Comptes rendus

Conservation de la capacité fonctionnelle des organes grâce aux schémas immunosuppresseurs sans ICN
Conservation de la fonction rénale à long terme chez les transplantés : le rôle d’un ICN à une prise par jour

La personnalisation du traitement au vu de l’épidémiologie changeante des mycoses invasives et des infections bactériennes communautaires

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

NOIVELLES FRONTIÈRES - 19e Congrès européen de microbiologie clinique et d’infectiologie

Helsinki, Finlande / 16-19 mai 2009

Conséquences d’une candidémie

L’étude européenne multicentrique à laquelle participaient 198 services de soins intensifs (SSI) répartis dans 24 pays a montré le rôle prédominant des levures dans le sepsis sévère et le choc septique. Cette étude a révélé qu’en 2006, environ 15,2 % de tous les épisodes avaient été causés par une levure, Candida albicans dans 70 % des cas et une espèce non albicans dans 22 % des cas. Il importe ici de souligner que C. glabrata vient maintenant au deuxième rang des isolats de Candida les plus répandus en Europe et qu’il est responsable d’environ 14 % des mycoses invasives, note le Pr Olivier Lortholary, Hôpital Necker-Enfants Malades, Université Paris Descartes, France.

Les conséquences de la candidémie sont loin d’être banales, poursuit-il. En France, les chercheurs ont rapporté un taux de mortalité de 38,5 % chez les patients qui avaient développé une candidémie, et 59 % des décès sont survenus dans les huit jours suivant le début de l’infection. «Une exposition récente au fluconazole influait de manière significative sur l’apparition de fongémies résistantes au fluconazole», ajoute le Pr Lortholary. Cette résistance n’est pas rare puisque 17 % des isolats de Candida d’une étude réalisée en France étaient résistants au fluconazole, tout comme environ 50 % des isolats de C. glabrata de la même étude.

En revanche, les échinocandines ont fait la preuve d’une excellente activité in vitro contre les espèces du genre Candida, y compris les isolats résistants au fluconazole. Les chercheurs ont constaté que la caspofongine était systématiquement active contre toutes les espèces du genre Candida, y compris C. glabrata, peu importe qu’ils aient utilisé les valeurs seuils recommandées par l’EUCAST (European Committee on Antibiotic Susceptibility Testing) ou le CLSI (Clinical Laboratory Standards Institute), précise le Pr Lortholary. Par ailleurs, rappelle-t-il, la stratégie de prise en charge doit reposer sur un diagnostic exact, lequel sera affirmé par les examens mycologiques habituels et, au besoin, un examen histologique.

Le médecin doit en outre tenir compte de l’épidémiologie locale des espèces du genre Candida afin d’évaluer la probabilité d’une infection par une espèce non albicans. Les infections éventuelles par une espèce autre qu’albicans doivent à leur tour être subdivisées en deux groupes, C. glabrata ou C. krusei, et les autres. «Nous devons bien sûr tenir compte des caractéristiques du patient», enchaîne le Pr Lortholary. Le patient est-il un enfant ou un adulte âgé? Présente-t-il une insuffisance rénale ou hépatique, ou est-il neutropénique? A-t-il reçu récemment un autre antifongique, le fluconazole en particulier? Sait-on quel germe a colonisé le patient? La nature de l’infection est un autre facteur à prendre en considération (candidémie, système nerveux central, yeux, os), tout comme les propriétés de chaque antifongique. Selon les recommandations de 2009 de l’IDSA (Infectious Diseases Society of America) pour la prise en charge d’une candidose invasive, le fluconazole ou une échinocandine devraient être prescrits pour le traitement de première intention de la candidémie chez les patients non neutropéniques. Les données étayant cette recommandation sont les plus probantes auxquelles on puisse aspirer, note le Pr Lortholary.

