Comptes rendus

Retombées de la prise en charge actuelle de l’asthme

Cancer du sein métastatique : efficacité d’un traitement reposant sur un inhibiteur du VEGF et un taxane pour améliorer la survie sans progression

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

LE FORUM - Oncologie

À la fin de ce compte-rendu, vous pouvez visionner l'allocution que le Pr David Miles a présentée au congrès de l'ASCO sur l'étude AVADO

Commentaire éditorial :

John R. Mackey, MD, FRCPC

Professeur titulaire d’oncologie, University of Alberta, Edmonton (Alberta)

Chaque année, au Canada, le cancer du sein (CS) frappe environ 21 000 femmes et en tue près de 5400 parmi celles qui sont parvenues au stade métastatique. Bien que la mortalité par CS ait diminué significativement au cours des 20 dernières années, en grande partie grâce aux progrès du traitement adjuvant, le CS évolue vers le stade métastatique ou récidive à distance après le traitement en première intention chez une proportion élevée de femmes. La médiane de survie a augmenté au point d’atteindre actuellement près de trois ans à partir du moment où l’on repère des métastases à distance, mais la survie à long terme n’est pas monnaie courante. L’optimisation du traitement palliatif demeure donc l’objectif visé dans le cancer du sein métastatique (CSM).

Mais qu’entend-on au juste par «optimisation du traitement palliatif»? Les objectifs louables du traitement palliatif seraient bien sûr la prolongation de la survie, le maintien de la qualité de vie, le soulagement des symptômes d’origine tumorale grâce à la maîtrise de la tumeur et l’atteinte de tous ces objectifs à l’aide de traitements de toxicité minimale. Certes, la survie globale (SG) des patientes atteintes d’un CSM s’est légèrement améliorée avec l’arrivée de nouveaux traitements systémiques, mais il est assez rare qu’un traitement à lui seul prolonge la SG. En raison des multiples lignes de traitement, du passage aux agents expérimentaux, de l’hétérogénéité biologique du cancer du sein et d’un nombre élevé de patientes perdues de vue, il est difficile d’isoler l’effet des traitements administrés en première intention sur la survie. De même, les évaluations de la qualité de vie (QdV) sont brouillées par la perte de données lorsque les patientes tombent malades, par la difficulté de discriminer effets du traitement et symptômes de la maladie, par l’efficacité des options de traitement de soutien actuelles et par la difficulté d’interpréter la portée réelle d’un changement de QdV donné aux yeux de la patiente. Certes, le taux de réponse objective est un baromètre de l’activité anticancéreuse du traitement, mais ce taux n’est pas applicable aux cancers non mesurables, sans compter qu’on n’observe pas forcément de lien entre la réduction de la taille de la tumeur et le soulagement des symptômes et que l’on comprend maintenant que de nombreux agents biologiques efficaces peuvent être bénéfiques sans pour autant être associés à une réponse objective. En conséquence, chercheurs et cliniciens voient de plus en plus la prolongation de la survie sans progression (SSP) comme un paramètre cliniquement parlant et facilement évaluable. La SSP désigne l’intervalle pendant lequel le sujet est en vie sans que reprenne l’évolution de son cancer (autrement dit, la durée de la maîtrise du cancer). En supposant que deux traitements soient de toxicité équivalente, patientes et cliniciens préfèrent bien sûr les schémas qui confèrent la plus longue SSP.

Ajout d’un inhibiteur du VEGF aux schémas de traitement de référence

La mise au point d’agents plus efficaces contre le CSM suscite beaucoup d’intérêt. Nous avons à notre disposition de nombreux agents cytotoxiques acceptables pour le traitement en première intention, mais dans les cas où le CSM justifie une chimiothérapie (métastases possiblement mortelles ou viscérales, symptômes sévères, épuisement des options hormonales ou absence de récepteurs hormonaux, indice fonctionnel assez bon et réserve physiologique suffisante), le traitement par un taxane comme le paclitaxel ou le docetaxel demeure une norme de traitement acceptée.

