Comptes rendus

Traitement à long terme de la sclérose en plaques : le bénéfice d’un traitement précoce persiste
Cibler la glycémie postprandiale pour une prise en charge optimale du diabète

Antipsychotiques atypiques : optimiser l’efficacité et la marge de tolérabilité

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

Le 20e Congrès du European College of Neuropsychopharmacology

Vienne, Autriche / 13-17 octobre 2007

Comme le fait observer le Dr Jeffrey A. Lieberman, directeur du département de psychiatrie, College of Physicians and Surgeons, Columbia University, et directeur, New York State Psychiatric Institute, New York, la détermination de la dose de l’antipsychotique est un aspect difficile mais important du traitement du patient schizophrène. La réponse clinique aux antipsychotiques est en général liée aux concentrations plasmatiques. Certes, une série d’études publiées dans lesquelles on a évalué des agents atypiques (notamment : rispéridone, sertindole, quétiapine, olanzapine et ziprasidone) n’ont pas objectivé de relation dose-réponse pour l’atténuation des symptômes sur l’échelle PANSS (Positive and Negative Syndrome Scale), mais elles n’étaient pas conçues pour détecter pareil effet, statistiquement parlant. En revanche, elles ont montré une relation dose-réponse pour certains effets indésirables, note le Dr Lieberman.

Lors d’une étude comparative avec placebo d’une durée de six semaines sur le traitement de l’épisode aigu de schizophrénie, la ziprasidone administrée à raison de 80 mg/jour et de 160 mg/jour s’est révélée plus efficace que le placebo à ces deux doses pour atténuer l’ensemble de la psychopathologie (p<0,05, 80 mg/jour; p<0,001, 160 mg/jour; Daniel et al. Neuropsychopharmacology 1999; 20[5]:491-505). L’étude n’avait pas la puissance nécessaire pour détecter des différences entre les deux doses; de fait, aucune différence significative n’a été observée entre les deux traitements actifs au chapitre des scores PANSS. Fait important, on a observé une amélioration clinique en une à trois semaines à la dose initiale de 80 mg sans progression de la posologie.

«L’expérience clinique acquise sur la ziprasidone montre qu’il est nécessaire d’utiliser plus de 80 mg/jour pour traiter les épisodes aigus et même jusqu’à 160 mg/jour, mais la dose nécessaire pour le traitement d’entretien peut être plus faible», commente le Dr Lieberman. L’éventail des doses thérapeutiques des antipsychotiques atypiques n’a pas été défini assez clairement, de sorte qu’on doit mener des essais de phase III pour établir des stratégies posologiques plus précises, ajoute-t-il.

Effets indésirables liés à la dose

Les effets indésirables peuvent compromettre l’adhésion au traitement, confirme le Dr Charles Nemeroff, professeur titulaire et directeur, département de psychiatrie et de sciences comportementales, Emory University School of Medicine, Atlanta, Géorgie. Les patients atteints de schizophrénie présentent déjà des difficultés cognitives, ce qui complique l’observance. «Ce peut être difficile pour les patients de retenir les directives pour maximiser le succès du traitement, par exemple de penser à prendre la ziprasidone avec un repas pour améliorer son absorption. Dans le cadre de l’étude CATIE [Clinical Antipsychotic Trials of Intervention Effectiveness], cette instruction a été donnée aux patients seulement une fois, ce qui pourrait avoir entaché les résultats d’efficacité», explique le Dr Nemeroff. Si les patients traités par la ziprasidone avaient pris le médicament avec les repas, les résultats d’efficacité auraient été plus solides, estime-t-il.

Le Dr Sheldon Preskorn, professeur titulaire et directeur, département de psychiatrie et de sciences comportementales, University of Kansas School of Medicine, et président et directeur médical, Psychiatric Research Institute, Wichita, a présenté des données qui confirment l’importance d’administrer la ziprasidone avec des aliments afin d’assurer une absorption optimale du composé. Son analyse, qui s’appuyait sur trois études distinctes menées sur l’effet des aliments chez de petits effectifs, montre que la concentration de ziprasidone augmentait proportionnellement à la dose lorsqu’elle était prise avec un repas; que la teneur en gras n’a pas modifié son absorption; et que la consommation d’au moins 500 calories a amélioré l’absorption et a atténué sa variabilité, indépendamment de la teneur en gras.

L’adhésion au traitement est cruciale pour prévenir la rechute, d’ajouter le Dr Nemeroff. Chaque nouvelle rechute aggrave la maladie, si bien que même un rétablissement partiel devient difficile à atteindre. «Les antipsychotiques sont essentiels aux patients atteints de schizophrénie, mais il ne s’agit pas de “remèdes miracle”. Ces médicaments exercent une panoplie d’activités sur différents récepteurs et sont grevés d’effets indésirables de façon plus marquée que d’autres classes de composés. Le choix de l’antipsychotique doit inclure le patient ainsi que sa famille, idéalement. Il faut obtenir un consentement éclairé et informer le patient et sa famille des risques et des avantages du traitement», rappelle-t-il.

Efficacité, d’abord et avant tout

La première considération dans le choix du traitement est l’efficacité. «Tous les agents atypiques ont une efficacité similaire, aucun ne s’est jamais démarqué des autres», indique le Dr Nemeroff. Bien que la phase I de la récente étude naturaliste CATIE ait mis en évidence un nombre inférieur d’abandons dans le groupe de patients schizophrènes sous olanzapine comparativement aux autres antipsychotiques, cet agent était le seul à être administré à une posologie supérieure à celle qui est recommandée, «de sorte qu’on peut considérer ce résultat [en faveur de l’olanzapine] comme un artéfact».

