Comptes rendus

Trouble déficit de l'attention-hyperactivité : Évaluation des risques d’utilisation inappropriée ou d’abus du traitement
Optimiser la santé de la prostate : implications des études PCPT et MTOPS

Besoins et appréhensions en contrepoids chez le patient dialysé : améliorer l’observance en simplifiant le traitement

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

44e Congrès annuel de la European Renal Association/European Dialysis and Transplant Association

Barcelone, Espagne / 21-24 juin 2007

Il est bien établi qu’environ le tiers des patients souffrant d’une maladie chronique ne suivent pas leur traitement tel qu’il leur a été prescrit. Au dire du Dr Rob Horne, directeur, Centre for Behavioural Medicine, The School of Pharmacy, University of London, Royaume-Uni, l’inobservance n’est pas toujours un trait de caractère. Il s’agit plutôt d’un comportement qui varie de jour en jour et d’une période de traitement à l’autre et qui résulte d’une série d’idées préconçues qu’ont tous les patients au sujet de la maladie et du traitement. L’inobservance est parfois involontaire; en effet, même si le patient a la ferme intention de prendre son médicament, il peut ne pas y arriver parce que le mode d’emploi est trop compliqué ou que le traitement est physiquement difficile à suivre.

Inversement, l’inobservance peut aussi être volontaire. «Le patient peut décider de son propre gré de ne pas prendre son médicament ou, comme c’est souvent le cas, d’en réduire la dose», fait valoir le Dr Horne. Ainsi, chaque patient sur le point d’amorcer un traitement médicamenteux se heurte à une «combinaison unique» d’obstacles pratiques et perceptuels qui détermineront s’il adhère ou non à un schéma. «D’ici à ce que nous comprenions la nature de ces obstacles et le meilleur moyen de les surmonter, nos interventions risquent d’être des coups d’épée dans l’eau», lance le Dr Horne.

Besoins et appréhensions : résultats du questionnaire BMQ

La nécessité du traitement telle que perçue par le patient – c’est-à-dire les raisons qui, à ses yeux, justifient un traitement pour le maintien ou l’amélioration de sa santé – et les craintes qu’il entretient au sujet des effets indésirables immédiats et à long terme de ce traitement sous-tendent le degré d’observance du traitement.

Les résultats d’une étude qui portait sur un vaste éventail de maladies et de stratégies de traitement, dont la dialyse, ont fait ressortir des tendances dans la façon dont les appréhensions du patient face à son médicament font contrepoids à la nécessité de ce médicament, ce que le Dr Horne a qualifié de «cadre besoins-appréhensions», modèle utile qui permet de calculer les probabilités d’observance du traitement.

Dans une étude pilote réalisée par le Dr Horne et ses collaborateurs, ce modèle a servi à définir les divers types d’inobservance et leur fréquence chez les dialysés.

Les résultats du questionnaire validé BMQ (Beliefs About Medicines Questionnaire) élaboré par le Dr Horne ont été concluants. Parmi les 221 dialysés participants, 41 % ont admis qu’ils oubliaient de prendre leur chélateur de phosphate et 38 % ont dit qu’ils oubliaient de les prendre aux repas; 23 % en modifiaient la dose; 21 % ne prenaient pas toute la dose recommandée; et 19 % décidaient délibérément d’omettre une dose.

Plus de la moitié des répondants étaient en désaccord avec l’énoncé suivant : «Sans ce médicament, je serais très malade.» Par ailleurs, 39 % des répondants ont dit douter que leur santé future repose sur un chélateur de phosphate; 35 % ont dit douter qu’il soit essentiel de prendre leur chélateur de phosphate à l’heure; plus de 30 % ne comprenaient même pas pourquoi ils devaient prendre un chélateur de phosphate; et 32 % ont exprimé des doutes quant à l’efficacité d’un chélateur de phosphate pour abaisser la phosphatémie.

Quarante pour cent des répondants s’inquiétaient des effets à long terme du médicament; 32 % ont dit qu’il n’était pas pratique de prendre les comprimés; et 30 % ont indiqué que le nombre de comprimés à prendre était problématique. Il a aussi été démontré que les patients dont l’observance était médiocre selon le BMQ étaient beaucoup moins convaincus de la nécessité d’un chélateur de phosphate et appréhendaient beaucoup plus le risque de toxicité de ces agents que les patients dont l’observance était excellente.

