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Antifongiques à large spectre moins toxiques : pour faciliter la lutte contre l’infection dans les hémopathies malignes

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

La 49e Assemblée / Exposition annuelle de l’American Society of Hematology

Atlanta, Géorgie / 8-11 décembre 2007

Selon quelques séries de cas cliniques, jusqu’à 20 % des adultes neutropéniques atteints d’une hémopathie maligne développent une mycose invasive. Si la mortalité imputable à la candidose invasive est en baisse depuis les années 1990, en partie grâce aux stratégies de traitement plus efficaces, la prévalence croissante d’Aspergillus – que l’on peut attribuer à divers facteurs – représente un nouveau défi. Chez les patients qui subissent une greffe de cellules souches hématopoïétiques, par exemple, on constate à la fois l’apparition tardive de mycoses et l’utilisation croissante d’allogreffes. L’épidémiologie changeante nécessite un ajustement des stratégies de lutte contre l’infection au moyen d’antifongiques qui agissent sur les espèces du genre Aspergillus.

«Grâce à la mise au point de méthodes diagnostiques plus perfectionnées et d’options de traitement plus sûres, l’issue des aspergilloses invasives s’améliore. Cela dit, ces infections demeurent fréquentes, et un traitement plus précoce s’impose si l’on aspire à accomplir d’autres progrès», affirme le Dr Pranatharthi H. Chandrasekar, professeur titulaire de médecine, Wayne State University School of Medicine, et directeur du programme des bourses de recherche en infectiologie, Harper University Hospital, Détroit, Michigan.

Des essais comparatifs sur le voriconazole, qui est indiqué pour le traitement de l’aspergillose invasive, ont montré que les nouveaux antifongiques azolés sont au moins aussi efficaces que l’amphotéricine B pour lutter contre Aspergillus, mais mieux tolérés. Selon la compilation des résultats de deux études comparatives sur le traitement de première intention de l’aspergillose qui regroupaient 277 patients au total, cet antifongique a été associé à un taux de réponse complète ou partielle de 52,8 % vs 31,6 % pour l’amphotéricine B après 12 semaines de traitement (Herbrecht et al. N Engl J Med 2002;347:408-15). De l’avis des auteurs, le taux de réponse plus élevé associé au voriconazole était indépendant du foyer infectieux, du degré de certitude du diagnostic, de la maladie sous-jacente ou de la présence/absence de neutropénie. Fait encore plus important, le taux de survie à 12 semaines s’élevait à 70,8 % chez les patients sous voriconazole vs 57,9 % chez les patients sous amphotéricine B.

Le posaconazole, autre antifongique azolé de nouvelle génération, n’a pas fait l’objet d’une comparaison directe avec l’amphotéricine B pour le traitement de l’aspergillose dans le cadre d’une étude multinationale, mais il s’est révélé plus efficace que le fluconazole, antifongique azolé moins récent, pour la prophylaxie des mycoses invasives (Ullmann et al. N Engl J Med 2007;356:335-47). Lors de cette étude, qui a été réalisée chez des patients neutropéniques atteints d’une hémopathie maligne, le taux d’aspergilloses avérées se chiffrait à 1 % dans le groupe posaconazole vs 7 % dans le groupe fluconazole. Cependant, on n’a observé aucune différence entre les groupes quant au taux de candidoses, et la mortalité par mycose, qui se chiffrait à environ 1 % dans chaque groupe, ne différait pas de manière significative.

Les études prospectives sur la prophylaxie des mycoses invasives demeurent limitées, mais une nouvelle étude pilote réunissant 70 patients consécutifs qui vient de se terminer a généré des résultats prometteurs. Lors d’une étude dirigée par le Dr José F. Tomás, Centro Oncológico M.D. Anderson International España, Madrid, le voriconazole a été administré par voie orale à une dose fixe de 200 mg aux 12 heures après l’administration de deux doses d’attaque de 400 mg. Le traitement prophylactique était amorcé le premier jour de la chimiothérapie et se poursuivait jusqu’à la disparition de la neutropénie. Le voriconazole pouvait être administré par voie intraveineuse chez les patients qui étaient incapables de le prendre par voie orale. La majorité des patients étaient traités pour une leucémie aiguë myéloïde, alors que les autres l’étaient pour une leucémie aiguë lymphoblastique. L’âge médian des participants était de 57 ans.

Le dosage du galactomannane a révélé la présence d’une mycose chez seulement deux patients, alors que la tomodensitométrie haute résolution (TDM-HR) a permis de conclure à une mycose probable chez trois patients. Aucun abandon n’a été motivé par les effets indésirables. Les résultats de cette étude prospective – quoique son effectif ait été limité – concordent avec ceux d’une analyse rétrospective dont les résultats ont été publiés en 2006 (Siwek et al. Diagn Microbial Infect Dis 2006; 55:209-12). Comme l’explique le Dr Chandrasekar, l’étude visait à comparer le voriconazole (n=92) et un autre antifongique (n=223), l’itraconazole dans la majorité des cas, dans le traitement d’aspergilloses avérées ou probables. L’incidence des aspergilloses probables ou possibles était de 10 % dans le groupe de comparaison vs 0 % dans le groupe voriconazole (p<0,005). Deux infections par Candida glabrata ont été signalées chez les patients qui recevaient du voriconazole à titre prophylactique alors qu’aucun cas n’a été rapporté dans le groupe de comparaison, mais cette différence n’était pas significative.