Il a été démontré que l’angiogenèse – processus physiologique normal par lequel de nouveaux vaisseaux sanguins se forment – alimente la croissance tumorale dans le CS. Le facteur de croissance de l’endothélium vasculaire (VEGF) est un régulateur central de l’angiogenèse, et il n’est pas rare qu’il soit surexprimé dans le micro-environnement du CS. On a d’ailleurs établi une corrélation directe entre le taux intratumoral de VEGF et une piètre issue clinique, notamment au chapitre de la SG. On a donc déployé de grands efforts pour faire du VEGF une cible du traitement médicamenteux contre le CS. Nous en sommes maintenant à l’étape où des modèles précliniques et un nombre croissant d’essais de phase II ont montré que l’inhibition du VEGF et de ses récepteurs se traduit par une activité antitumorale importante dans le CSM.

L’agent anti-angiogénique le mieux étudié dans le CS est le bevacizumab, anticorps monoclonal humanisé qui se fixe au VEGF pour l’éliminer. Lors de l’essai de phase III E2100 avec randomisation, l’association bevacizumab plus paclitaxel s’est traduite par un gain significatif de SSP par rapport au paclitaxel seul (Miller et al. N Engl J Med 2007;357:2666-76). L’essai de phase III AVADO (Avastin and Docetaxel in Metastatic Breast Cancer) – qui a été mené à double insu avec placebo et randomisation – visait à évaluer l’ajout du bevacizumab à un autre taxane, le docetaxel, chez des femmes souffrant d’un CSM. Les résultats de cet essai ont été dévoilés au congrès de l’American Society of Clinical Oncology (ASCO) de 2008.

Survol de l’essai AVADO

Comme le rapporte le Pr David Miles, Mount Vernon Cancer Centre, Middlesex, Royaume-Uni, l’essai AVADO regroupait 736 femmes provenant de 104 établissements répartis dans 26 pays (dont le Canada). Les patientes ayant été recrutées rapidement entre mars 2006 et avril 2007, les chercheurs se sont retrouvés avec un «bolus» de patientes dont le suivi était de durée similaire.

Tableau 1. Analyse de la SSP dans l’essai AVADO (en intention de traiter)


Aucun des cancers n’exprimait le récepteur HER2 et aucune patiente n’avait encore reçu de chimiothérapie pour une récidive locale ou le stade métastatique. Cependant, une chimiothérapie adjuvante antérieure n’était pas un critère d’exclusion, pour autant que se soient écoulés au moins six mois depuis la dernière dose et au moins 12 mois si le dernier médicament administré était un taxane.

Les patientes ont reçu aléatoirement l’un des trois schémas de traitement suivants : 100 mg/m² de docetaxel plus 7,5 mg/kg de bevacizumab, tous deux administrés toutes les trois semaines; 100 mg/m² de docetaxel plus 15 mg/kg de bevacizumab toutes les trois semaines; ou 100 mg/m² de docetaxel plus placebo toutes les trois semaines. Les chercheurs pouvaient réduire la dose de docetaxel jusqu’à 75 mg/m2, voire 60 mg/m2, si la chimiothérapie se révélait toxique, et le traitement se poursuivait jusqu’à ce que le cancer progresse. À la reprise évolutive du cancer, toutes les patientes étaient autorisées à recevoir du bevacizumab avec une chimiothérapie administrée en deuxième intention. Le paramètre principal était la SSP, et l’étude était dotée d’une puissance de 80 % pour mettre en évidence une réduction du risque de progression de 30 % présentée comme un taux de risque (HR, pour hazard ratio) de 0,7.

Après un suivi d’une durée médiane de 10,2 mois, l’analyse non stratifiée en intention de traiter a indiqué un taux de risque de 0,79 pour le bevacizumab à faible dose, ce qui correspond à une médiane de SSP de 8,7 mois. En comparaison, la médiane de SSP se chiffrait à 8,0 mois dans le groupe témoin (p=0,0318). Dans le groupe bevacizumab à forte dose (dose standard dans le CS), le taux de risque se chiffrait à 0,72, ce qui correspond à une médiane de SSP de 8,8 mois (p=0,0099). En d’autres mots, le risque de progression de la maladie a diminué de 21 % sous l’effet du bevacizumab faiblement dosé et de 28 % sous l’effet du bevacizumab à forte dose, explique le Pr Miles. Ces taux de risque reflètent les taux de SSP tout au long de l’étude, ajoute-t-il, par opposition à un jalon temporel où 50 % des patientes ont atteint ce paramètre particulier, comme c’est généralement le cas quand on calcule la médiane de SSP.

