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Comprendre l’encéphalite japonaise dans le contexte de la médecine des voyages

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - 15e Conférence de l’International Society of Travel Medicine

Barcelone, Espagne / 14-18 mai 2017

Barcelone - Transmise par un moustique, l’encéphalite japonaise est causée par un Flavivirus prédominant en Asie, genre auquel appartiennent aussi les virus de la dengue, de la fièvre jaune, du Nil occidental et Zika1,2. Son incidence est très faible et l’infection est généralement bénigne, mais le taux de létalité peut atteindre 30 %1,3. Elle frappe surtout les enfants, et les adultes vivant en région d’endémie pourraient bénéficier d’une immunité naturelle1. Les risques et les séquelles de l’infection ont été abordés récemment lors d’un symposium de la 15e Conférence de l’International Society of Travel Medicine. En l’absence d’antiviral spécifique, le traitement vise à soulager les symptômes et à stabiliser le patient1. L’infection est évitable par la vaccination, et certaines précautions environnementales peuvent être prises. Les congressistes ont été invités à tenir compte de plusieurs facteurs de risque lorsqu’ils donnent des conseils aux voyageurs.

Rédactrice médicale en chef : Dre Léna Coïc, Montréal, Québec

«L’encéphalite japonaise est une infection rare chez les voyageurs, mais elle est associée à un taux de mortalité élevé; c’est l’une des plus graves, et elle laisse des séquelles chez une forte proportion de patients», affirmait le Dr Robert Steffen (Epidemiology, Biostatistics and Prevention Institute, WHO Collaborating Centre for Travelers’ Health, Université de Zurich, Zurich, Suisse) dans son allocution d’ouverture durant les séances scientifiques accréditées.

Contexte, épidémiologie et manifestations cliniques

Les moustiques du genre Culex, principalement Culex tritaeniorhynchus, constituent le vecteur principal de l’encéphalite japonaise et sont connus pour piquer après la tombée du jour. Le risque d’infection est plus élevé dans les régions rurales, les régions où il pleut abondamment et les rizières, explique le Dr Pornthep Chanthavanich (département de pédiatrie tropicale, faculté de médecine tropicale, Université Mahidol, Thaïlande). Le virus est maintenu dans un cycle de transmission entre les moustiques et les hôtes vertébrés, surtout les porcs et les échassiers; l’humain étant le dernier de la chaîne des hôtes, il est incapable de transmettre l’infection4.

Selon les données actuelles, on aurait recensé environ 60 000 cas dans 24 pays asiatiques d’endémie et certaines parties d’Australie. Son incidence globale s’élève à 1,8 pour 100 000», poursuit le Dr Chanthavanich.

Le Dr Tomas Jelinek (Centre berlinois de médecine des voyages et tropicale, Berlin, Allemagne, et Institut de microbiologie médicale, d’immunologie et d’hygiène, Université de Cologne, Allemagne) s’est penché sur la probabilité d’infection chez les voyageurs. «Comment évaluer le risque quand on tente de guider un voyageur? De toute évidence, et nous en sommes certains, le risque est faible et la maladie est rare chez les voyageurs. Il est toutefois très difficile d’évaluer l’incidence chez les voyageurs avec exactitude. Selon des données suédoises, elle serait d’environ 1 pour 400 000 voyages; selon d’autres données, elle serait d’environ 1,3 cas pour 7,1 millions de visites parmi les 17 millions de voyageurs en Europe.»

L’encéphalite japonaise se manifeste cliniquement chez moins de 1 % des personnes infectées4. La période d’incubation varie entre 5 et 15 jours, précise le Dr Chanthavanich, et l’évolution de la maladie se subdivise en3 phases principales. La phase prodromique se caractérise par de la fièvre, des céphalées et des vomissements. La deuxième phase – l’encéphalite aiguë – se caractérise par une atteinte neurologique, des convulsions et un coma. Dans les cas légers ou modérés, ces symptômes peuvent s’atténuer après 1 à 2 semaines, mais il peut y avoir des complications dans les cas sévères. La dernière phase – la convalescence – s’amorce de 4 à 7 semaines après l’apparition des symptômes6.

