Comptes rendus

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Prévention et atténuation des symptômes comportementaux de la maladie d’Alzheimer

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

Le 11e Congrès international sur la maladie d’Alzheimer (ICAD)

Chicago, Illinois / 26-31 juillet 2008

Les symptômes comportementaux ou psychiatriques – qui touchent 50 à 80 % des patients atteints de la maladie d’Alzheimer (MA) – sont d’importants déterminants de la détresse du patient, du fardeau de l’aidant et de l’issue clinique. Ils se traduisent aussi par une utilisation accrue des ressources du système de santé et une augmentation des coûts, peu importe le stade de la MA. Il est ressorti d’un certain nombre d’études rétrospectives et d’observation que la mémantine, antagoniste des récepteurs NMDA (N-méthyl-d-aspartate) du glutamate, exerce un effet favorable sur plusieurs symptômes fonctionnels et comportementaux.

Les symptômes comportementaux de la MA accroissent l’utilisation des ressources

Une étude réalisée dans une clinique spécialisée a confirmé l’existence d’un lien significatif entre les symptômes comportementaux et l’utilisation accrue des ressources, en particulier sur les plans de la consommation d’antipsychotiques et de la fréquence des séjours à l’hôpital. En collaboration avec le Dr Serge Gauthier, directeur de l’Unité de recherche sur la maladie d’Alzheimer, Centre McGill d’études sur le vieillissement, Verdun, Québec, le Dr Jean-Marc Orgogozo, directeur du Service de neurologie et professeur titulaire de neurologie, Université de Bordeaux, Talence, France, a effectué une analyse transversale des données tirées d’une série prospective de 349 patients atteints de la MA modérée ou sévère qui ont été suivis à la clinique de la mémoire du Centre hospitalier universitaire de Bordeaux entre janvier et juillet 2001.

Lors de la visite à la clinique (données initiales), les patients et les aidants ont répondu à un questionnaire clinique, à un questionnaire démographique et à un questionnaire sur l’utilisation des ressources (UR). Le questionnaire clinique comportait une évaluation des symptômes comportementaux selon les critères de l’échelle NPI (Neuropsychiatric Inventory), tandis que le questionnaire sur l’UR ciblait la consommation de médicaments anti-démence et antipsychotiques, le temps consacré par l’aidant en soins informels, le recours aux services sociaux, les soins ambulatoires et les hospitalisations au cours des trois mois précédents. Après six et 12 mois, les mêmes personnes devaient évaluer de mémoire l’UR durant une période de trois mois dans le cadre d’un suivi téléphonique.

Les patients étaient âgés (78,0 ± 7,9 ans en moyenne) et avaient au départ, en moyenne, un score MMSE (mini-examen de l’état mental) de 16,1 ± 7,5 et un score GDS (Global Deterioration Scale) de 4,5. Les patients souffraient de démence légère ou modérée pour la plupart et prenaient tous un inhibiteur de la cholinestérase (IC).

Les symptômes comportementaux les plus fréquents étaient : apathie/indifférence (62,2 %), dépression/dysphorie (47 %), anxiété (45,9 %), irritabilité/labilité (41 %) et agitation/agressivité (27,2 %). La présence de n’importe lequel de ces symptômes comportementaux, à l’exception de l’apathie, augmentait significativement l’UR. La plus forte augmentation de l’UR a été associée à la présence initiale des symptômes suivants : agitation/agressivité, anxiété, idées délirantes, hallucinations, irritabilité/labilité et comportement moteur aberrant.

Au départ, 14 % des patients recevaient un antipsychotique; après six et 12 mois, ce pourcentage est passé à 19 % et à 22 %, respectivement. Les patients qui présentaient une agitation/agressivité, des idées délirantes, des hallucinations, une irritabilité/labilité ou un comportement moteur aberrant étaient, en pourcentage, significativement plus nombreux que les patients asymptomatiques à recevoir un antipsychotique. Au départ, la probabilité d’avoir été hospitalisé au moins une fois était significativement plus élevée chez les patients souffrant d’anxiété que chez les patients n’en souffrant pas (20 % vs 10 %, respectivement; p=0,010). À six et à 12 mois, les patients présentant des idées délirantes, des hallucinations, une agitation/agressivité ou un comportement moteur aberrant et les patients souffrant seulement d’anxiété étaient significativement plus susceptibles d’avoir été admis dans un centre de soins que les patients exempts de ces symptômes. De l’avis du Dr Orgogozo, l’effet favorable de la mémantine sur les symptômes comportementaux comme l’agitation/l’agressivité, les idées délirantes, les hallucinations, et l’irritabilité/la labilité pourrait se traduire par une augmentation moins marquée de l’UR du système de santé.

Atténuation des principaux symptômes comportementaux

Une nouvelle méta-analyse – qui regroupait six essais de phase III randomisés et comparatifs avec placebo d’une durée de six mois menés aux États-Unis et en Europe – a révélé que le traitement par la mémantine avait atténué quatre symptômes comportementaux clés selon l’échelle NPI chez des patients atteints de la MA modérée ou sévère. L’analyse portait sur un groupe particulier de symptômes de l’échelle NPI, car le score NPI total, qui comprend 12 items, est parfois difficile à interpréter à cause de l’hétérogénéité des symptômes, explique le Dr Gauthier. Les chercheurs se sont limités aux symptômes les plus incommodants qui sont reconnus pour avoir un impact énorme sur l’UR, p. ex., l’agitation/l’agressivité et l’irritabilité, ainsi que les symptômes psychotiques comme les hallucinations et les idées délirantes qui nécessitent souvent l’administration d’antipsychotiques atypiques.