Tableau 2. Taux de réponse obtenus dan
rs mesurables), en %

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À la demande de la Food and Drug Administration (FDA) aux États-Unis, les chercheurs de l’étude AVADO ont dû stratifier les résultats en fonction des critères d’admissibilité et tronquer ceux des patientes qui pourraient avoir reçu un traitement non prévu au protocole avant la reprise évolutive du cancer. Selon cette analyse exigée par la FDA, les taux de risque étaient plus favorables que ceux de l’analyse non stratifiée, à savoir 0,69 pour le groupe bevacizumab à faible dose (p=0,0035) et 0,61 pour le groupe bevacizumab à forte dose (p<0,0001).

Les taux de réponse (complète et partielle) dans chacun des trois groupes de traitement étaient aussi très robustes. Même dans le groupe témoin, on a observé un taux de réponse de 44 %, ce qui reflète l’activité antitumorale bien connue du docetaxel. Le taux de réponse associé au bevacizumab était significativement plus élevé : 55 % (p=0,0295) dans le groupe à faible dose et 63 % dans le groupe à forte dose (p=0,0001). Une réponse complète a été observée chez 3 % des patientes sous bevacizumab à faible dose, 1 % des patientes sous bevacizumab à forte dose et 1 % des témoins, alors qu’une réponse partielle a été notée chez 52 %, 62 % et 44 % des patientes, respectivement.

Comme le suivi ne remonte qu’à 10 mois, ce qui est relativement court, seulement 50 décès ont été enregistrés dans l’ensemble de la cohorte, ce qui revient à un taux de survie à un an de 78 % pour le groupe à faible dose, de 83 % pour le groupe à forte dose et de 73 % pour le groupe témoin. L’analyse finale de la SG est prévue pour 2009.

Innocuité du traitement

Au dire du Pr Miles, l’innocuité du traitement serait l’un des messages les plus importants de l’essai AVADO. Le taux d’effets indésirables (EI) de grade 3 était légèrement plus élevé dans les deux groupes bevacizumab, mais les taux d’EI mortels étaient équivalents dans les trois groupes, et les décès n’ont pas été plus nombreux dans l’un ou l’autre des groupes bevacizumab. Plus précisément, des EI de grade 3 ou plus ont été signalés chez environ 74 % des patientes sous bevacizumab et chez 67 % des patientes sous docetaxel seul.
indésirables graves signalés dans les essais E2100 et AVADO, en %

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Une neutropénie est survenue chez <20 % des patientes des trois groupes, et les taux de neutropénie fébrile étaient assez faibles : 15,2 % dans le groupe bevacizumab à faible dose; 16,6 %dans le groupe bevacizumab à forte dose; et 12 % dans le groupe témoin. Il importe ici de souligner l’absence de différence entre les trois groupes quant aux événements thrombotiques, aux complications de la cicatrisation des plaies ou aux perforations gastro-intestinales. Les taux d’hypertension étaient en fait assez faibles.

L’essai AVADO n’a rien révélé de nouveau sur le plan de l’innocuité. Les médecins peuvent donc se rassurer : le bevacizumab n’ajoute que très peu à la toxicité des taxanes déjà amplement utilisés dans le CSM à l’heure actuelle, conclut le Pr Miles.

Autres considérations

Comme l’ont rapporté des chercheurs de l’Eastern Collaborative Oncology Group (ECOG), l’essai E2100 avait déjà prouvé que l’association d’un inhibiteur du VEGF et d’un taxane était active dans le CSM (N Engl J Med 2007;357:2666-76). Dans cette étude qui regroupait 722 patientes, les chercheurs administraient du paclitaxel une fois par semaine et une dose unique de 10 mg/kg de bevacizumab toutes les deux semaines. Les chercheurs de l’essai de E2100 ont affirmé que l’ajout du bevacizumab au paclitaxel avait doublé la SSP par rapport au paclitaxel seul (11,8 moisvs 5,9 mois, respectivement; p<0,001).

