Comptes rendus

Stratégies de traitement dans la leucémie lymphoïde chronique à cellules B
Soins standard dans le traitement de la LMC : coup d’œil sur la mise à jour des recommandations

Cancer du sein métastatique

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

42e Assemblée annuelle de l’American Society of Clinical Oncology

Atlanta, Géorgie / 2-6 juin 2006

Il est établi depuis longtemps déjà que les taxanes, dont le paclitaxel et le docetaxel, sont actifs contre divers cancers métastatiques, dont le cancer du sein, et qu’ils peuvent être utilisés comme traitements adjuvants. Malgré leur activité, par contre, le traitement échoue parfois, auquel cas les options qui s’offrent aux patientes atteintes d’un cancer devenu réfractaire sont fort limitées. L’ixabepilone, analogue de l’épothilone B, est doté d’un mode d’action semblable à celui des taxanes, dans la mesure où c’est un agent qui stabilise les microtubules, mais il semble demeurer efficace contre les tumeurs devenues réfractaires au traitement standard par un taxane.

Dans une étude qui regroupait 126 patientes présentant ce profil, les chercheurs ont été encouragés par la réponse à l’ixabepilone administré en monothérapie et perfusé en trois heures à raison de 40 mg/m2 toutes les trois semaines. Chez toutes les patientes, le cancer était «hautement réfractaire» aux anthracyclines, aux taxanes et à la capécitabine, souligne la Dre Eva Thomas, professeure adjointe de médecine, département d’oncologie médicale du sein, University of Texas M.D. Anderson Cancer Center, Houston. Dans cette étude, la résistance se définissait comme la progression du cancer dans un délai de huit semaines suivant la dernière dose d’un agent ou l’apparition d’un cancer métastatique dans les six mois suivant le dernier agent. Les patientes étaient traitées jusqu’à la progression de la maladie ou à l’apparition de signes de toxicité (médiane de trois cycles). Chez les 113 patientes évaluables, le taux de réponse objective (RO) tel que déterminé par un centre d’imagerie indépendant (CII) se chiffrait à 11,5 %, tandis que le taux de RO évalué par les investigateurs était de 18,6 %.

La durée médiane de la réponse a été de 5,7 mois selon les évaluations des CII, et on a observé une diminution de plus de 50 % de la tumeur ciblée chez huit patientes qui ont répondu au traitement. Le cancer n’a pas progressé pendant six mois chez le même nombre de patientes ayant répondu au traitement. La médiane de survie sans progression chez les patientes évaluables était de 3,1 mois, alors que la médiane de survie chez les patientes évaluables se chiffrait à 8,6 mois. «Fait intéressant à souligner, plusieurs répondeurs avaient reçu non seulement un agent des trois classes auxquelles la tumeur devait être réfractaire, mais également de nombreux autres schémas, et certaines d’entre elles avaient même reçu une greffe de moelle osseuse. Malgré tout, on a enregistré une réponse quelconque à l’ixabepilone», affirme la Dre Thomas.

La plupart des patientes ont bien toléré l’agent, ajoute-t-elle. Le principal signe de toxicité était les neuropathies périphériques, que l’on rencontre avec tous les agents qui stabilisent les microtubules. Dans cette étude, 17 patientes ont manifesté des neuropathies de classe 3 ou 4 après une médiane de quatre cycles. Cependant, «chez la quasi-totalité des patientes, les neuropathies étaient réversibles lorsque le traitement a été interrompu, ce qui est très important», fait valoir la Dre Thomas. Une neutropénie de classe 3 ou 4 est survenue chez environ la moitié des patientes, mais l’incidence de la neutropénie fébrile était faible, celle-ci ayant été signalée chez seulement trois sujets.

Cela dit, un décès lié au traitement a été causé par un choc septique associé à une neutropénie de classe 4, et 11 % des patientes ont abandonné le traitement en raison d’effets indésirables liés au traitement. «Lorsque la maladie progresse en pareil cas, la qualité de vie est diminuée de manière substantielle, tout comme l’espérance de vie, note la Dre Thomas, de sorte que chez les sujets qui répondent au traitement et le tolèrent bien, une médiane de survie [sans progression] de 3,1 mois est très significative.»

