Comptes rendus

La personnalisation du traitement au vu de l’épidémiologie changeante des mycoses invasives et des infections bactériennes communautaires

Conservation de la capacité fonctionnelle des organes grâce aux schémas immunosuppresseurs sans ICN

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - American Transplant Congress 2009

Boston, Massachusetts / 30 mai-3 juin 2009

Les données à deux ans de l’essai STN (Spare-the-Nephron) ont confirmé que le passage d’un schéma à base d’un inhibiteur de la calcineurine (ICN) à un schéma à base de sirolimus (SRL) était associé à de meilleurs résultats que la poursuite du schéma à base d’un ICN.

Après un an, on avait enregistré une augmentation moyenne de près de 30 % du débit de filtration glomérulaire (DFG) par rapport au DFG initial chez les patients qui étaient passés du schéma ICN+mycophénolate mofétil (MMF) au schéma SRL+MMF, vs une augmentation moyenne de 8 % chez ceux qui avaient poursuivi leur schéma ICN+MMF, et le tacrolimus était le principal ICN utilisé.

Les taux de rejets aigus confirmés par biopsie (RACB) et de pertes du greffon étaient faibles après un an et comparables dans les deux groupes. À deux ans, le taux de RACB était légèrement plus faible dans le groupe SRL+MMF (9,5 %) que dans le groupe ICN+MMF (11,3 %), et les rejets aigus latents ont été moins fréquents entre la première et la deuxième année dans le groupe recevant l’inhibiteur de mTOR (2,9 %) que dans le groupe ayant poursuivi son traitement par l’ICN (8 %). Les pertes du greffon à deux ans, y compris les pertes mortelles, étaient aussi moins fréquentes sous SRL+MMF (2 %) que sous ICN+MMF (4 %). Au chapitre de la mortalité, aucun décès n’a été enregistré dans le groupe SRL+MMF alors que le taux a atteint 3 % dans le groupe ICN+MMF (p=0,03).

La variation en pourcentage du DFG, par rapport aux valeurs initiales, était moins marquée après la deuxième année qu’après la première, atteignant à deux ans 8,6 % dans le groupe SRL+MMF et 3,4 % dans le groupe ICN+MMF (p=0,054), fait remarquer le Dr Matthew Weir, professeur titulaire de médecine, University of Maryland Hospital, Baltimore. Au terme de la deuxième année, 21 % des patients du groupe SRL+MMF avaient mis fin à leur traitement vs 13 % des patients du groupe ICN+MMF. «La tolérabilité est toujours critique», note le Dr Weir. La nature des effets indésirables (EI) différait d’un groupe à l’autre, mais les taux d’EI graves étaient «très comparables» dans l’ensemble.

«Les résultats de cette étude semblent indiquer qu’un schéma immunosuppresseur d’entretien reposant sur l’association MMF+SRL permet de mieux protéger la fonction rénale qu’un schéma à base d’un ICN sans pour autant augmenter le risque de rejet aigu ou d’échec du traitement», conclut le Dr Weir

Comme le souligne le Dr Lewis Teperman, directeur et vice-président du Département de chirurgie, New York University School of Medicine, la dysfonction rénale est un «grave problème» chez les greffés du foie, des études montrant une incidence cumulative d’insuffisance rénale chronique d’environ 25 % 10 ans après une greffe du foie. Les transplantés hépatiques étaient donc aussi admissibles à l’essai STN.

Après quatre à 12 semaines de traitement sous tacrolimus+MMF, 293 greffés du foie ont été randomisés de façon à recevoir le schéma SRL+MMF ou à poursuivre le schéma initial à base de l’ICN. «La plupart des patients souffraient d’une hépatite C ou d’un hépatome», précise le Dr Teperman. Le délai moyen entre la greffe et la randomisation se chiffrait à environ 50 jours.

Entre le début de l’étude et le 12e mois, les chercheurs ont observé une hausse moyenne du DFG estimé (DFGe) de près de 20 % dans le groupe SRL+MMF vs une hausse de 1,2 % dans le groupe ICN+MMF (p=0,0012). Parmi les patients porteurs d’un hépatome, le DFGe avait augmenté en moyenne de 25 % dans le groupe SRL+MMF, alors qu’il avait diminué significativement dans le groupe ICN+MMF (p=0,0016). Parmi les patients atteints d’une hépatite C, le DFGe avait aussi augmenté significativement par rapport au DFG initial (25,6 % en moyenne) alors qu’il n’avait pratiquement pas varié dans le groupe ICN+MMF (p=0,034).

Les RACB ont été plus fréquents dans le groupe SRL+MMF (12 %) que dans le groupe ICN+MMF (4 %) (p=0,016), «mais ils n’ont causé ni décès ni perte du greffon», explique le Dr Teperman. Les pertes du greffon ont toutefois été plus fréquentes sous ICN+MMF (8 %) que sous SRL+MMF (3 %) (p=0,044). «Il est intéressant de noter que parmi les patients atteints d’une hépatite C, la perte du greffon était beaucoup plus fréquente après un an dans le groupe ICN+MMF que dans le groupe SRL+MMF (9 sur 43 vs 1 sur 44) (p=0,004)», ajoute le Dr Teperman.

Dans le cadre de l’étude, une biopsie était exigée au départ, puis à 12 mois. «Un autre phénomène intéressant s’est produit : aucun signe de fibrose n’a été repéré chez 31 % des patients sous SRL vs 20 % des patients sous ICN», enchaîne le Dr Teperman.