Les raisons de la prolongation appréciable de la SSP dans l’essai E2100 par rapport à celle de l’essai AVADO ont généré beaucoup de débats. Comme l’indiquait la Dre Kathy Albain, Loyola University, Chicago, Illinois, dans sa présentation qui a suivi celle du Pr Miles au congrès de l’ASCO, le paclitaxel administré une fois par semaine pourrait en soi exercer un effet anti-angiogénique, réalisant ainsi une «double inhibition» de l’angiogenèse. Le docetaxel en monothérapie a aussi été associé à une SSP plus longue dans l’essai AVADO que dans les autres essais cliniques déjà rapportés (huit mois vs six mois). On ignore pour l’instant si un gain de SG se dégagera de l’essai AVADO, puisque toutes les patientes recevant un taxane en monothérapie auront la possibilité de recevoir du bevacizumab dès la reprise évolutive de leur cancer, ce qui pourrait diluer tout gain de survie éventuel.

questions et réponses

Groupe d’experts

Karen Gelmon, MD, FRCPC

Professeure de clinique en médecine, University of British Columbia, Vancouver (Colombie-Britannique)

André Robidoux, MD, FRCSC

Professeur titulaire au Département de chirurgie, Université de Montréal, Titulaire de la chaire Banque Scotia en diagnostic et en traitement du cancer du sein, CHUM-Hôtel-Dieu, Montréal (Québec)

Pourquoi est-il important que les oncologues poursuivent leur quête d’associations toujours plus efficaces dans le traitement du cancer du sein (CS) localement avancé ou métastatique?

Dr Mackey : Dans le CS avancé, les traitements de référence actuels ont une visée palliative, et leur efficacité est loin d’être optimale. Les traitements systémiques sont souvent assez efficaces pour soulager les symptômes, mais la médiane de survie est encore inférieure à trois ans. La survie atteint 10 ans chez un faible pourcentage de patientes, mais je n’en conclus pas pour autant que l’on guérit la maladie.

Dre Gelmon : Quelques études font ressortir un petit gain de survie et certains médicaments sont associés à une amélioration de la SSP, mais les progrès accomplis ont été au mieux minimes et modestes. Nous avons donc besoin d’un traitement qui améliore encore davantage la SG chez un plus grand nombre de femmes.

Dr Robidoux : Lorsque j’ai commencé à exercer, la mortalité par CS se chiffrait à environ 50 % alors qu’elle est maintenant d’à peu près 25 %. Il est donc indéniable que la mortalité a chuté depuis 20 ans. Mais, bien que la prise en charge du cancer du sein métastatique (CSM) ait été ponctuée d’améliorations notables, le CS tue chaque année un nombre important de patientes. Il ne fait aucun doute que les résultats pourraient être meilleurs.

Que pensez-vous du mode d’action du bevacizumab? De quelle façon, à votre avis, cet agent contribue-t-il à améliorer l’issue clinique de divers cancers et maintenant du CSM?

Dr Mackey : Le bevacizumab se lie au facteur de croissance de l’endothélium vasculaire (VEGF) et prévient toute interaction entre le VEGF et ses récepteurs (Flt-1 et KDR) à la surface des cellules endothéliales. L’interaction du VEGF et de ses récepteurs entraîne la prolifération de cellules endothéliales et la formation de nouveaux vaisseaux sanguins dans les modèles in vitro de l’angiogenèse. L’administration de bevacizumab à des souris nude (athymiques) porteuses de xénogreffes de cellules tumorales du côlon a freiné la croissance de microvaisseaux et inhibé la progression des métastases. Le mode d’action des inhibiteurs du VEGF en général et du bevacizumab en particulier, cependant, n’a pas été parfaitement élucidé. Des marqueurs prédictifs n’ont pas encore été isolés. Cela dit, le bevacizumab a déjà fait la preuve de son efficacité dans le traitement en première intention de divers cancers, depuis le cancer colorectal jusqu’aux cancers du sein et du poumon. Bien que son efficacité ait principalement été démontrée en association avec les anticancéreux cytotoxiques traditionnels, plusieurs cancers apparemment dépendants du VEGF comme le cancer du rein, le cancer de l’ovaire et le glioblastome sont sensibles au bevacizumab en monothérapie.

