Comptes rendus

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Réduction du risque cardiovasculaire – Retombées cliniques de JUPITER

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

NOUVELLES FRONTIÈRES - Les 81es Séances scientifiques de l’American Heart Association

La Nouvelle-Orléans, Louisiane / 9-12 novembre 2008

Chez des patients sélectionnés principalement pour leur taux élevé de protéine C-réactive ultrasensible (hsCRP), le traitement hypolipidémiant intensif a donné lieu à l’une des baisses les plus marquées du risque d’événement cardiovasculaire (CV) jamais vues dans un essai de prévention primaire. Dans le cadre de cet essai intitulé JUPITER (Justification of the Use of Statins in Prevention: an Intervention Trial Evaluating Rosuvastatin), des patients d’un certain âge qui ne présentaient pas d’hyperlipidémie et n’avaient aucun antécédent de maladie CV, mais qui avaient un taux élevé d’hsCRP ont reçu aléatoirement 20 mg de rosuvastatine ou un placebo. Chez les sujets sous rosuvastatine, on a enregistré une diminution de 44 % (taux de risque [HR, pour hazard ratio] de 0,56; IC à 95 % : 0,46-0,69; p<0,00001) du risque de survenue du paramètre mixte principal (Figure 1) et une diminution de 20 % (HR de 0,80; IC à 95 % : 0,67-0,97; p=0,02) de la mortalité toutes causes confondues. Les bénéfices étaient remarquablement constants d’un sous-groupe à l’autre.

«Chez des personnes apparemment en bonne santé qui ne présentaient pas d’hyperlipidémie, mais dont le taux d’hsCRP était élevé, la rosuvastatine a réduit significativement le risque d’événement CV majeur», confirme l’investigateur principal, le Dr Paul M. Ridker, Brigham and Women’s Hospital, Harvard Medical School, Boston, Massachusetts. «Le traitement a été bien toléré. Les myopathies, les atteintes hépatiques et les cancers n’ont pas été plus fréquents sous rosuvastatine bien que la moitié des patients aient eu un taux de cholestérol inférieur à 55 mg/dL [1,4 mmol/L].»

Cette étude montre avec éloquence qu’un taux élevé d’hsCRP est un critère viable pour la sélection des individus qui pourraient bénéficier d’un traitement hypolipidémiant intensif. Les principaux critères d’admissibilité à cette étude de prévention primaire, dont l’effectif se composait d’hommes de plus de 50 ans et de femmes de plus de 60 ans, étaient un taux initial d’hsCRP >2,0 mg/L et un taux initial de C-LDL <3,4 mmol/L (<130 mg/dL). Au nombre des critères d’exclusion figuraient non seulement des antécédents de maladie CV, mais aussi la présence d’un diabète. Les patients pouvaient avoir des antécédents d’hypertension si leur tension artérielle était <190/100 mmHg au début de l’étude, mais nombreux étaient ceux qui ne présentaient aucun facteur de risque à part leur âge.

Parmi les 17 802 patients de 26 pays, dont le Canada, suivis dans 1315 centres, la moitié a reçu aléatoirement 20 mg de rosuvastatine une fois par jour et l’autre moitié, un placebo. Alors que le protocole prévoyait une durée totale de cinq ans, le comité indépendant de surveillance des essais a mis fin à l’étude après seulement 1,9 an en raison de la supériorité indéniable de la rosuvastatine. Non seulement le traitement par la rosuvastatine a-t-il permis une diminution hautement significative du risque de survenue du paramètre mixte principal (infarctus du myocarde [IM], AVC, intervention de revascularisation artérielle, hospitalisation pour cause d’angine instable ou mortalité d’autres causes CV), mais il a aussi été associé à d’importantes réductions du risque de survenue de chacune des composantes individuelles. Ainsi, le risque d’IM non mortel a baissé de 65 % (p<0,00001), le risque d’IM tous types confondus, de 54 % (p=0,0002), le risque d’AVC, de 48 % (p=0,002) et le risque d’intervention de revascularisation, de 46 % (p<0,0001).

