGO persistent chez 40 % des patients sous IPP. D’autres études indiquent que jusqu’à 50 % des patients sous IPP prennent d’autres traitements, des antiacides par exemple, pour soulager leurs symptômes. Bien que de nombreux patients souffrant d’un RGO se disent satisfaits du soulagement relatif de leurs symptômes en début de traitement, les symptômes résiduels chroniques, comme les régurgitations acides ou les douleurs thoraciques, peuvent devenir débilitants avec le temps. De l’avis du Dr Armstrong, le médecin devrait toujours s’enquérir du soulagement des symptômes chez ses patients atteints d’un RGO, que ce soit à l’aide du test PASS ou non, car il existe des stratégies thérapeutiques de rechange si les symptômes persistent.

Tableau 1. Le test PASS


«Le test PASS est un questionnaire simple qui ne comporte que cinq questions auxquelles le patient répond par oui ou non en une minute environ. C’est le seul test validé que nous ayons pour évaluer les symptômes du RGO chez les patients déjà traités», explique le Dr Armstrong, qui dirigeait l’équipe multicentrique ayant confirmé la fiabilité du test, tant dans sa version anglaise que dans sa version française (Armstrong et al. Can J Gastroenterol 2005;19:350-8).

L’étude EncomPASS

L’étude EncomPASS – qui avait pour objectif d’évaluer l’issue clinique chez 1564 patients du Canada déjà sous antiacide – a fait la preuve de la commodité et de l’efficacité du test PASS dans un contexte de soins de premier recours. Tous ces patients avaient échoué le test PASS du fait qu’ils avaient répondu par l’affirmative à l’une des questions sur la persistance du RGO. De ces patients, 973 sont passés à un autre traitement (96,4 % d’entre eux ont reçu l’esoméprazole, un IPP, à raison de 40 mg 1 f.p.j.) tandis que les 591 autres ont poursuivi leur traitement en cours. Parmi les patients ayant poursuivi le traitement qu’ils recevaient au moment de faire le test PASS, la majorité recevaient un IPP : 25 % étaient sous rabéprazole, 21 % sous pantoprazole, 13 % sous lansoprazole et 13 % sous oméprazole.

Le paramètre principal de l’étude était la variation du score GOS (Global Overall Symptom) par rapport au score initial sur une échelle de Likert en sept points servant à l’évaluation des symptômes digestifs hauts. La proportion de patients ayant eu un score de 1, qui correspond à l’absence de problèmes, était de 57,9 % des patients ayant reçu un nouvel IPP vs 28,8 % (p<0,0001) de ceux qui ont poursuivi leur traitement initial. Lorsque la comparaison se limitait aux patients sous IPP, la proportion de patients chez qui les symptômes s’étaient résorbés après le changement de traitement, selon le score GOS, se chiffrait à 63,5 % vs 36,1 % (p<0,0001) (Figure 1).

Figure 1. Résolution des symp
OS après 4 semaines

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Le questionnaire sur le RGO, qui était un paramètre secondaire, a généré des résultats similaires. L’écart entre les deux groupes témoignait d’un avantage significatif en faveur du passage à l’esoméprazole pour chaque dimension mesurée, y compris le pyrosis (39,8 % vs 22,5 %; p<0,0001), les régurgitations (37,4 % vs 22,2 %; p<0,0001) et la dyspepsie (36,4 % vs 20,3 %; p<0,0001).

«Après quatre semaines de traitement, 35,5 % des patients qui avaient changé de traitement n’ont répondu “oui” à aucune question du test PASS, par comparaison à 13,2 % des témoins [p<0,0001], précise le Dr Armstrong. Les résultats montrent que la passation du test PASS permet de repérer facilement, dans un contexte de soins primaires, les patients aux prises avec un RGO persistant qui pourrait répondre à un nouveau traitement antiacide plus efficace.»

Troubles du sommeil associés au RGO

Une autre analyse des données de l’étude EncomPASS, sous la direction du Dr Richard Hunt, professeur titulaire de médecine, McMaster University, portait sur les troubles du sommeil liés au reflux. Parmi les patients qui ont échoué le test PASS, environ 60 % ont rapporté des troubles du sommeil imputables au RGO, l’une des cinq dimensions évaluées dans le test PASS. Parmi les patients qui ont changé de traitement, 25,3 % avaient toujours un sommeil perturbé, vs 53,3 % de ceux qui avaient poursuivi leur traitement initial (p<0,0001). Des différences similaires ont été observées lorsque l’analyse se limitait aux patients qui recevaient déjà un IPP. La quasi-totalité des patients qui ont changé de traitement ont reçu de l’esoméprazole à raison de 40 mg 1 f.p.j.