«Contrairement à de nombreux autres cancers, le cancer du sein nous offre heureusement plus de possibilités. Un grand nombre de patientes ont reçu de nombreux agents et ont toujours un excellent indice fonctionnel. Elles travaillent encore, elles voyagent encore et sont vraiment loin d’être prêtes pour les soins palliatifs», fait-elle remarquer. «Nous avons donc besoin d’options supplémentaires pour continuer de maîtriser leur cancer et leur offrir une bonne qualité de vie pendant le temps qui leur reste à vivre. Les patientes [atteintes d’un cancer du sein] répondent à un plus grand nombre d’agents, et elles sont prêtes pour d’autres lignes de traitement.»

Une autre étude qui portait sur des patientes n’ayant pas reçu de taxane au préalable a confirmé l’activité de l’ixabepilone dans le cancer du sein métastatique. Selon les résultats présentés par la directrice de l’étude, la Dre Neelima Denduluri, boursière, National Cancer Institute, Bethesda, Maryland, 23 patientes, dont sept avaient déjà reçu un cycle de chimiothérapie pour un cancer métastatique, ont reçu l’ixabepilone à raison de 6 mg/m2/jour des jours 1 à 5, toutes les trois semaines, jusqu’à la progression de la maladie ou l’apparition de signes de toxicité inacceptables. Les 23 patientes ont reçu une médiane de huit cycles. «Nous avons eu un taux de réponse de 57 %, ce qui est excellent, note la Dre Denduluri, et le délai médian de progression était de 5,5 mois.»

Là encore, le principal signe de toxicité était les neuropathies, qui sont survenues chez environ la moitié des patientes, mais aucune patiente n’a développé de neuropathies sensorielles de classe 3 ou 4, et les signes d’hématotoxicité étaient bénins. Une neutropénie de classe 3 ou 4, par exemple, est survenue chez seulement cinq patientes sur 23, soit un total de 210 cycles de chimiothérapie; aucun épisode de neutropénie fébrile n’a été signalé.

Les chercheurs ont aussi noté que les taux d’alpha-tubuline acétylée avaient augmenté entre le début de l’étude et le cycle 2 chez six patientes. «C’est donc dire que la cible a été atteinte et que l’ixabepilone a effectivement stabilisé les microtubules, ce qui aide à ralentir la progression de la maladie», de poursuivre la Dre Denduluri.

Elle a expliqué comment ses collaborateurs et elle-même avaient tenté d’évaluer l’effet de l’analogue de l’épothilone B sur les neuropathies. «Avec ce schéma, qui se résumait à l’administration du composé des jours 1 à 5 toutes les trois semaines, les neuropathies que nous avons observées n’étaient pas aussi prononcées que les neuropathies associées aux taxanes, surtout au paclitaxel. Nous voulions simplement évaluer les neuropathies et la myélosuppression chez les patientes qui recevaient l’ixabepilone sans avoir jamais reçu de taxane.»

Au sujet de ce nouvel agent, elle ajoute : «à l’heure actuelle, l’ixabepilone semble capable de surmonter la résistance chez les patientes traitées au préalable par un taxane et devenues résistantes aux taxanes, de sorte que l’ixabepilone pourrait être utilisée en deuxième et en troisième intention dans les cas où les schémas antérieurs ont échoué».

Ont également été présentés les résultats de l’étude TRAVIOTA (Trastuzumab and Vinorelbine or Taxane). Il a été démontré, chez des patientes dont le cancer du sein métastatique surexprimait HER-2, que le trastuzumab, administré en association avec la vinorelbine ou avec un taxane hebdomadaire, autorisait des réponses cliniques significatives. Comme le souligne l’auteur principal, le Dr Harold Burstein, Breast Oncology Center, Dana-Farber Cancer Institute, et professeur adjoint de médecine, Harvard Medical School, Boston, Massachusetts, 81 patientes dont le cancer du sein de stade IV surexprimait HER-2 ont été randomisées de façon à recevoir soit le trastuzumab à raison de 4 mg/kg comme dose d’attaque, puis de 2 mg/kg/semaine par la suite plus 25 mg/m²/semaine de vinorelbine, soit la même posologie hebdomadaire de trastuzumab plus 80 mg/m²/semaine de paclitaxel ou 35 mg/m²/semaine de docetaxel. Le paramètre principal était le taux de RO.