La plupart des cas d’encéphalite japonaise sont bénins (fièvre et céphalées) ou n’ont aucun symptôme apparent, mais la maladie est cliniquement sévère dans environ 1 cas sur 2501.

Chez les adultes, il existe une différence notable d’incidence entre la population adulte indigène et non indigène. Une étude menée chez des marines des États-Unis postés en Thaïlande dans les années 1970 a révélé que les cas symptomatiques étaient plus nombreux qu’au sein de la population locale5.

«Les cas de sombre pronostic se caractérisent habituellement par une phase prodromique de courte durée, un coma à l’admission de même que par un tableau clinique pouvant comporter des convulsions non maîtrisées, une atteinte respiratoire, une fièvre prolongée, une atteinte focale et la présence de signes extrapyramidaux ou de réflexes pathologiques», conclut le Dr Chanthavanich.

Répercussions chez le patient

Ava Easton, PhD, administratrice générale, The Encephalitis Society, a discuté des séquelles de la maladie chez le patient et sa famille. Elle a cité en exemple 3 patients ayant contracté l’infection durant leur voyage en Asie. L’issue clinique peut varier entre un bon rétablissement et une incapacité légère, modérée ou sévère, comme un état végétatif ou la mort, explique-t-elle. Ava Easton a parlé d’un jeune patient qui s’était bien rétabli, mais qui – 3 ans après avoir contracté l’infection – souffrait encore de problèmes cognitifs légers, notamment des troubles de mémoire, et de fatigue. Un autre jeune patient (31 ans) ayant contracté l’infection en Chine quelques années plus tôt pendant qu’il y travaillait à titre de conservationniste chercheur a maintenant le haut du corps paralysé et est toujours hospitalisé à l’unité des soins pour patients hautement dépendants.

Elle a rappelé aux cliniciens que même si le voyageur se dirige vers une destination où l’incidence est faible, il peut s’éloigner de l’itinéraire tracé. Ces patients et leur famille avaient été renseignés sur la probabilité de la maladie, mais pas sur la sévérité ni sur les séquelles, précise Mme Easton.

Comprendre le risque

Plusieurs facteurs peuvent influer sur le risque d’infection, affirme le Dr Bradley Connor (Weill Cornell Medical College et The New York Center for Travel and Tropical Medicine), un âge avancé par exemple. «Le risque de maladie neuro-invasive est 5 à 10 fois plus élevé chez les 50 ans ou plus.»Un jeune âge est aussi un facteur de risque de maladie symptomatique et est associé à une fréquence élevée de séquelles neurologiques. Figurent au nombre des autres facteurs un déficit immunitaire (associé à un risque accru d’infection par un virus du genre Flavivirus) et la grossesse.

Le Dr Connor se demande si les recommandations actuelles sont suffisantes pour éclairer le clinicien. L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) conseille à tous les voyageurs se dirigeant vers une zone d’endémie de prendre des précautions pour éviter les piqûres de moustique et réduire le risque d’encéphalite japonaise à l’aide de répulsifs, de vêtements ainsi que de spirales et de vaporisateurs anti-moustiques1. Les voyageurs qui restent longtemps dans une zone d’endémie ont tout intérêt à se faire vacciner1. Le marché compte actuellement 4 grands types de vaccins contre l’encéphalite japonaise, notamment le vaccin inactivé préparé sur tissu cérébral murin, le vaccin inactivé préparé sur cellules Vero, le vaccin vivant atténué et le vaccin vivant recombinant1. Les US Centers for Disease Control recommandent le vaccin inactivé préparé sur cellules Vero contre l’encéphalite japonaise (marque : IXIARO; fabricant : Valneva) aux voyageurs qui prévoient passer au moins 1 mois dans une zone d’endémie pendant la saison de transmission du virus. Le vaccin devrait aussi être envisagé pour des séjours de moins de 1 mois chez les voyageurs qui sortiront des zones urbaines ou dont les activités augmentent le risque d’exposition au virus.

