Comptes rendus

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Kératoses actiniques : Traitement topique de la zone environnante en adjuvant à la cryochirurgie

Céphalées : l’arsenal thérapeutique s’élargit, mais des lacunes subsistent

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - Le 45e Congrès annuel de la Fédération des sciences neurologiques du Canada

Québec, Québec / 8-11 juin 2010

Selon un sondage mené au Canada en 2005, 25 % des femmes et 8 % des hommes ont des migraines et, en moyenne, la migraine cause annuellement 21 jours d’incapacité au moins partielle chez la femme. Le fardeau de morbidité associé à la migraine au Canada est donc substantiel. Les progrès au chapitre du traitement des céphalées sont d’autant plus importants que la prévalence des migraines est élevée et que la morbidité est considérable. Plusieurs avancées récentes ont été présentées au congrès.

Stratégies de prévention de la migraine

La prévention est assurément la stratégie optimale. Chez un patient migraineux n’ayant jamais reçu de traitement prophylactique, un bêta-bloquant tel le propranolol ou le nadolol est souvent efficace, explique le Dr Werner J. Becker, professeur titulaire de neurologie clinique, University of Calgary, Alberta. Beaucoup d’études ont aussi montré que l’amitriptyline était efficace en prophylaxie et qu’elle pouvait être surtout utile en présence d’insomnie ou de dépression concomitantes.

En prophylaxie de la migraine chez le patient hypertendu, les bêta-bloquants, le candésartan (antagoniste des récepteurs de l’angiotensine) et le lisinopril (inhibiteur de l’ECA), sont d’efficacité variable. Au nombre des stratégies de deuxième et de troisième intention figurent le topiramate, le divalproex et la gabapentine, mais d’importants effets indésirables peuvent en résulter.

Une nouvelle stratégie prophylactique axée sur la toxine botulinique de type A a permis de réduire la fréquence des céphalées et des migraines et de diminuer le recours aux triptans chez des sujets ayant au départ =15 migraines en 4 semaines. Au mois 50 % des jours de céphalée étaient des jours de migraine.

Selon les données groupées à 24 semaines des essais PREEMPT (Phase II Research Evaluating Migraine Prophylaxis Therapy with Botulinum Toxin Type A), les sujets du groupe toxine botulinique de type A (n=688) ont eu 8,4 jours de céphalée et 8,2 jours de migraine de moins, vs 6,6 et 6,2 jours de moins, respectivement, sous placebo (n=696). Le traitement actif a aussi été associé à 7,7 jours de céphalée modérée ou sévère de moins, vs 5,8 jours de moins sous placebo, et à une utilisation légèrement moindre de triptans (vs placebo).

Le traitement actif a été lié à un seul événement grave (migraine nécessitant une hospitalisation); aucun n’a été signalé dans le groupe placebo. Le taux d’abandon pour cause d’effet indésirable était faible (<4 %).

Efficacité des triptans

Selon de nouvelles recherches, les triptans sont efficaces durant l’aura. Lors d’une étude (n=19) où le triptan devait être pris durant l’aura de huit crises consécutives, il a coupé court à la céphalée dans 89 % des cas (Aurora SK. Headache 2010;49[7]:1001-4). «Cette étude, probablement la meilleure à ce jour, montre clairement la grande efficacité d’un triptan pris durant l’aura, confirme le Dr Becker. Pas étonnant, car de nombreux patients de la clinique nous disent qu’ils ont de meilleurs résultats s’ils le prennent durant l’aura», ajoute-t-il. Quelques études indiquant que les triptans n’étaient pas aussi efficaces durant l’aura étaient assez petites, et certaines portaient sur des triptans sous-cutanés qui entrent rapidement dans la circulation sanguine, contrairement aux triptans oraux dont l’absorption est plus lente.

Bien que de plus en plus d’études prouvent l’efficacité des triptans, ils ne sont pas prescrits assez souvent, au dire de nombreux experts. Selon un sondage, seulement 8 % des femmes migraineuses prennent un triptan. «On ignore pourquoi. Peut-être que les médecins n’y pensent pas, les trouvent trop coûteux ou jugent qu’ils ont trop d’effets indésirables, ce qui n’est pas le cas; les triptans sont très sûrs pour un patient en bonne santé», affirme le Dr Becker.

D’après certains congressistes, un triptan devrait être envisagé plus tardivement en raison de son coût et de ses effets indésirables possibles, d’autant plus qu’environ 29 % des migraineux sont satisfaits de leur traitement habituel. D’autres recommandent une administration précoce sans hésitation. «Tous les patients devraient avoir accès à un triptan au début de la crise», affirme la Dre Suzanne Christie, présidente, Canadian Headache Society, et professeure adjointe de médecine, Université d’Ottawa, Ontario. «La supériorité des triptans sur le placebo a été démontrée. La recherche doit se poursuivre, mais une stratégie d’intervention précoce conviendrait probablement à la plupart des patients.»

