Comptes rendus

Traitement adjuvant du cancer du sein : recommandations d’un groupe de travail canadien sur le suivi cardiaque des patientes
Réduction du risque cardiovasculaire – Retombées cliniques de JUPITER

Caractérisation de la douleur neuropathique et optimisation de la démarche thérapeutique - Tour d’horizon de la littérature

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

OPTIONS MÉDICALES dans la douleur neuropathique

2008 décembre

Traitement de la douleur neuropathique : des choix rationnels fondés sur le mode d’action

Dr May Ong-Lam, University of British Columbia, Vancouver, Colombie-Britannique

Schéma thérapeutique optimal dans la douleur neuropathique : du cas par cas

M. Robert Thiffault Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke

Prise en charge de la douleur neuropathique : des lignes directrices pratiques pour un déroulement logique

Dr Huu Tram Anh Nguyen Université de Montréal

TRAITEMENT DE LA DOULEUR NEUROPATHIQUE : DES CHOIX RATIONNELS FONDÉS SUR LE MODE D’ACTION

Commentaire éditorial :

May Ong-Lam, MD, FRCPC

Interniste et pharmacologue clinicienneSpécialiste de la douleurCofondatrice du Chronic Pain CentreSt. Paul’s HospitalProfesseure adjointe de médecineUniversity of British ColumbiaVancouver, Colombie-Britannique

Les douleurs neuropathiques sont causées par des lésions du système nerveux à l’origine du déclenchement anormal de signaux nocicepteurs. Elles peuvent émaner du système nerveux central ou périphérique. Auparavant, le traitement était essentiellement empirique et reposait sur des emplois hors indications. Aujourd’hui, cependant, les lignes directrices s’inspirent de plus en plus de données probantes, si bien que nous disposons d’options rationnelles pour le traitement de première, de deuxième ou de troisième intention. Les lignes directrices en vigueur comprennent des médicaments homologués précisément pour le traitement des douleurs neuropathiques. Le clinicien ne doit jamais perdre de vue la diversité des causes de ces douleurs, leurs divers mécanismes sous-jacents ni la variabilité de la réponse au traitement d’un patient à l’autre. En raison même de cette variabilité, un agent d’une classe donnée peut fort bien réussir là où un autre a échoué. Une démarche thérapeutique rationnelle, appuyée sur des données probantes, apportera un soulagement à la plupart des patients.On estime que de 2 à 3 % de la population canadienne souffre de douleurs neuropathiques, algies causées par une perturbation du système nerveux central (SNC) ou périphérique1. Cette incidence déjà appréciable est appelée à augmenter en raison du vieillissement de la population; en effet, de nombreuses maladies ouvrant la voie à la douleur neuropathique, par exemple le diabète, les névralgies post-zostériennes et le cancer, sont plus fréquentes chez les personnes âgées. Les douleurs neuropathiques intenses peuvent se révéler très éprouvantes, tant physiquement que psychologiquement, parce qu’elles sont chroniques et résistent aux mesures prises pour les soulager. Contrairement aux douleurs nociceptives, qui disparaissent après la guérison ou le retrait du stimulus nocif, les douleurs neuropathiques périphériques et centrales demeurent incurables pour l’instant, bien qu’elles puissent être atténuées par un traitement approprié (Tableau 1).

Qu’elle soit d’origine centrale ou périphérique, la douleur neuropathique procède de mécanismes semblables. Dans un cas comme dans l’autre, un nerf est lésé, et les signaux sensoriels s’en trouvent perturbés. La perturbation de la conduction nerveuse peut donner lieu à des sensations diverses : douleurs, picotements, brûlure ou engourdissements. En périphérie, ces sensations sont provoquées par une lésion nerveuse qui abaisse le seuil de déclenchement de la conduction sensorielle. Voilà pourquoi l’allodynie, à savoir une douleur causée par un stimulus non douloureux, est si fréquente. Les nerfs périphériques endommagés ne transmettent plus normalement les signaux moléculaires et cellulaires, d’où une éventuelle rétroaction de messages nociceptifs qui entretiendra les douleurs.

Dans la neuropathie centrale, les neurones de la corne dorsale s’acquittent mal de leur travail et transmettent de façon persistante des informations nociceptives erronées. Ce type de neuropathie est le plus souvent causé par des maladies neurologiques dégénératives, telles que la sclérose en plaques, les accidents vasculaires cérébraux et les atteintes de la moelle épinière. Les mécanismes qui contribuent à la persistance des douleurs neuropathiques, qu’elles soient centrales ou périphériques, peuvent varier d’un patient à l’autre. Parmi les voies possibles, citons la surexpression des canaux calciques voltage-dépendants de type N, qui interviennent dans la libération du glutamate et de la substance P2, et les anomalies des canaux sodiques voltage-dépendants, qui agissent directement sur la transmission des messages nociceptifs3. L’importance relative de chacune de ces voies pourrait expliquer pourquoi deux patients répondent différemment à un traitement ciblant un de ces mécanismes en particulier.