Comme le fait valoir le Dr Horne, il est difficile pour un patient d’évaluer l’utilité relative d’un chélateur de phosphate, parce qu’il ne se sent pas mieux dès qu’il le prend ni pire dès qu’il ne le prend pas. Dans certains cas, une phosphatémie élevée entraîne un prurit. Outre cette exception, il y a très peu de conséquences à court terme de l’inobservance d’un schéma à base d’un chélateur de phosphate. Néanmoins, souligne-t-il, les médecins doivent s’assurer que la solution qu’ils recommandent – le traitement par un chélateur de phosphate en l’occurrence – concorde avec l’idée que le patient se fait de son problème.

«Ce qui importe, c’est le degré auquel le patient croit en la nécessité de son traitement, indique le Dr Horne. Nous devons repérer les obstacles pratiques et perceptuels qui influent sur la capacité d’un patient de prendre son médicament et sur sa motivation à le faire, puis surmonter ces obstacles et proposer au patient un traitement pratique individualisé.»

Tour d’horizon des options

La simplification du traitement n’est pas le seul moyen d’améliorer l’observance du traitement, mais c’est un bon départ compte tenu du nombre élevé de comprimés que doivent prendre les patients en dialyse.

Dans le cadre d’une étude qu’il a réalisée, le Dr Rajnish Mehrotra, professeur agrégé de médecine, David Geffen School of Medicine, University of California at Los Angeles, et Los Angeles Biomedical Research Institute, Torrance, a calculé qu’un patient atteint d’insuffisance rénale chronique (IRC) devait prendre une médiane de 17 comprimés par jour, le minimum étant sept et le maximum, 45. «Environ la moitié de ce fardeau est imputable aux chélateurs de phosphate», indique le Dr Mehrotra.

La diminution de la fréquence d’administration des chélateurs de phosphate pourrait contribuer à alléger ce fardeau; cependant, cette stratégie ne s’est pas révélée efficace, de sorte que les patients demeurent contraints de prendre un chélateur de phosphate à chaque repas.

Depuis qu’il a été commercialisé aux États-Unis au début de 2005, le carbonate de lanthanum a été prescrit à plus de 76 000 patients. Des études ont montré que ce chélateur de phosphate sans calcium abaisse la phosphatémie efficacement et qu’il est bien toléré, aucun problème d’innocuité à long terme n’ayant été mis en évidence sur une période pouvant atteindre six ans. «L’un des plus grands avantages de ce médicament est le petit nombre de comprimés à prendre», d’enchaîner le Dr Mehrotra.

Il a cité une vaste étude européenne à laquelle il avait collaboré et qui regroupait 366 patients atteints d’une IRC de stade V qui étaient passés d’un chélateur de phosphate quelconque au carbonate de lanthanum. Avant ce changement, près de 40 % des sujets du groupe prenaient au moins deux chélateurs de phosphate, note le Dr Mehrotra. Douze semaines après le passage au carbonate de lanthanum, la phosphatémie moyenne était de 1,84 mmol/L.

«Les taux obtenus étaient presque identiques, que les patients aient pris un ou deux chélateurs de phosphate au départ, de sorte que le nombre initial de chélateurs de phosphate importe peu. Lorsqu’ils passaient au carbonate de lanthanum, il était possible pour un grand nombre de ces patients de continuer à prendre un seul chélateur de phosphate.»

De plus, 77 % des sujets de la cohorte ont atteint la phosphatémie cible lorsqu’ils recevaient 3000 mg/jour de carbonate de lanthanum, «et cette dose ne requiert qu’un comprimé par repas», explique-t-il. La dose maximale de carbonate de lanthanum est de 4500 mg/jour, soit deux comprimés par repas.

Lors d’une autre étude américaine d’envergure qui visait à évaluer les préférences des patients et des médecins pour le chélateur de phosphate sans calcium, les patients recevaient une dose initiale de 3000 mg/jour pendant quatre semaines afin de parvenir à la phosphatémie cible de 1,13 à 1,78 mmol/L, et au besoin, la dose était portée à 4500 mg/jour. Environ la moitié des sujets du groupe étaient sous sevelamer au départ et environ le tiers recevait un chélateur de phosphate à base de calcium. La satisfaction du patient à l’égard de ce schéma était évaluée au départ, puis à intervalles réguliers jusqu’à la semaine 24.

