Comptes rendus

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Une nouvelle ère dans la maîtrise du mélanome, même en présence de métastases cérébrales

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

FRONTIERES MEDICALES - 53e Assemblée annuelle de l’American Society of Clinical Oncology (ASCO)

Chicago, Illinois / 2-6 juin 2017

Chicago - De plus en plus de patients atteints d’un mélanome métastatique (MM) avancé survivent longtemps, surtout grâce à 2 approches : 1) l’association de traitements ciblant les voies BRAF et MEK et 2) l’immunothérapie. Des données sur la survie à très long terme de patients ayant reçu l’une ou l’autre en confirment l’efficacité, même en présence de métastases cérébrales. Si l’association d’inhibiteurs de BRAF et de MEK est bénéfique en présence d’une mutation V600 du gène BRAF, l’analyse du statut mutationnel de BRAF n’a aucune importance dans le choix de l’immunothérapie. L’association de vaccins pourrait jouer un rôle chez certains patients.

 

L’avènement de puissants inhibiteurs de BRAF (p. ex. dabrafénib et vémurafénib) et d’inhibiteurs de point de contrôle immunitaire (IPC) (p. ex. ipilimumab, nivolumab et pembrolizumab) a transformé le traitement du MM. Ces agents exercent une activité sans précédent et augmentent la survie globale (SG) par rapport à la chimiothérapie. Leur association est encore plus active. Dans le MM avec mutation V600 du gène BRAF, il faut ajouter un inhibiteur de MEK (p. ex. tramétinib) pour prévenir la résistance découlant de la monothérapie par un inhibiteur de BRAF. Dans l’immunothérapie, certaines situations, p. ex. la présence de métastases cérébrales, pourraient justifier la toxicité additionnelle de l’association d’IPC.

Données à long terme dans le mélanome avancé

Selon un essai randomisé sur l’association dabrafénib (inhibiteur de BRAF) + tramétinib (inhibiteur de MEK) – le plus long suivi à ce jour –, la survie des patients atteints d’un MM avec mutation V600 de BRAF se mesure en années. D’après l’analyse à 5 ans de 162 patients porteurs d’un mélanome non résécable ou métastatique avec mutation V600 de BRAF, le taux de SG à 5 ans de ceux qui recevaient l’association aux doses les plus fortes a atteint 28 %. 

Les sujets recevaient : 1) 150 mg de dabrafénib 2 fois/jour (D150BID) en monothérapie; 2) D150BID + 1 mg de tramétinib (T) 1 fois/jour (QD); ou 3) D150BID + 2 mg T QD. La plupart des patients sous monothérapie sont passés à l’un des groupes D/T, dont les données ont été groupées pour l’analyse de la SG à 5 ans.

La SG des patients sous D/T à 5 ans est impressionnante pour une maladie métastatique, et il faut dire que l’association d’inhibiteurs de BRAF et de MEK a donné lieu à un aplatissement de la queue de la courbe de SG au fil du temps. Cet aplatissement a été particulièrement prononcé chez les patients qui, à leur admission, avaient un faible fardeau de la maladie (taux initial de LDH normal et métastases touchant <3 organes). Dans le groupe D150BID + 2 mg T, le taux de survie à 4 ans avait atteint 57 % et n’avait baissé qu’à 51 % à 5 ans; la diminution a été plus lente que dans le groupe D150BID en monothérapie (Figure 1).

En l’absence de nouveaux signes d’alerte au cours du suivi prolongé, ces données reconfirment les premiers résultats présentés par la Dre Georgina Long, University of Sydney, Sydney, Australie, au congrès 2015 de la SMR. Selon son analyse rétrospective des variables initiales (taux de LDH et nombre d’organes touchés), les résultats étaient nettement meilleurs en présence d’un faible fardeau de la maladie. L’analyse a révélé qu’un taux normal de LDH et un nombre d’organes touchés <3 étaient associés à un taux de survie de 70 %. En présence d’un taux de LDH ≥ la limite supérieure de la normale (LSN), la SG n’était que de 7 %.

