Comptes rendus

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Traitement à long terme de la sclérose en plaques : le bénéfice d’un traitement précoce persiste

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

Le 23e Congrès du European Committee for Treatment and Research in Multiple Sclerosis (ECTRIMS)

Prague, République tchèque / 11-14 octobre 2007

Le paradigme du traitement de la sclérose en plaques (SEP) – qui s’est littéralement métamorphosé au cours des dernières années – repose sur une intervention de plus en plus précoce. De l’avis des chercheurs, le traitement précoce est devenu une nécessité compte tenu des progrès réalisés en matière de diagnostic précoce de la maladie, de la progression généralement inexorable de la maladie en l’absence de traitement et des données toujours plus nombreuses montrant l’existence de lésions axonales irréversibles avant l’apparition des premiers symptômes cliniques.

BENEFIT : Résultats à trois ans

Les résultats à trois ans de l’étude BENEFIT (Betaseron in Newly Emerging Multiple Sclerosis for Initial Treatment) ont été présentés par le Dr Mark S. Freedman, professeur titulaire de neurologie, Université d’Ottawa et directeur de l’unité de recherche sur la SEP, Hôpital d’Ottawa, Ontario. Ces résultats sont venus confirmer ceux de la même étude à deux ans : le traitement précoce par l’interféron (IFN) bêta-1b, par comparaison au traitement différé, réduit le risque d’apparition d’une SEP cliniquement certaine.

Pendant la phase comparative avec placebo, les patients du groupe de traitement précoce recevaient aléatoirement l’IFN bêta-1b ou un placebo dans les 60 jours suivant l’apparition du premier syndrome clinique isolé et étaient traités pendant une période pouvant atteindre deux ans. L’autre cohorte, dite groupe de traitement différé, commençait à recevoir le traitement actif uniquement lorsque la SEP devenait cliniquement certaine selon les critères de Poser ou après 24 mois d’administration d’un placebo. Pour optimiser la tolérabilité, on ajustait la posologie à la fois pendant la phase de comparaison avec un placebo et la phase de suivi, et la dose complète d’IFN bêta-1b (250 µg par voie sous-cutanée [s.-c.]) était administrée tous les deux jours à partir du jour 19. Une fois terminée la phase randomisée, les patients avaient la possibilité de commencer la phase de prolongation prévue dans le protocole. Tous les patients se voyaient offrir l’IFN bêta-1b pendant un maximum de sept ans, incluant la phase randomisée et une phase de prolongation de deux ans. La qualité de vie, telle que mesurée par le questionnaire européen sur la qualité de vie en cinq dimensions (EQ-5D), a objectivé l’effet positif d’un traitement précoce. Le score EQ-5D s’était amélioré après trois ans dans le groupe de traitement précoce alors qu’il s’était plutôt détérioré dans le groupe de traitement différé.

L’étude BENEFIT a plusieurs points forts importants, explique l’un des co-investigateurs, le Dr Xavier Montalbán, directeur, unité de recherche en neurologie et de neuro-immunologie clinique de la SEP, Hôpital universitaire de Vall d’Hebron, Barcelone, Espagne. Le taux d’abandon était faible, 343 (73,3 %) des 468 patients randomisés dans le groupe de traitement actif étant toujours sous traitement après trois ans. En outre, chercheurs et patients (exception faite de 12 patients qui ont reçu un placebo et chez qui aucun autre signe de la maladie n’a été mis en évidence) ignoraient toujours, au terme de la deuxième année, quel traitement avait été administré. L’analyse statistique prévue au protocole est un autre atout du plan de cette étude.

Sur une période de trois ans, l’administration précoce de l’IFN bêta-1b a réduit le risque d’apparition d’une SEP cliniquement certaine de 41 % (taux de risque [HR, pour hazard ratio] : 0,59, IC à 95 % : 0,44, 0,80; test Mantel-Haenzel; p=0,001) par comparaison à l’administration différée. Au terme des trois années, le traitement précoce, par rapport au traitement différé, avait aussi réduit de 40 % le risque de progression confirmée de la cote EDSS (Expanded Disability Status Scale) (HR : 0,60; IC à 95 % : 0,39, 0,92; test Mantel-Haenzel, p=0,022).

«C’était tout à fait inattendu, précise le Dr Freedman. Lorsque nous avons amorcé l’étude, aucun de nous s’attendait à voir après trois ans une progression significative de la cote EDSS chez des patients qui en étaient à leur tout premier épisode de SEP. Nous avions tort, car la cote a continué de progresser chez près du quart des témoins sous placebo, bien que ceux-ci aient reçu l’IFN pendant au moins un an, voire pendant près de deux ans dans certains cas. Tout s’est joué au cours de la première année de l’étude.» C’est donc dire, poursuit-il, que le simple fait de retarder le traitement, ne serait-ce que de un an, le temps de confirmer le diagnostic d’une SEP cliniquement certaine, peut se solder par des lésions axonales irréversibles qui se manifestent par la progression de la cote EDSS seulement trois ans après le premier épisode clinique.

«Il y a 20 ans, tout le monde semblait penser qu’il fallait garder ce puissant médicament en réserve jusqu’au jour où la progression devenait menaçante, d’enchaîner le Dr Freedman. Nous avons changé d’avis le jour où nous avons découvert que les lésions devenaient irréversibles très tôt dans l’évolution de la maladie.» L’observance a été «très bonne», souligne-t-il, même chez les patients qui avaient eu une seule poussée et n’avaient ensuite eu aucun symptôme. L’ajustement posologique, l’utilisation d’un auto-injecteur et l’administration de médicaments concomitants pour atténuer les symptômes pseudo-grippaux ont tous contribué à faciliter l’acceptation du médicament, estime le Dr Freedman.