On privilégie aussi les échinocandines pour le traitement des infections modérément sévères ou sévères dans les cas d’exposition récente au fluconazole et d’infection par C. glabrata prouvée ou possible. L’amphotéricine B liposomique, l’amphotéricine B classique ou le voriconazole pourraient être envisagés comme traitements de rechange chez les patients non neutropéniques atteints de candidémie. La même recommandation s’applique au traitement empirique d’une candidose possible dans ce même groupe de patients.

Chez les patients neutropéniques, le traitement de première intention de la candidémie devrait être une échinocandine ou l’amphotéricine B liposomique, alors que la caspofongine (et non les échinocandines en général), l’amphotéricine B liposomique ou le voriconazole sont recommandés pour le traitement empirique d’une candidose possible dans ce même groupe de patients.

Figure 1. Recommandations de 2009 de l’IDSA pour le traitement des candidoses invasives


Étude 65041 de l’OERTC

Sur la foi de l’un des premiers essais où l’on a comparé le voriconazole aux formulations classique et liposomique de l’amphotéricine B, le voriconazole est indiqué pour le traitement de première intention de l’aspergillose invasive (AI) tandis que l’on réserve l’amphotéricine B liposomique comme solution de rechange chez les patients qui ne peuvent pas tolérer le voriconazole.

Afin d’évaluer l’efficacité et l’innocuité des échinocandines dans le traitement de première intention de l’AI, l’Organisation européenne de recherche sur le traitement du cancer (OERTC) a lancé l’étude 65041. Dans le cadre de cette étude de phase II, des patients atteints d’une hémopathie maligne ou ayant bénéficié d’une autogreffe ou d’une allogreffe de cellules souches ont reçu de la caspofongine à raison de 70 mg le 1er jour, puis de 50 mg/jour comme traitement d’entretien. Les patients dont le poids était >80 kg recevaient une dose d’entretien de 70 mg/jour. «Comme nous voulions aussi étudier l’activité du médicament sur la maladie, seuls les patients atteints d’une AI prouvée ou probable ont poursuivi l’étude», explique le Pr Johan Maertens, professeur agrégé d’hématologie, Université de Louvain, Belgique. Seul un examen mycologique positif permettait de déterminer que l’AI était prouvée ou probable, Les patients n’étaient donc pas recrutés d’après le simple signe du halo.

Le paramètre principal de l’étude était la proportion de répondeurs complets ou partiels au terme du traitement. Parmi les patients porteurs d’une hémopathie maligne (n=61), le plus souvent une forme de leucémie, 75 % étaient en progression au départ, indique le Pr Maertens. Au terme d’une médiane de 15 jours de traitement, 33 % des sujets de cette cohorte particulière étaient parvenus à une réponse complète ou partielle alors que la maladie s’était stabilisée chez 15 % des sujets. «Aucune des caractéristiques initiales n’a influé sur la réponse au terme du traitement», indique le Pr Maertens.

En revanche, la rémission ou l’absence de rémission au départ influait sur la survie à 84 jours, puisque la proportion de patients vivants après 84 jours s’élevait à 40 % parmi les patients qui n’étaient pas en rémission au départ et à 93 % parmi ceux qui l’étaient. «Plus l’indice de Karnofsky est élevé, meilleurs sont les résultats», ajoute le Pr Maertens, car la réussite au terme du traitement et la survie après 12 semaines étaient toutes deux significativement meilleures si l’indice de Karnofsky était >60 que s’il était <50.

Dans la cohorte des receveurs d’une allogreffe de cellules souches, la durée médiane du traitement était plus longue (24 jours), et les patients n’étant pas en rémission (22 %) au moment de leur admission à l’étude étaient significativement moins nombreux que dans la première cohorte. Seules des réponses partielles ont été enregistrées, et le taux de réponse était de 42 % au terme du traitement. Après 84 jours, il s’élevait à 33 %. «Aucune des caractéristiques initiales n’était prédictive de la réussite du traitement», note le Pr Maertens. Après six semaines, le taux de survie dans le groupe des receveurs d’une allogreffe de cellules souches se chiffrait à 79 %.

