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« L’HPN devient très populaire! » : Nouvelles données d’essais cliniques et points de vue sur la prise en charge

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - ASH 2023 : Assemblée annuelle de l’American Society of Hematology (ASH)

San Diego, Californie / 9–12 décembre 2023

San Diego – L’hémoglobinurie paroxystique nocturne (HPN) – dont les manifestations cliniques incluent l’anémie, l’hémoglobinurie et la thrombose – est une maladie acquise rare des cellules souches hématopoïétiques (CSH) qui rend les érythrocytes vulnérables à la lyse médiée par le complément. L’inhibition de la composante C5 de la voie terminale du complément par l’éculizumab ou le ravulizumab peut maîtriser l’hémolyse intravasculaire (HiV) et améliorer les paramètres cliniques, la survie et la qualité de vie (QdV). Cependant, la seule inhibition de la voie terminale du complément peut rendre les érythrocytes vulnérables à l’hémolyse extravasculaire (HeV) et à une anémie persistante chez une minorité de patients. Le présent compte rendu porte sur les données d’essais cliniques et les données recueillies en conditions réelles dont il a été question au congrès pour les nouveaux inhibiteurs du complément commercialisés pour l’HPN.

Rédactrice médicale en chef : Dre Léna Coïc, Montréal, Québec

« La salle est bondée! L’HPN devient très populaire! », a lancé le Dr Peter Hillmen, Apellis Pharmaceuticals, à l’auditoire1. Malgré sa rareté clinique, l’HPN a été l’un des sujets de l’heure à la 65eAssemblée annuelle de l’ASH : plus de 40 présentations, dont plus de deux douzaines d’affiches, quatre symposiums commandités, un symposium présidentiel sur le système du complément et, pour la toute première fois, une séance orale consacrée entièrement aux essais cliniques sur l’HPN.

Comme l’ont dit plusieurs présentateurs, l’homologation de l’éculizumab, anticorps monoclonal inhibiteur de C5 (iC5), il y a 20 ans et le développement subséquent du ravulizumab, dérivé de l’éculizumab, ont révolutionné la prise en charge de l’HPN : survie plus longue, élimination des transfusions et meilleure QdV chez de nombreux patients. Malgré ces avancées, l’hémolyse et l’anémie persistent chez certains patients, car l’inhibition de C5 peut mener au dépôt de C3 sur les érythrocytes, ce qui déclenche une HeV. Plusieurs nouvelles stratégies ont été mises au point pour la prise en charge de l’HeV et l’optimisation des résultats chez les patients atteints d’HPN pour qui les options actuelles ne suffisent pas1,2.

Interrogé sur ses impressions globales de la place réservée à l’HPN au congrès, le Dr Christopher Patriquin, University Health Network, Toronto, et président de PNH Network, a dit : « C’est tellement stimulant. Et spécial de voir autant de bruit autour de l’HPN. La diversité est incroyable. »

Nouvelles données sur les options de traitement actuelles 

L’éculizumab, iC5 administré par voie i.v. toutes les 2 semaines, est le traitement de référence de 1re intention dans beaucoup de pays. Le ravulizumab, administré toutes les 8 semaines, est maintenant homologué au Canada et dans plusieurs autres pays, ce qui permet des analyses à long terme des données d’innocuité et d’efficacité tirées d’essais cliniques et de registres.

Le Dr Austin Kulasekararaj, King’s College Hospital, Londres, R.-U., et son équipe ont étudié les résultats à long terme de l’essai pivot 301 de phase 3, lequel a établi la non-infériorité du ravulizumab par rapport à l’éculizumab chez des patients jamais traités pour l’HPN. Six années de suivi (plus de 925 années-patients) l’ont confirmé : le ravulizumab traite l’HiV efficacement et ne cause pas de nouveaux problèmes d’innocuité. La survie des patients sous ravulizumab a été plus longue que celle des patients non traités du registre international sur l’HPN. « La période de suivi la plus longue des patients sous raviluzimab jamais traités par un iC5 a été rapportée, puis comparée aux données du registre; l’utilisation du ravulizumab a ainsi été confirmée comme traitement de choix en 1re intention pour l’HPN », conclut le Dr Kulasekararaj3.