Au départ, quelque 60 % des patients ont indiqué qu’ils étaient satisfaits de leur traitement antérieur, précise le Dr Mehrotra. Le taux de satisfaction est toutefois passé à plus de 80 % après 24 semaines, et la plus grande source d’amélioration de la satisfaction était la diminution du nombre de comprimés que les patients devaient prendre (Tableau 1). Les médecins préféraient aussi que leurs patients soient sous carbonate de lanthanum, rapporte le Dr Mehrotra, ajoutant qu’en raison du faible nombre de comprimés requis, «le carbonate de lanthanum peut contribuer à surmonter un obstacle pratique à l’observance, voire améliorer l’adhésion au traitement dans une certaine mesure».

Tableau 1. Satisfaction globale des patients et des médecins


Charge calcique chez les patients en dialyse : résultats de l’étude COSMOS

L’observance du traitement par un chélateur de phosphate est essentielle à la maîtrise globale de la phosphatémie chez les patients en dialyse, mais d’autres problèmes, dont la charge calcique, subsistent. Les chélateurs à base de calcium, y compris l’acétate de calcium et le carbonate de calcium, sont largement utilisés et ils contribuent à la maîtrise de la phosphatémie, comme en témoignent les données. Par contre, de plus en plus de données indiquent que la charge calcique totale – qui augmente sous l’effet d’un chélateur de phosphate à base de calcium – pourrait accroître le risque de morbi-mortalité d’origine cardiovasculaire.

COSMOS (Current Management of Secondary Hyperparathyroidism: A Multi-Centre Observational Study) est une étude de cohorte prospective et ouverte dans laquelle on évalue les paramètres cliniques et l’issue chez 5700 patients hémodialysés.

Dans le cadre d’une analyse préliminaire présentée au congrès, l’auteur principal, le Dr José L. Fernández-Martín, Hospital Universitario Central de Asturias, Oviedo, Espagne, et ses collaborateurs ont rapporté que le taux de mortalité globale à 12 mois était plus faible chez les patients qui avaient atteint la calcémie cible recommandée par la K/DOQI (Kidney Disease Outcomes Quality Initiative) que chez ceux qui ne l’avait pas atteinte (8,9 % vs 11,4 %, respectivement). Il en était de même pour le taux d’hospitalisation, qui était plus faible chez les patients ayant atteint la calcémie cible que les patients ne l’ayant pas atteinte (35,9 % vs 39,8 %, respectivement). La même analyse a aussi révélé que les taux de mortalité d’origine cardiovasculaire étaient plus faibles chez les patients ayant atteint la calcémie cible que chez les patients ne l’ayant pas atteinte (3,9 % vs 6,1 %, respectivement).

Lors d’analyses préalables sur le carbonate de lanthanum et les chélateurs de phosphate à base de calcium, les chercheurs ont noté des différences majeures quant à l’incidence de l’hypercalcémie entre les patients prenant un chélateur de phosphate sans calcium et les patients prenant du calcium. Il est aussi admis qu’une calcémie supérieure à la limite permise selon les lignes directrices de la K/DOQI – ce qui est fréquent quand le patient doit atteindre la phosphatémie recommandée dans les lignes directrices de la K/DOQI – risque de contribuer aux calcifications vasculaires.

En tant que chélateur de phosphate sans calcium, le sevelamer représente une option intéressante, mais il exige la prise de nombreux comprimés. Par exemple, il est ressorti d’une analyse que la dose quotidienne moyenne de carbonate de lanthanum se chiffrait à 3618 mg et celle de sevelamer, à 7357 mg, pour l’obtention d’une phosphatémie comparable. Ces doses nécessitaient la prise, en moyenne, de 3,6 comprimés/jour de carbonate de lanthanum vs 9,2 comprimés/jour de sevelamer. Les chercheurs en ont conclu que la diminution du nombre de comprimés rendue possible par la nouvelle préparation fortement dosée de carbonate de lanthanum pourrait avoir des retombées favorables sur l’observance du traitement.

Il est aussi établi que l’ostéodystrophie rénale, pathologie osseuse associée à l’IRC, demeure un problème de taille chez les dialysés et qu’en raison des calcifications extra-squelettiques, elle comporte un risque accru de mortalité d’origine cardiovasculaire.

