Comptes rendus

L’évaluation du risque en contexte : AINS sélectifs vs non sélectifs - Revues de la littérature
Traitement chronique de l’infection à VIH et qualité de vie

Antagonistes du corécepteur CCR5 : un profil de tolérabilité encourageant se dégage des données à long terme

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - La 49e Conférence intersciences annuelle sur les antimicrobiens et la chimiothérapie (ICAAC)

San Francisco, Californie / 12-15 septembre 2009

Il n’y a pas si longtemps, l’efficacité était LE critère d’évaluation des antirétroviraux (ARV) en raison du nombre restreint d’options thérapeutiques alors à notre disposition et du risque d’issue fatale associé à l’absence de suppression virale durable. À l’heure actuelle, en revanche, nous disposons d’un vaste arsenal thérapeutique composé de six classes d’ARV, ce qui nous permet d’accorder une plus grande importance à d’autres critères, l’innocuité en particulier, lorsque nous choisissons le traitement. De nouvelles données issues d’ajouts récents aux classes d’ARV semblent indiquer que ces nouvelles options pourraient conférer des avantages importants par rapport aux agents établis sur les plans de la tolérabilité immédiate et de l’innocuité à long terme.

Essai MERIT : analyse des taux lipidiques à 96 semaines

«Il est ressorti de nouvelles données de l’essai MERIT (Maraviroc versus Efavirenz Regimens as Initial Therapy) que les taux de C-LDL, de triglycérides et de cholestérol total étaient tous plus élevés chez les patients sous éfavirenz que chez les patients sous maraviroc, et les taux lipidiques étaient supérieurs aux taux recommandés par le NCEP [National Cholesterol Education Panel] chez une proportion plus élevée de patients sous éfavirenz», souligne le Dr Adriano Lazzarin, Istituto scientifico universitario San Raffaele, Milan, Italie. «Dans l’ensemble, le maraviroc n’a aucun effet sur les lipides.»

En fait, cet antagoniste des récepteurs CCR5 (anti-R5) entraîne globalement peu d’effets indésirables. Lors des essais comparatifs avec placebo, on n’a noté aucune différence entre le groupe maraviroc et le groupe témoin quant au taux d’abandons pour cause d’effets indésirables, et les seuls effets indésirables qui étaient plus courants dans le groupe maraviroc à la dose actuellement recommandée étaient la fièvre (6 % vs 2 %; p=0,04) et les céphalées (5 % vs 2 %, p=0,03). Lors de l’essai de phase III MERIT, qui visait à comparer le maraviroc à l’éfavirenz, tous deux administrés en association avec la zidovudine (AZT) et la lamivudine (3TC), chez des patients encore jamais traités, le taux d’abandons pour cause d’effets indésirables se chiffrait à 13,2 % dans le groupe éfavirenz et à 4,2 % dans le groupe anti-R5.

Résultats de l’essai VICTOR-E1

Des résultats semblables ont été rapportés pour le vicriviroc (VCV), anti-R5 qui fait actuellement l’objet d’essais cliniques de phase III. Selon les données à 96 semaines de l’essai de phase II VICTOR-E1 (Vicriviroc in Combination Treatment with Optimized antiretroviral Regimen in Experienced subjects) que l’on vient de divulguer, la tolérabilité est une caractéristique prédominante. Au départ, lors de l’essai à double insu VICTOR-E1, les patients – qui avaient été déjà été traités – ont été randomisés de façon à recevoir 20 mg de VCV, 30 mg de VCV ou un placebo en association avec un inhibiteur de la protéase potentialisé par le ritonavir (IP/r) en plus d’un traitement de fond optimisé. Au terme des 48 semaines, les deux doses de VCV étaient actives et bien tolérées, mais on a choisi de pour suivre l’étude de cet agent à la dose de 30 mg.

Les données à 96 semaines proviennent des 85 sujets ayant participé à la phase de prolongation ouverte de l’essai à double insu VICTOR-E1. Comme lors de l’essai MERIT, la proportion de patients ayant une charge virale <50 copies/mL et <400 copies/mL a augmenté légèrement, mais de façon continue, au fil du suivi. Cette suppression durable de la charge virale s’est accompagnée d’une augmentation prononcée du nombre moyen de cellules CD4+, celui-ci étant passé de 366 cellules/mm3 lors de l’admission à la phase de prolongation à 422 cellules/mm3 au terme des 96 semaines. Certes, on s’attend à ce que tous les ARV procurent une maîtrise durable de la charge virale, mais l’innocuité des anti-R5 est une caractéristique importante.

«Le VCV a été généralement bien toléré au sein de cette population au lourd passé thérapeutique, et aucun signe apparent de toxicité liée au VCV n’a été noté», souligne une équipe de chercheurs, dont fait partie le Dr Edwin DeJesus, Orlando Immunology Center, Floride. «Aucune variation de grade 3 ou 4 par rapport aux valeurs initiales n’a été rapportée pour les constantes biologiques mesurées, y compris les paramètres de la fonction hépatique.»

Réponse virologique aux anti-R5

Pour autant que le tropisme R5 du VIH soit confirmé, le taux élevé d’efficacité de l’anti-R5 semble assuré. En raison de la sensibilité insuffisante du test de tropisme CCR5 (R5), l’un des deux corécepteurs que le VIH utilise pour se fixer aux cellules cibles et les infecter, l’autre corécepteur étant le CXCR4 (X4), les toutes premières analyses à 48 semaines ont fait ressortir un léger désavantage du maraviroc par rapport à l’éfavirenz quant au taux de virémie indécelable. Par contre, lorsqu’on a exclu les infections par le VIH à tropisme X4 que le premier test n’avait pas décelées, le maraviroc s’est révélé au moins aussi efficace que l’éfavirenz. Cette conclusion a été étayée par les nouvelles analyses réalisées à 96 semaines sur l’efficacité du traitement dans divers sous-groupes, définis en fonction du clade du VIH (B ou C), de la race et du sexe.