Le Dr Alexander Röth, Université d’Essen, Allemagne, et son équipe ont exploré les données du registre sur le ravulizumab post-éculizumab. Après le changement de traitement, le contrôle de l’HiV s’est maintenu – comme l’ont montré la réduction du principal marqueur de l’hémolyse, le lactate déshydrogénase (LDH, données non montrées), et le maintien du taux d’hémoglobine (Hb) (Figure 1). Le passage au ravulizumab n’a pas entraîné d’événement vasculaire majeur (EVM) ni d’événement thromboembolique (ET), et les patients ont eu moins de transfusions (Figure 1)4.

 

Figure 1. Le traitement à long terme par le ravulizumab a permis de maintenir les taux d’hémoglobine et de réduire les taux d’EVM, d’ET et de transfusions d’érythrocytes 

écu, éculizumab; ET, événement thromboembolique; EVM, événement vasculaire majeur; IC, intervalle de confiance; rav, ravulizumab.

D’après Röth A et al. Affiche 2722 au congrès 2023 de l’ASH, 9–12 décembre 20234.

 

« C’est fantastique que les données sur le ravulizumab remontent si loin », affirme le Dr Patriquin, co-auteur de l’affiche sur le changement de traitement. « Avant, on avait des études de non-infériorité [vs l’éculizumab] mais là, on commence à pouvoir dire, du moins à partir de données d’observation, que l’amélioration semble plus marquée : moins de patients dont la maladie serait qualifiée de très active, transfusions évitées plus souvent, taux de LDH mieux maîtrisés, et protection – en théorie – contre les conséquences potentiellement dévastatrices d’une inhibition incomplète de la voie terminale du complément. » 

Des données à long terme ont aussi été présentées sur le pegcétacoplan, iC3 administré par voie s.-c. homologué au Canada l’année dernière pour le traitement de 2e intention de l’HPN chez l’adulte. Le Dr Carlos de Castro, Duke University, Durham, Caroline du Nord, a fait référence aux meilleurs taux d’Hb et de LDH obtenus aux premiers stades des essais PRINCE (patients n’ayant jamais reçu d’iC5) et PEGASUS (patients ayant déjà reçu un iC5), lesquels taux se sont maintenus pendant 2,5 et 3 ans, respectivement. Fait important, le fardeau des transfusions a diminué tout au long du suivi à long terme, 67 % des patients naïfs et 52 % des patients expérimentés n’ayant pas eu besoin de transfusions durant le suivi. « Cette analyse intégrée montre que l’efficacité du pegcétacoplan dans l’HPN est robuste et durable », conclut le Dr de Castro5.

Répondre aux besoins non comblés grâce aux nouvelles approches thérapeutiques 

Plusieurs auteurs ont présenté de nouvelles données sur les inhibiteurs du complément innovants; aucun n’est encore homologué au Canada. 

Danicopan

Le Dr Kulsasekararaj a présenté les données à long terme de l’essai de phase 3 ALPHA sur le danicopan, inhibiteur proximal de la voie du complément ciblant le facteur D administré par voie orale en appoint à l’éculizumab ou au ravulizumab dans l’HPN avec HeV cliniquement significative, vs placebo. L’analyse principale de l’essai publiée récemment dans Lancet Neurology a révélé qu’à 12 semaines, le danicopan était supérieur au placebo quant à l’augmentation du taux moyen d’Hb (vs valeurs initiales) et n’avait causé aucun nouveau problème d’innocuité6. Après la randomisation initiale, les patients sous placebo sont passés au danicopan (+ éculizumab ou ravulizumab en traitement de fond) et ont été observés pendant encore 12 semaines en mode ouvert;une prolongation de longue durée est toujours en cours. L’amélioration du taux d’Hb sous danicopan s’est maintenue pendant les 48 semaines de traitement; la proportion de patients demeurés sans transfusion s’est maintenue durant toutes les phases dans le groupe danicopan et s’est améliorée chez les patients d’abord sous placebo qui sont passés au danicopan. Les effets indésirables signalés concordaient avec le profil d’innocuité de l’analyse à 12 semaines7. Selon une autre analyse des données rapportées par les patients, le danicopan en appoint a amélioré la fatigue et le fonctionnement physique, ramenant les scores dans les limites de la normale pour la population générale8