Dans le mélanome avancé, la présence d’une mutation de BRAF demeure déterminante pour les options du patient. Ces résultats confirment que la survie à long terme est possible grâce à cette association et qu’on doit l’envisager sérieusement en présence d’un mélanome avancé avec mutation de BRAF, même si le fardeau de la maladie est faible.

«Ces données étayent le recours au schéma dabrafénib + tramétinib pour l’obtention d’une longue survie en présence d’un mélanome avec mutation V600/K de BRAF», souligne le Dr Jeffery Weber, NYU Langone Medical Center, New York, NY.

Combi-MB : Métastases cérébrales du mélanome

Le bénéfice résultant de l’association inhibiteur de BRAF + inhibiteur de MEK semble aussi s’appliquer aux patients présentant des métastases cérébrales. Lors d’un essai de phase II multicentrique ouvert (COMBI-MB), l’association dabrafénib + tramétinib a été évaluée chez des patients présentant un mélanome avec mutation de BRAF et des métastases cérébrales. Après un suivi médian de 9 mois, le taux de réponse globale s’élevait à 58 % et la durée médiane de la réponse, à 6,5 mois. La réponse, plus brève qu’en l’absence de métastases cérébrales, est encourageante.

«Ces résultats étayent le recours à l’association dabrafénib + tramétinib en présence d’un mélanome avec métastases cérébrales», souligne le Dr Michael Davis, The University of Texas MD Anderson Cancer Center, Houston, Texas.

Dans l’essai COMBI-MB, 125 patients répartis en 4 cohortes ont reçu 150 mg de dabrafénib 2 fois/jour + 2 mg de tramétinib 1 fois/jour : (A) BRAFV600E : mélanome asymptomatique avec métastases cérébrales sans traitement préalable (n=76); (B) BRAFV600E : mélanome asymptomatique avec traitement local antérieur (n=16); (C) BRAFV600D/K/R : mélanome asymptomatique avec ou sans traitement local antérieur (n=16); et (D) BRAFV600D/E/K/R : mélanome symptomatique avec ou sans traitement local antérieur (n=17).

La survie sans progression (SSP) médiane a atteint 5,6 mois et la SG préliminaire, 10,8 mois. Cette association n’a causé aucun problème d’innocuité inattendu (Tableau 1).

Par le passé, le traitement local des métastases cérébrales (chirurgie, radiochirurgie stéréotaxique ou radiothérapie du cerveau entier) dépendait du tableau clinique. De nouveaux essais montrent qu’environ la moitié des patients présentant des métastases cérébrales répondent aux traitements systémiques, ce qui comble un besoin clinique important. La recherche doit se poursuivre pour que les résultats du traitement d’un mélanome avancé s’améliorent, mais les données récentes étayent le recours aux inhibiteurs ciblés de BRAF et de MEK en présence de métastases cérébrales avec mutation V600 de BRAF.

Options anti-PD1 dans le mélanome

Des associations d’IPC sont à l’étude dans le MM, mais on continue de se pencher sur les monothérapies, généralement mieux tolérées. Le pembrolizumab, IPC PD-L1, a été associé à une efficacité durable après l’arrêt du traitement prévu au protocole chez des patients présentant un mélanome avancé jamais traité par immunothérapie.

Dans l’essai KEYNOTE-006, présenté par le Dr Jacob Schachter, Elia Institute for Research and Treatment of Melanoma, Sheba Medical Center, Israël, 834 patients ont été randomisés de façon à recevoir l’un des traitements suivants : 10 mg/kg de pembrolizumab toutes les 2 semaines, 10 mg/kg de pembrolizumab toutes les 3 semaines, ou 3 mg/kg d’ipilimumab toutes les 3 semaines (4 doses). Le traitement par le pembrolizumab a duré 2 ans. La progression de la maladie, une toxicité intolérable ou la décision du médecin motivaient l’arrêt du traitement.

