Comptes rendus

Prévention et atténuation des symptômes comportementaux de la maladie d’Alzheimer
Inhibition plaquettaire plus rapide, plus complète et plus uniforme : nouvelles options dans le traitement du syndrome coronarien aigu

Analogues nucléosidiques dans le traitement antirétroviral : une utilité réaffirmée

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

La XVIIe Conférence internationale sur le SIDA

Mexico, Mexique / 3-8 août 2008

Les soupçons quant aux éventuels effets indésirables cardiovasculaires (CV) des inhibiteurs nucléosidiques de la transcriptase inverse (INTI) ont d’abord pesé sur les agents provoquant des altérations lipidiques. Les doutes se sont toutefois déplacés à la suite d’une analyse de la base de données D:A:D (Data Collection on Adverse Events in Anti-HIV drugs) qui, contre toute attente, a mis sur la sellette des agents dépourvus d’effets lipidiques, tels que l’abacavir (ABC). Plus précisément, des données provenant de 33 347 patients et de 157 912 années-personnes de traitement ont mis en lumière un lien entre la prise récente — mais non courante — d’ABC et de didanosine, et la survenue d’un infarctus du myocarde (IM) chez des patients à risque modéré ou élevé. L’analyse n’a révélé aucun lien de cette nature impliquant d’autres INTI (Sabin et al. Lancet 2008;371:1417-26).

Après l’analyse D:A:D, on a cru bon de disséquer de nouveau des données d’autres essais cliniques. Or, les exposés du 17e Congrès canadien annuel sur la recherche sur le VIH et le SIDA, tenu en avril 2008, ne corroborent nullement les résultats de l’analyse D:A:D. La réanalyse et les discussions se sont poursuivies lors de la présente conférence.

Expérience clinique

Depuis l’arrivée de l’ABC (sous toutes ses formes commercialisées) dans l’arène clinique il y a près d’une décennie, on a accumulé plus de un million d’années-patients d’exposition à cet agent, précise le Dr Jürgen Rockstroh, département de médecine, Université de Bonn, Allemagne. Cette vaste expérience clinique a démontré que l’ABC exerçait généralement des effets métaboliques favorables par rapport à d’autres INTI. Ainsi, elle atténue la toxicité mitochondriale consécutive à la prise d’un analogue de la thymidine et est associée à une morbidité et à une mortalité moindres par suite de réactions d’hypersensibilité. Dans une brève communication parue dans le numéro de The Lancet où a été publié le rapport de l’analyse D:A:D, on apprend que, selon la base de données du fabricant, le taux de maladie coronarienne ou d’IM est le même chez les sujets des essais cliniques ayant reçu, après randomisation, un schéma avec ou sans ABC (Cutrell et al. Lancet 2008;371:1413).

Comme l’explique le Dr Rockstroh, l’équipe de l’étude D:A:D avait antérieurement établi un lien entre un risque accru d’IM chez les patients atteints du VIH / SIDA et la prise d’un traitement antirétroviral d’association (Friis-Moller et al. N Engl J Med 2003;349:1993-2003). Toutefois, à l’époque, les chercheurs avaient aussi insisté sur l’apport statistiquement significatif de multiples facteurs de risque CV, notamment l’âge, les antécédents familiaux, les dyslipidémies et le diabète. «L’examen des données pharmacologiques précliniques et cliniques n’a pas permis d’établir que l’ABC concourait nettement, par des mécanismes biologiques plausibles, à l’augmentation du risque d’IM», fait observer le médecin.

Les maladies CV, de souligner le Dr Rockstroh, sont à l’origine de plus de 20 % des décès chez les porteurs du VIH (Crum et al. J Acquir Immune Defic Syndr 2006;41:194-200). Dans une certaine mesure, l’alourdissement du fardeau CV reflète les progrès du traitement antirétroviral, qui ont grandement amélioré la survie à long terme dans le VIH / SIDA. «La surveillance et la prise en charge des maladies CV prennent de plus en plus de place dans le traitement des porteurs du VIH, et elles exigent une étroite collaboration entre les prestateurs de soins, précise-t-il. Les cliniciens devraient évaluer régulièrement tous les facteurs de risque CV chez les patients traités au long cours.»

Une analyse dynamique

Les comptes rendus présentés témoignent des efforts soutenus que l’on déploie pour clarifier et expliquer les résultats de l’étude D:A:D. Les données de 54 essais cliniques ayant réuni 14 174 adultes traités pendant au moins six mois n’ont mis au jour aucune différence, entre les schémas avec ou sans ABC, au chapitre de la fréquence des incidents coronariens ischémiques ou des IM, indique le Dr Jaime Hernandez, Triangle Park, Caroline du Nord. Tout compte fait, les IM et les incidents ischémiques ont été peu fréquents. Ainsi, les schémas sans ABC ont été associés à une incidence d’IM de 0,139 %, par rapport à 0,114 % pour les schémas avec ABC. Quant à l’incidence de la maladie coronarienne ou des incidents coronariens ischémiques chez des sujets sous traitement antirétroviral d’association, elle s’est élevée à 0,416 % sans ABC contre 0,249 % avec ABC.

