Comptes rendus

St. Michael’s Hospital
Traitement des lymphomes indolents : l’efficacité et la tolérabilité s’améliorent

Coup d’œil sur les thérapies axées sur les cellules B dans les glomérulonéphrites

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - Assemblée générale annuelle de la Société canadienne de néphrologie

Montréal, Québec / 24-28 avril 2013

Montréal - Le traitement des glomérulonéphrites repose depuis longtemps sur l’association de corticostéroïdes et d’agents cytotoxiques ou antiprolifératifs. Compte tenu des succès que connaissent les anticorps monoclonaux dans d’autres maladies auto-immunes, leur utilisation dans la glomérulonéphrite auto-immune suscite de l’intérêt. L’efficacité de la déplétion des cellules B dans le traitement des vascularites associées aux autoanticorps anticytoplasme des polynucléaires neutrophiles (anti-neutrophil cytoplasmic antibodies ou ANCA) est bien établie et semble aussi avoir un potentiel considérable pour le traitement des formes réfractaires de glomérulonéphrite. Les études futures permettront de confirmer le rôle des agents monoclonaux dans le traitement des maladies rénales complexes, et les résultats pourraient paver la voie à une nouvelle ère, celle des thérapies ciblées, dans la prise en charge des maladies rénales.

La déplétion des cellules B est une nouvelle stratégie dans le traitement des vascularites associées aux autoanticorps anticytoplasme des polynucléaires neutrophiles (anti-neutrophil cytoplasmic antibodies ou ANCA), et c’est une option de traitement viable pour plusieurs formes de glomérulonéphrite lorsque les schémas standard échouent, estime un expert en matière d’anticorps monoclonaux à usage thérapeutique dans les glomérulonéphrites, le Dr David Jayne, maître de conférence en médecine, Cambridge University, Royaume-Uni.

Dans un éditorial, le Dr Jayne écrivait que «la glomérulonéphrite auto-immune est un trouble primitif ou survenant en association avec une maladie multisystémique comme le lupus ou la vascularite, et c’est une cause de maladie rénale terminale que l’on peut éviter» (J Am Soc Nephrol 2010;21:14-17).

La vascularite évoque quant à elle la présence d’une glomérulonéphrite nécrosante associée aux ANCA. «Le rituximab ou tout autre traitement ciblant directement les cellules B diminuent la production d’auto-anticorps qui contribuent à la fois aux lésions et à l’activité des cellules T», expliquait le Dr Jayne en entrevue au congrès. Les cellules T cytotoxiques peuvent aussi léser les reins et les vaisseaux sanguins. Comme les cellules T ont besoin du soutien des cellules B, «elles cessent d’être autoréactives et deviennent quiescentes en l’absence de cellules B», ajoute-t-il.

Taux de réponse

Lors de deux études de cohorte réalisées chez des patients atteints de vascularite associée aux ANCA (VAA), «le rituximab a généré des taux de réponse élevés, soit plus de 95 %, et il y a eu échec chez seulement un ou deux patients de chaque groupe», poursuit le Dr Jayne. Dans la première étude, 82 % des 34 patients atteints d’une VAA réfractaire ou récidivante ont obtenu une rémission complète et 15 %, une rémission partielle; le traitement a échoué chez seulement 3 % des patients après un cycle unique de traitement par l’anticorps anti-CD20. Dans la deuxième étude, 93 % des 72 patients atteints d’une VAA réfractaire ou récidivante ont obtenu une rémission complète alors que 4 % ont obtenu une rémission partielle après des doses répétées du même traitement agissant par déplétion des cellules B et que 3 % n’ont pas répondu au traitement, ce qui montre clairement que le rituximab est hautement efficace dans la VAA récidivante ou réfractaire, fait valoir le Dr Jayne.

