Comptes rendus

Cancer du sein métastatique
De plus en plus d’options dans le traitement de la leucémie myéloïde chronique

Soins standard dans le traitement de la LMC : coup d’œil sur la mise à jour des recommandations

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

10e Conférence de la Société canadienne de greffe de cellules souches hématopoïétiques

Edmonton, Alberta / 21-24 avril 2006

Selon le National Comprehensive Cancer Network, la leucémie myéloïde chronique (LMC) représente 15 % de toutes les leucémies chez l’adulte. L’imatinib, inhibiteur des tyrosines kinases (ITK) mis au point récemment, est une percée thérapeutique. Au cours de son évaluation, son efficacité marquée dans la LMC en PC avancée a motivé la mise sur pied de l’étude IRIS (International Randomized Trial of Interferon vs STI571). Dans le cadre de cette étude randomisée, 1106 patients dont la LMC en PC avait été diagnostiquée récemment, ont reçu aléatoirement 400 mg/jour d’imatinib ou l’interféron-a (IFN-a) plus la cytarabine. Les premiers résultats de l’étude publiés par O’Brien et al. avaient démontré la supériorité de la stratégie novatrice sur les plans de la réponse hématologique et cytogénétique, de l’augmentation des taux de survie sans progression et de la meilleure tolérabilité par rapport à l’association IFN-a plus cytarabine (N Engl J Med 2003;348[11]:994-1004). Les résultats à long terme de l’étude IRIS – qui viennent d’être présentés au congrès – semblent prometteurs.

Mise à jour des résultats d’IRIS

Selon les résultats mis à jour de l’étude IRIS, les probabilités du maintien de bons résultats après quatre ans sont extrêmement élevées chez les patients atteints de LMC en PC qui ont obtenu rapidement une bonne réponse cytogénétique à l’imatinib administré en première intention. Après 54 mois de suivi, 72 % des patients qui avaient initialement reçu l’imatinib recevaient toujours l’agent à l’étude vs 3 % des patients qui avaient reçu l’IFN-a initialement.

À 54 mois, 98 % des patients ayant reçu l’imatinib en première intention avaient obtenu une réponse hématologique complète (RHC); 92 % avaient obtenu une réponse cytogénétique majeure (RCyM); et 86 % avaient obtenu une réponse cytogénétique complète (RCyC). Ces taux de réponse étaient en fait plus élevés que les taux enregistrés à 12 mois : 96 % des patients avaient une RHC, 85 %, une RCyM et 69 %, une RCyC – «ce qui est vraiment remarquable», affirme le Dr John Goldman, professeur titulaire d’hématologie, Imperial College London, Royaume-Uni (Figure 1). Fait important à souligner, 90 % des patients sous imatinib sont en vie après 54 mois, et la maladie a progressé à un stade avancé chez <1 % d’entre eux.

Figure 1. IRIS : Meilleurs taux de réponse cumulatifs à 12 mois et à 54 mois chez les patients qui ont reçu l’ITK en première intention


Survie sans progression

À 54 mois, les taux estimatifs de patients dont la maladie n’avait pas progressé à un stade avancé variaient selon le degré de réponse à 12 mois. Chez les patients qui affichaient une RCyC et dont la réduction des taux de transcrits bcr-abl était ³3 logs, le taux estimatif à 54 mois était de 100 %, comparativement à 95 % chez ceux qui affichaient une RCyC mais dont la réduction des taux de transcrits était inférieure à 3 logs. Chez les patients qui n’avaient pas obtenu de RCyC à 12 mois, le taux était estimé à 89 %.

Chez un sous-groupe de 124 patients de la cohorte imatinib initiale, nous disposions aussi des résultats de la PCR (réaction en chaîne de la polymérase) pour les taux de transcrits bcr-abl un an et quatre ans après la randomisation. À un an, 53 % des patients de ce sous-groupe affichaient une réduction ³3 logs des taux de transcrits bcr-abl (Figure 2). Ce pourcentage était passé à 80 % après 54 mois, indique le Dr Goldman. «Autrement dit, si vous avez une bonne réponse moléculaire à l’imatinib à un an, vous serez toujours en vie et votre maladie n’aura pas du tout progressé trois ans et demi plus tard. Il s’agit vraiment d’un résultat spectaculaire.»