Dre Gelmon : Je pense que la réponse est assez simple. Nous pensons que l’angiogenèse est essentielle à la formation d’une tumeur. Si la tumeur n’est pas irriguée, elle ne peut pas croître, de sorte que le blocage de l’angiogenèse – que l’on réalise habituellement à l’aide du bevacizumab en association avec une chimiothérapie – sera une stratégie efficace dans un vaste éventail de cancers. Si l’on part du principe que le bevacizumab agit de cette façon, il devrait tenir sa promesse.

Dr Robidoux : Le VEGF est un régulateur central de l’angiogenèse. En interrompant le signal du VEGF, le bevacizumab altère la survie des cellules cancéreuses et l’implantation de nouvelles métastases chez les patientes atteintes d’un CS. L’expression du VEGF a été démontrée non seulement dans le CS, mais aussi dans d’autres cancers, et elle est influencée par différents oncogènes, si bien que le bevacizumab pourrait également être utile dans d’autres cancers qui expriment le VEGF.

Que pensez-vous de la rapidité de la réponse au traitement dans l’étude AVADO? Et du fait que le taux de réponse a été beaucoup plus élevé que celui que l’on a rapporté chez les patientes sous paclitaxel plus bevacizumab dans l’étude E2100?

Dr Mackey : Le taux de réponse (calculé pour les cancers mesurables) a été 44 % [sous docetaxel seul] alors qu’il a atteint 55 % [sous bevacizumab à faible dose] et 63 % [sous bevacizumab à forte dose].

Dre Gelmon : Je pense que, dans les faits, les écarts entre les deux études sont modestes. Cela dit, à moins de comparer les paramètres d’un même essai, il est hasardeux de comparer des essais qui portaient sur des populations légèrement différentes et des schémas différents.

Dr Robidoux : Il est primordial d’obtenir une réponse rapide, parce que si la réponse est rapide, les symptômes s’atténuent sans délai et les retombées sur la qualité de vie des patientes pourraient être appréciables. Une réponse rapide pourrait aussi vouloir dire que l’intervalle de SSP commence plus tôt et dure plus longtemps.

Pourquoi est-il important d’obtenir un taux de réponse élevé avec tous les nouveaux schémas que l’on évalue dans le CSM?

Dr Mackey : En général, quoique pas toujours, un CS avancé est symptomatique. Souvent, les symptômes sont liés à la fois à la quantité de cellules cancéreuses présentes et à leur localisation. Par conséquent, si un médicament est associé à une bonne réponse, la charge tumorale s’en trouve allégée et il s’ensuit généralement une diminution des symptômes.

Dre Gelmon : En fin de compte, je pense que la survie, ou plutôt la SSP – surtout la SSP devrais-je dire – est plus importante que le taux de réponse. Par contre, un taux de réponse qui va dans le même sens que la SSP est de bon augure. Chose certaine, les patientes aiment savoir que leur tumeur diminue de volume, car une tumeur qui fond, surtout si elle était volumineuse au départ, entraîne moins de symptômes.

Dr Robidoux : Pour n’importe quel schéma, un taux de réponse élevé est révélateur de l’activité du médicament, surtout dans le cas des nouveaux agents biologiques ciblés. De plus, un taux de réponse élevé se traduit habituellement par une amélioration des symptômes. Un taux élevé de réponse pourrait aussi être un paramètre principal important des études réalisées en prévision de [l’homologation] d’un médicament puisque, par le passé, certains médicaments ont été approuvés sur la foi du taux de réponse globale. Bref, quand il s’agit d’homologuer un nouveau médicament, c’est aussi un paramètre important.

Dans l’essai AVADO, on a eu recours au taux de risque (HR, pour hazard ratio) pour évaluer la SSP alors qu’on se sert généralement de la médiane. Le taux de risque, semble-t-il, mesurerait l’effet du traitement pendant toute la durée de l’étude, alors que l’on mesure généralement la SSP au moment où la moitié des cancers ont progressé. Que pensez-vous de l’utilisation du taux de risque dans AVADO? À votre avis, la SSP est-elle plus robuste dans cette étude du fait que les chercheurs ont mesuré le taux de risque de progression de la maladie?