Selon des critères moins stricts que les critères RECIST (Response Evaluation Criteria in Solid Tumors), 17 % des patientes du groupe trastuzumab/vinorelbine ont obtenu une réponse complète (RC) et 49 %, une réponse partielle (RP). Quelque 20 % des patientes recevant le trastuzumab plus le taxane hebdomadaire ont obtenu une RC et 50 %, une RP. Le délai médian de progression était de 8,5 mois dans le groupe trastuzumab/vinorelbine vs six mois dans le groupe trastuzumab/taxane. «La vinorelbine a été associée à une fréquence accrue de signes d’hématotoxicité de classe 3 ou 4 et de doses reportées à cause de la myélosuppression, indiquent les investigateurs, mais le profil d’effets indésirables s’apparentait à ce que l’on observe généralement avec ces schémas.»

Dans le cadre d’une étude sur la qualité de vie qu’elle dirigeait, la Dre Michelle Naughton, Wake Forest University School of Medicine, Winston-Salem, Caroline du Nord, s’est penchée sur les effets indésirables, plus précisément sur ceux de l’ajout du trastuzumab à un schéma de chimiothérapie, et a comparé l’administration du paclitaxel une fois par semaine vs toutes les trois semaines.

Des données sur la qualité de vie ont été recueillies chez 394 des 585 participantes randomisées dans l’étude 9840 du Cancer and Leukemia Group B (CALGB). Après randomisation, les patientes dont la tumeur ne surexprimait pas HER-2 ont été subdivisées en quatre groupes : schéma standard à base de paclitaxel; schéma hebdomadaire à base de paclitaxel; schéma standard par le paclitaxel et le trastuzumab; schéma hebdomadaire par le paclitaxel et le trastuzumab. Les patientes dont la tumeur surexprimait HER-2 ont aussi reçu le trastuzumab et soit le schéma standard par le paclitaxel, soit le schéma hebdomadaire. Les résultats ont révélé que les patientes dont la tumeur était HER-2-négative avaient un meilleur score global de qualité de vie et moins de symptômes du cancer lorsqu’elles recevaient le paclitaxel hebdomadaire, avec ou sans trastuzumab, que celles qui le recevaient aux trois semaines.

Les chercheurs ont été étonnés de constater que l’utilisation du trastuzumab, par comparaison à la non-utilisation du trastuzumab, chez ces mêmes patientes dont la tumeur était HER-2-négative se traduisait par une amélioration du rôle et du fonctionnement émotionnel de même que par une diminution des symptômes au niveau du bras et du sein. En revanche, on n’a noté aucune différence sur le plan de la qualité de vie chez les patientes dont la tumeur était HER-2-positive, peu importe qu’elles aient reçu le paclitaxel une fois par semaine ou aux trois semaines. «On ne s’attendait pas à un meilleur score de qualité de vie chez les patientes dont la tumeur était HER-2-négative et qui recevaient le trastuzumab, mais ce phénomène pourrait tenir au nombre moindre de symptômes au niveau du sein et du bras signalés par ces patientes», estime la Dre Naughton.

La qualité de vie a aussi été comparée chez des patientes porteuses d’un cancer du sein métastatique qui, après randomisation, ont reçu soit l’association gemcitabine/docetaxel, soit l’association capécitabine/docetaxel dans un essai de phase III non connexe.

«Globalement, il n’y avait pas de différence entre les deux groupes quant à la qualité de vie, aux taux de réponse ou à la SSP», note le Dr Pierre Fumoleau, Centre Georges-François-Leclerc, Dijon, France. Cependant, au cours des trois premiers cycles, la fatigue et le manque d’énergie étaient plus fréquents chez les patientes recevant la gemcitabine que chez celles qui recevaient la capécitabine. Dans le groupe capécitabine, par contre, la sensation de picotements dans les mains et les pieds de même que la sensation de brûlure ou de malaise oculaire étaient plus fréquentes que dans le groupe gemcitabine.

«Tout le reste étant équivalent – et j’entends par là le taux de réponse, le délai de progression, la SSP et la qualité de vie – il y a quelques différences entre ces deux schémas quant aux effets indésirables, fait remarquer le Dr Fumoleau, et une analyse plus poussée qui tiendrait compte de l’issue clinique pourrait mieux expliquer les résultats obtenus au chapitre de la qualité de vie.»