Une analyse restreinte, c’est-à-dire ne portant que sur 12 essais avec randomisation et 3200 adultes, a produit des résultats comparables. En effet, le taux d’IM s’est inscrit à 0,355 % chez les patients traités sans ABC et à 0,127 % chez ceux qui en ont reçu. Par ailleurs, une maladie ou un événement ischémique est survenu chez 0,318 % et 0,768 %, respectivement, des sujets exposés ou non à l’ABC. «Ces faibles taux limitent l’efficacité statistique de l’analyse, fait remarquer le Dr Hernandez. Mais il reste qu’on n’a pas noté de différence, sur le plan de l’incidence des événements coronariens ischémiques et des IM, entre les groupes soumis à l’ABC et ceux qui n’en ont pas reçu. On devra pousser davantage la recherche afin d’explorer à fond le lien entre l’ABC et les maladies CV.»

À en juger par l’exposé du Dr Jens Lundgren, Université de Copenhague, Danemark, on ne connaît effectivement pas encore le fin mot de l’histoire. Ce médecin a présenté les données relatives à un sous-groupe de 2752 patients admis à l’essai SMART (Strategies for Management of Antiretroviral Therapy) (El-Sadr et al. N Engl J Med 2006;355:2283-96). À l’instar de l’analyse D:A:D, l’essai SMART laissait entrevoir une augmentation du risque CV chez les patients traités à long terme par l’ABC.

Cependant, le risque associé à l’INTI ne visait que les sujets déjà très vulnérables aux maladies cardiaques, à savoir ceux qui présentaient au moins cinq facteurs de risque CV lors du début du traitement antirétroviral. «On n’a pas noté d’augmentation significative du risque chez les sujets qui présentaient moins de cinq facteurs de risque CV», souligne le Dr Lundgren.

Données sur l’efficacité des INTI

Une controverse s’est engagée sur un autre front : celui de l’efficacité des associations antirétrovirales contenant des INTI. Plus tôt cette année, lors de la Conférence sur les rétrovirus et les infections opportunistes, les chercheurs de l’essai 5202 de l’ACTG (AIDS Clinical Trials Group) ont fait état d’un intervalle sans échec virologique plus court chez les sujets sous ABC-lamivudine (3TC) par rapport aux sujets sous ténofovir-emtricitabine dans une population sans passé antirétroviral dont la charge virale de départ dépassait 100 000 copies/mL. À noter que cet essai n’est pas terminé et que l’insu n’a pas encore été levé à l’égard des porteurs d’une charge virale moins importante.

En revanche, on a procédé à une nouvelle analyse de six essais cliniques en appliquant la définition de l’échec virologique régissant l’essai ACTG 5202, et aucune différence n’est ressortie quant aux résultats du traitement par l’association ABC-3TC selon la charge virale de départ. «L’essai ACTG 5202 a produit des résultats inattendus, qui tranchaient avec l’expérience clinique antérieure, et, dès lors, il y a lieu de se demander si les deux traitements de fond nucléosidiques offrent une efficacité et une innocuité comparables», déclare le Dr Keith Pappa, Triangle Park, Caroline du Nord.

Le paramètre principal de l’essai ACTG 5202 est l’échec virologique, à savoir la présence d’une charge virale ³ 1000 copies/mL après 16 à 24 semaines ou ³ 200 copies/mL après 24 semaines ou plus. En appliquant le paramètre d’efficacité de l’essai ACTG 5202, le Dr Pappa a évalué la probabilité de survie virologique, selon la définition du protocole, à 48 semaines en fonction de la charge virale de départ. Son analyse porte sur 2940 patients sans passé antirétroviral soumis à des schémas à base d’ABC-3TC. Les taux de survie virologique oscillent entre 89 % et 95 % dans les six études et ne diffèrent pas, que la charge virale de départ soit ³ 100 000 copies/mL ou moindre.

Mettant en relief une fois de plus le caractère atypique des résultats de l’essai ACTG 5202, le Dr Pappa a présenté l’analyse à 96 semaines de l’étude HEAT (Head to Head Epzicom and Truvada). Les données antérieures, après 48 semaines, n’avaient révélé aucun écart significatif, quant aux résultats selon la charge virale de départ, entre les patients sous ABC-3TC et les patients sous ténofovir-emtricitabine après randomisation. Cet essai était conçu pour démontrer la non-infériorité des schémas à base d’ABC.

Selon l’analyse la plus récente de l’étude HEAT, 60 % des sujets du groupe ABC-3TC et 58 % des sujets du groupe ténofovir-emtricitabine présentaient une charge virale d•50 copies/mL après 96 semaines. Des analyses distinctes après ventilation selon la charge virale de départ (<100 000 copies/mL ou plus) ont révélé des taux de suppression virologique de 63 % et de 56 %, respectivement, dans le groupe ABC-3TC, comparativement à 58 % et 58 % dans le groupe ténofovir/emtricitabine.

Résumé

Plus de 20 ans après la mise en marché du tout premier INTI, cette classe de médicaments n’a pas livré tous ses secrets, et de nouvelles données viennent encore orienter le clinicien, commente le Dr Pedro Cahn, chef du service des maladies infectieuses, Hôpital Juan Fernandez, Buenos Aires, Argentine, et président de l’International AIDS Society. Dans les lignes directrices de pratique clinique, les INTI, notamment l’ABC, sont invariablement prisés ou recommandés dans le cadre d’un traitement antirétroviral hautement actif (HAART). Ils ont largement fait la preuve de leur innocuité et de leur efficacité. La réputation de l’association ABC-3TC, en particulier, n’est plus à faire : efficacité, bonne tolérabilité à court terme, mitotoxicité minime et absence d’effet lipoatrophique. «Depuis leur entrée en scène, en 1987, les INTI constituent les piliers du traitement antirétroviral. À l’heure actuelle, c’est encore sur eux que s’appuie le HAART», de conclure le Dr Cahn.

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