Le Dr Jelinek a expliqué s’être penché sur l’évaluation du risque chez les voyageurs, car quelques cas d’encéphalite japonaise ne respectaient pas ces critères. À preuve, certains patients avaient contracté l’infection dans un complexe hôtelier en bordure de mer ou pendant leurs 2 semaines de vacances.

«On a aussi recensé des cas en dehors de la saison usuelle de transmission du virus, dans des endroits, telles des zones urbaines, jadis considérés comme sans risque, enchaîne le Dr Bradley Connor. Que nous apprennent ces cas observés chez des voyageurs occidentaux? Que l’encéphalite japonaise frappe différents types de voyageurs, qu’il est difficile de les définir avec précision, et que les exceptions sont monnaie courante.»

Saisonnalité

L’OMS affirme que la transmission de l’encéphalite japonaise s’intensifie durant la saison des pluies, lorsque les populations de vecteurs augmentent1. Le Dr Jelinek a toutefois des doutes quant à l’existence d’une réelle corrélation entre la saison des pluies et le taux d’infection. Faisant référence à une étude de 2009 sur 11 cas d’encéphalite japonaise chez des voyageurs en Thaïlande, il a noté que la maladie ne semblait pas liée aux saisons où le risque est élevé ni à la durée du séjour7. «La plupart des cas n’étaient pas corrélés avec les pluies, poursuit le Dr Jelinek. De toute évidence, aucune tendance claire ne se dégage des comportements et des destinations, si bien qu’il est difficile d’évaluer le risque d’avance. Les épidémies d’encéphalite japonaise sont totalement imprévisibles et peuvent se produire tant pendant la saison des pluies que pendant la saison sèche.»

Conseils aux patients

On recommande des méthodes de protection personnelle, affirme le Dr Connor. Le moustique Culex pique le plus souvent à la tombée du jour, durant la nuit et tôt le matin. Les filets moustiquaires et les méthodes de barrière n’offrent qu’une protection partielle, dit-il. «Chez l’humain, il n’y a pas de meilleure protection que la vaccination.»

Lorsqu’on prodigue des conseils aux voyageurs, il faut tenir compte du lieu, de la durée du voyage, des activités et de la saison. L’attitude du voyageur face au risque est aussi importante. «Nous devons soupeser à la fois la probabilité de contracter la maladie et la sévérité de la maladie. Or, cette maladie expose les voyageurs à un risque potentiel et peut avoir des conséquences dévastatrices.» En conclusion, il importe de discuter de l’encéphalite japonaise et des moyens à notre portée pour réduire le risque chez les personnes qui visitent des pays asiatiques d’endémie. 

 

Références :

1. OMS. Aide-mémoire sur l’encéphalite japonaise. 2015 Adresse : http://www.who.int/mediacentre/factsheets/fs386/fr/ 2. Centers for Disease Control and Prevention. Zika. 2016. Adresse : https://www.cdc.gov/zika/hc-providers/preparing-for-zika/clinicalevaluationdisease.html 3. OMS. Immunization, Vaccines and Biologicals: Japanese encephalitis. http://www.who.int/immunization/diseases/japanese_encephalitis/en/ 4. Centers for Disease Control and Prevention. Japanese encephalitis. 2015. Adresse : https://www.cdc.gov/japaneseencephalitis/index.html 5. Benenson MW, Franklin HT Jr, Gresso W et al. The virulence to man of Japanese encephalitis virus in Thailand. Am J Trop Med Hyg 1975; 24: 974-980. 6. Kumar R. Prevention, diagnosis and management of Japanese encephalitis in children. Pediatric Health Med Ther 2014; 5: 99-110. 7. Bhul MR, Lindquist L. Japanese encephalitis in travelers: review of cases and seasonal risk. J Travel Med 2009; 16: 217-219.

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