Au sujet des effets indésirables des antipsychotiques atypiques, le Dr Nemeroff rappelle que l’allongement de l’intervalle QTc nous préoccupait beaucoup il y a cinq ans. Avec l’expérience, on s’est rendu compte qu’il ne s’agit pas d’un problème important; en revanche, on est maintenant plus attentif aux effets métaboliques, tels l’hyperlipidémie, le gain pondéral, l’insulinorésistance et l’hyperglycémie qui aboutissent au diabète et à la maladie coronarienne. Ces effets indésirables augmentent la mortalité, surtout d’origine cardiovasculaire (CV), les cholécystopathies et le diabète. Même en l’absence de traitement, les patients souffrant de schizophrénie et d’autres troubles de l’humeur sont plus vulnérables à la maladie CV que la population générale, commente le Dr Nemeroff.

Si les antipsychotiques atypiques commercialisés sont tous d’efficacité égale, ils ne sont pas égaux du point de vue du fardeau d’effets indésirables, souligne le Dr Nemeroff. Il est bien établi que la clozapine et l’olanzapine sont les agents atypiques qui ont la plus forte propension à causer un gain pondéral cliniquement significatif, alors que la ziprasidone et l’aripiprazole n’influent pratiquement pas sur le poids, dit-il.

Au cours d’une étude de un an, le Dr Nemeroff et ses collègues ont évalué la variation moyenne du poids par rapport aux valeurs de départ chez des patients traités par des agents atypiques. Dans cette étude, la ziprasidone et l’aripiprazole ont été essentiellement neutres, tandis que l’olanzapine, la quétiapine et la rispéridone ont été associées aux gains de poids les plus importants. Le Dr Nemeroff presse les cliniciens de mettre leurs patients en garde contre le danger de s’engager sur «l’autoroute métabolique», dont les portes d’entrée sont le gain pondéral, l’obésité, la dyslipidémie et la résistance à l’insuline. La ligne d’arrivée est la mort prématurée due au diabète et aux accidents CV, soit une espérance de vie réduite de 20 à 30 ans, indique-t-il.

Chez le patient traité par un antipsychotique atypique, on doit surveiller le gain pondéral, le tour de taille et la triglycéridémie à jeun. Selon le Dr Nemeroff, il convient de mesurer deux paramètres : la glycémie à jeun et l’insulinémie. En présence d’effets indésirables, on a le choix d’ajouter des médicaments à ceux que prend déjà le patient pour traiter l’effet indésirable, de diminuer la dose de l’antipsychotique, de changer d’antipsychotique ou de tolérer l’effet en partant du principe que toute intervention comporte des effets indésirables.

Optimiser la dose tout en réduisant les effets indésirables au minimum

Les antipsychotiques atypiques forment en fait une pseudoclasse pharmacologique, car ils ont divers effets pharmacologiques sur les récepteurs dopaminergiques, sérotoninergiques, muscariniques, adrénergiques et histaminiques, plaide le Dr Allan Young, titulaire de la chaire Leadership LEEF pour la recherche sur la dépression, et directeur associé, University of British Columbia Institute of Mental Health, Vancouver. «Les agents atypiques occupent les récepteurs de manière différente, ce qui influe sur l’efficacité et les effets indésirables. Cela dit, nous possédons peu de données pharmacologiques qui autorisent les extrapolations», dit-il.

Les agents atypiques sont largement utilisés pour traiter la schizophrénie et les troubles schizo-affectifs; néanmoins, un pourcentage élevé de patients met fin au traitement. Lors de l’étude CATIE, 74 % des patients ont abandonné le traitement durant la phase I; 24 % des abandons étaient imputables au manque d’efficacité, 15 %, à l’intolérance, et 30 %, à une décision du patient (Lieberman et al. N Engl J Med 2005; 353[12]:1209-23). Les patients schizophrènes prennent souvent d’autres médicaments, tels les antidépresseurs, les agents cardiovasculaires, les anxiolytiques, les anticonvulsivants et les analgésiques, ce qui ajoute au fardeau d’effets indésirables, observe le Dr Young.

Les symptômes extrapyramidaux et le gain pondéral sont les effets indésirables des antipsychotiques les mieux documentés, mais on connaît moins bien les aspects touchant les dysfonctions sexuelles et reproductives, la dysphorie associée aux neuroleptiques, les variations métaboliques et les conséquences médicales à long terme, note le Dr Young. Lorsqu’un nouvel effet indésirable apparaît au cours du traitement antipsychotique, le clinicien doit considérer les médicaments que prend déjà le patient et décider ensuite comment s’occuper de cet effet indésirable.

«La stratégie [de prise en charge des effets indésirables] doit être adaptée à chaque patient», indique le Dr Young. Par exemple, on ne traitera pas la schizophrénie de la même manière chez un sujet de 45 ans qui est atteint de diabète, a un tour de taille élevé, est fumeur et prend de multiples médicaments que chez une patiente de 19 ans qui présente un premier épisode maniaque, ne prend aucun médicament et s’inquiète du gain de poids. Selon de nouvelles données, les patients bipolaires seraient plus vulnérables aux effets extrapyramidaux, ce qui doit être pris en compte dans la sélection du traitement, ajoute-t-il.

Résumé

Les antipsychotiques atypiques ont une efficacité équivalente dans la schizophrénie, mais diffèrent par leurs effets indésirables. Les chercheurs s’accordent à dire qu’en cas d’effets indésirables métaboliques ou autres, la stratégie de prise en charge doit s’appuyer sur les facteurs individuels du patient et sur le tableau d’effets indésirables des traitements existants.

Commentaires

Nous vous serions reconnaissants de prendre 30 secondes pour nous aider à mieux comprendre vos besoins de formation.