Cardiotoxicité

La cardiotoxicité est l’un des effets indésirables les plus inquiétants de l’utilisation du trastuzumab, surtout chez les patientes ayant déjà reçu une chimiothérapie à base d’une anthracycline. Néanmoins, cette toxicité, lorsqu’elle survient, semble demeurer largement asymptomatique; dans les cas où elle est symptomatique, elle semble assez facile à traiter, si l’on en juge par les résultats d’une étude présentée par la Dre Valentina Guarneri, professeure adjointe d’oncologie médicale, Hôpital universitaire de Modène, Italie. Dans le cadre d’une revue de synthèse de la cardiotoxicité à long terme chez des patientes atteintes d’un cancer du sein métastatique HER-2-positif qui ont été traitées au M.D. Anderson Cancer Center, ses collaborateurs et elle-même ont identifié 173 patientes qui avaient reçu un traitement à base de trastuzumab pendant au moins un an.

«La durée cumulative médiane du traitement par le trastuzumab était de 21,3 mois, précisent les investigateurs, et la durée médiane du suivi a été de 32,2 mois.» Vingt-huit pour cent des patientes ont eu un événement cardiaque, lequel se définissait comme une chute asymptomatique de la fraction d’éjection du ventricule gauche (FEVG) sous le seuil de 50 %, une chute de 20 points de pourcentage de la FEVG par rapport à la FEVG initiale, ou la présence de signes et de symptômes d’insuffisance cardiaque congestive.

Une chute asymptomatique de 20 points de pourcentage a été signalée chez seulement trois patientes. Des signes de cardiotoxicité de classe 2 ont été signalés chez 27 autres patientes, tandis que des signes de classe 3 ont été signalés chez 18 patientes; un seul décès d’origine cardiaque est survenu.

«À un an, le taux de survie sans événement cardiaque était de 87,3 %, soulignent les investigateurs, et chez toutes les patientes sauf quatre, la FEVG ou les symptômes d’insuffisance cardiaque congestive se sont améliorés après l’arrêt du traitement par le trastuzumab ou sous l’effet d’un traitement approprié». En effet, la cardiotoxicité a pu être traitée et, le plus souvent, elle était réversible; chez certaines patientes, il n’a même pas été nécessaire d’interrompre le traitement par le trastuzumab, indique la Dre Guarneri. Une fois résolu le problème de toxicité, 26 patientes ont pu continuer de recevoir le trastuzumab, et 16 d’entre elles n’ont eu aucun autre épisode.

Fait intéressant à souligner, 85 % des patientes de l’étude avaient déjà reçu une anthracycline; or, le traitement préalable par un taxane – et non l’exposition préalable à une anthracycline – était le seul facteur associé de manière significative à un événement cardiaque, insistent les chercheurs.

Épiphora et sténose canaliculaire

L’exposition au docetaxel et son lien avec l’épiphora et son corrélat anatomique, la sténose canaliculaire, ont fait l’objet d’une autre étude présentée par la Dre Bita Esmaeli, professeure agrégée de médecine et chef, section d’ophtalmologie, University of Texas M.D. Anderson Cancer Center.

«Lors de cette étude prospective, chaque patiente devait se soumettre à un examen ophtalmologique, de même qu’à un sondage et à une irrigation du système de drainage lacrymal au départ, puis aux quatre à six semaines après le début du traitement par le docetaxel», expliquent les investigateurs. Vingt-huit patientes souffrant d’un cancer du sein métastatique ont reçu le docetaxel selon un schéma hebdomadaire et 28 autres patientes, selon un schéma aux trois semaines. Comme le fait remarquer la Dre Esmaeli, près des deux tiers des patientes ayant reçu le docetaxel une fois par semaine ont manifesté les symptômes de l’épiphora, lesquels ont été qualifiés de bénins chez sept patientes, de modérés chez cinq patientes et de sévères chez six patientes.

