Comptes rendus

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Améliorer l’issue du traitement dans l’asthme et la MPOC

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

Le 16e Congrès annuel de la European Respiratory Society (ERS)

Munich, Allemagne / 2-6 septembre 2006

Commentaire éditorial :

J. Mark FitzGerald, MD, FRCPC, FRCPI, FACCP

Directeur, Centre d’épidémiologie clinique et d’évaluation Vancouver Coastal Health Research Institute Chef, division de Pneumologie Professeur titulaire de médecine, University of British Columbia Pneumologue, The Lung Centre Vancouver General Hospital Vancouver, Colombie-Britannique

Selon une enquête d’envergure effectuée en Europe, en Australie, aux États-Unis et au Canada, les patients reconnaissent les signes avant-coureurs d’une exacerbation aiguë de l’asthme en moyenne cinq jours avant l’apparition des symptômes paroxystiques. Il ressort de cette enquête que le patient aurait amplement le temps de faire échec à une exacerbation avant que les conséquences les plus graves ne surviennent, principalement l’hospitalisation et le recours inévitable aux stéroïdes oraux. L’enquête a aussi révélé que les patients préfèrent jouer un rôle actif dans la prise en charge de leur maladie. Ces résultats sont encourageants compte tenu des nouvelles données montrant qu’un ajustement rapide du traitement d’entretien effectué par le patient lui-même pourrait non seulement donner de meilleurs résultats dans le traitement de l’asthme, mais aussi dans le traitement d’autres maladies respiratoires chroniques comme la maladie pulmonaire obstructive chronique (MPOC).

Enquête INSPIRE

Le paradigme traditionnel du traitement de l’asthme et de la MPOC se résume à ajouter un bêta-agoniste à courte durée d’action (BACA) au besoin à un traitement d’entretien initial lorsque les symptômes s’intensifient. De récentes études motivées par la mise au point d’inhalateurs qui combinent un corticostéroïde en inhalation (CSI) et un bêta-agoniste à longue durée d’action (BALA) ont servi de fondement à d’autres stratégies pour le traitement des deux maladies. Non seulement ces inhalateurs sont-ils plus commodes parce qu’ils réduisent le nombre d’inhalateurs, mais ils donnent aussi de meilleurs résultats. Dans le traitement de l’asthme, les résultats d’une vaste enquête internationale menée auprès de patients – INSPIRE (International Asthma Patient Insight Research) – plaident en faveur d’une démarche qui repose davantage sur l’intervention du patient, car on obtient alors une meilleure maîtrise des symptômes, sans compter que la plupart des patients préfèrent ajuster eux-mêmes la posologie de leurs médicaments.

L’enquête INSPIRE portait sur 3415 patients recevant un traitement d’entretien régulier qui incluait un CSI. Selon les données présentées par Partridge et al. (résumé 3368), les patients ont établi à 5,1 jours l’intervalle moyen entre les premiers symptômes d’une exacerbation, généralement la dyspnée, et les symptômes paroxystiques. Pendant cet intervalle, en moyenne, les patients utilisaient leur BACA quatre fois plus que pendant une période sans exacerbation imminente. Certes, cet ajustement posologique à la hausse du BACA montre que les patients prennent une part active au traitement de leurs symptômes, mais les auteurs sont venus à la conclusion que les patients utilisent la mauvaise stratégie. À leur avis, l’ajustement posologique à la fois du CSI et du BALA pendant cet intervalle de cinq jours – ce que peu de répondants de l’enquête INSPIRE ont rapporté – devrait être plus bénéfique que le seul ajustement posologique du BACA.

D’autres données tirées de l’enquête INSPIRE qui ont été présentées séparément par van der Molen et al. (résumé P1825) soulignent le désir des patients de prendre leurs symptômes en main. En effet, l’auteur et son équipe rapportent que plus de 60 % des patients étaient tout à fait d’accord avec l’énoncé «Je me sens à l’aise d’intervenir tôt»; 25 % des patients étaient plutôt d’accord avec cet énoncé, ce qui revient à un pourcentage total de 87 %. Bien que 73 % des sujets de l’enquête INSPIRE aient fait état d’une maîtrise sous-optimale de l’asthme en reconnaissant qu’ils étaient limités en partie dans leurs activités malgré un traitement d’entretien chronique, les données globales indiquent que la plupart des patients sont prêts à se traiter de façon plus énergique s’ils reçoivent les directives appropriées.