Dr Mackey : Si je comprends bien le plan statistique, l’étude était dotée d’une puissance de 80 % pour mettre en évidence un taux de risque de SSP de 0,7, ce qui revient à une réduction relative du risque de récidive de 30 %. C’est ce que l’analyse stratifiée a révélé pour les deux groupes. L’évaluation de la période de traitement a donné lieu à des courbes en dents de scie, comme c’est souvent le cas dans les études où les temps de réponse sont évalués per protocol. Visuellement parlant, la médiane de survie sans progression et le moment de la réduction du risque souhaitée coïncident à peu près.

Dre Gelmon : Graphiquement parlant, la médiane de SSP correspond au point de la courbe où le cancer a progressé chez 50 % des patientes. Le taux de risque, en revanche, tient compte de la courbe dans sa totalité, de sorte qu’il ne désigne pas un jalon unique dans le temps. La médiane et le taux de risque peuvent tous deux être influencés par d’autres traitements et d’autres variables, de sorte qu’il est probablement important de tenir compte des deux paramètres. Comme le taux de risque tient compte de l’ensemble de la courbe et non d’un seul point, nombreux sont ceux qui pensent que le taux de risque est préférable, et c’est d’ailleurs un paramètre de plus en plus utilisé. La SG va généralement dans le même sens que la SSP et, pour la plupart des patientes, la SSP est assurément importante. Il faut toutefois garder à l’esprit que les traitements subséquents peuvent influer sur la SG, de sorte que la SG est un paramètre plus difficile à calculer.

L’Union européenne, l’Australie et les États-Unis ont homologué le bevacizumab en l’absence de données définitives sur la SG. La décision de ces agences de réglementation témoigne-t-elle d’une SSP robuste?

Dr Mackey : L’étude était conçue pour objectiver une amélioration de la SSP et non de la SG, qui était un paramètre secondaire. La pertinence d’un paramètre comme la SSP pour l’homologation d’un médicament suscite la controverse chez les oncologues. Au Canada, la pertinence de la SSP ne fait pas l’unanimité. La situation est bien différente si vous parlez directement aux patientes. Ce que je constate dans la pratique, c’est qu’une maîtrise plus durable de la maladie – ce qui correspond à la SSP – et le report dans le temps de la reprise évolutive du cancer s’accompagnent généralement d’un meilleur soulagement des symptômes, et c’est ce à quoi aspirent les patientes. Je pense qu’un gain de SSP pourrait avoir une certaine influence sur la SG, mais la SSP est un mauvais marqueur de substitution de la SG. À ce jour, les médicaments qui ont prolongé la SG ont souvent semblé prolonger la SSP également, mais pour prouver qu’un médicament prolonge la SG, il faudrait recruter des milliers de patientes.

Dre Gelmon : La décision des agences de réglementation vient étayer le fait que la SSP est probablement un paramètre clinique pertinent, non seulement dans l’étude AVADO, mais dans toutes les études.

Dr Robidoux : La SSP a déjà servi de paramètre d’évaluation de l’efficacité. La SG est bien sûr la norme par excellence, mais si la SSP s’accompagne d’un bon taux de réponse globale [et] d’une amélioration de la qualité de vie, elle est assez pertinente pour justifier à elle seule l’homologation de certains médicaments. La prévention éventuelle des récidives est aussi un solide argument économique à l’appui de l’homologation d’un médicament. De plus, les patientes peuvent rester actives plus longtemps. Tous ces points sont importants, et il faut en tenir compte. Les données de SG de l’étude AVADO ne sont pas encore définitives, mais le bevacizumab à forte dose a été associé à une prolongation tendancielle de la survie. Le suivi devra toutefois être plus long, car on n’a pas encore décelé de différence significative entre les groupes quant à la survie.

Pour en revenir à l’étude AVADO, comment interprétez-vous les données d’innocuité du bevacizumab dans le CSM?

Dr Mackey : Fort heureusement, l’un des résultats particulièrement importants de l’étude AVADO a été que le bevacizumab ajoutait très peu à la toxicité du schéma. J’ai été étonné de constater que l’augmentation de la neutropénie fébrile – 12 à 16 % – était la seule augmentation significative. Dans l’essai E2100, en revanche, [l’ajout du bevacizumab] a donné lieu à une augmentation substantielle des taux d’événements thrombotiques artériels, d’hypertension, d’hémorragies, de fatigue et de neuropathies (l’étude a toutefois été réalisée en mode ouvert).