Une sténose canaliculaire modérée à sévère a aussi été observée chez environ le tiers des patientes recevant le schéma hebdomadaire. Dans le groupe recevant le schéma aux trois semaines, un épiphora est apparu chez 39 % des patientes; dans ce groupe, les symptômes ont été qualifiés de bénins chez neuf patientes, de modérés chez une patiente et de sévères chez une autre patiente. Aucune patiente du groupe recevant le schéma aux trois semaines n’a développé de sténose canaliculaire modérée à sévère. «Tant le symptôme que son corrélat anatomique sont plus sévères chez les patientes qui reçoivent le schéma hebdomadaire à base de docetaxel, poursuit la Dre Esmaeli, et la meilleure façon de faire est de surveiller ces patientes de près lorsqu’elles reçoivent le docetaxel, idéalement au départ ou peu de temps après l’apparition des symptômes. Les patientes devraient aussi consulter toutes les quatre à six semaines un ophtalmologiste qui connaît bien cet effet indésirable et, au besoin, subir un sondage et une irrigation.»

L’utilisation de stéroïdes topiques peut aussi traiter les symptômes efficacement, ajoute-t-elle. Dans cette cohorte particulière, la plupart des cas se sont résorbés sous l’effet du traitement classique ou de la chirurgie.

Résultats économiques d’un centre de recherche

Si importante soit la contribution du trastuzumab au traitement des tumeurs mammaires surexprimant HER-2, les investigateurs se demandent combien de temps des pays comme la France – qui offre des soins de santé universels – pourront offrir le trastuzumab aux patientes qui peuvent en bénéficier.

Dans une analyse des coûts réalisée par un seul établissement, Marian Doz, économiste de la santé, Institut Curie, Paris, a passé en revue 137 dossiers médicaux de patientes qui avaient reçu le trastuzumab soit en association avec une chimiothérapie, soit en monothérapie comme traitement d’entretien.

Les résultats de son analyse ont révélé que, la première année, il en coûte en moyenne plus de 43 000 € pour administrer le trastuzumab à chaque patiente porteuse d’un cancer du sein métastatique HER-2-positif. La deuxième et la troisième année, le coût s’élève à plus de 36 000 € pour administrer le trastuzumab à une seule patiente. «Le trastuzumab est de loin l’agent qui coûte le plus cher à l’Institut, car il représente 78 % des coûts du séjour à l’hôpital par patiente et 4,2 % du budget entier de l’hôpital. L’analyse montre donc qu’un traitement par le trastuzumab est exorbitant en France», affirme Mme Doz.

Compte tenu de la tendance à utiliser cet agent dans un contexte de traitement adjuvant, «une augmentation exponentielle des dépenses est à prévoir», estiment les chercheurs français.

Stratégies diagnostiques

Selon diverses études sur le cancer du sein présentées au congrès, plusieurs nouvelles stratégies pourraient faciliter le diagnostic du cancer du sein métastatique et la prise en charge des complications connexes. Comme l’explique le Dr Massimo Cristofanilli, professeur agrégé de médecine, département d’oncologie médicale du sein, University of Texas M.D. Anderson Cancer Center, les investigateurs ont tenté de confirmer la signification pronostique de cellules tumorales circulantes chez 123 patientes atteintes d’un cancer du sein métastatique.

Chaque patiente a fourni un échantillon de 7,5 mL de sang qui a servi à l’analyse, par le système CellSearch, des cellules tumorales circulantes. Les chercheurs ont également calculé chez chaque patiente le score de Swenerton, celui-ci étant le reflet du fardeau total que représente le cancer métastatique. De même, on a fait un dosage de l’antigène CA27-29 et comparé les taux de survie globale (SG) selon que le taux de CA27-29 était normal ou élevé. La SG a aussi été comparée en fonction de la présence ou de l’absence de récepteurs hormonaux. Chez les patientes dont le dosage n’avait pas mis en évidence de cellules tumorales circulantes, la médiane de SG était de 24,3 mois, par comparaison à 13,2 mois chez celles dont le dosage était positif. Par «dosage positif», on entendait la présence d’au moins cinq cellules tumorales circulantes.