Chez les répondeurs qui ont obtenu une réduction de 2,5 logs du taux de transcrits bcr-abl assez rapidement après le début de l’étude IRIS, on a aussi noté une réduction supplémentaire de 1,7 log à 24 mois, ce qui revient à une réduction médiane de 4,2 logs par rapport au taux initial et démontre encore une fois que les probabilités de rechute sont très faibles au cours des premières années chez les patients qui répondent bien à l’imatinib en première intention. «Tant et aussi longtemps que le patient répond, on doit continuer d’administrer le médicament», affirme le Dr Goldman.

Figure 2. IR
ire à 1 an et à 4 ans

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Il semble aussi que, sous l’effet de l’imatinib, la progression vers la phase accélérée (PA) ou la crise blastique (CB) ralentisse avec le temps. «Ces statistiques montrent que le taux annuel de transformation pourrait en fait diminuer avec le temps», fait remarquer le Dr Goldman (Tableau 1).

Tab
taux annuel de progression avec le temps (au moins 4 ans de suivi)

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Recommandations quant au traitement de la LMC

Le Dr Jeffrey Lipton, professeur agrégé de médecine, University of Toronto, Ontario, a présenté les recommandations du Groupe canadien de consensus sur le traitement de la leucémie myéloïde chronique (GCC-TLMC). Au nombre des 10 grandes recommandations du groupe, citons la nécessité pour le médecin de déterminer le score pronostique de Sokal chez chaque patient à qui il envisage de prescrire l’imatinib.

Outre une évaluation initiale du score de Sokal, le groupe GCC-TLMC recommande une aspiration et une biopsie de la moelle osseuse en plus de l’analyse cytogénétique de la moelle osseuse. Sont aussi recommandées au départ la technique FISH (fluorescence in situ hybridization) et la PCR quantitative (PCR-q) en temps réel, soit sur le sang périphérique, soit sur la moelle osseuse. «L’option de l’allogreffe de cellules souches hématopoïétiques (CSH) doit être discutée avec tous les patients aptes à en bénéficier, fait valoir le Dr Lipton, et tous les patients admissibles doivent être dirigés vers un centre de transplantation pour le typage HLA et la recherche de donneurs potentiels.»

Chez les patients qui n’optent pas pour la greffe de CSH comme traitement de première intention, les membres du GCC-TLMC recommandent le traitement par l’imatinib ou un protocole approuvé par le comité d’examen central du National Cancer Institute pour tous les patients souffrant de LMC en PC dont le diagnostic est récent. Le même groupe recommande aussi que les patients recevant l’IFN-a ± la cytarabine passent à l’imatinib s’ils ont des effets indésirables insupportables; de même, tous les patients recevant un schéma à base d’IFN-a qui n’atteignent pas une RCyC doivent passer à l’ITK. En revanche, les patients sous IFN-a qui obtiennent une RCyC et qui tolèrent bien le traitement doivent le poursuivre, mais doivent être surveillés.

La dose initiale minimale recommandée d’imatinib dans la LMC en PC doit être de 400 mg/jour. Dans les cas de LMC en PA, la dose initiale doit être de 600 mg/jour; enfin, dans les cas de LMC en CB, on recommande une dose pouvant atteindre 800 mg/jour. Après un échec du traitement par l’IFN-a, une dose initiale de 400 mg est aussi recommandée.

Le groupe souligne également l’importance de surveiller la réponse du patient. Comme l’explique le Dr Lipton, le GCC-TLMC recommande l’analyse cytogénétique de la moelle osseuse au moment du diagnostic, puis annuellement par la suite, si la RCyM se maintient. Le groupe recommande aussi la PCR-q aux trois mois après le diagnostic initial (bien que la technique FISH puisse être utilisée tous les trois mois jusqu’à l’obtention d’une RCyC). Dans l’éventualité d’une augmentation ³0,5 log du taux de transcrits bcr-abl, la PCR-q doit être répétée dans un délai de quatre semaines, et une analyse mutationnelle est recommandée.