On a réussi à atténuer efficacement les douleurs neuropathiques bien avant d’en avoir compris les fondements physiopathologiques; cela dit, les mécanismes susceptibles de constituer des cibles thérapeutiques apparaissent de plus en plus nettement. On sait depuis longtemps que les analgésiques efficaces contre la douleur nociceptive, soit la douleur aiguë consécutive à une lésion tissulaire et non nerveuse, sont peu utiles en cas de neuropathie. Cependant, d’autres types de médicaments, en particulier les anticonvulsivants et les antidépresseurs, ont fait montre d’une efficacité reproductible lors d’essais comparatifs. Les agents de ces deux classes agiraient en interrompant la transmission de l’influx nerveux. Dans la plupart des lignes directrices, y compris celles de la Société canadienne de la douleur (SCD), on réunit toutefois les traitements sous les bannières première, deuxième ou troisième intention, car, la réponse étant variable, on doit proposer des solutions de rechange en cas d’échec d’un premier agent4.

Un patient peut fort bien ne pas répondre à un agent de première intention, mais être soulagé par un autre. En effet, vu la variabilité de la réponse, certains patients répondent favorablement à un agent d’une classe thérapeutique, mais pas à un autre. On en a fait une démonstration on ne peut plus probante avec la prégabaline et la gabapentine, deux agents qui, en se liant aux canaux calciques voltage-dépendants, bloquent la libération du glutamate et de la substance P, neurotransmetteurs excitateurs souvent en cause dans l’expression de la douleur neuropathique. La prégabaline est un analgésique homologué pour le soulagement de la douleur neuropathique. Lors d’une étude chez des patients aux prises avec des douleurs neuropathiques réfractaires que 60 % d’entre eux jugeaient intenses, la majorité des patients sous prégabaline ont obtenu un soulagement5 À la fin de la période de 15 mois visée par l’étude, environ 40 % des sujets étaient exempts de douleurs, 40 % ressentaient des douleurs modérées et 20 % seulement souffraie
intenses (Figure 1).

<img2530|center>

Bien qu’elle ne soit pas homologuée dans la douleur neuropathique, la gabapentine, un anticonvulsivant, est souvent considérée comme un agent de première intention. En règle générale, cependant, on parvient à une efficacité acceptable à l’aide d’une dose plus faible de prégabaline que de gabapentine, d’où un risque moindre d’effets indésirables; du coup, la prégabaline représente une option plus intéressante comme premier traitement. Cela dit, on a démontré à maintes reprises que la prégabaline pouvait réussir là où la gabapentine avait échoué. Ainsi, on a obtenu un taux élevé de soulagement soutenu grâce à la prégabaline lors d’une étude sur la douleur neuropathique rebelle à laquelle n’étaient admis que des sujets chez lesquels la gabapentine s’était révélée inefficace5. Bien que ces patients se soient montrés réfractaires à la gabapentine et à d’autres traitements contre la douleur neuropathique, 80 % d’entre eux ont obtenu un soulagement grâce à la prégabaline au cours d’un suivi de 15 mois.

En général, la prégabaline et la gabapentine sont toutes les deux mieux tolérées que les antidépresseurs tricycliques (ATC), autres agents fréquemment prescrits en première intention contre la douleur neuropathique, mais ce sont les symptômes du patient qui devraient présider au choix du traitement initial. Ainsi, les ATC empruntent, semble-t-il, diverses voies pour soulager la douleur neuropathique : à l’inhibition du recaptage de la sérotonine s’ajoutent le blocage des canaux sodiques et de la transmission de l’information nociceptive par l’entremise du N-méthyl-D-aspartate6. Si les ATC sont généralement associés à un taux de réponse plus élevé que d’autres classes d’antidépresseurs, tels que les inhibiteurs sélectifs du recaptage de la sérotonine (ISRS), c’est peut-être en raison de ces autres voies d’action. Par ailleurs, bien que les ATC soient souvent prescrits après l’échec d’un anticonvulsivant, on devrait envisager d’y recourir en première intention chez le patient dont l’humeur est perturbée, que ces perturbations soient liées ou non aux douleurs persistantes.

Ces différences au chapitre du mode d’action entre les ATC et la prégabaline, analgésique, ainsi que la gabapentine, anticonvulsivant, permettent de présumer que le taux d’efficacité peut varier suivant l’indication. Par exemple, puisque la prégabaline et la gabapentine préviennent la libération de la substance P, il y a lieu de penser qu’elles soulageront plus efficacement les douleurs à type de brûlures, mettant en jeu la substance P, que les douleurs sourdes, qui procèdent davantage d’une régulation positive des canaux sodiques. Toutefois, il n’existe pas d’arguments probants à l’appui de ces théories. Certes, des résultats de vastes essais comparatifs avec randomisation étayent l’efficacité de la prégabaline dans la neuropathie diabétique et les névralgies post-zostériennes7,8, mais l’efficacité relative des ATC n’a pas été étudiée à fond.

Si la douleur n’est pas soulagée adéquatement par une monothérapie de première intention, on peut raisonnablement tenter d’associer un anticonvulsivant de première intention et un ATC faiblement dosés avant de passer aux traitements de deuxième intention. On allie ainsi deux modes d’action sans nuire, généralement du moins, à la tolérabilité. Autre démarche possible : l’ajout de lidocaïne topique, rangée en deuxième intention dans les lignes directrices de la SCD. Puissant bloqueur des canaux sodiques, la lidocaïne topique risque très peu d’occasionner des effets indésirables systémiques et peut se révéler utile comme analgési
nce d’une douleur neuropathique périphérique localisée (Figure 2).