Pour les patientes dont le score de CA27-29 était normal, la médiane de SG était de 24,2 mois vs 12,8 mois pour celles dont le score était élevé. On a observé une tendance vers une SG plus courte chez les patientes dont le score de Swenerton était élevé, par comparaison à celles dont le score était plus faible. Par ailleurs, la SG se chiffrait à 28,3 mois chez les patientes dont la tumeur exprimait des récepteurs hormonaux, vs 15,2 mois chez celles dont la tumeur n’exprimait pas de récepteurs hormonaux. L’analyse multivariée a toutefois révélé que la détection de cinq cellules tumorales circulantes ou plus était le facteur pronostique le plus important parmi tous les facteurs examinés, le risque de mortalité associé à la présence de ces cellules étant 2,7 fois plus élevé qu’en l’absence de ces cellules.

«La détection de cellules tumorales circulantes avant le début du traitement est un facteur prédictif important de la survie chez les femmes atteintes d’un cancer du sein métastatique, concluent les investigateurs, de sorte que la détection et la surveillance des cellules tumorales circulantes constituent un marqueur de substitution idéal pour les essais cliniques prospectifs sur cette maladie.»

Des investigateurs coréens ont à leur tour démontré la possibilité d’identifier les tumeurs métastatiques et non métastatiques par l’analyse de microéchantillons de tissu mammaire cancéreux fixé au formol et inclus en paraffine; les résultats préliminaires devront toutefois être validés au sein d’une cohorte plus importante de patientes.

La baisse des taux urinaires de N-télopeptides (NTX) en réponse au traitement par l’acide zolédronique pourrait servir à prédire la réponse au traitement chez les patientes porteuses de métastases osseuses. Comme l’explique George Dranitsaris, Pharm.D., Toronto Sunnybrook Regional Cancer Centre, Toronto, les patientes porteuses de métastases osseuses reçoivent généralement du pamidronate en premier lieu, mais chez une proportion substantielle de patientes, le traitement de première intention par un bisphosphonate échoue ou la réponse s’estompe avec le temps. L’acide zolédronique est un bisphosphonate plus puissant auquel les patientes sont plus susceptibles de répondre, mais il est plus coûteux. Par conséquent, la possibilité d’identifier les patientes qui tireront un bienfait palliatif d’un traitement de deuxième intention par l’acide zolédronique pourrait être très utile.

Dans le cadre d’un test qui portait sur 30 patientes ayant eu des complications osseuses avérées ou chez qui les métastases osseuses avaient progressé pendant un traitement par le clodronate ou le pamidronate, des investigateurs de Toronto ont constaté que toute baisse des taux urinaires de NTX une semaine après le début du traitement par l’acide zolédronique était prédictive de la réponse palliative au traitement huit semaines plus tard, la réponse palliative se définissant comme une réduction d’au moins deux unités dans le score de la douleur la plus intense. Une réponse palliative a été enregistrée chez plus de 40 % des patientes qui ont reçu l’acide zolédronique. De même, les chercheurs ont noté une diminution statistiquement significative des scores de la douleur la plus intense, de la douleur moyenne et du nombre de sites douloureux.

«C’est la première étude à démontrer qu’un traitement de deuxième intention par le bisphosphonate plus puissant, en l’occurrence l’acide zolédronique, peut exercer des effets palliatifs substantiels et qu’une baisse des taux urinaires de NTX après une semaine peut être un marqueur utile pour l’identification des patientes qui retireront un bienfait palliatif du traitement de deuxième intention», de conclure les investigateurs.

La localisation de la topoisomérase I (topo I) pourrait aussi contribuer à prédire la réponse aux inhibiteurs de la topo I comme l’irinotécan dans le cancer du sein métastatique. Comme l’explique la Dre Stacy Moulder, University of Texas M.D. Anderson Cancer Center, les poisons de la topo I ont besoin d’interactions enzymatiques avec l’ADN pour combattre le cancer.

En tout, 51 patientes atteintes d’un cancer du sein métastatique ont reçu un traitement par la gemcitabine plus l’irinotécan, et on a effectué une biopsie de la tumeur chez neuf patientes avant le traitement afin de déterminer où se retrouvait la topo I, soit dans le cytoplasme, soit dans le noyau, où elle devrait être, précise la Dre Moulder. Selon ces données limitées, les deux ratios noyau-cytoplasme les plus faibles ont été associés à une absence de réponse à l’irinotécan, soutient-elle. Les premiers résultats semblent donc indiquer que le nouveau dosage pourrait identifier les patientes qui risquent de ne pas répondre à un traitement par un inhibiteur de la topo 1.