«Le test PASS est un outil très utile pour nous aider à repérer les patients qui ont besoin d’un traitement plus efficace», précise le Dr Hunt. Les troubles du sommeil comptent parmi les manifestations les plus courantes d’un RGO mal maîtrisé. Plusieurs sondages ont révélé que les patients voient les perturbations du sommeil comme l’une des principales causes de la diminution de qualité de vie (QdV) a
2).

Figure 2. Troubles du sommeil chez les patients sous IPP

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Évaluation de la qualité de vie

Bien sûr, la prise en charge inappropriée du RGO expose le patient à un risque de complications graves, dont l’œsophage de Barrett, mais le test PASS vise plutôt un objectif à court terme : repérer les patients dont la diminution de QdV est réversible. Dans le cadre d’une autre analyse des données de l’étude EncomPASS, on a comparé les deux groupes – les patients qui avaient changé de traitement et ceux qui n’avaient pas changé de traitement – quant à la variation des années de vie sans invalidité (QALY). À l’aide du questionnaire EQ-5D (EuroQOL Five-Dimension Questionnaire) qui a servi de base aux calculs, on a observé un gain moyen hautement significatif de 0,071 QALY (p<0,0001) en faveur des patients qui étaient passés à l’esoméprazole. Ce résultat est compatible avec la variation du score GOS, qui était environ deux fois plus marquée chez les patients ayant changé d’antiacide (-2,0 vs -1,1; p<0,0001). Comme le souligne l’auteur principal de cette analyse, le Dr Paul Moayyedi, professeur titulaire de médecine, McMaster University, cet essai est le premier avec randomisation à montrer qu’un changement de traitement antiacide peut se traduire par une augmentation significative du nombre de QALY dans le contexte canadien.

«Le gain de QALY ayant résulté du passage à l’esoméprazole était hautement significatif sur le plan statistique [p<0,0001], le changement de traitement antiacide s’étant traduit par un coût de 6552 $ CAN par QALY», précise le Dr Moayyedi, qui ajoute que l’analyse a été faite selon la perspective d’un tiers payeur. Ce résultat est bien à l’intérieur des limites actuelles de l’efficience.

Simplicité et utilité du test PASS

L’étude EncomPASS avait pour but de montrer que le test PASS est un outil clinique à la fois utile et simple qui se prête bien à la prise en charge du patient. L’objectif explicite de l’étude n’était pas de faire la preuve de la supériorité de l’esoméprazole sur d’autres IPP, mais on s’attendait, à la lumière d’études déjà publiées et du lien étroit connu entre la suppression de la sécrétion acide et le soulagement des symptômes, que les symptômes des patients ne recevant pas un traitement approprié par un IPP se résorbent sous esoméprazole. Tout comme la supériorité des IPP sur les anti-H<sub>2</sub> est spécifiquement liée à une suppression plus marquée de l’acidité dans le traitement du RGO, l’esoméprazole est significativement supérieur aux autres IPP administrés à la posologie habituelle quant au soulagement de l’hyperacidité sur 24 heures, que l’on mesure par le pourcentage de temps où le pH gastrique était >4.

«Nous avons choisi l’esoméprazole pour cette étude parce qu’il supprime la sécrétion acide plus efficacement [que les autres IPP à la posologie habituelle]», explique le Dr Hunt, qui a pris part à quelques-unes des études phares sur les IPP ayant établi une corrélation entre le degré de suppression de l’acidité et l’efficacité du traitement. Au chapitre des troubles du sommeil, dès lors que le test PASS confirme que le traitement du RGO n’est pas approprié, ajoute-t-il, «le passage à l’esoméprazole permet d’obtenir une amélioration appréciable dans un délai de quatre semaines».

Le soulagement des symptômes qui résulte du passage à l’esoméprazole était prévisible au vu des études multicentriques d’envergure ayant comparé les IPP sur le plan de la guérison de l’œsophagite. Il est ressorti d’une série d’essais menés à double insu avec randomisation que la supériorité de l’esoméprazole était hautement significative sur le plan statistique et qu’elle était systématique par rapport à l’oméprazole, au lansoprazole et au pantoprazole, c’est-à-dire les IPP auxquels il a été comparé. Lors des seules études d’envergure à double insu sur l’utilisation des IPP pour la prévention de l’œsophagite récidivante, l’esoméprazole s’est révélé plus efficace que le lansoprazole et le pantoprazole.