Dans le cadre de la plus vaste série prospective de biopsies osseuses jamais réalisée, les chercheurs ont évalué le risque d’ostéodystrophie rénale à partir de plus de 400 biopsies osseuses effectuées dans trois études distinctes sur le carbonate de lanthanum. Les sujets des trois études ayant été sélectionnés de façon aléatoire pour subir une biopsie osseuse, ils étaient représentatifs de la population d’hémodialysés recevant du carbonate de lanthanum, soulignent les chercheurs. Les biopsies osseuses de la première étude n’ont mis en évidence aucune différence majeure dans l’équilibre osseux entre les patients sous carbonate de lanthanum et les patients sous carbonate de calcium après un an.

Dans la deuxième étude, on a également noté très peu de changements dans la fréquence d’activation après deux ans entre les patients traités par le carbonate de lanthanum et les patients traités par un chélateur de phosphate standard, et seulement deux patients présentaient un défaut de minéralisation au terme de l’étude. Là encore, après deux ans, l’équilibre osseux s’était essentiellement maintenu dans les deux groupes. Dans la troisième étude, qui comportait une phase de prolongation ouverte portant la durée totale de l’étude à quatre ou cinq ans, les résultats des biopsies osseuses à cinq ans concordaient avec les résultats à un an; à ce jour, aucun patient sous carbonate de lanthanum ne présente de défaut de minéralisation.

Aucune donnée n’indique que le carbonate de lanthanum a des effets défavorables sur le tissu osseux, à tout le moins pas après quatre à cinq ans de traitement, de conclure les chercheurs. C’est donc dire qu’il y a une différence de profil de toxicité entre cet agent et les chélateurs de phosphate à base d’aluminium qui ont un effet délétère sur le tissu osseux.

Résumé

L’hyperphosphatémie et l’hypercalcémie – deux des nombreux défis de la prise en charge des patients atteints d’IRC – ont d’importantes retombées sur le pronostic. En évitant les chélateurs de phosphate à base de calcium, on peut réduire la charge calcique totale chez les patients dialysés. Le sevelamer, chélateur de phosphate sans calcium, exige néanmoins la prise d’un grand nombre de comprimés. En revanche, le carbonate de lanthanum, chélateur de phosphate sans calcium, rend possible la diminution du nombre de comprimés à prendre. De plus, il ne devrait pas contribuer aux calcifications vasculaires ni au risque cardiovasculaire global attribuable au calcium. Ce traitement présente un bon rapport coût-efficacité chez les patients dont la calcémie excède les taux recommandés dans les lignes directrices de la K/DOQI.

Questions et réponses

Les questions et réponses qui suivent sont tirées d’un entretien avec le Dr Rajnish Mehrotra, professeur agrégé de médecine, David Geffen School of Medicine, University of California at Los Angeles, et Los Angeles Biomedical Research Institute, Torrance, pendant le congrès.

Q : Selon les résultats d’un sondage mené auprès de l’auditoire, le choix du chélateur de phosphate repose davantage sur l’efficacité du traitement que sur les préférences du patient. Qu’en pensez-vous?

R : Il va de soi que l’efficacité du médicament est importante, mais si le patient ne prend pas son médicament, son efficacité ne donnera pas grand-chose. La préférence du patient revêt donc une grande importance au chapitre de l’observance du traitement.

Q : L’utilisation du carbonate de lanthanum a-t-elle augmenté la proportion de patients pouvant atteindre la phosphatémie cible?

R : Empiriquement parlant, je dirais que l’administration du carbonate de lanthanum augmente la proportion de patients qui atteignent les taux cibles, mais je n’ai aucune analyse systématique pour appuyer mes dires. Si j’en juge par l’étude européenne, la phosphatémie moyenne baissait assurément chez les patients qui passaient au carbonate de lanthanum après avoir reçu un autre chélateur de phosphate; il est donc possible qu’un plus grand nombre de patients aient eu une phosphatémie plus proche des taux cibles après le changement de traitement. Le plus difficile est d’obtenir une diminution soutenue de la phosphatémie, c’est-à-dire que les taux demeurent dans les limites recommandées mois après mois, année après année. À long terme, moins de 10 % des patients réussissent à maintenir une phosphatémie cible. Somme toute, l’IRC est une maladie chronique qui vient avec son lot de facteurs de comorbidité et qui exige la prise de nombreux comprimés, ce qui rend difficile le maintien de la phosphatémie cible.

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