Selon des résultats préliminaires présentés par le Dr Steven Limentani, directeur médical associé, Blumenthal Cancer Center, Charlotte, Caroline du Nord, la toxicité associée au nouveau vaccin recombinant anti-HER-2 serait acceptable, et le vaccin est capable de produire les anticorps spécifiques qui se fixent au récepteur HER-2.

«Le vaccin a aussi induit une immunité spécifique médiée par les lymphocytes T, note le Dr Limentani, et grâce à cette réponse des lymphocytes T, il pourrait devenir possible de prévenir la récurrence du cancer.»

Enfin, une analyse des facteurs prédictifs de l’issue d’une chimiothérapie de troisième intention semble indiquer que la réponse aux traitements préalables serait le meilleur facteur prédictif de l’issue du traitement de troisième intention. L’étude regroupait 149 patientes traitées pour un cancer du sein métastatique au Royal Marsden Hospital.

«Nous avons pris note des schémas de chimiothérapie administrés et de la meilleure réponse à chacune des trois lignes de chimiothérapie», expliquent les investigateurs, qui se sont penchés sur «le délai de progression et la survie après la chimiothérapie de troisième intention».

Les patientes qui n’avaient pas répondu au traitement préalable – c’est-à-dire dont le cancer s’était stabilisé ou avait progressé en réponse au traitement – avaient une réponse beaucoup moins bonne à la chimiothérapie de troisième intention que les patientes qui avaient obtenu une RC ou une RP, rapporte la Dre Aleksandra Kuciejewska, boursière en clinique, Royal Marsden Hospital, Londres, Royaume-Uni.

Dans ce groupe, on a enregistré un taux de réponse de seulement 20 %, un délai de progression de trois mois et une médiane de SG de six mois. Une fois le cancer en progression, l’intervalle précédant la mort n’était aussi que de deux mois. En revanche, on a obtenu un taux de réponse de 45 %, un délai de progression de quatre mois et une médiane de SG de 12 mois chez les patientes qui avaient obtenu une RC ou une RP aux schémas de première et de deuxième intention. Fait digne de mention, ces résultats étaient indépendants du schéma de chimiothérapie utilisé en première, deuxième ou troisième intention, de préciser la Dre Kuciejewska.

«On ne dit pas de ne pas administrer de chimiothérapie de troisième intention, mais bien d’y penser à deux fois chez celles qui n’ont pas répondu aux traitements préalables. On doit se demander si cela vaut la peine d’imposer tant de toxicité aux patientes pour finalement obtenir un résultat médiocre. Chez ces patientes, le médecin devrait envisager les meilleurs soins de soutien possibles ou, si la patiente est en assez bonne forme, la participation à un essai de phase 1», de conclure la Dre Kuciejewska.

Résumé

Contrairement aux victimes de nombreux autres cancers, il est fréquent que les patientes atteintes d’un cancer du sein métastatique aient toujours un excellent indice fonctionnel et qu’elles continuent de répondre aux multiples lignes de chimiothérapie qui leur sont administrées. En pareil contexte, il est important d’avoir de nouvelles options de traitement comme l’ixabepilone, laquelle s’est révélée active dans le cancer du sein métastatique réfractaire aux taxanes et permet de maîtriser le cancer pendant plusieurs mois encore. L’ixabepilone entraîne des neuropathies, mais celles-ci semblent moins marquées qu’avec les taxanes, et son utilisation est associée à une bonne qualité de vie chez la majorité des patientes.

D’autres données indiquent que le trastuzumab, administré en association avec la vinorelbine ou avec un taxane une fois par semaine, est cliniquement actif dans le cancer du sein métastatique et procure des réponses cliniques significatives. La qualité de vie et le degré acceptable de toxicité ont fait l’objet d’un certain nombre d’études cette année. Dans la plupart des cas, les résultats ont montré que la toxicité généralement associée à l’utilisation de divers schémas chimiotoxiques est acceptable et peut se traiter. De nouvelles stratégies diagnostiques et de nouveaux traitements, dont un vaccin anti-HER-2, permettront assurément de raffiner la prise en charge du cancer du sein métastatique et d’améliorer les résultats.

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