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Choix d’antirétroviraux : de plus en plus de données sur les mutations de résistance

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

Congrès Synergie et Résistances

Aix-en-Provence, France / 26-27 octobre 2006

Chez tous les patients, l’objectif du traitement antirétroviral (ARV) – que ce soit le premier ou le cinquième prescrit – est de réduire la charge virale sous le seuil de 50 copies de l’ARN du VIH/mL. Ce degré de suppression est associé à un faible risque d’apparition de mutations de résistance qui entraînent l’échec du traitement. Si une charge virale <400 copies/mL était jadis considérée comme acceptable, de nouvelles données semblent indiquer qu’il y aurait un risque d’apparition de mutations de résistance découlant d’une réplication continue du VIH dès l’atteinte d’un seuil de 100 copies/mL. Par crainte de la résistance, on applique maintenant une démarche plus énergique lorsque l’efficacité d’un schéma est en perte de vitesse. En fait, on suggère même d’envisager un changement d’ARV dès les premiers mois de traitement si la charge virale ne baisse pas assez rapidement.

Prédictions à six mois

De l’avis de la Dre Isabelle Pellegrin, Laboratoire de virologie, Centre hospitalier universitaire, Bordeaux, France, qui citait une étude de Smith et al. (J Acquir Immune Defic Syndr 2004; 1155-9), «la réponse au terme du premier mois de traitement est corrélée très étroitement avec la probabilité d’atteinte d’une charge virale inférieure à 50 copies/mL après six mois». Elle fait remarquer que 84 % des patients ont une charge virale <50 copies/mL après six mois si le nouveau schéma a permis de l’abaisser sous le seuil de 1000 copies/mL après un mois, mais la proportion chute à 61 % si, après un mois de traitement, la charge virale se situe entre 1000 et 10 000 copies/mL, à 37 % si elle se situe entre 10 000 et 100 000 copies/mL, et à 24 % si elle excède 100 000 copies/mL.

Les mutations de résistance associées à la plupart des ARV sont aujourd’hui bien connues, mais on essaie maintenant de voir en quoi ces mutations influent sur les autres agents inclus dans les schémas actuels ou futurs, y compris le risque de résistance croisée, afin de mieux comprendre les échecs thérapeutiques. Par exemple, l’abacavir (ABC) et le ténofovir (TDF) comptent parmi les inhibiteurs nucléosidiques de la transcriptase inverse (INTI) les plus puissants, mais leurs profils de résistance sont très différents. Dans le cas de l’ABC, les mutations associées aux analogues de la thymidine (TAM, pour thymidine analog mutations) contribuent largement à conférer la résistance, tandis que K65R est la principale mutation associée au TDF. L’antagonisme qu’il semble y avoir entre ces mutations au niveau du génome a d’importantes retombées sur le choix des ARV. La majeure partie des données sur la résistance croisée entre les divers INTI provient d’une série d’études qui visaient à évaluer des INTI que l’on ne jugeait pas assez efficaces chez la plupart des patients.

Dans l’une des études sur un schéma d’INTI qui regroupait l’ABC, le TDF et la lamivudine et qui a été citée par le Dr Réjean Thomas, président, Clinique l’Actuel, Montréal, Québec (Delaunay et al. J Virol 2005;79:9572-8), la mutation de résistance qui apparaissait le plus rapidement était K65R. Après quatre semaines, la mutation K65R était présente dans 10 % des isolats et, après 12 semaines, dans 65 % des isolats. Bien que cette mutation soit imputable au TDF, elle confère une résistance croisée aux autres INTI. Inversement, les TAM découlant de l’ABC ne sont pas associées uniquement à une faible résistance au TDF. L’antagonisme génomique qui existe entre les TAM et K65R réduit le risque d’apparition de cette dernière mutation. Lors d’une autre étude citée par le Dr Thomas, les chercheurs ont découvert que la mutation K65R apparaissait rapidement et qu’elle était présente chez plus de la moitié des patients lorsque aucune TAM n’était présente. Chez les patients infectés par le VIH qui étaient déjà porteurs d’une TAM, seulement 4 % étaient porteurs de la mutation K65R. Un antagonisme similaire a été rapporté par Parikh et al. (J Infect Dis 2006;194:651-60) dans une base de données regroupant 59 262 génotypes de patients. Dans cette base de données, les TAM et la mutation K65R ont été relevées simultanément dans moins de 1 % des isolats.

Le risque relatif d’apparition de la mutation K65R varie selon le type de VIH

De récentes données semblent toutefois indiquer que le risque relatif d’apparition de certaines mutations, dont K65R, diffère selon le type de VIH. Au dire du Dr Thomas, la mutation K65R est sensiblement moins courante dans les infections de type B que dans celles de type C. Dans certaines régions d’Afrique, comme le Botswana, où une vaste proportion de patients souffre d’une infection de type C, le TDF est probablement désavantagé de façon substantielle. Dans sa propre clinique, le Dr Thomas précise que le TDF est rarement utilisé en première intention parce que les médecins craignent la résistance croisée à d’autres INTI, dont l’ABC, le 3TC, la didanosine, l’emtricitabine et la stavudine.