Iptacopan

Plusieurs conférenciers ont mentionné la récente homologation de l’iptacopan, inhibiteur oral du facteur B, par la FDA aux États-Unis, pour l’adulte atteint d’HPN. La Dre Antonia Risitano, Université de Naples, Italie, a fait deux présentations orales sur d’autres analyses des essais pivots de phase 3 chez des patients naïfs et expérimentés. Selon les résultats à 48 semaines de l’essai de phase 3 APPLY-PNH chez des patients déjà traités dont l’anémie persistait, l’iptacopan a normalisé le taux d’Hb ou presque, les valeurs finales ayant atteint 12,2 g/dL chez les patients ayant reçu l’iptacopan pendant les 48 semaines et 12,1 g/dL chez ceux qui étaient passés d’un iC5 à l’iptacopan à 24 semaines. À 48 semaines, plus de 90 % des patients n’avaient plus besoin de transfusions9. Selon l’analyse des données rapportées par les patients naïfs des essais APPLY-PNH et APPOINT-PNH, la fatigue, la QdV liée à la santé et les symptômes de la maladie se sont améliorées de manière cliniquement significative10.

Points de vue des experts et messages à retenir pour les cliniciens du Canada 

Le Dr Patriquin a résumé les principaux messages à retenir et donné quelques conseils aux cliniciens du Canada. « Il y a encore beaucoup à apprendre, mais certains patients n’ont pas de bons résultats avec certains médicaments et ont besoin d’autre chose. La multiplication des options de traitement est une bonne nouvelle, mais ça nous complique la tâche, car il faut peser le pour et le contre de chacune. Il sera essentiel de bien conseiller [les patients] et de communiquer ouvertement avec eux au sujet des différents risques et profils d’effets indésirables, et tenir compte d’autres facteurs dont on n’a pas encore eu à se préoccuper avec les anticorps monoclonaux seuls. »

« L’arrivée de traitements innovants suscite de plus en plus d’intérêt pour l’HPN, estime le Dr Patriquin. Au début, une fois l’éculizumab arrivé au Canada et connu des médecins, on savait qu’on pouvait se tourner davantage vers les tests [pour l’HPN] étant donné qu’il y avait une solution au problème. Et je crois que tous ces traitements différents vont monter la barre d’un cran. Repérer les patients demeure la principale difficulté : d’abord, il faut les trouver, puis discuter avec eux pour déterminer la conduite à tenir. »

 

Références

1. Hillmen P. Apellis Product Theatre, ASH 2023, 9–12 décembre 2023.

2. Weitz, IC. Complement Wheel: Optimizing Care for Patients With aHUS, HSCT-TMA, and PNH. Symposium commandité, ASH 2023, 9–12 décembre 2023.

3. Kulasekararaj A et al. Affiche 2714, ASH 2023, 9–12 décembre 2023.

4. Röth A et al. Affiche 2722, ASH 2023, 9–12 décembre 2023.

5. De Castro C et al. Présentation orale 574, ASH 2023, 9–12 décembre 2023.

6. Lee JW et al. Lancet Haematol Déc 2023;10(12):e955-e965.

7. Kulasekararaj A et al. Présentation orale 576, ASH 2023, 9–12 décembre 2023.

8. Piatek C et al. Affiche 1346, ASH 2023, 9–12 décembre 2023.

9. Risitano A et al. Présentation orale 571, ASH 2023, 9–12 décembre 2023.

10. Risitano A et al. Présentation orale 487, ASH 2023, 9–12 décembre 2023.

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