La mémantine a été administrée en monothérapie (20 mg/jour) dans quatre des six essais et en association avec un IC à posologie stable dans les deux autres. La population analysée était un sous-groupe de 1717 patients souffrant de la MA modérée ou sévère (score MMSE <20). Entre le début de l’étude et la semaine 24/28, les symptômes cibles de l’échelle NPI s’étaient atténués significativement dans le groupe mémantine, par comparaison au groupe placebo (p=0,006), et l’écart moyen pondéré a atteint -0,78 (IC à 95 % : -1,33 à -0,23; analyse des cas observés [CO]). L’analyse a été réalisée selon le principe du report en aval de la dernière observation (RADO) (p=0,002). Toujours selon l’analyse des CO, la probabilité d’apparition de ces symptômes était 60 % plus faible chez les patients sous mémantine (risque relatif approché [OR, pour odds ratio] de 1,60; IC à 95 % : 1,13 à 2,28; p=0,009). L’analyse correspondante avec RADO a confirmé ce résultat (p=0,03).

L’analyse semble indiquer que, chez ces patients, le traitement par la mémantine pourrait atténuer la détresse de l’aidant et retarder le placement du patient, affirme le Dr Gauthier. Il pourrait en outre réduire l’utilisation d’antipsychotiques atypiques comme la rispéridone et d’autres psychotropes. L’effet de la mémantine sur le comportement fait actuellement l’objet d’un essai clinique prospectif avec randomisation au Canada. Cet essai permettra de déterminer si l’ajout de ce médicament élimine la nécessité d’un psychotrope tout en améliorant la cognition, poursuit le Dr Gauthier, qui précise par ailleurs que le mécanisme par lequel ce médicament agit sur des symptômes comme l’agitation/l’agressivité demeure inconnu.

Aggravation des symptômes à l’arrêt du traitement

À en juger par des cas isolés rapportés par des travailleurs de centre de soins, il semble que l’arrêt du traitement par la mémantine entraîne souvent une détérioration de l’état de santé général du patient. Une analyse des dossiers médicaux de patients Alzheimer vivant en centre de soins aux États-Unis a montré que l’abandon de la mémantine était associé à une augmentation des symptômes de la MA. Sous la direction du Dr Constantine Lyketsos, directeur du Service de psychiatrie, Johns Hopkins Bayview Medical Center, Baltimore, Maryland, des chercheurs ont analysé les dossiers médicaux de 521 hommes et femmes âgés en moyenne de 83 ans qui avaient reçu un diagnostic de MA et qui avaient vécu dans l’un des 113 centres de soins pendant <u>></u>90 jours. Leur score CPS (Cognitive Performance Scale) moyen s’établissait à 3,5 et leur score MMSE, à 11,2. La plupart des patients recevaient de la mémantine en association avec un IC et plus de 50 % recevaient également un psychotrope; 273 patients ont reçu de la mémantine sans interruption pendant <u>></u>90 jours et les 248 autres, pendant <u>></u>30 jours, après quoi ils n’en recevaient plus pendant <u>></u>60 jours.

Pendant les 60 premiers jours, l’évolution des symptômes de la MA était évaluée sur une échelle qui tenait compte de l’apparition ou de la résolution d’un symptôme (+1 ou -1 point, respectivement) ou encore, de l’aggravation ou de l’amélioration d’un symptôme existant (+0,5 ou -0,5 point). Dans le groupe ayant arrêté le traitement par la mémantine, par comparaison au groupe l’ayant poursuivi, on a relevé un pourcentage significativement plus élevé de patients dont le score total des symptômes de la MA avait varié de <u>></u>2 (43,6 % vs 19,8 %, respectivement) ou de <u>></u> (29,0 % vs 12,5 %, respectivement) (p<0,001 dans les deux cas). Après prise en compte de diverses données initiales (âge, poids, sexe, groupe ethnique, score CPS, nombre de pathologies concomitantes et nombre d’agents psychotropes administrés en concomitance au départ), l’arrêt de la mémantine a été associé à une probabilité ajustée significativement plus élevée d’apparition ou d’aggravation des symptômes, soit une variation du score total de <u>></u>3 (OR de 2,86) ou de <u>></u>2 (OR de 3,26), respectivement (p<0,001 dans les deux cas).

L’analyse des symptômes individuels a révélé que dans le groupe ayant arrêté le traitement par la mémantine, le score des symptômes de la MA était significativement plus élevé pour 13 des 31 items. Après correction des données en fonction de multiples comparaisons, l’écart entre les scores moyens est demeuré statistiquement significatif pour sept items : résistance aux soins et agitation/agressivité (comportement); incapacité de manger/boire ou de se déplacer dans une pièce (capacité fonctionnelle); incapacité de faire preuve de capacités cognitives; discours désorganisé et confusion (cognition). La résistance aux soins, l’agitation/agressivité et l’incapacité de manger/boire sont des symptômes particulièrement difficiles à gérer en centre de soins.

Le score total moyen de la variation des symptômes de la MA était significativement plus élevé chez les résidants qui avaient cessé de recevoir la mémantine (2,02 vs 0,68; p<0.001). L’abandon a été associé à une augmentation moyenne du score de 2,02, ce qui correspond essentiellement à l’apparition de deux symptômes ou à l’aggravation de quatre symptômes. La poursuite du traitement par la mémantine a été associée à une augmentation du score de seulement 0,68 point.

Le Dr Lyketsos et son équipe – qui ont recueilli des données durant 30 jours de plus chez ces patients – divulgueront les résultats de ces analyses supplémentaires dans un avenir prochain.

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