Les différences interindividuelles sur le plan pharmacocinétique sont controversées depuis longtemps, surtout en raison d’un risque de faible concentration du médicament permettant une réplication virale suffisante pour favoriser l’émergence de souches résistantes. Certains experts prônent une surveillance des concentrations thérapeutiques (SCT) systématique afin de s’assurer que l’exposition au médicament demeure supérieure à la concentration minimum (Cmin) établie pour ce médicament. Il s’agit là d’une méthode intéressante pour s’assurer de l’efficacité du traitement, surtout dans les sous-groupes à risque élevé comme les patients ayant une charge virale élevée ou dont la réponse au traitement est lente. Cependant, il serait peut-être important d’envisager la SCT dans le contexte des compartiments de l’organisme. Cette question est importante dans les cas où la patiente est enceinte, où l’infection à VIH se manifeste par des symptômes au niveau du système nerveux central (SNC) comme un trouble cognitif ou encore, dans les cas où la concentration de virions dans le sperme constitue un risque élevé en cas de relation sexuelle non protégée. Bien qu’il n’ait jamais été prouvé que les patients présentant ces symptômes auraient de meilleurs résultats s’ils prenaient des médicaments ayant un taux assez élevé de pénétration dans ces compartiments, c’est une prémisse logique.

«Lorsqu’on calcule le ratio SNC:plasma, le degré d’exposition varie considérablement. Parmi les inhibiteurs de la protéase, l’indinavir est celui qui offre l’un des meilleurs ratios et, parmi les INTI, la lamivudine se caractérise par une pénétration particulièrement élevée», souligne le Dr Gianni di Perri, Université de Turin, Italie. Il reconnaît qu’il est difficile de mesurer régulièrement les concentrations sanguines dans des compartiments comme le SNC, les organes génitaux de l’homme et de la femme, le placenta et les seins, mais la question mérite d’être approfondie. Il fait remarquer, par exemple, que la concentration du lopinavir/ritonavir chute suffisamment pendant le troisième trimestre de la grossesse pour nécessiter des ajustements posologiques.

Profils de résistance discordants selon le compartiment

Il y a aussi des cas où le VIH isolé dans le sperme affiche un profil de résistance différent de celui du VIH isolé dans le plasma, rapporte-t-il. Le Dr Jade Ghosn, Laboratoire de virologie, Centre hospitalier universitaire de Bicêtre et Hôpital Necker, Kremlin-Bicêtre, France, a fait des observations similaires.

«Nous avons découvert des profils de résistance discordants dans le SNC et le sang ainsi que dans le sperme et le sang», explique le Dr Ghosn. Bien qu’une faible charge virale dans le sang s’accompagne généralement d’une faible charge virale dans le sperme, il peut y avoir des exceptions importantes, souligne-t-il. Par exemple, la présence de maladies transmissibles sexuellement autres que l’infection à VIH est associée à une réplication plus rapide dans le compartiment génital.

Fait digne de mention, la résistance est relative et n’est pas entièrement prévisible selon la présence ou l’absence de certaines mutations. Le Dr Victor de Grutolla, Harvard University, Boston, Massachusetts, travaille à l’élaboration d’algorithmes pour traduire la résistance génotypique en un facteur prédictif de la résistance phénotypique. Plusieurs méthodes très différentes ont été mises au point, y compris celles de son établissement, mais l’exactitude varie peu même si l’on utilise des variables différentes. À ce jour, il semble que ce soit des données manquantes, comme les particularités du métabolisme d’un médicament chez divers types de patients, qui limitent l’utilisation de ces méthodes.

Le même argument a été invoqué par la Dre Dominique Costagliola, Clinique d’épidémiologie, Université Pierre et Marie Curie, Paris. «Le profil génotypique du VIH n’est que l’un des éléments à considérer lorsqu’on change de traitement. Nous devons constamment réévaluer les règles qui régissent les tests de résistance parce que nous en sommes encore à cerner les variables qui influent sur les résultats», enchaîne-t-elle.

Résumé

Tant chez les patients infectés par le VIH qui ont déjà été traités que chez ceux qui en sont à leur premier traitement, l’objectif du traitement est une charge virale <50 copies de l’ARN du VIH/mL. Bien que les tests de résistance soient en train de devenir la norme, la présence de mutations de résistance n’est pas une base solide pour le choix d’un ARV en l’absence d’autres considérations. Certes, des progrès ont été accomplis, mais les règles qui dictent le choix d’un ARV optimal ne cessent d’évoluer.

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