<img2531|center>

Avant le passage aux agents de troisième intention, par exemple les opiacés, il vaut la peine de faire l’essai d’antidépresseurs, notamment les ISRS ou les inhibiteurs sélectifs du recaptage de la sérotonine et de la noradrénaline telle la venlafaxine, ou d’anticonvulsivants telle la carbamazépine ou la lamotrigine. Ces agents, prescrits hors indications, se révèlent souvent efficaces en cas d’échec des traitements de première intention. Bien qu’ils n’aient pas fait l’objet d’études approfondies et ne soient généralement pas jugés aussi efficaces que les agents de première intention contre la douleur neuropathique, ces médicaments semblent bloquer la transduction des messages nociceptifs par des mécanismes qui leur sont propres, particularité intéressante vu la variabilité de la réponse au traitement.

Les analgésiques opiacés, tels que la morphine et l’oxycodone, ont fait la preuve de leur efficacité contre les douleurs neuropathiques. Cependant, en raison de leur effet dépresseur sur le SNC, ils conviennent moins aux personnes qui doivent continuer de vaquer à leurs occupations. Il en va de même des cannabinoïdes et de la méthadone, traitements de quatrième intention selon les lignes directrices de la SCD. Le recours à ces agents, voire à des dispositifs invasifs comme les stimulateurs médullaires - qui agissent sur les dermatomes douloureux un peu à la manière d’un stimulateur cardiaque - est absolument indiqué lorsqu’il amène une amélioration de la qualité de vie. Cela dit, le but de l’exercice n’est pas de faire disparaître complètement la douleur, mais bien de l’atténuer à plus ou moins long terme afin que le patient puisse reprendre une vie normale.

Résumé

L’apaisement de la douleur neuropathique nécessite souvent l’utilisation empirique d’une vaste gamme d’agents, prescrits dans certains cas hors indications, mais la démarche thérapeutique est aujourd’hui plus rationnelle à la faveur d’une meilleure compréhension des voies de la douleur et des mécanismes de son soulagement. Dans les lignes directrices en vigueur, y compris celles de la SCD, on recommande généralement la prégabaline, la gabapentine et les ATC en première intention sur la foi de multiples essais avec randomisation. Un agent de première intention peut fort bien réussir là où un autre a échoué, et cela s’applique à la prégabaline et à la gabapentine, peu importe l’ordre dans lequel elles sont utilisées. Les options thérapeutiques de deuxième, de troisième et de quatrième intention doivent être nombreuses, car la réponse varie beaucoup d’un patient à l’autre. La variabilité est telle qu’un patient peut répondre à un agent d’une classe donnée et ne pas répondre à un autre agent de la même classe. Grâce aux lignes directrices actuelles, le clinicien peut aborder de manière rationnelle un problème d’une grande complexité.

Références :

1. Gilron I, Watson CP, Cahill CM, Moulin DE (2006). Neuropathic pain: a practical guide for the clinician. CMAJ 2006;175: 265–75.

2. Baron, Ralph (2006). “Mechanisms of Disease: neuropathic pain—a clinical perspective”. Nature Clinical Practice Neurology 2006;2:95-106.

3. Lai J, Hunter JC, Porreca F. The role of voltage-gated sodium channels in neuropathic pain. Current Opinion Neurobiology 2003;13:95–106.

4. Moulin DE, Clark AJ, Gilron I, et al. Pharmacological management of chronic neuropathic pain – consensus statement and guidelines from the Canadian Pain Society. Pain Res Manage 2007;12:13-21.

5. Stacey BR, Dworkin RH, Murphy K, et al. Pregabalin in the treatment of refractory neuropathic pain: results of a 15-month open label trial. Pain Med 2008;epub ahead of print.

6. Kingery WS. A critical review of controlled clinical trials for peripheral neuropathic pain and complex regional pain syndromes. Pain 1997;73:123-37.

7. Dworkin RH, Corbin AE, Young JP, et al. Pregabalin for the treatment of postherpetic neuralgia: a randomized, placebo-controlled trial. Neurology 2003;60:1274-83.

8. Lesser H. Sharma U, LaMoureaux L, Poole RM. Pregabalin relieves symptoms of painful diabetic neuropathy: a randomized, controlled trial. Neurology 2004;63:2104-10.

SCHÉMA THÉRAPEUTIQUE OPTIMAL DANS LA DOULEUR NEUROPATHIQUE : DU CAS PAR CAS

Commentaire éditorial :

Robert Thiffault, BPharm, MSc

Clinicien associé. Université de Montréal. Pharmacien. Département de pharmacie. Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke. Sherbrooke, Québec

Lorsqu’on traite la douleur neuropathique, on ne doit pas dissocier l’analgésie de la tolérabilité, de la capacité du patient de vaquer à ses occupations et du risque d’interactions médicamenteuses. Le clinicien doit bien connaître l’arsenal thérapeutique afin de procurer à son patient un effet antalgique adéquat tout en lui ménageant une qualité de vie acceptable. Les déterminants de cette qualité de vie sont, outre l’intensité de la réponse et la tolérabilité du traitement, le risque d’interactions médicamenteuses, la simplicité de la posologie et la possibilité que survienne un effet indésirable rare, mais grave. Ces enjeux prennent une importance particulière lorsqu’un traitement risque de se prolonger, parfois indéfiniment, ce qui est le cas en présence de douleurs neuropathiques. L’efficacité est fondamentale, bien sûr, mais ne saurait être dissociée d’autres variables susceptibles d’influer sur l’observance indispensable à un soulagement durable. Il n’existe pas un seul et unique traitement optimal contre la douleur neuropathique, mais on peut élaborer un schéma thérapeutique optimal pour un patient donné.