Dans les deux groupes, on a observé un taux élevé d’abandons motivés par un certain nombre d’EI, si bien que parmi les patients ayant été traités pendant un an, seulement 55 % des patients sous SRL+MMF et 66 % des patients sous ICN+MMF toléraient leur traitement.

L’étude CONCEPT

L’étude CONCEPT regroupait 235 transplantés rénaux qui sont passés au SRL après trois mois ou qui ont poursuivi leur traitement à base de cyclosporine en microémulsion (CsA). La prise de corticostéroïdes devait être interrompue au huitième mois dans les deux groupes, objectif qui a été atteint chez plus de 70 % des patients. Après un an, le DFGe se chiffrait à 61,9 mL/min/1,73 m2 dans le groupe SRL vs 53,8 mL/min/1,73 m2 dans le groupe CsA (p=0,0002). Quelque 160 des 181 patients qui ont terminé l’étude initiale étaient admissibles à la phase de prolongation et 154 étaient évaluables après 30 mois, soit 72 dans le groupe SRL et 82 dans le groupe CsA.

Le Pr Yvon Lebranchu, Université François-Rabelais, Tours, France, a rapporté les résultats de l’étude CONCEPT au nom des chercheurs. Après 30 mois, le DFGe était toujours plus élevé dans le groupe SRL : 58,3 mL/min/1,73 m2 vs 52,6 mL/min/1,73 m2 (p=0,027). L’écart entre les groupes quant à la fonction rénale était encore plus marqué chez les patients qui avaient poursuivi leur traitement conformément au protocole, cet écart atteignant 20 % à 30 mois en faveur du groupe SRL. On a enregistré une perte du greffon dans chaque groupe et un décès dans le groupe CsA. Toujours après 30 mois, on avait répertorié six cancers dans le groupe CsA vs un seul dans le groupe SRL. La protéinurie était comparable dans les deux groupes après un an et après 30 mois, bien qu’une protéinurie supérieure à 0,5 g/jour ait été plus fréquente sous SRL. À 30 mois, 60 % des patients recevaient toujours le schéma SRL+MMF alors que 80 % des patients recevaient toujours le schéma à base de CsA.

«Le passage hâtif au SRL a permis de maintenir la survie du greffon et des patients à des taux comparables et de mieux protéger la fonction rénale que la poursuite du traitement par la CsA malgré un taux plus élevé de rejets la première année», conclut le Pr Lebranchu.

Cancers de la peau

Les cancers viennent au deuxième rang des causes de mortalité chez les transplantés rénaux. En Australie, la quasi-totalité des greffés sont vulnérables aux cancers cutanés non mélaniques (CCNM) en raison de leur exposition aux forts rayons ultraviolets. En tant qu’inhibiteur de mTOR, le SRL est connu pour son activité antinéoplasique, de sorte que le passage d’un schéma à base d’un ICN à un schéma à base de SRL pourrait contribuer à prévenir ces cancers.

Lors de la première étude conçue expressément pour évaluer l’effet de ce changement d’immunosuppresseur sur l’incidence des CCNM, 39 transplantés rénaux ayant des antécédents de cancer de la peau sont passés à un schéma à base de SRL alors que 47 autres ont poursuivi leur schéma par un ICN. Le paramètre principal de cette étude australienne était le nombre de nouvelles lésions de CCNM confirmées par biopsie par année-patient.

L’analyse en intention de traiter a révélé qu’après un suivi d’environ 1,7 an, le taux de nouveaux CCNM se chiffrait à 1,31 par année-patient dans le groupe SRL vs 2,48 dans le groupe ICN (p=0,022). «Autrement dit, 80,9 % des patients ayant poursuivi leur schéma par un ICN ont développé un nouveau CCNM pendant cette période vs 56,4 % des patients qui sont passés au SRL (p=0,015)», explique le Dr Graeme Russ, directeur de la néphrologie et des transplantations, Queen Elizabeth Hospital, Woodville, Australie du Sud.

Ces résultats se sont vérifiés à la fois pour les cancers cutanés basocellulaires (CCBC) et squameux (CCS), 35,9 % des patients sous SRL ayant développé un nouveau CCBC vs 51,1 % des patients sous ICN (p=0,016), alors que 41 % des patients sous SRL ont développé un CCS vs 70,2 % des patients sous ICN (p=0,006).

Les EI ont motivé plus d’abandons dans le groupe SRL (n=18) que dans le groupe ICN (n=0), principalement parce que le passage au SRL a eu lieu presque 10 ans après la transplantation. La fonction rénale des patients était alors déjà compromise et le changement d’immunosuppresseur a été moins bien toléré.

«Pour contourner cette difficulté, poursuit le Dr Russ, on doit prendre l’initiative de mettre fin au traitement par l’ICN chez les patients vulnérables aux cancers de la peau à un moment où leur fonction rénale est encore bonne», ajoute-t-il. Dans son service, les médecins passent au SRL environ six mois après la transplantation, précise-t-il.

Résumé

Grâce aux progrès des dernières années du traitement immunosuppresseur, les greffés à risque d’insuffisance rénale sont mieux protégés. Ces mêmes stratégies permettent aussi de prévenir les cancers de la peau chez une proportion appréciable de greffés. Ces gains sont loin d’être banals, car les conséquences à long terme de l’immunosuppression pèsent maintenant plus lourd dans la balance que le risque de rejet aigu en raison de la longévité croissante des greffés.

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