Sur le plan de la prophylaxie, l’un des avantages du voriconazole oral par rapport à l’amphotéricine B est sa grande biodisponibilité. Il est donc facile de passer du traitement en intraveineux au traitement par voie orale chez les patients ambulatoires, ce qui est un avantage de taille lorsque la prophylaxie doit se prolonger ou qu’un traitement s’impose. Cela dit, l’argument le plus convaincant pour passer aux nouveaux antifongiques azolés est une efficacité au moins comparable à celle de l’amphotéricine B assortie d’une innocuité supérieure. Selon une méta-analyse qui regroupait 26 études portant sur des antifongiques, la plupart comparant un antifongique azolé à l’amphotéricine B, dont une qui portait sur l’amphotéricine B en préparation liposomique, les antifongiques azolés permettraient une réduction relative de 30 % des mycoses invasives probables et une réduction de 11 % de la mortalité. Ces deux baisses n’étaient pas significatives sur le plan statistique, mais elles s’accompagnaient d’une toxicité moindre.

«Il ne semble pas justifié d’utiliser l’amphotéricine B comme traitement antifongique empirique, car elle semble moins efficace que les antifongiques azolés, ne réduit pas le taux de mortalité et entraîne plus d’effets indésirables», fait valoir le Dr Elad Goldberg, interniste, Rabin Medical Center, Petah-Tikva, Israël. Ce dernier préconise l’utilisation plus fréquente de la TDM-HR ou du dosage du galactomannane afin d’accélérer le diagnostic, plutôt que la prophylaxie par un antifongique, quel qu’il soit (y compris les antifongiques azolés de nouvelle génération), mais il précise que cette démarche a été rendue possible par la commercialisation de nouveaux médicaments dotés d’un large spectre d’activité antifongique.

La possibilité de choisir un antifongique en fonction de l’agent pathogène en cause motive les efforts déployés pour accélérer le diagnostic. Lors d’une étude qui visait à comparer l’amphotéricine B et le voriconazole dans le traitement de la candidose, les deux agents ont été associés à un taux de succès d’environ 70 % après 12 semaines de traitement (Kulberg et al. Lancet 2005;366:1435-42), mais il semble de plus en plus fréquent que les espèces du genre Candida, surtout C. albicans et C. glabrata, se montrent résistantes au traitement par l’amphotéricine B. De même, le voriconazole ne s’est pas révélé très efficace contre les zygomycoses. Bien qu’encore rares, ces infections sont de plus en plus fréquentes chez les sujets immunodéprimés. L’arsenal actuel comportant au moins sept antifongiques de trois classes distinctes (polyènes, azolés et échinocandines), les outils permettant d’accélérer le diagnostic s’annoncent fort prometteurs pour l’optimisation du traitement.

«Dans ses nouvelles lignes directrices, l’Infectious Diseases Society of America recommande maintenant de vérifier la sensibilité des agents pathogènes possiblement en cause, principalement en raison de la proportion croissante de mycoses invasives à C. glabrata», souligne le Dr Thomas F. Patterson, directeur, San Antonio Center for Medical Mycology, University of Texas Health Science Center at San Antonio. Notant que C. glabrata était à l’origine de près de 40 % des candidoses dans une base de données regroupant 24 centres dont on a fait état récemment, le Dr Patterson prévient que le traitement de cette infection nécessite un antifongique en concentration élevée, même lorsque l’agent utilisé est généralement efficace. C. glabrata s’est montré particulièrement peu sensible aux antifongiques azolés moins récents, comme le fluconazole, mais est hautement sensible à la plus récente des échinocandines, l’anidulafongine, si l’on en croit une étude comparative publiée récemment (Reboli et al. N Engl J Med 2007;356:2472-82).

Résumé

Dans de nombreux centres, l’aspergillose est la mycose invasive la plus courante chez les sujets immunodéprimés. L’épidémiologie changeante influe sur les stratégies de prise en charge. En particulier, on met davantage l’accent sur les traitements empiriques actifs contre Aspergillus ou l’on envisage la prophylaxie au moyen d’agents à large spectre. Si l’amphotéricine B était jadis l’antifongique à large spectre de prédilection, les nouveaux antifongiques azolés, comme le voriconazole, semblent aussi efficaces tout en étant mieux tolérés, le risque de néphrotoxicité étant réduit de manière substantielle. La biodisponibilité du voriconazole oral est un avantage supplémentaire pour la prophylaxie et pour le passage de la voie intraveineuse à la voie orale lorsque le traitement est de longue durée. Cela dit, vu les forces et les faiblesses relatives des divers antifongiques à notre disposition, on s’intéresse vivement aux efforts déployés pour accélérer le diagnostic et ainsi optimiser le traitement en fonction de l’agent pathogène en cause.

Nota : Au moment où le présent article a été mis sous presse, le voriconazole n’était pas indiqué pour le traitement prophylactique au Canada.

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