L’existence de multiples voies algiques dans la douleur neuropathique pourrait expliquer la variabilité de la réponse aux traitements actuels. Dans les divers algorithmes proposés, notamment celui de la Société canadienne de la douleur (SCD)1,2, le traitement de première intention repose généralement sur les anticonvulsivants et les antidépresseurs tricycliques (ATC). Les auteurs invitent toutefois les cliniciens à passer sans tarder au traitement d’association ou à des options de rechange en cas de soulagement inadéquat, d’effets indésirables inacceptables ou d’autres inconvénients des agents de première intention. L’ordre des traitements est dicté par la qualité des données témoignant d’un équilibre acceptable entre l’efficacité et l’innocuité. Cela dit, le traitement doit être personnalisé en raison non seulement de la variabilité de la réponse, mais aussi des particularités du patient, qui feront qu’un agent répondra mieux à ses besoins qu’un autre.

Le nécessaire équilibre entre soulagement et satisfaction globale à l’endroit du traitement explique que les analgésiques les plus puissants, notamment les opiacés, ne soient pas recommandés en première intention dans la douleur neuropathique, malgré leur grande efficacité antalgique1. Néanmoins, selon Boulanger et son équipe québécoise3,4, les opiacés peuvent être prescrits en première, deuxième ou troisième intention, selon l’urgence du soulagement recherché. Le plus souvent, les traitements recommandés en première intention ont été choisis parce qu’ils offraient un rapport efficacité-tolérabilité avantageux. Précisons toutefois qu’ils ne sont pas interchangeables : ils se distinguent les uns des autres par leur mode d’action, les effets indésirables et les interactions médicamenteuses qu’ils risquent d’entraîner et la commodité de leur posologie. On doi
en considération pour déterminer dans quel ordre seront prescrits les agents de première intention (Tableau 1).

<img2532|center>

Indiquée dans la neuropathie diabétique et les névralgies post-zostériennes, la prégabaline est de plus en plus utilisée en première intention en raison de son efficacité et de sa tolérabilité acceptable. Elle a, sur de nombreux autres traitements bien tolérés, l’avantage de ne pas nécessiter de prescription hors indications et d’avoir fait la preuve de son efficacité lors d’essais comparatifs en bonne et due forme5,6. En empêchant l’entrée du calcium dans les terminaisons présynaptiques, la prégabaline inhibe la libération de neurotransmetteurs excitateurs intervenant dans la transmission de la douleur, tels que le glutamate et la substance P. Malgré ce que laisse entendre sa dénomination commune, la prégabaline ne semble pas exercer son effet antalgique en agissant sur les récepteurs GABAergiques.

Les effets indésirables les plus fréquents de la prégabaline, soit les étourdissements et la somnolence, peuvent être atténués par diverses mesures. La première consiste à prescrire la dose la plus faible procurant un soulagement adéquat. Une dose de départ de 50 mg/jour est raisonnable si l’on souhaite éviter la somnolence, quoique de nombreux patients prennent des doses beaucoup plus élevées sans ressentir le moindre effet sédatif. La posologie maximale recommandée est de 600 mg/jour. Autre solution possible pour réduire le risque de somnolence : prescrire une dose plus élevée le soir que le jour. Notons ici que les étourdissements et la somnolence peuvent s’atténuer avec le temps. Par rapport à d’autres agents efficaces contre les douleurs neuropathiques, la prégabaline est associée à un faible risque d’interactions médicamenteuses, ce qui en fait un choix judicieux en présence d’affections concomitantes.

On comprend moins bien le mode d’action de la gabapentine, mais on le croit comparable à celui de la prégabaline; comme celle-ci, la gabapentine ne semble pas exercer son effet analgésique par une interaction avec les récepteurs GABAergiques. Malgré une demi-vie semblable à celle de la prégabaline, soit environ six heures, la gabapentine doit généralement être prise trois ou quatre fois par jour, contre deux ou trois fois par jour pour la prégabaline. Les étourdissements et la somnolence constituent les effets indésirables les plus fréquents des deux substances, mais ils sont liés à la dose et ne touchent qu’une minorité de patients, même aux doses les plus élevées.

Toutefois, ces agents ne sont pas des copies conformes du point de vue de l’activité thérapeutique. Il importe de le souligner, car cela implique qu’un patient ne répondant pas à l’un d’entre eux pourrait fort bien répondre à l’autre. En effet, il a été démontré lors d’études cliniques que ces médicaments n’étaient pas interchangeables. En clair, si l’un des agents se révèle inefficace, il se peut que l’autre apporte le soulagement recherché. Les résultats sont particulièrement concluants lorsque la prégabaline succède à la gabapentine. Étant donné l’innocuité et l’efficacité relatives de ces agents en traitement de première intention des douleurs neuropathiques, il serait sage de les essayer tous les deux avant de passer à des médicaments moins bien tolérés.