Ces résultats sont particulièrement pertinents lorsqu’on les évalue à la lumière de nouvelles données selon lesquelles l’association d’un CSI et d’un BALA serait efficace pour réduire le risque d’exacerbation, tant chez les patients asthmatiques que chez les patients souffrant de la MPOC. Au chapitre de l’asthme, Rabe et al. (résumé P3866) ont présenté l’une des quelques études d’envergure menées à bien récemment dont l’objectif était de vérifier cette hypothèse. Les investigateurs ont comparé différentes stratégies pour réduire le risque d’exacerbation chez des patients asthmatiques qui prenaient déjà un CSI et un BALA dans un inhalateur unique comme traitement d’entretien. Les résultats complets ont été publiés juste avant le présent congrès (Rabe et al. Lancet 2006;368:744-53). Dans cette étude multicentrique de 12 mois, 3394 patients recevant un traitement d’entretien à base d’un CSI, le budésonide, et d’un BALA, le formotérol, ont reçu aléatoirement l’un des trois traitements suivants pour maîtriser leurs exacerbations : terbutaline au besoin; formotérol au besoin; inhalations supplémentaires de budésonide/formotérol au besoin.

SMART : Posologie variable

Selon les divers paramètres utilisés pour évaluer les patients, ce sont les inhalations supplémentaires de budésonide/formotérol au besoin – stratégie connue sous l’acronyme SMART (Symbicort for both Maintenance and Reliever Therapy) – qui ont procuré la meilleure maîtrise des exacerbations pendant les 12 mois de l’étude. Par exemple, le taux annuel d’exacerbations pour 100 patients était respectivement de 37, 29 et 19 dans le groupe BACA au besoin, le groupe formotérol au besoin (p<0,01 vs BACA au besoin) et le groupe budésonide/formotérol au besoin (p<0,0001 vs BACA au besoin ou formotérol au besoin). La méthode SMART a aussi été associée à une diminution significative des réveils nocturnes (p=0,018 vs formotérol et p=0,0025 vs terbutaline) et à une diminution significative des exacerbations de tous types (p<0,0001 vs formotérol ou terbutaline).

Des résultats similaires ont été obtenus dans deux autres études visant à évaluer la méthode SMART. L’essai multinational intitulé COMPASS (Comparison versus higher fixed-dose of Symbicort and Seretide), dont les résultats ont été présentés par Kuna et al. (résumé P1228), comportait trois groupes : fluticasone/salmétérol dans un inhalateur unique et terbutaline au besoin; budésonide/formotérol dans un inhalateur unique et terbutaline au besoin; ou budésonide/formotérol dans un inhalateur unique et inhalations supplémentaires de budésonide/formotérol au besoin pour soulager les symptômes (SMART).

La méthode SMART a été associée à une réduction significative du nombre d’exacerbations sévères par rapport aux deux autres groupes (p<0,0048 vs budésonide/formotérol plus terbutaline et p<0,001 vs fluticasone/salmétérol plus terbutaline). Dans le groupe SMART, la diminution du nombre de jours sous stéroïdes oraux se chiffrait à 41 % par rapport au groupe budésonide/formotérol plus terbutaline et à 45 % par rapport au groupe fluticasone/salmétérol plus terbutaline. Tous les traitements ont été bien tolérés.

L’autre étude d’envergure – qui a été menée au Canada – a été présentée par Sears et al. (résumé 3601). Dans cette étude, 1538 patients ont été assignés aléatoirement au groupe SMART ou au groupe bénéficiant de la meilleure pratique traditionnelle selon les lignes directrices actuelles. Sur une période de six mois, la réduction de 43 % du nombre moyen d’hospitalisations ou de visites aux urgences (4,4 vs 7,8 pour 100 patients traités pendant un an; p=0,07) en faveur de la méthode SMART avoisinait le seuil de signification statistique. La méthode SMART a été associée à une réduction significative de la dose totale du CSI (p<0,001) et de l’utilisation du médicament de secours (p=0,0036) par rapport à la meilleure pratique traditionnelle.