«Le maraviroc et l’éfavirenz ont été associés à des taux de réponse virologique généralement similaires dans tous les sous-groupes», affirme le Dr William D. Hardy, Cedars-Sinai Medical Center, Geffen School of Medicine, UCLA, Los Angeles, Californie. À 96 semaines, la probabilité d’une virémie <50 copies/mL était plus forte sous éfavirenz que sous maraviroc chez les Noirs (61 % vs 53,5 %), surtout chez ceux de l’hémisphère Sud, et chez les patients porteurs d’un VIH de clade C (67,7 % vs 53,3 %), mais il semble que des facteurs autres que l’efficacité, notamment l’observance du traitement, soient en cause, rapporte le Dr Hardy. En fait, le taux d’abandons pour cause d’inefficacité du traitement ne différait pas d’un sous-groupe à l’autre. «Selon une analyse multivariée qui excluait les abandons pour une cause non virologique, le clade du VIH ainsi que la race et le sexe des patients n’ont aucunement influé sur l’intervalle précédant la perte de la réponse virologique dans le groupe maraviroc», enchaîne le Dr Hardy.

La différence la plus flagrante entre les traitements dans tous les sous-groupes était le taux d’abandons pour cause d’effets indésirables. Que les sujets aient été de race blanche (22,4 % vs 7,8 %) ou noire (9,3 % vs 2,6 %), porteurs d’un VIH de clade B (22,9 % vs 8,5 %) ou C (6,1 % vs 2,9 %), de sexe masculin (16,9 % vs 6,4 %) ou féminin (12,2 % vs 5,5 %), le taux d’abandons pour causes d’effets indésirables était systématiquement plus élevé dans le groupe éfavirenz. Cette observation en a surpris plus d’un parce que l’éfavirenz est généralement bien toléré comparativement à de nombreux IP.

Comme l’affirmait le Dr Lazzarin dans son analyse des bilans lipidiques : «Reste à savoir si la progression moindre de l’athérosclérose associée au maraviroc dans le modèle murin se concrétisera chez l’humain». Le maraviroc «pourrait toutefois offrir un avantage aux patients déjà à risque de maladie cardiovasculaire».

Reconstitution immunitaire

L’un des avantages des anti-R5, outre leur innocuité, est la reconstitution immunitaire plus robuste qu’ils permettent comparativement aux autres ARV. Lors de l’essai MERIT, l’augmentation du nombre de cellules CD4+ favorisait le maraviroc aux dépens de l’éfavirenz lors de toutes les évaluations, notamment à 48 semaines (170 vs 144 cellules/mm³) et à 96 semaines (207 vs 171 cellules/mm³). Dans le cadre d’une nouvelle étude visant à explorer les mécanismes qui sous-tendent cette différence, les chercheurs ont constaté que l’avantage du maraviroc était encore plus marqué chez les patients dont la charge virale initiale était supérieure à 100 000 copies/mL (227 vs 178 cellules/mm³) que chez ceux dont la charge virale initiale était plus faible (190 vs 167 cellules/mm³). Des différences entre les agents quant à l’activation du système immunitaire pourraient expliquer ce phénomène.

«L’activation du système immunitaire est un prédicteur et probablement un facteur important de la progression de l’infection à VIH. L’activation moindre du système immunitaire par le maraviroc pourrait ralentir le renouvellement des lymphocytes T CD4+ et ainsi en augmenter le nombre», explique le Dr Nicholas T. Funderburg, Case Western Reserve University, Cleveland, Ohio. «Comparativement aux patients sous éfavirenz, nous avons observé plus tôt une légère diminution de plusieurs marqueurs de l’activation immunitaire et de l’inflammation chez les patients sous maraviroc.»

À 48 semaines, par exemple, le taux de protéine C-réactive ultrasensible (hsCRP) avait en fait augmenté chez les patients sous éfavirenz alors qu’il était demeuré inchangé chez les patients sous maraviroc. Les concentrations d’interleukine-6 avaient baissé de façon abrupte sous maraviroc après quatre semaines et sont restées, pendant toute l’étude, inférieures à celles des patients sous éfavirenz, qui n’a entraîné qu’une légère baisse de ce paramètre de l’inflammation. Il se pourrait bien que des mécanismes autres que l’activité antivirale, telles l’activation du système imunitaire et la suppression de l’inflammation, sous-tendent l’augmentation plus marquée du nombre de cellules CD4+ associée aux anti-R5, cependant il semble que les différences entre les agents à cet égard jouent un rôle clé.

«Ces observations ne prouvent pas que la reconstitution immunitaire plus robuste tient à l’effet du maraviroc sur l’activation du système immunitaire ou l’inflammation, mais les différences observées par rapport à l’éfavirenz sont compatibles avec cette théorie», précise le Dr Funderburg.

Résumé

La classe des antagonistes du corécepteur CCR5 semble se différencier des autres classes d’ARV par son innocuité. La tolérabilité du seul anti-R5 actuellement commercialisé, le maraviroc, est étayée par un risque relativement faible d’anomalies des constantes biologiques, dont la variation des taux lipidiques, à long terme. Bien que le développement du VCV soit moins avancé, nous disposons maintenant de données de longue date selon lesquelles cet anti-R5 serait lui aussi dénué d’effets indésirables à court et à long terme. L’importance clinique de l’avantage relatif de ces agents au chapitre de la reconstitution immunitaire n’est pas claire, mais nous suivrons de près les données futures sur la maîtrise de l’infection à VIH, tant chez les patients n’ayant jamais été traités que chez les patients déjà traités.

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