Figure 1. Paramètre principal de l’essai JUPITER : IM, AVC, angine instable/intervention de revascularisation, décès d’origine CV


Ces bénéfices marqués n’ont pas eu pour corollaire de problème important sur le plan de l’innocuité. La dose plutôt modeste de rosuvastatine, bien que très efficace pour abaisser le taux de LDL, a été à la fois bien tolérée et sûre. Le pourcentage total de patients ayant subi un effet indésirable grave était légèrement plus faible dans le groupe rosuvastatine (15,2 vs 15,5; p=0,6). On n’a pas observé d’écarts significatifs entre les deux groupes quant aux myopathies ni quant à la faiblesse, aux raideurs ou aux douleurs musculaires. Le taux de cancers nouvellement diagnostiqués était presque identique (3,4 % vs 3,5 %; p=0,51 pour la rosuvastatine vs le placebo), et le taux de mortalité par cancer était significativement plus faible dans le groupe rosuvastatine (0,4 % vs 0,75; p=0,02), quoique ce dernier résultat soit probablement une anomalie statistique.

«Nous avons énormément de données sur l’innocuité des statines, et nous savons sans l’ombre d’un doute que ces médicaments sont aussi sûrs – probablement plus sûrs en fait – que l’AAS», souligne le Dr Jacques Genest fils, directeur de la cardiologie, Université McGill, CUSM-Hôpital Royal Victoria, Montréal, Québec, et l’un des auteurs principaux de l’étude JUPITER. Les résultats particulièrement rassurants de cette étude viennent s’ajouter aux très nombreuses données sur l’innocuité des statines actuelles et de faibles taux de C-LDL.

Lors de l’essai JUPITER, une dose de seulement 20 mg d’ingrédient actif a suffi à produire une diminution médiane de 50 % du taux de C-LDL et de 37 % du taux d’hsCRP. C’est en partie en raison de son effet substantiel sur les taux de C-LDL et d’hsCRP que la rosuvastatine a été choisie pour cet essai. Bien que cette étude ait été conçue pour vérifier la pertinence d’un taux élevé d’hsCRP comme marqueur de l’effet bénéfique éventuel du traitement par une statine en l’absence de dyslipidémie, il se pourrait que ses effets anti-inflammatoire et hypolipidémiant aient tous deux contribué aux bénéfices observés. Vu son effectif imposant, l’étude JUPITER a permis de déceler des effets indésirables même assez rares. Bien que 25 % des sujets randomisés dans le groupe rosuvastatine aient atteint un taux de C-LDL <1,1 mmol/L (<44 mg/dL), le traitement actif a été bien toléré. Le seul écart significatif entre la rosuvastatine et un placebo a été une légère augmentation du taux d’HbA<sub>1C</sub> (5,9 vs 5,8; p=0,001) et du nombre de nouveaux cas de diabète signalés par les médecins (3,0 vs 2,4; p=0,01), deux phénomènes qui sont également ressortis de la plupart des essais sur les statines.

Près de 40 % des sujets de l’essai JUPITER étaient des femmes. La comparaison des résultats en fonction du sexe a révélé que la réduction relative du risque était légèrement plus marquée chez les femmes, quoiqu’il n’y ait pas eu d’écart sur le plan statistique. De même, la supériorité de la rosuvastatine sur le placebo ne différait pas en fonction de l’âge (âge supérieur ou inférieur à 65 ans), de l’hypertension (présence ou absence) ni de la région (Amérique du Nord vs ailleurs). Enfin, on n’a pas non plus observé d’écart entre les non-Caucasiens, qui représentaient près de 30 % des sujets de JUPITER, et les Caucasiens.

«Il y a fort à parier que les recommandations vont maintenant changer, estime le Dr Genest. En tant que société, nous devons déterminer le niveau de risque que nous sommes prêts à tolérer et le coût que nous sommes prêts à payer pour la prévention.» Cela dit, enchaîne-t-il, le dosage de l’hsCRP est un outil utile pour la stratification du risque que l’on devra intégrer à la pratique clinique.

Résumé

Chez des hommes de plus de 50 ans et des femmes de plus de 60 ans apparemment en bonne santé, un taux élevé d’hsCRP permet de cerner les personnes chez qui un traitement hypolipidémiant intensif par la rosuvastatine se traduira par une diminution marquée du risque CV. Administrée à raison d’une dose plutôt modeste de 20 mg, la rosuvastatine a abaissé le taux médian de C-LDL de 50 %, celui-ci ayant atteint 1,4 mmol/L. L’innocuité du traitement et de taux de C-LDL aussi faibles a été démontrée. En particulier, on n’a pas noté d’écart entre la rosuvastatine et le placebo aux chapitres des symptômes musculaires et d’autres effets indésirables auxquels étaient associés les agents de première génération administrés à forte dose. Compte tenu des bénéfices marqués associés à un traitement hypolipidémiant de cette intensité, on s’attend à la mise à jour des recommandations thérapeutiques.

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