Le mode d’action des ATC dans la douleur neuropathique est, lui aussi, loin d’être élucidé. Cela dit, des données indiquent que leurs effets noradrénergiques et sérotoninergiques déclenchent une interaction avec les substances opioïdes endogènes du système nerveux central (SNC). On considère que les ATC sont plus efficaces que les inhibiteurs sélectifs du recaptage de la sérotonine, même si ces derniers exercent des effets sérotoninergiques plus nets. Les ATC peuvent se montrer aussi efficaces que la prégabaline (selon le nombre de patients à traiter pour observer un effet thérapeutique), mais ils sont habituellement moins bien tolérés. Malgré tout, il demeure raisonnable de prescrire des ATC en première intention, en particulier lorsque les douleurs neuropathiques s’accompagnent de symptômes dépressifs ou anxieux assez sérieux.

Le profil d’effets indésirables assez lourd des ATC est imputable à leurs effets étendus sur de multiples neurotransmetteurs, notamment l’acétylcholine. Outre la sédation, les effets indésirables fréquents comprennent la vision trouble, la constipation, la xérostomie, les altérations cognitives et la tachycardie; ces manifestations étant liées à la dose, la progression posologique doit être lente. On doit prescrire la dose la plus faible procurant un soulagement adéquat. La prise de doses plus élevées au coucher que pendant la journée peut également accroître la tolérabilité. C’est là une stratégie particulièrement indiquée chez les patients insomniaques, que l’insomnie soit causée ou non par les douleurs. Comme c’est souvent le cas, le risque d’effets indésirables peut diminuer avec le temps. Cependant, on a de plus en plus tendance à ne recourir aux ATC que chez les patients non soulagés par les anticonvulsivants, mieux tolérés. Qui plus est, les ATC sont métabolisés par le cytochrome P450 hépatique, ce qui pose problème lorsque le patient prend d’autres médicaments biotransformés par ce même complexe enzymatique.

En leur qualité d’inhibiteurs sélectifs du recaptage de la sérotonine et de la noradrénaline, la venlafaxine et la duloxétine se sont toutes les deux révélées efficaces contre les douleurs neuropathiques lors des essais cliniques7,8. On n’a pas encore élucidé le mécanisme de leur effet analgésique, mais il pourrait s’apparenter à celui des ATC. La venlafaxine et la duloxétine ne sont généralement pas considérées comme des agents de première intention contre la douleur neuropathique, car les bienfaits des autres options sont mieux étayés. Les effets indésirables y sont également pour quelque chose. La venlafaxine provoque assez souvent de la somnolence et des manifestations gastro-intestinales. Quant à la duloxétine, elle peut aussi provoquer des nausées et de la somnolence, mais également de la constipation et des troubles sexuels. Les deux agents inhibent relativement peu le cytochrome P450 et risquent donc moins de provoquer des interactions médicamenteuses que les ATC.

Bien que le soulagement des douleurs neuropathiques chroniques commande généralement un traitement oral, il faut souligner que la lidocaïne topique doit elle aussi être considérée comme un agent de première intention et est particulièrement utile en présence de douleurs très localisées. Si elle apporte un soulagement adéquat, la lidocaïne mettra le patient à l’abri des effets indésirables systémiques. Toutefois, l’int
la transmission des influx douloureux neuropathiques impose généralement l’adjonction d’agents oraux aux traitements topiques telle la lidocaïne (Tableau 2).

<img2533|center>

De même, comme les agents oraux de première intention n’agissent pas tous de la même manière, il est raisonnable de les associer lorsque la monothérapie ne donne pas les résultats escomptés. Cette stratégie peut, il est vrai, multiplier les effets indésirables. Cependant, si le patient répond à une bithérapie faiblement dosée, il éprouvera peut-être moins d’effets indésirables que s’il prend un seul médicament à forte dose.

Certains agents que l’on pourrait qualifier de «parallèles» ne sont pas rangés dans les traitements de deuxième ni de troisième intention en raison d’une efficacité plus improbable. C’est le cas d’anticonvulsivants tels que la carbamazépine, la lamotrigine, le topiramate ainsi que le lévétiracétam et d’antidépresseurs tels que le bupropion ou la paroxétine. Quoique leur dossier soit moins convaincant, ces médicaments peuvent parfois se montrer efficaces vu la variabilité de la réponse d’un patient à l’autre. Associés à un agent de première intention, ils peuvent également procurer un soulagement plus marqué. Enfin, les analgésiques puissants tels l’oxycodone ou d’autres opioïdes sont indiqués lorsque le soulagement améliore suffisamment la qualité de vie pour que le rapport risques-avantages soit acceptable. Moulin et ses collaborateurs1 considèrent les cannabinoïdes comme des agents de quatrième intention contre les douleurs neuropathiques, mais d’autres3,4 préconisent plutôt leur emploi en deuxième intention.

Résumé

En présence de douleurs neuropathiques, l’objectif primordial du traitement est l’amélioration de la qualité de vie. Pour l’atteindre, on doit viser le juste équilibre entre l’analgésie et les effets indésirables. Les traitements offerts ne sont pas interchangeables, car ils se distinguent par leur mode d’action, leur efficacité chez un patient donné et leur tolérabilité. En raison de la grande variabilité interpatient de la réponse à un même composé, il est raisonnable d’observer un algorithme de traitement rationnel, en prescrivant d’abord les agents de première intention, puis de deuxième et de troisième intention. Les agents curatifs étant inexistants, on doit élaborer des schémas qui conviennent à un traitement au long cours.