Nouvelles options de traitement

L’antagoniste des récepteurs du CGRP (calcitonin gene related peptide) à l’étude est prometteur pour les cas où les triptans sont inefficaces. Synthétisé dans les neurones trigéminaux et acheminé vers leurs terminaisons centrales et périphériques, le CGRP jouerait probablement un rôle clé dans la physiopathologie de la migraine. On espère que les anti-CGRP seront efficaces et sans effet vasoconstricteur comme les triptans. Les résultats d’un essai mené à double insu avec randomisation sur le telcagepant, un anti-CGRP oral, ont été présentés au congrès : il s’est révélé plus efficace que le placebo (p=0,001) à 300 mg pour tous les paramètres principaux (absence de douleur, soulagement de la douleur, et absence de photophobie, de phonophobie et de nausées, 2 heures après la prise dans tous les cas) et à 150 mg pour l’absence durable de douleur (p=0,05) (Ho et al. Lancet 2008;372[9656]:2115-23).

«Les anti-CGRP seront une option de plus pour les patients, conclut le Dr Becker. Selon des données préliminaires, ils ne seraient pas plus efficaces que les triptans, mais peut-être conviendront-ils à de nombreux patients ne répondant pas aux triptans. Ils agissent différemment et ont très peu d’effets indésirables.»

Recherche sur la stimulation magnétique et autres progrès

Une étude en deux phases menée à double insu avec randomisation en groupes parallèles sur la stimulation magnétique transcrânienne à impulsion unique (sTMS) dans la migraine avec aura (Lipton RB. Lancet Neurology 2010;9[4]:373-80) a révélé que le taux d’absence de douleur à 2 heures était significativement plus élevé dans le groupe sTMS (39 %) que dans le groupe pseudostimulation (22 %), d’où un gain thérapeutique de 17 % (IC à 95 % : 3-31%; p=0,0179).

Les experts ont aussi tenté de savoir si les migraines menstruelles étaient pires que les non menstruelles. L’analyse post-hoc d’une étude prospective multicentrique (MacGregor EA. Headache 2010;50[4]:528-38) a révélé que les migraines menstruelles étaient plus susceptibles de causer une incapacité, de durer plus longtemps et de récidiver dans les 24 heures.

La compréhension du lien entre la migraine et l’AVC ischémique représente un autre progrès. La migraine sans aura n’est pas un facteur de risque de l’AVC ischémique, explique la Dre Elizabeth Leroux, neurologue au Centre Hospitalier de l’Université de Montréal, Québec, mais la littérature montre un lien, quoique faible, entre la migraine avec aura et l’AVC, et le risque serait plus élevé chez les femmes qui fument ou prennent un contraceptif oral.

Lacunes thérapeutiques aux urgences et en pédiatrie

Un certain nombre de lacunes font obstacle au traitement optimal des céphalées. Au service des urgences, par exemple, les céphalées (1 à 2 % des visites) «ne sont pas forcément considérées comme des urgences vitales et reçoivent peut-être moins d’attention» que les autres cas, fait remarquer la Dre Leroux. «Les urgentologues en ont plein les bras et, en général, les omnipraticiens n’ont pas reçu la formation voulue pour traiter les céphalées, quoique cette situation devrait s’améliorer avec la publication des nouvelles recommandations canadiennes. De plus, vu la prévalence des troubles céphaliques, il n’y pas assez de spécialistes ni de centres spécialisés.»

Les patients qui vont aux urgences ont typiquement une céphalée inhabituelle, plus intense ou plus persistante que d’habitude. Il faut exclure les causes secondaires et poser le bon diagnostic, mais les céphalées migraineuses ne sont pas bien diagnostiquées la moitié du temps aux urgences, poursuit la Dre Leroux. La céphalée, modérée ou sévère, est présente à la sortie de l’hôpital dans 35 à 50 % des cas, selon l’étude citée, dit-elle. «Notre priorité devrait être de repérer les patients qui n’ont pas reçu une ordonnance appropriée pour leurs céphalées usuelles et les patients aux prises avec des céphalées chroniques au quotidien. Il suffit en fait de poser quelques questions très simples et de diriger le patient vers les bonnes ressources.»

Le nombre insuffisant de spécialistes de la céphalée chez l’enfant est une autre lacune, cette affection étant répandue chez les jeunes. Selon le Dr Joseph Dooley, professeur titulaire et directeur, Neurologie pédiatrique, IWK Health Centre, Dalhousie University, Halifax, Nouvelle-Écosse, 26,6 % des jeunes Canadiens de 12 ou 13 ans et 31,2 % des jeunes de 14 ou 15 ans font état d’au moins une céphalée par semaine.

On doit rassurer les familles et les médecins : ces céphalées ne dénotent pas une affection plus grave comme une tumeur cérébrale. De plus, des explorations injustifiées peuvent être contre-productives; à moins qu’une anomalie soit découverte, elles ne font que stresser la famille. «Les explorations sont inutiles chez la grande majorité des enfants», souligne le Dr Dooley.

Résumé

Les céphalées sont courantes, même chez l’enfant, mais il est clair qu’elles passent souvent inaperçues. Des études récentes ont montré que les triptans pouvaient être efficaces durant l’aura, et que la sTMS était un traitement valable. Bien que nous ayons plus d’options que jamais, des lacunes thérapeutiques subsistent, notamment aux urgences et en pédiatrie.

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