Après un suivi médian de près de 3 ans, on a confirmé que le pembrolizumab était supérieur à l’ipilimumab, la SG médiane ayant presque doublé (32,3 vs 15,9 mois) et la SSP médiane ayant été plus longue (8,3 mois vs 3,3 mois). Parmi 104 des 556 patients (19 %) traités par le pembrolizumab pendant 2 ans, 91 % ne présentaient encore aucune progression de la maladie après un suivi médian de 9,7 mois. Le profil d’innocuité du pembrolizumab est demeuré favorable.

Associations d’IPC dans le traitement des métastases cérébrales

Selon un essai de phase II sur le mélanome avancé avec métastases cérébrales qui a été mené avec randomisation par l’Anti-PD1 Brain Collaboration, l’ajout du nivolumab (IPC) à l’ipilimumab, inhibiteur du CTLA-4, a donné lieu à une activité accrue. Dans cette étude, 67 porteurs de métastases cérébrales asymptomatiques n’ayant reçu aucun traitement local ont reçu l’association nivolumab + ipilimumab ou le nivolumab seul. Il y avait 3 cohortes, mais la cohorte C, plus petite, regroupait des patients chez qui un traitement local avait échoué et qui présentaient un déficit neurologique ou une maladie leptoméningée.

La comparaison des 2 grandes cohortes a révélé que le taux de réponse intracrânienne s’élevait à 44 % pour l’association vs 20 % pour le nivolumab seul. La SSP à 6 mois (50 % vs 29 %) et la SG à 6 mois (76 % vs 59 %) étaient plus élevées avec l’association.

«L’association étant très active contre les métastases cérébrales, on pourrait l’envisager en 1re intention», affirme la Dre Long. Un essai clinique où l’on prévoit ajouter la radiothérapie au schéma nivolumab + ipililumab est en cours de planification.

Dans l’essai de phase II CheckMate 204, des patients présentant un mélanome et des métastases mesurables, mais aucun symptôme neurologique, ont reçu l’association nivolumab + ipilimumab. Le taux de réponse objective était de 56 % et le taux de réponse complète, de 19 %. Au vu de la tolérabilité acceptable, le Dr Hussein Abdul-Hassan Tawbi, University of Texas MD Anderson Cancer Center, conclut que cette association serait une bonne stratégie pour éviter la radiothérapie du cerveau entier.

Lors d’une étude d’observation rétrospective plus petite, des patients présentant un mélanome avec mutation de BRAF et métastases cérébrales ont reçu le schéma dabrafénib + tramétinib (n=86) ou le schéma ipilimumab + nivolumab (n=61) en 1re intention. Environ le tiers des patients avaient des métastases cérébrales. Parmi ces patients, le taux d’abandon à 3 et à 6 mois s’élevait à 3 % et à 20 % pour les traitements ciblés et à 33 % et 50 % pour l’immunothérapie. Le taux d’abandon plus élevé sous immunothérapie a été attribué à la toxicité. Les résultats sont en cours d’évaluation.

Vaccin + immunothérapie

L’association d’une immunothérapie intralésionnelle par un virus oncolytique et d’une autre immunothérapie – dont les premiers résultats sont prometteurs – pourrait être intéressante. Les virus oncolytiques utilisés seuls ont un rôle à jouer en présence de multiples affections concomitantes et d’un mélanome pouvant être traité principalement par injection ou encore, en présence d’une maladie pouvant être traitée principalement par injection chez les patients préférant un traitement local. L’ajout d’un IPC pourrait rendre le traitement d’un MM plus efficace et élargir son indication dans le MM.

Selon les résultats principaux d’un essai de phase II ouvert avec randomisation sur les mélanomes de grade IIIB-IV non résécables, la bithérapie talimogène laherparepvec (T-VEC) + ipilimumab a plus que doublé les taux de réponse comparativement à l’ipilimumab seul. Le T-VEC est un virus oncolytique modifié à partir d’un virus de l’herpès simplex (HSV)-1, conçu pour se répliquer sélectivement dans une tumeur et produire le GM-CSF afin de stimuler la réponse antitumorale. Chez 198 patients, le taux de réponse s’élevait à 38,8 % après 68 semaines de bithérapie vs 18 % après 58 semaines de monothérapie par l’ipilimumab. Les réponses ne se limitaient pas aux lésions traitées par injection, ce qui dénote un effet abscopal. La toxicité de la bithérapie T-VEC + ipilimumab était tolérable et aucun effet indésirable inattendu n’est apparu.