Deux études subséquentes, comparatives avec randomisation, ont permis d’explorer l’utilisation du rituximab dans le traitement d’induction des VAA nouvellement diagnostiquées. Dans l’étude de non-infériorité RAVE (Rituximab for ANCA-associated Vasculitis), dont le paramètre principal était le pourcentage de patients en rémission complète à 6 mois, le rituximab a été comparé au cyclophosphamide (CYC) oral dans la VAA sévère (N Engl J Med 2010:363:221-32).

Lors de l’étude RITUXVAS (Randomised Trial of Rituximab versus Cyclophosphamide for ANCA Associated Renal Vasculitis), on a comparé, d’une part, le rituximab administré par voie i.v. à raison de 375 mg/m2/semaine pendant 4 semaines avec du CYC i.v. à raison de 15 mg/kg à la première et à la troisième perfusion et, d’autre part, le CYC i.v. pendant 3 à 6 mois chez des patients atteints d’une VAA et d’une maladie rénale active.

À 6 mois, environ 65 % des sujets de l’étude RAVE traités par le rituximab et 55 % des patients traités par le CYC oral étaient en rémission complète. La différence entre les deux groupes n’a pas atteint le seuil de significativité statistique, mais elle était inattendue. Lors de l’essai RITUXVAS, le schéma à base de rituximab ne s’est pas révélé supérieur au CYC i.v. dans la VAA sévère, et le taux de rémission durable était élevé dans les deux groupes (N Engl J Med 2010;363:211-20).

Que faire en cas de récidive?

«L’ennui avec le rituximab, c’est qu’il génère une réponse plutôt brève et que les cellules B reviennent en peu de temps», expliquait le Dr Jayne en entrevue. Après un traitement d’induction par le rituximab, le médecin pourrait envisager le recours au schéma traditionnel azathioprine (AZA) + méthotrexate (MTX) ± corticostéroïdes, quoique le Dr Jayne ne considère pas ce schéma comme particulièrement efficace après un traitement d’induction par l’anti-CD20.

Le médecin a aussi l’option d’attendre que survienne une nouvelle poussée, puis de réadministrer l’anti-CD20 ou d’opter pour la démarche du groupe de Cambridge (doses répétées à intervalles fixes) – schéma d’induction à base de 2 g de rituximab, puis 1 g tous les 6 mois – afin de parvenir à une déplétion des cellules B jusqu’à l’arrêt du traitement, après 2 ans.

«Certes, il ne s’agissait pas de patients jamais traités, souligne le Dr Jayne, mais nous avons constaté que, grâce à ce schéma d’entretien, environ 45 % de nos patients – tous des cas difficiles – continuaient de vraiment bien aller pendant au moins 4 ans après la période de traitement. Jamais on n’a été si proche de la guérison.»

Options de traitement variables

Après un diagnostic de VAA, les options de traitement dépendent de la sévérité de la maladie. Comme l’expliquait le Dr Jayne, les associations CYC, MTX ou mycophénolate mofétil (MMF) + corticostéroïdes donnent toutes lieu à des taux de rémission clinique élevés similaires après 6 mois – mais le risque de récidive pourrait être plus élevé après un traitement par le MMF qu’après un traitement par le CYC. Chez un patient dont la maladie est généralisée, les associations CYC, MMF ou rituximab + corticostéroïdes (possiblement par voie i.v.) sont toutes aussi efficaces les unes que les autres. Les patients qui présentent une défaillance organique sévère ont plutôt intérêt à recevoir du CYC ou du rituximab avec des corticostéroïdes (probablement par voie i.v.); de l’avis de certains, les échanges plasmatiques seraient préférables en pareils cas, mais cette option a peu d’effet sur la mortalité.

Après 3 à 6 mois, les patients en rémission peuvent passer à l’association AZA, MTX ou MMF + corticostéroïdes; s’il y a récidive, l’association anti-CD20 + corticostéroïdes est indiquée, tout comme chez les patients dont la maladie se révèle réfractaire au traitement initial. Le retrait complet du traitement, les corticostéroïdes en premier lieu, peut être envisagé chez les patients qui demeurent en rémission après 2 à 3 ans de suivi, enchaîne le Dr Jayne.