Références :

1. Moulin DE, Clark AJ, Gilron I et al. Pharmacological management of chronic neuropathic pain – consensus statement and guidelines from the Canadian Pain Society. Pain Res Manage 2007;12:13-21.

2. Gilron I, Watson CP, Cahill CM, Moulin DE. Neuropathic pain: a practical guide for the clinician. CMAJ 2006;175:265-75.

3. Boulanger A et al. Algorithme de traitement de la douleur neuropathique. Recommandations d’un forum québécois sur la douleur neuropathique (I). Les cahiers de MedActuel, L’actualité médicale 2008;8(12):25-30 (en français seulement).

4. Boulanger A et al. Algorithme de traitement de la douleur neuropathique. Recommandations d’un forum québécois sur la douleur neuropathique (II). Les cahiers de MedActuel, L’actualité médicale 2008;8(13):25-29 (en français seulement).

5. Lesser H, Sharma U, LaMoureaux L, Poole RM. Pregabalin relieves symptoms of painful diabetic neuropathy: a randomized, controlled trial. Neurology 2004;63:2104-10.

6. Frampton JE, Rachel HF. Pregabalin in the treatment of postherpetic neuralgia. Drugs 2005;65:111-8.

7. Rowbotham M, Goli V, Kunz N, Lei D. Venlafaxine extended release in the treatment of painful diabetic neuropathy: a double-blind, placebo-controlled study. Pain 2004;110:697–706.

8. Fishbain D, Berman K, Kajdasz DK. Duloxetine for neuropathic pain based on recent clinical trials. Curr Pain Headache Rep 2006;10:199-204

PRISE EN CHARGE DE LA DOULEUR NEUROPATHIQUE : DES LIGNES DIRECTRICES PRATIQUES POUR UN DÉROULEMENT LOGIQUE

Commentaire éditorial :

Huu Tram Anh Nguyen, MD, FRCPC

Professeure adjointe de clinique, Consultante en traitement de la douleur, Département d’anesthésiologie, Hôpital Maisonneuve-Rosemont, Université de Montréal, Montréal, Québec

La disparition pure et simple des douleurs neuropathiques relève parfois de l’utopie, certes, mais le patient peut raisonnablement s’attendre à un apaisement considérable de ses souffrances. Jusqu’à maintenant, les auteurs des lignes directrices ont toujours mis les antidépresseurs tricycliques et les anticonvulsivants sur un pied d’égalité en première intention. La prégabaline est, pour l’heure, le seul agent homologué pour le soulagement de la douleur neuropathique. Bien que les agents de première intention ne soient pas interchangeables, la multiplicité des options thérapeutiques demeure importante dans la prise en charge des douleurs neuropathiques. Or, la grande variabilité interindividuelle de la réponse au traitement exige la prestation de soins personnalisés. Le coût peut entrer en ligne de compte lors du choix du traitement, mais l’important est de constater que le traitement antalgique le plus efficace est souvent le plus efficient, car il réduit l’utilisation des services de santé. Comme la réponse à un traitement donné varie énormément d’un patient à l’autre, le clinicien doit s’attendre à prescrire des agents de deuxième, de troisième, voire de quatrième ligne afin de bien contrôler les douleurs neuropathiques.

Dans sa définition de la douleur neuropathique, l’International Association for the Study of Pain précise que ces algies sont causées par une perturbation de la fonction nerveuse1. Celle-ci, dont les causes et les manifestations sont fort variées, survient en l’absence de lésion visible. À moins d’étudier la transduction nerveuse par des tests de haute technologie, le clinicien n’a d’autre choix que de diagnostiquer un problème invisible et de se fier à l’évaluation subjective du patient pour juger de l’efficacité du traitement prescrit. Au surplus, c’est l’amélioration de la capacité fonctionnelle et du bien-être, et pas nécessairement la disparition des symptômes, qui fait foi des bienfaits thérapeutiques. Malgré tout, le clinicien qui applique les protocoles officiels peut espérer parvenir à un diagnostic exact et à un traitement efficace chez la vaste majorité de ses patients.

Selon les auteurs de lignes directrices formulées récemment à l’issue d’un forum québécois sur la douleur neuropathique et que l’on peut consulter sur le site Les cahiers de MedActuel2, la démarche clinique est appropriée et suffisante chez la plupart des patients pour le diagnostic de la neuropathie. En effet, une anamnèse et un examen physique minutieux permettent habituellement d’écarter avec une certitude satisfaisante toute cause non neurologique. Les auteurs préconisent également le recours au questionnaire DN4 qui, telle une liste de vérification, permet de dresser l’inventaire des symptômes décrits par le patient ou décelés lors de l’examen physique et oriente ainsi le clinicien vers un diagnostic de douleur neuropathique. Des antécédents de symptômes localisés évocateurs de la neuropathie, soit des brûlures, des picotements ou des engourdissements, le tout en l’absence de stimulus ou en présence d’un stimulus non douloureux, peuvent revêtir une sensibilité et une spécificité diagnostiques assez grandes. Un traitement empirique est raisonnable lorsque les douleurs du patient ne s’expliquent pas autrement que par la neuropathie.