Chez un faible pourcentage de patients, le traitement par l’imatinib en première intention échoue ou la réponse initiale s’effrite avec le temps. En pareille situation, le médecin doit repenser à sa stratégie thérapeutique si les jalons suivants ne sont pas atteints : RHC à trois mois; RCyM à six mois; RCyC à 12 mois; et réponse moléculaire majeure à 18 mois. La progression de la maladie au cours d’un traitement par l’imatinib se définit comme : le passage de la PC à la PA ou à la CB; l’évolution clonale des cellules Ph+; la perte d’une RCyC; une augmentation ³0,5 log du taux de transcrits bcr-abl chez les patients qui avaient déjà obtenu au moins une RCyC; ou la détection de mutations d’abl et perte de la réponse.

Si le patient est apte à bénéficier d’une allogreffe de CSH, on doit envisager cette option en cas de progression pendant le traitement par l’imatinib, affirment les membres du GCC-TLMC. Dans les cas où la greffe n’est pas une option, on doit d’abord porter la dose à 800 mg/jour, pour autant qu’il n’y ait aucun signe de mutation d’abl comme T315I qui confère une résistance complète à l’imatinib.

Enfin, si le patient ne répond pas à un traitement fortement dosé par l’imatinib, un agent expérimental comme l’AMN-107 (nilotinib) ou le dasatinib est une autre option possible, pour autant, là encore, que la mutation T315I ne soit pas présente, celle-ci conférant aussi une résistance au dasatinib et au nilotinib.

Nouveaux agents expérimentaux

Présentés au congrès de 2005 de l’American Society of Hematology en fin d’année par le Dr Hagop Kantarjian, University of Texas M.D. Anderson Cancer Center, Houston, les résultats préliminaires de l’évaluation du nilotinib chez les patients résistants à l’imatinib semblent prometteurs. Ils se limitent toutefois à une centaine de patients.

Dans le cadre d’une étude de phase I, des chercheurs de plusieurs centres ont traité 119 patients souffrant d’une LMC en PC, PA ou CB qui était résistante à l’imatinib. Un petit nombre de patients souffraient d’une leucémie aiguë lymphoblastique (LAL) Ph+ et non d’une LMC. En date de juin 2005, les patients étaient traités depuis une période médiane de 120 jours. La réponse au nilotinib dépendait de la phase de la maladie, mais chez les patients dont la LMC était en PC, 50 % ont obtenu une réponse cytogénétique, tout comme 100 % de ceux dont la LMC était caractérisée par une évolution clonale.

Parmi les patients souffrant de LMC qui ne présentaient pas de signe de mutation de bcr-abl avant le traitement par le nilotinib, 59 % ont obtenu une réponse cytogénétique, par comparaison à 41 % de ceux qui montraient des signes de mutation de bcr-abl avant le traitement. La dose de 400 mg b.i.d. de nilotinib fait actuellement l’objet d’essais cliniques de phase II.

Un autre ITK de deuxième génération, le dasatinib, fait aussi l’objet d’essais cliniques chez des patients dont la LMC, peu importe la phase, est résistante à l’imatinib ou chez des patients qui ne peuvent pas tolérer l’imatinib. Des données recueillies chez 84 patients ont montré que, chez 40 patients en PC qui recevaient le dasatinib et dont la LMC remontait à huit ans en moyenne, le taux de RHC atteignait environ 88 %, le taux de RCyM, 40 %, et le taux de RCyC, 33 %.