Pour la première fois, nous avons la preuve que le traitement précoce, toujours par comparaison au traitement différé, réduit aussi le risque de progression confirmée de la cote EDSS. De plus, le groupe de traitement précoce a bénéficié d’une meilleure qualité de vie. La tolérabilité et l’observance du traitement étaient excellentes, ce qui vient plaider en faveur de l’utilisation de ce médicament au sein d’une population de patients dont la maladie peut demeurer asymptomatique assez longtemps à la suite du premier épisode.

Traitement à long terme

L’adhésion au traitement est essentielle au maintien à long terme de l’efficacité. Si l’étude BENEFIT a mis au jour un ralentissement progressif de l’évolution de la cote EDSS après seulement trois ans de traitement, le suivi de 16 ans de l’étude pivot nord-américaine sur l’IFN bêta-1b montre une corrélation entre, d’une part, l’exposition prolongée au traitement et, d’autre part, la prolongation des intervalles précédant l’atteinte d’une cote EDSS de 6 et l’apparition d’une SEP progressive secondaire, explique le Dr Freedman. «Les patients qui sont restés sous [IFN bêta-1b] pendant la majeure partie des 16 années ont mis en moyenne environ cinq ans de plus avant d’atteindre ce point tournant, c’est-à-dire avant d’avoir besoin d’une canne pour marcher.»

Il ressort d’autres données du suivi à long terme des sujets de l’étude pivot que la cote EDSS et le volume lésionnel (BOD, pour burden of disease) à l’IRM en T2 sont étroitement corrélés avec l’état cognitif du patient. Fait encore plus important, lorsque les chercheurs ont appliqué un modèle de régression, ces deux paramètres devenaient aussi d’importants marqueurs de la fonction cognitive à 16 ans. Leur valeur prédictive s’applique non seulement aux valeurs initiales (p=0,0001 et p<0,0001 pour la cote EDSS et le BOD à l’IRM en T2, respectivement), mais aussi à la variation de la cote EDSS par rapport à la cote initiale et à la variation du BOD à l’IRM en T2 deux ans après le début de l’essai (p=0,0526 et 0,0098, respectivement).

La Dre Dawn Langdon, maître de conférence, département de neuropsychologie, Royal Holloway College, Londres, Royaume-Uni, qui présentait les résultats au nom du groupe d’étude, a tiré la conclusion suivante : «Il semble que l’activité de la maladie et sa progression au fil des premiers stades déterminent clairement le statut cognitif 16 ans plus tard.» Ces données cognitives prospectives proviennent d’une cohorte totale de 179 patients et ne font aucune distinction entre les patients ayant reçu l’IFN bêta-1b en partie et les patients n’ayant reçu qu’un placebo, ajoute-t-elle. Cela dit, le ralentissement de la progression de la cote EDSS observé chez les patients qui, à l’origine, ont reçu le traitement actif à la fois dans cette étude et dans BENEFIT, ainsi que la corrélation dont on a fait état plus tôt entre le BOD en T2 et la détérioration de la cote EDSS dans la première étude, viennent étayer la tendance actuelle en faveur d’un traitement précoce et sont doublement pertinents à la lumière de ces données toutes récentes sur la fonction cognitive.

Évaluation de doses plus fortes

Le Dr Freedman a également discuté du volume croissant de données d’autres essais cliniques montrant que l’administration plus fréquente de doses plus fortes permet d’optimiser le bénéfice thérapeutique. Ces observations ont tissé la matrice du programme de recherche BEYOND (Betaseron Efficacy Yielding Outcomes of a New Dose) dont l’objectif était d’évaluer l’innocuité, la tolérabilité et l’efficacité de l’IFN bêta-1b administré à raison de 500 µg par voie s.-c. tous les deux jours.

Lors de la première phase, qui était une étude pilote multicentrique, randomisée et à groupes parallèles, on a comparé les posologies de 250 µg et de 500 µg, par voie s.-c., aux deux jours, pendant 12 à 28 semaines. Dans le cadre de la phase de prolongation, les patients poursuivaient pendant 10 semaines le traitement qu’ils avaient reçu. L’insu était alors levé, et les patients pouvaient choisir de continuer à recevoir la même dose ou, au besoin, de passer de 250 µg à 500 µg ou inversement, de 500 µg à 250 µg. En tout, 71 patients ont terminé la phase pilote; 63 d’entre eux ont été admis à la phase de prolongation et 61 étaient toujours sous traitement après 10 semaines. De ces patients, 22 ont choisi la dose la plus faible et 39, la dose la plus forte.

Après trois ans de suivi, 42 patients participaient toujours à l’étude. En général, les deux doses ont été bien tolérées, et aucun effet indésirable inattendu ou nouveau n’a été signalé. Bien que le syndrome pseudo-grippal ait été plus courant chez les patients qui recevaient la forte dose (62 % vs 23 % dans le groupe faible dose), les réactions au point d’injection ont été nettement plus fréquentes chez les patients qui sont passés de la forte dose à la dose plus faible (50 %). Cela dit, l’incidence de ces réactions était similaire dans les autres groupes, et l’incidence la plus faible a été enregistrée chez les patients qui ont continué de recevoir la faible dose (13 %). Au chapitre des taux d’alanine aminotransférase ou d’aspartate aminotransférase, aucune variation notable n’a été observée par rapport aux taux de départ.

Dans la phase principale de l’étude BEYOND, on comparera l’efficacité de l’IFN bêta-1b à 250 µg et à 500 µg avec celle de l’acétate de glatiramère à 20 mg chez 2244 patients atteints de SEP rémittente. Les résultats préliminaires sont attendus à la fin de novembre 2007.

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