Dre Gelmon : Les données d’innocuité sont encourageantes. On a signalé un peu d’hypertension et de protéinurie, mais dans l’ensemble, les résultats sont bons. Cela dit, on analyserait l’innocuité du schéma d’un autre œil si le traitement était administré plus tôt dans l’évolution du cancer. En effet, dans le contexte d’un cancer métastatique, on s’inquiète moins des conséquences à long terme que dans le contexte des premiers stades d’un cancer. Il faudra donc confirmer son innocuité en tant que traitement adjuvant.

Dr Robidoux : Les schémas à base de bevacizumab n’ont pas vraiment ajouté à la toxicité du traitement. À mon avis, les données d’innocuité sont rassurantes, à tout le moins quand le bevacizumab est associé à un taxane. La neutropénie et les infections que l’on a signalées reflètent davantage le profil d’effets indésirables des taxanes. C’est le cas également des autres effets indésirables qui semblent découler davantage des taxanes que du bevacizumab. Somme toute, l’étude confirme l’innocuité générale des inhibiteurs du VEGF.

Les taxanes et les schémas utilisés dans l’essai AVADO et l’essai E2100 sont-ils comparables, ou diffèrent-ils sur les plans de l’efficacité, voire de la toxicité? Le cas échéant, en quoi ces différences ont-elles pu modifier les résultats de l’essai AVADO par comparaison à ceux de l’essai E2100?

Dr Mackey : Le docetaxel administré toutes les trois semaines et le paclitaxel administré une fois par semaine sont des traitements de fond d’efficacité similaire en général, mais ils différent à plusieurs égards, dont la toxicité (plus de neutropénies avec le docetaxel et plus de neuropathies avec le paclitaxel), le temps de perfusion et l’utilisation des ressources de la clinique de soins ambulatoires. Il serait peut-être plus intéressant de se demander si la toxicité supplémentaire qui a découlé de l’ajout du bevacizumab au paclitaxel dans l’essai E2100 ne tient pas à la durée plus longue du traitement et à l’effet anti-angiogénique éventuel du paclitaxel administré une fois par semaine. Si l’interaction de deux stratégies anti-angiogéniques explique l’amélioration substantielle de l’efficacité, elle pourrait aussi expliquer l’augmentation substantielle de la toxicité.

Dre Gelmon : Nous pensions que les deux taxanes différaient sur le plan de l’efficacité, mais nous avons depuis constaté que le paclitaxel administré une fois par semaine et le docetaxel administré toutes les trois semaines sont essentiellement équivalents. Il y a toutefois des différences de toxicité qui pourraient avoir des répercussions sur la durée du traitement. Par exemple, le paclitaxel entraîne plus de neuropathies périphériques alors que le docetaxel est reconnu pour causer plus de neutropénies et de modifications au niveau des ongles. Mais – et c’est là une autre différence entre les deux taxanes – peut-être serait-il possible d’administrer moins de cycles de docetaxel que de paclitaxel. Il se pourrait que certains signes de toxicité, l’hypertension en particulier, soient des marqueurs de substitution de l’effet du médicament. Autrement dit, l’hypertension permettrait de cerner les répondeurs.

Dr Robidoux : Je ne pense pas qu’on puisse comparer les deux essais, car les méthodes étaient très différentes. AVADO était un essai à double insu comparatif avec placebo, contrairement à l’essai E2100. Les taxanes administrés sont légèrement différents, et les schémas étaient d’ailleurs très différents. Il y avait peut-être même de légères différences entre les populations étudiées. Ce qui importe, c’est que les deux essais aillent dans le même sens et que nous ayons maintenant un deuxième essai pour confirmer l’activité du bevacizumab lorsqu’il est ajouté à un taxane. C’est le message à retenir.

Si vous combiniez le bevacizumab et un taxane, comment choisiriez-vous le taxane et le schéma à utiliser?