Aucun abandon n’a été motivé par un effet indésirable lié au traitement ou par un effet indésirable grave lié au médicament. «La caspofongine s’est caractérisée par un excellent profil d’innocuité, et les taux de réponse étaient comparables à ceux que l’on obtient avec un traitement de première intention dans un contexte similaire», conclut le Pr Maertens.

Étude SMART : surveillance de la résistance

À en juger par les données de surveillance de l’étude mondiale SMART et de la base de données européenne EARSS, «l’augmentation des souches d’Escherichia coli productrices de bêtalactamases à spectre étendu [BLSE] est frappante depuis quelques années», note le Dr David Paterson, professeur titulaire d’infectiologie, University of Pittsburgh Medical Centre, Pennsylvanie.

Pendant quelque temps, la Turquie et quelques-uns des pays d’Europe de l’Est ont fait état de taux très élevés de résistance aux céphalosporines de troisième génération. On observe les mêmes tendances à l’heure actuelle en Italie et dans certains pays baltes. En outre, plus de la moitié des isolats sanguins d’E. coli sont maintenant résistants aux fluoroquinolones dans certains pays européens.

En Chine, les données de l’étude SMART montrent une «diminution très marquée» de la sensibilité d’E. coli aux céphalosporines de troisième génération, au point où seulement 44 % des isolats d’E. coli demeurent sensibles. «Dans le cas des fluoroquinolones, la situation est encore pire, seulement 30 % des isolats [d’E. coli] étant sensibles», ajoute le Dr Paterson. De même, en Inde, seulement 21 % des isolats d’E. coli testés en 2007 étaient sensibles aux céphalosporines de troisième génération et seulement 17 % aux fluoroquinolones.

Inversement, on rapporte une «stabilité relative» de l’activité in vitro à la fois des aminosides et des carbapénems contre E. coli. En ce qui concerne la résistance à ces deux classes de médicaments, Klebsiella pneumoniae se comporte comme E. coli. Les chercheurs craignent également l’émergence de souches résistantes des espèces du genre Acinetobacter et de Pseudomonas aeruginosa aux carbapénems, surtout en Asie où la sensibilité aux carbapénems diminue de manière significative.

Cependant, à tout le moins dans la plupart des pays d’Europe, on trouve très peu de souches de K. pneumoniae résistantes aux carbapénems. En revanche, les données de surveillance montrent qu’entre 10 et 25 % des isolats de Pseudomonas sont maintenant résistants à l’association pipéracilline-tazobactam dans la plupart des pays européens, «le résultat étant que nous sommes en train de perdre nos armes contre Pseudomonas», fait valoir le Dr Paterson. En parallèle, on observe une résistance considérable de Pseudomonas aux fluoroquinolones, conclut-il. Traitement optimal des infections communautaires

L’émergence de souches à Gram négatif résistantes est la raison première qui incite les médecins à traiter les infections communautaires en tenant compte de l’épidémiologie locale des micro-organismes répandus et en déterminant l’influence des facteurs de risque individuels sur la probabilité que les patients hébergent des souches résistantes. En général, chez un patient à risque élevé pour qui un traitement empirique est critique, on prescrit un antimicrobien à large spectre, pour ensuite passer à un antimicrobien à spectre plus étroit lorsque le germe en cause est connu.

Figure 2. Risque de bactériémie communautaire imputable à des souches
données extrapolées

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En se fondant sur sa propre étude, le Pr Jesus Rodriguez-Baño, Universidad de Sevilla, Espagne, a démontré que le risque d’une infection communautaire par des souches d’ E. coli productrices de BLSE était maximal chez les patients souffrant d’infections urinaires récurrentes, ayant déjà reçu des antimicrobiens ou ayant des antécédents de diabète.