Dans les cas réfractaires au rituximab ou si le patient ne tolère pas le rituximab, le médecin peut envisager un traitement de deuxième intention par le CYC ou un agent novateur comme le gusperimus ou l’alemtuzumab, en association avec des corticostéroïdes dans les deux cas.

Bonne réponse d’autres formes de glomérulonéphrite

Sur le plan de la pathogenèse, la VAA constitue la meilleure raison d’utiliser un traitement ciblant la déplétion des cellules B, mais ce n’est pas la seule forme de glomérulonéphrite qui semble bien répondre au traitement anti-CD20. Par exemple, on sait que les autoanticorps anti-récepteurs de la phospholipase A2 (anti-PLA2R) sont sensibles et spécifiques d’une glomérulonéphrite extramembraneuse (GEM) primitive.

Dans une étude de Beck et al., plus de 70 % des échantillons de sérum provenant de 35 patients atteints de GEM contenaient des anti-PLA2R (J Am Soc Nephrol 2011;22:1543-50). Après 12 mois de traitement anti-CD20, le taux de anti-PLA2R avait baissé ou était à zéro chez plus des deux tiers des patients, et cette réponse a été corrélée à une bien meilleure issue clinique comparativement aux patients dont le taux de anti-PLA2R était stable. Seule une minorité de patients porteurs d’une GEM primitive ont une réponse complète au traitement, prévient le Dr Jayne. Néanmoins, «je pense que les données sont assez homogènes dans divers groupes de patients pour que l’on puisse conclure que le rituximab exerce un effet sur la GEM et que nous pouvons donc oser utiliser cet agent en toute sécurité».

Dans la hyalinose segmentaire et focale (HSF), il est fréquent que l’une des cellules structurales du rein, le podocyte, devienne dysfonctionnelle. «Les anomalies génétiques au niveau des podocytes sont à l’origine de certaines formes de HSF», note le Dr Jayne. Une étude en particulier donne à penser que le rituximab exercerait un effet direct sur le fonctionnement des podocytes, ajoute-t-il – signe que le traitement anti-CD20 pourrait être doté d’un autre mode d’action au niveau rénal à part la déplétion des cellules B.

Notre expérience depuis une dizaine d’années indique que le rituximab est utile comme agent de deuxième intention dans les cas de néphrite lupique qui ne répondent pas au traitement standard. «Je doute que quelqu’un recommande le rituximab en première intention dans le traitement de la néphrite lupique, mais pour le patient qui essuie un échec, je pense que c’est une bonne option», affirme le Dr Jayne. L’expérience montre en effet qu’environ le tiers des patients atteints de lupus réfractaire ne répondent pas bien à un traitement anti-CD20; c’est donc dire que les deux tiers répondent bien et, dans certains cas, la réponse est «assez remarquable», dit-il.

Fortes de cette expérience, les sociétés savantes EULAR et ERA-EDTA recommandent maintenant que les patients atteints de néphrite lupique ne répondant pas au MMF ou au CYC passe du MMF au CYC, ou vice versa, ou de l’un ou l’autre au rituximab.

Résumé

Depuis une dizaine d’années, les anticorps monoclonaux à usage thérapeutique sont utilisés couramment dans d’autres secteurs de la médecine alors que dans le traitement des glomérulonéphrites, leur utilisation est récente. Dans le cas de la VAA, le rituximab est devenu un pilier du traitement, et il s’agit là d’un progrès important que nous accueillons à bras ouverts. Nous avons besoin de données plus concluantes pour étayer l’utilisation d’un anticorps monoclonal dans le traitement des glomérulonéphrites primitives, mais l’expérience à ce jour appuie l’utilisation du rituximab dans le traitement de la néphrite lupique n’ayant pas répondu au traitement standard.

Commentaires

Nous vous serions reconnaissants de prendre 30 secondes pour nous aider à mieux comprendre vos besoins de formation.