Dr Mackey : Malheureusement, les différences entre les essais sont trop importantes pour qu’on puisse faire des comparaisons directes et déterminer lequel des deux schémas est le meilleur (E2100 était un essai coopératif ouvert dont le suivi était long, mais de nombreuses patientes ont été perdues de vue; AVADO était un essai comparatif avec placebo que l’on a réalisé en prévision de l’homologation et dont le suivi n’était que de 10 mois). Il est donc impossible de déterminer laquelle des deux associations taxane/bevacizumab est la meilleure. Comme je l’ai déjà dit, le docetaxel administré toutes les trois semaines et le paclitaxel administré une fois par semaine sont des traitements de fond d’efficacité généralement similaire, mais ils diffèrent à plusieurs égards, notamment la toxicité (plus de neutropénies sous docetaxel et plus de neuropathies sous paclitaxel), le temps de perfusion et l’utilisation des ressources de la clinique de soins ambulatoires. En définitive, ce sont probablement des aspects pratiques comme l’accès de la patiente à la clinique et la durée de perfusion qui détermineront le choix du traitement.

Dre Gelmon : J’estime que nous devons faire un choix en partie d’après les données et en partie d’après le profil de la patiente. Par exemple, comment est sa moelle osseuse? Que pouvait-elle tolérer dans le passé et que peut-elle tolérer maintenant? Peut-elle venir chaque semaine ou non? Ce sont des facteurs comme ceux-là qui influent sur le choix du traitement.

Dr Robidoux : Je pense que j’aurais une petite préférence pour le paclitaxel administré une fois par semaine, mais dans les faits, on ne sait pas vraiment lequel des deux taxanes devrait être administré avec le bevacizumab. Par contre, les visites hebdomadaires représentent un obstacle pour certaines patientes et il faut bien sûr en tenir compte. Sur le plan de l’efficacité, je pense que le paclitaxel administré une fois par semaine est légèrement plus efficace, mais il nécessite plus de visites à la clinique.

Maintenant que la pertinence de l’association du bevacizumab et d’un taxane a été confirmée par deux essais, entrevoyez-vous une nouvelle orientation de la prise en charge du CSM?

Dr Mackey : Tout dépend de l’habit qu’on revêt quand on interprète les résultats d’un essai clinique. Si l’on se place du point de vue du chercheur, l’essai AVADO est venu confirmer les résultats de l’essai E2100 et il a généré des données de niveau I montrant que l’angiogenèse joue un rôle important dans le CSM et qu’un schéma anti-angiogénique peut améliorer l’issue clinique. Il serait logique que ce schéma anti-angiogénique améliore aussi les résultats en traitement néoadjuvant, et les résultats obtenus à ce jour sont de bon augure pour le traitement adjuvant dans les trois essais internationaux sur le bevacizumab, c’est-à-dire les essais BETH, BEATRICE et ECOG 5103. Du point de vue du clinicien, par contre, tout dépend de l’importance que l’oncologue et la patiente accordent à un gain de SSP en l’absence d’une amélioration démontrée de la SG. Enfin, si on revêt l’habit de l’économiste de la santé ou du tiers payeur public, je ne sais pas si le bevacizumab atteindrait les seuils standard de l’efficience.

Dre Gelmon : Les deux essais ont généré des résultats positifs et je pense qu’il serait justifié d’explorer en détail l’utilisation de ces schémas dans le CSM. Il est un peu décevant que l’ajout [du bevacizumab] n’ait pas exercé un effet plus marqué, mais somme toute, les résultats sont encourageants et le bevacizumab a assurément un rôle à jouer dans ce contexte. Peut-être réussirons-nous à optimiser l’efficacité du bevacizumab dans le CSM si, à l’aide d’analyses pharmacogénomiques et génétiques, nous pouvons déterminer quelles patientes et quelles tumeurs répondraient le mieux au traitement, puisque nous serions alors en mesure de traiter les patientes les plus susceptibles de répondre au traitement.

Dr Robidoux : Si le bevacizumab est homologué au Canada, je pense qu’on assistera à un changement d’orientation dans le traitement du CSM. Peut-être l’utilisera-t-on un peu plus tôt au lieu d’attendre l’échec de la chimiothérapie standard. Bref, nous aurions l’occasion d’évaluer de nouveaux protocoles thérapeutiques à un stade où ils seraient peut-être plus efficaces plutôt que d’attendre un échec avant de faire appel à un nouvel agent.

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