Conclusion

Dans le mélanome avancé, on ignore toujours la meilleure séquence des traitements ciblés et des immunothérapies. Les thérapies ciblées semblent agir efficacement et rapidement en présence de mutations de BRAF, et leurs effets indésirables – en début de traitement – sont légers et temporaires. Les immunothérapies semblent optimales en association, mais la majorité des patients ne répondent pas encore au cours des 2 premières années, et les effets indésirables peuvent être substantiels.

Les essais cliniques en cours devraient nous éclairer sur la séquence des inhibiteurs de BRAF et de MEK, puis des immunothérapies après la progression d’un mélanome de stade III-IV avec mutation V600 de BRAF, et vice versa. D’autres études visent à cerner, à l’aide de biomarqueurs, les patients les plus susceptibles de répondre à l’immunothérapie et, inversement, les non-répondeurs innés.

Le choix d’un traitement systémique en 1re intention pour un mélanome avec métastases asymptomatiques au niveau du SNC est une nouvelle option clé. Les études actuelles ne montrent aucune toxicité inattendue et, en général, des réponses concordantes dans le cerveau et hors du SNC. Ces premiers résultats modifieront probablement la pratique et paveront la voie à une nouvelle ère dans le traitement du mélanome avec métastases cérébrales.   

Questions et réponses

Voici les réponses du Dr Marcus Butler, unité de recherche clinique sur le cancer, Princess Margaret Cancer Centre, Toronto, Ontario, à nos questions.

Q : Comment interprétez-vous la stabilisation de la courbe de survie dans l’essai de phase II sur le traitement par le dabrafénib et le tramétinib du mélanome métastatique? Est-ce prédictif de la survie à long terme associée au traitement ciblé chez au moins quelques patients?

R : Il semble que la survie à long terme soit possible en présence d’au plus 3 organes touchés et d’un taux de LDH normal. Vu le taux de réponse élevé et la tolérabilité du traitement ciblé, c’est une option raisonnable dans cette population.

Q : L’association dabrafénib + tramétinib a donné lieu à un bénéfice clinique et a été bien tolérée en présence d’un mélanome avec mutation V600 de BRAF et métastases cérébrales. Cette stratégie pourrait-elle jouer un rôle clinique ou est-elle considérée comme expérimentale?

R : Cette stratégie a un rôle à jouer vu le taux de réponse. La présence de métastases cérébrales ne devrait pas être une contre-indication du traitement ciblé. On ignore encore la meilleure façon de combiner tous les outils à notre disposition (chirurgie, radiothérapie stéréotaxique, radiothérapie du cerveau entier et immunothérapie). Nous devrons faire d’autres études afin de déterminer comment optimiser l’association de ces modalités.

Q : L’association nivolumab + ipilimumab a généré une activité importante en présence d’un mélanome avec métastases cérébrales. Chez quels patients envisageriez-vous cette association d’immunothérapies en 1re intention? 

R : C’est une question clé, car ces patients n’ont pas été randomisés et l’impact de l’association n’a pas été testé. Dans la pratique, nous voyons souvent de petites lésions asymptomatiques ou des lésions qui ne sont pas forcément des métastases. En pareil cas, l’association d’immunothérapies est appropriée. Nous devons faire d’autres études pour déterminer la meilleure approche en présence de lésions plus étendues.

Q : En quoi, à votre avis, la complémentarité des thérapies ciblées et des immunothérapies pourrait-elle dépendre des caractéristiques du patient dans le traitement d’un mélanome avancé?

R : Je suis optimiste quant au traitement futur du mélanome. Tout d’abord, il nous faut étudier les associations pour déterminer leur potentiel de synergie. Il sera aussi crucial d’évaluer les biomarqueurs pour cerner les patients qui bénéficient le plus d’une modalité de traitement en particulier. Nous avons déjà repéré des facteurs cliniques et des altérations génétiques qui pourraient guider les décisions thérapeutiques.

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