Le test PASS peut être utilisé dès maintenant dans la pratique clinique, explique le Dr Armstrong. Il est assez bref pour être imprimé sur une seule page. On peut l’utiliser chez tout patient qui prend un médicament d’ordonnance pour la liste des symptômes énumérés dans le test lui-même, c’est-à-dire les douleurs ou malaises à l’estomac, le pyrosis, les régurgitations acides, les éructations excessives, les ballonnements abdominaux accrus, les nausées ou la satiété précoce. Dans les cas où le test s’applique, il suffit au patient de répondre par oui ou non aux cinq questions, lesquelles portent sur la présence de symptômes gastriques, le besoin de médicaments supplémentaires pour le soulagement des symptômes et les répercussions des symptômes sur les activités de la vie quotidienne, dont le sommeil. Toute réponse affirmative à l’une de ces questions signifie que le traitement en cours n’est pas approprié.

«Nous voulions un test très simple», explique le Dr Armstrong. Il craint qu’un test plus compliqué ne soit pas utilisé, surtout par les médecins de premier recours dont l’horaire est particulièrement surchargé. À en juger par les résultats de l’étude EncomPASS, cependant, le test est non seulement simple, mais également efficace pour mettre en évidence les symptômes persistants et la nécessité d’une stratégie thérapeutique plus efficace. On peut aussi utiliser le test PASS à répétition pour déterminer si le premier ajustement au traitement était suffisant et comme point de départ pour l’évaluation de l’intensification du traitement, par exemple pour passer de une à deux prises par jour ou à une dose plus forte pour mieux soulager les symptômes.

Encourager les patients à discuter de leurs symptômes

Il ressort d’études épidémiologiques qu’une proportion substantielle de patients aux prises avec un RGO assez prononcé pour nuire à la QdV ne se plaint pas de ses symptômes à un médecin et se procure des médicaments en vente libre ou endure les épisodes de RGO sans traitement. Dans les cas où le patient consulte un médecin, les IPP sont le traitement de référence, mais tant le médecin que le patient semblent croire qu’on n’y peut rien si les symptômes ne sont pas entièrement soulagés. Dans le sondage de l’AGA qui a révélé l’existence de symptômes persistants (>2 épisodes de RGO par semaine) chez un pourcentage substantiel de patients sous IPP, 40 % des patients n’avaient pas parlé de leurs symptômes persistants à leur médecin. Les médecins ont admis qu’il leur arrivait souvent de ne pas s’enquérir du soulagement des symptômes chez leurs patients, par exemple pour savoir si ceux-ci prenaient également des médicaments en vente libre.

«Lorsque les patients à qui nous avons prescrit un IPP reviennent nous voir, nous devrions leur poser des questions précises afin de savoir si leurs symptômes sont soulagés», soutient le Dr Armstrong. À son avis, le test PASS validé serait la démarche la plus efficace et la plus fiable. Lors des premières études qui ont conduit à son élaboration, le test PASS a été associé à une bonne validité de contenu de même qu’à une bonne fiabilité test-retest. En particulier, une évaluation standardisée mais rapide réduit le risque qu’un patient pouvant bénéficier d’une modification assez simple du traitement nous échappe.

De très nombreuses données ont établi un lien entre le RGO et une diminution non négligeable de la QdV. Le test PASS voit le jour à un moment où l’on prend conscience du fait qu’un pourcentage élevé de patients sous IPP continue d’éprouver des symptômes qui génèrent des malaises persistants et nuisent au sommeil de même qu’à d’autres activités de la vie quotidienne. La confirmation d’un soulagement insuffisant est un aspect important et nécessaire de la prise en charge du patient. Si l’on en juge par l’étude EncomPASS, on peut raisonnablement s’attendre à un meilleur soulagement des symptômes en optant pour un autre IPP ou en intensifiant le traitement.

Résumé

Le médecin doit s’enquérir régulièrement de la qualité du soulagement des symptômes du RGO, même après le début du traitement. L’étude clinique EncomPASS a démontré qu’il est facile, à l’aide du test PASS, de reconnaître les patients qui continuent d’éprouver des symptômes et qui pourraient bénéficier d’un changement approprié de traitement. Lors de cette étude, le passage du traitement en cours par un IPP quelconque à un traitement par l’esoméprazole, lequel s’est révélé plus efficace que les autres IPP pour supprimer la sécrétion acide sur 24 heures, a presque doublé la proportion de patients libérés de leurs symptômes. Cette étude donne à penser qu’un simple test de dépistage est une méthode efficace et qu’il suffit parfois de modifier le traitement par un IPP pour alléger le fardeau des symptômes.

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