L’analyse en fonction du mode de contact avec le système de santé a révélé que le risque était également maximal chez les patients qui avaient subi une intervention invasive au niveau des voies urinaires, alors que du côté de l’usage d’antimicrobiens, le risque atteignait un maximum après l’usage d’une céphalosporine. Extrapolant leurs données, les chercheurs espagnols ont alors déterminé que le risque qu’un micro-organisme producteur de BLSE soit présent chez les patients atteints de bactériémie communautaire était presque nul en l’absence de facteurs de risque, qu’il demeurait faible (<5 %) en présence d’un seul facteur de risque, mais qu’il grimpait à environ 10 % en présence de deux facteurs de risque et à >20 % en présence de plus de deux facteurs de risque.

Ainsi, explique le Pr Rodriguez-Baño, lorsqu’un patient présente une infection intra-abdominale communautaire légère ou modérée et qu’on ne repère aucun facteur de risque d’infection par des souches d’E. coli productrices de BLSE, il peut recevoir le schéma traditionnel reposant sur l’association amoxicilline-clavulanate ou encore, sur l’association du métronidazole et d’une céphalosporine de deuxième ou de troisième génération.

Si, cependant, il présente un sepsis sévère et est exposé à un risque élevé de décès prématuré, ou s’il présente plus d’un facteur de risque d’infection par des souches d’E. coli productrices de BLSE, on doit envisager l’ertapénem. Le Pr Rodriguez-Baño précise aussi que la crainte des micro-organismes producteurs de BLSE est l’une des raisons qui motivent l’usage des carbapénems dans les hôpitaux espagnols. Par conséquent, estime-t-il, le médecin doit tenter de garder en réserve les antimicrobiens qui demeureront actifs contre les infections nosocomiales, y compris l’association pipéracilline-tazobactam, et utiliser l’imipénem et le méropénem en dernier recours.

Questions et réponses

Les questions et réponses qui suivent sont tirées d’entretiens avec le Pr Olivier Lortholary, Hôpital Necker-Enfants Malades, Université Paris Descartes, France, et le Dr David Paterson, professeur titulaire d’infectiologie, University of Pittsburgh Medical Centre, Pennsylvanie.

Q : Vu la prédominance croissante des mycoses par des espèces non albicans, envisageriez-vous de prescrire une échinocandine d’emblée et d’opter ensuite pour un antifongique à spectre plus étroit si le champignon se révèle sensible aux antifongiques recommandés en première intention?

Pr Lortholary : En France, dans les SSI, la situation change. De plus en plus, on prescrit une échinocandine en première intention dans les SSI ou en hématologie. Personnellement, je privilégierais une échinocandine en première intention, puis je changerais d’antifongique une fois la présence de C. albicans établie, pour autant que le patient n’ait pas déjà reçu un antifongique azolé.

Q : Pourquoi recommande-t-on la caspofongine et non les échinocandines en général lorsqu’on soupçonne une candidose chez un patient neutropénique?

Pr Lortholary : Cette recommandation s’appuie sur notre expérience avec la caspofongine comme traitement empirique chez les patients neutropéniques. On privilégie ce produit parce que les autres échinocandines n’ont pas été étudiées dans ce contexte.

Q : Au Canada, les souches d’E. coli productrices de BLSE sont-elles aussi en augmentation?

Dr Paterson : Pitout et ses collaborateurs ont montré que ces souches sont effectivement en augmentation au Canada.

Q : Les souches résistantes mènent-elles tout droit à l’échec clinique?

Dr Paterson : Tout dépend du type d’infection, je pense. Dans les cas où l’infection s’est propagée à la circulation sanguine et où le patient est vraiment malade, il ne fait aucun doute que la présence de souches résistantes influera sur la mortalité. Par contre, si l’infection se limite aux urines, où l’on peut obtenir des concentrations très élevées d’antibiotique, la présence de souches résistantes n’influera probablement pas sur la mortalité, mais elle prolongera la morbidité.

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