Dans les cas de maladie avancée, 44 patients recevaient le dasatinib depuis une médiane de trois à sept mois. Au sein de cette cohorte, on a enregistré un taux de réponse hématologique majeure de 80 % dans l’ensemble du groupe, tandis que le taux de RHC était de 50 % chez les patients en PA, de 18 % chez les patients en CB myéloïde et de 50 % chez les patients en CB lymphoïde (LAL Ph+). Les taux globaux de RCyM et de RCyC chez les patients dont la maladie était avancée se chiffraient respectivement à 36 % et à 21 %. Une myélosuppression de classe 3 ou 4 réversible a été notée dans toutes les cohortes, mais était particulièrement fréquente dans le groupe maladie avancée. Huit pour cent des patients ont développé un épanchement pleural, lequel a été traité sans que l’administration de l’agent à l’étude ne doive être interrompue. À part ces considérations, le traitement a été bien toléré.

Questions et réponses

Les questions et les réponses qui suivent sont tirées d’un entretien avec le Dr Jeffrey Lipton, professeur agrégé de médecine, University of Toronto, Ontario; et le Dr John Goldman, professeur titulaire d’hématologie, Imperial College London, Royaume-Uni.

Q : La greffe de CSH est pratiquée beaucoup moins souvent depuis l’arrivée de l’imatinib, mais votre groupe recommande néanmoins aux médecins de discuter de cette option avec les patients qui pourraient en bénéficier. Pourquoi?

Dr Lipton : La survie des patients de moins de 55 ans qui souffrent d’une LMC en PC et qui subissent une greffe de CSH est d’environ 85 % quelque 70 mois après la greffe. Il s’agit donc d’une bonne option à long terme pour les patients admissibles. De plus, en cas de rechute après la greffe, l’imatinib peut tout de même être utilisé. En effet, chez les patients qui rechutent après une allogreffe de CSH, on observe une réponse à l’imatinib et le traitement est efficace. De plus, de nombreux patients ne veulent pas prendre l’imatinib pendant des années; s’ils souhaitent une greffe et sont aptes à en bénéficier, ils devraient avoir ce choix.

Q : Y a-t-il des données montrant que l’imatinib peut cesser d’être administré aux patients qui obtiennent une réponse moléculaire robuste au traitement en première intention?

Dr Lipton : Non. À l’heure actuelle, nous n’avons aucune donnée montrant que le patient peut mettre fin à son traitement et bénéficier d’une réponse soutenue. Le traitement doit se poursuivre indéfiniment tant et aussi longtemps que le patient continue d’y répondre. C’est précisément ce que préconisent les lignes directrices.

Q : Les patients peuvent-ils néanmoins prendre un congé thérapeutique et reprendre leur traitement par l’imatinib lorsque la réponse commence à s’effriter?

Dr Lipton : Selon de nombreux sites Web pour les patients, les congés thérapeutiques sont possibles, mais c’est faux. Il faut donc chercher à savoir si c’est ce que fait le patient. Il faut s’assurer que son observance est optimale et, à moins que vous ne lui posiez la question directement, il ne le dira probablement pas de lui-même. On doit donc informer le patient des conséquences d’une dose omise, d’une dose plus faible que la dose prescrite et des congés thérapeutiques non prescrits, que ce congé soit motivé par le coût, les effets indésirables ou toute autre raison, surtout si la réponse à l’imatinib semble sous-optimale.

Q : À votre avis, où se situent le dasatinib et le nilotinib dans le traitement de la LMC?

Dr Goldman : Ce sont des ITK de deuxième génération, mais je ne pense pas que nous soyons en mesure, pour l’instant, de les différencier. Ils sont dotés d’une efficacité équivalente, mais leurs effets indésirables diffèrent légèrement. Pour ce qui est du moment où ils doivent être utilisés, on doit d’abord définir ce que l’on entend par un échec du traitement par l’imatinib, ce qui en soi n’est pas évident; cela dit, lorsque le patient répond aux critères de votre définition d’un échec du traitement par l’imatinib, vos deux grandes options sont la greffe ou un ITK de deuxième génération. Comme la plupart des patients ne sont pas aptes à bénéficier d’une greffe, les ITK de deuxième génération sont d’une grande utilité pour les patients qui n’ont pas de bons résultats sous l’imatinib en monothérapie.

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