Dans les lignes directrices antérieures, les antidépresseurs tricycliques (ATC) et les anticonvulsivants étaient aussi prisés les uns que les autres en première intention. Bien que la prégabaline soit homologuée à titre d’analgésique dans la douleur neuropathique périphérique et centrale, les spécialistes québécois l’ont mise au même rang qu’un autre anticonvulsivant, la gabapentine. Ces deux agents sont recommandés en première intention tout comme les ATC, qui se classent cependant après les anticonvulsivants. Cette succession, bien qu’elle soit plus directive qu’une simple énumération d’anticonvulsivants ou d’ATC, peut néanmoins induire le praticien en erreur. Prenons, par exemple, la prégabaline et la gabapentine. Ces agents présentent, certes, un rapport efficacité-innocuité favorable par rapport aux ATC
interchangeables, et les ATC peuvent malgré tout constituer un choix de première intention plus judicieux si le patient en proie à des douleurs neuropathiques présente également des troubles de l’humeur.

<img2534|center>

En traitement de première intention des douleurs neuropathiques, la prégabaline et la gabapentine se distinguent effectivement par leur efficacité et leur tolérabilité, démontrées lors d’essais comparatifs3,4. Cependant, on les considère souvent, à tort, comme des médicaments interchangeables. Or, il convient de s’inscrire en faux contre cette perception et ce, pour de nombreuses raisons. D’abord et avant tout, on ne peut présumer de la réponse clinique à un de ces agents sur la foi de l’efficacité de l’un ou de l’inefficacité de l’autre. Chez des patients dirigés vers un autre médecin en raison d’un soulagement insuffisant par la gabapentine, la prégabaline est demeurée une solution valable, même si les deux composés présentent des structures chimiques semblables6. Deuxièmement, la prégabaline est généralement plus facile à administrer que la gabapentine; en effet, sa biodisponibilité et son absorption étant supérieures après une prise orale, elle agit mieux à des doses plus faibles que la gabapentine (Tableau 1). Ainsi, bon nombre de patients ont besoin d’une dose quotidienne de gabapentine =1800 mg, ce qui risque de diminuer la tolérabilité et d’augmenter la fréquence des prises, deux situations qui mettent l’observance à rude épreuve.

 

On pourrait dès lors considérer la prégabaline comme l’agent de prédilection en première intention. Ce médicament pourrait non seulement apporter un soulagement plus grand et rehausser la qualité de vie plus rapidement que la gabapentine, mais des données semblent indiquer qu’il est aussi plus efficient. Ainsi, lors d’une étude canadienne de 12 semaines sur l’utilisation des ressources par une population de 126 patients atteints de neuropathie diabétique périphérique (
ost-zostérienne (NPZ), la prégabaline a été associée, pour les deux affections, à des coûts médicaux directs moindres que la gabapentine et ce, grâce à un plus grand nombre de journées exemptes de douleurs (Figure 1)5.

Figure 1.<img2535|center>

Si le patient sous gabapentine n’est pas suffisamment soulagé, il peut commencer à prendre de la prégabaline avant d’être sevré de son traitement initial. On n’a pas étudié l’efficacité de la gabapentine chez le patient dont les douleurs ne sont pas apaisées adéquatement par la prégabaline. Le passage à un ATC ou l’ajout d’une faible dose d’ATC pourrait se révéler plus bénéfique, surtout si la neuropathie s’accompagne de symptômes psychologiques tels que la dépression ou l’anxiété.

On devrait prescrire les agents de première intention à doses croissantes pendant deux ou trois mois avant de conclure à leur inefficacité. Les bénéfices du traitement devraient être évalués à l’aide de méthodes normalisées. Tout en évitant de faire miroiter au patient un soulagement complet, on lui donnera les indications nécessaires pour qu’il puisse juger de l’efficacité du traitement. Ainsi, une baisse de 30 % du score initial de la douleur représente un premier objectif raisonnable et cliniquement appréciable, quels que soient la maladie, l’âge, le sexe et le score de la douleur initiale7. En balisant les attentes du patient, on lui épargne des déceptions, ce qui, souvent, l’aidera beaucoup à recouvrer une capacité fonctionnelle acceptable.

En cas d’allodynie localisée, la lidocaïne topique peut se révéler utile en appoint à la prégabaline, à la gabapentine ou aux ATC. Par ailleurs, le patient qui répond partiellement au traitement de première intention peut réussir à calmer encore davantage ses douleurs tout en évitant l’escalade médicamenteuse par diverses techniques, dont la rétroaction biologique (biofeedback), les stratégies d’adaptation et l’exercice. Cela dit, on gravira sans hésiter les échelons thérapeutiques si les douleurs cèdent peu ou ne cèdent pas du tout au traitement de première intention. Les agents de deuxième intention ne sont pas nécessairement plus puissants, mais ils ont l’avantage d’agir différemment, d’où, peut-être, leur efficacité après l’échec des premières tentatives.

Dans les lignes directrices publiées à la suite du forum québécois, les agents de deuxième intention sont la venlafaxine et la duloxétine, inhibiteurs sélectifs du recaptage de la sérotonine et de la noradrénaline, et les cannabinoïdes, à savoir le dronabinol, la nabilone et l’extrait oral de delta-9-tétrahydrocannabinol et de cannabinol. On les recommande avant les inhibiteurs sélectifs du recaptage de la sérotonine, les anticonvulsivants autres que la gabapentine, soit la carbamazépine, le topiramate et la lamotrigine, et les autres antidépresseurs tels que le bupropion, tous classés en troisième intention. Finalement, on se tournera en quatrième intention vers la méthadone, la kétamine et le baclofène. Si la pharmacothérapie reste sans effet, ce qui est relativement rare, une neurostimulation invasive pourra être envisagée.