Sur le plan du coût, la protection contre les exacerbations semble procurer un avantage relatif par rapport aux autres stratégies. Dans l’étude canadienne, une analyse a révélé que la méthode SMART permettait de diminuer le coût de 23 % (p<0,0001) par rapport au traitement traditionnel, surtout en raison de la diminution du risque d’exacerbation. Dans l’analyse de coût de l’étude COMPASS, qui a été présentée séparément des données d’efficacité par Price et al. (résumé P1274), d’importantes économies ont aussi été rapportées. Plus précisément, les auteurs ont calculé que le passage du traitement fluticasone/salmétérol à la méthode SMART chez 100 patients permettrait de prévenir sept exacerbations sur une période de six mois, pour des économies de plus de 15 000 $CDN. Le passage de la stratégie budésonide/formotérol plus terbutaline au besoin à la méthode SMART, toujours chez 100 patients, permettrait de prévenir quatre exacerbations sur une période de six mois, pour des économies de plus de 10 000 $CDN.

Synergie thérapeutique à l’aide d’un seul inhalateur

La possibilité d’utiliser l’association budésonide/formotérol à la fois pour le traitement d’entretien et le traitement de secours de l’asthme pourrait être propre à cette association. En raison de la demi-vie plus longue du salmétérol, de multiples inhalations administrées au besoin de l’association fluticasone/salmétérol généreraient un risque inacceptable d’effets indésirables. Ces caractéristiques pharmacologiques rendent impossible l’ajout du salmétérol comme traitement de secours à un traitement d’entretien à base de salmétérol.

Une étude récente a révélé que l’association fluticasone/salmétérol peut améliorer les résultats du traitement de la MPOC. Dans le cadre d’une étude intitulée TORCH (Towards a Revolution in COPD Health) dont les résultats ont été présentés par Calverley et al. (résumé E311), 6112 patients atteints de la MPOC ont reçu aléatoirement l’association fluticasone/salmétérol, la fluticasone seule, le salmétérol seul ou un placebo pendant trois ans. L’association CSI/BALA a autorisé une réduction de 17,5 % du risque de mortalité toutes causes confondues par rapport au placebo. La différence entre la fluticasone seule ou le salmétérol seul par rapport au placebo n’était pas significative. L’association fluticasone/salmétérol a aussi permis une amélioration relative significative de la qualité de vie. C’est probablement un effet de classe, mais aucune étude visant à évaluer le budésonide et le formotérol et ayant la mortalité comme paramètre d’évaluation n’a été publiée.

L’association d’un CSI et d’un BALA dans un inhalateur unique est une suite logique chez les patients qui ont besoin des deux types de composés pour maîtriser leur asthme ou leur MPOC. Certes, la commodité d’un inhalateur unique est un avantage, mais les données les plus récentes semblent indiquer que ces traitements d’association permettent aussi de concevoir de nouvelles stratégies qui pourraient améliorer les résultats. Bien que d’autres études s’imposent, il est légitime d’émettre l’hypothèse voulant qu’un inhalateur unique réunissant deux produits puisse contribuer à mieux inhiber l’inflammation, une force motrice dans la progression de la maladie.

Résumé

Une série d’études portant sur un CSI et un BALA dans un inhalateur unique semblent indiquer que cette stratégie améliore non seulement la commodité du traitement d’entretien de l’asthme et de la MPOC, mais aussi les résultats du traitement. Dans l’asthme, il a été démontré que l’association budésonide/formotérol administrée dans un inhalateur unique à la fois pour le traitement d’entretien et la prévention des exacerbations aiguës permettait de réduire le nombre d’exacerbations sévères par rapport à une stratégie à doses fixes administrées dans un inhalateur unique plus un médicament de secours supplémentaire. Dans la MPOC, l’association d’un CSI, la fluticasone, et d’un BALA, le salmétérol, administrée dans un inhalateur unique a réduit le taux de mortalité. À la lumière de ces résultats, on assistera probablement à une redéfinition du paradigme de la maîtrise des maladies respiratoires évolutives.-

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