Si son patient ressent des douleurs intenses, le clinicien devra introduire rapidement le tramadol et les opioïdes comme agents de première ligne pendant l’ajustement posologique d’un autre médicament de première intention. De plus, ces analgésiques doivent également être maintenus lors des essais thérapeutiques de deuxième, de troisième et de quatrième intention.

Ces recommandations diffèrent de celles de la Société canadienne de la douleur (SCD), plus favorables aux ATC et aux anticonvulsivants en première intention8. Bien que ces dernières soient étayées, comme il se doit, par des études en bonne et due forme, leurs auteurs ont peut-être manqué de sens pratique en ne tenant pas compte du rapport efficacité-tolérabilité. Les ATC ont effectivement démontré leur efficacité contre les douleurs neuropathiques lors d’essais comparatifs. Cependant, en raison de leurs multiples effets indésirables, ils ne sont pas aussi faciles à administrer que la prégabaline ou la gabapentine. Cette considération les rend par conséquent moins attrayants comme agents de première ligne, sauf chez le patient en dépression, que cet état découle ou non de ses douleurs.

Une fois les douleurs neuropathiques maîtrisées, le patient peut être revu tous les trois à six mois, selon l’intensité des symptômes résiduels. Lors de chaque visite, on doit attribuer un score aux douleurs à l’aide d’une méthode standardisée. Il importe, par ailleurs, d’évaluer l’intensité de la douleur dans divers contextes, par exemple au travail, pendant la nuit, le jour, etc. Le patient peut espérer vaquer à ses occupations le plus normalement possible, mais on se gardera de lui promettre la disparition complète de ses douleurs. Car même si certains patients seront un jour délivrés de leurs douleurs et de leur traitement antalgique, donc parvenus à ce qu’on pourrait appeler une guérison, la grande majorité des patients continueront de ressentir des symptômes plus ou moins intenses. Il est rare, toutefois, que les douleurs frappent de nouveau avec la même intensité qu’avant le traitement. Le médecin doit s’employer à procurer une analgésie adéquate, mais il accomplit une tâche peut-être tout aussi importante en aidant son patient à composer avec la douleur.

Résumé

Il existe une vaste gamme de traitements pour la prise en charge des douleurs neuropathiques. On a donc tenté de rationaliser la démarche thérapeutique par la publication de nombreuses lignes directrices. Bien que, dans de nombreux cas, leurs auteurs avalisent des emplois hors indications, des arguments solides témoignant d’un rapport efficacité-innocuité favorable militent en faveur de la prégabaline comme premier choix chez la majorité des patients; c’est d’ailleurs le seul agent homologué dans la douleur neuropathique centrale et périphérique. Comparativement à la gabapentine, la prégabaline est plus efficace à des doses moindres. Elle a également réussi à soulager des patients chez lesquels la gabapentine ne s’était pas montrée assez efficace. Si ces premières tentatives n’apaisent pas suffisamment les douleurs, le clinicien devra passer aux agents de deuxième, de troisième, voire de quatrième intention. Bien qu’aucun des traitements actuellement offerts ne soit curatif, une forte proportion de patients pourront reprendre plusieurs de leurs activités moyennant un régime de traitement approprié.

Références :

1. International Association for the Study of Pain. Website for definitions: www.iasp-pain.org/AM/Template.cfm?Section=Pain_Definitions&Template=/CM/HTMLDisplay.cfm&ContentID=1728. Accessed August 14, 2008.

2. Boulanger A, Arsenault P, Béland A et al. Algorithme de traitement de douleur neuropathique : recommandations d’un forum Québécois sur la douleur neuropathique. Les Cahiers de MedActuel. L’actualité médicale 2008;8(12):25-30.

3. Lesser H. Sharma U, LaMoureaux L, Poole RM. Pregabalin relieves symptoms of painful diabetic neuropathy: a randomized, controlled trial. Neurology 2004;63:2104-10.

4. Backonja M, Beydoun A, Edwards KR et al. Gabapentin for the symptomatic treatment of painful neuropathy in patients with diabetes mellitus: a randomized, controlled trial. JAMA 1998;280:1831-36.

5. Tarride J-E, Gordon A, Vera-Llonch M et al. Cost-effectiveness of pregabalin for the management of neuropathic pain associated with diabetic peripheral neuropathy and postherpetic neuralgia: a Canadian perspective. Clin Ther 2006;28:1922-34.

6. Stacey BR, Dworkin RH, Murphy K et al. Pregabalin in the treatment of refractory neuropathic pain: Results of 15-month open-label trial. Pain Med 2008; publié en ligne avant impression.

7. Farrar JT, Young JP, La Moreaux L, et al. Clinical importance of changes in chronic pain intensity measured on an 11- point numerical pain rating scale. Pain 2001;94:149-58.

8. Moulin DE, Clark AJ, Gilron I, et al. Pharmacological management of chronic neuropathic pain – consensus statement and guidelines from the Canadian Pain Society. Pain Res Manage 2007;12:13-21.

Commentaires

Nous vous serions reconnaissants de prendre 30 secondes pour nous aider à mieux comprendre vos besoins de formation.