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Kératoses actiniques : Traitement topique de la zone environnante en adjuvant à la cryochirurgie

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - Symposium d’été de l’Alabama Dermatology Society

Sandestin, Floride / 24-27 juin 2010

Comme le souligne le Dr Neil Fenske, professeur titulaire et directeur, Département de dermatologie et de chirurgie cutanée, University of South Florida, Tampa, une nouvelle étude a révélé qu’un traitement adjuvant par l’imiquimod en crème à 3,75 % améliorait l’efficacité de la cryochirurgie et représentait une percée dans le traitement des kératoses actiniques (KA). «Cette étude montre qu’un traitement par l’imiquimod après la cryochirurgie améliore l’efficacité du traitement chirurgical et peut être utile en adjuvant», explique-t-il.

Les KA sont des néoplasies cutanées résultant d’une exposition prolongée aux rayons ultraviolets (UV), et ce sont des lésions précurseurs dans le continuum menant à la formation d’un cancer spinocellulaire (CSC). Elles viennent au deuxième rang des motifs les plus fréquents de consultation d’un dermatologue (Fenske et al. J Drugs Dermatol 2010;9[5 suppl]:S45-S49).

La cryochirurgie, qui consiste à détruire ou à extirper les lésions ou le tissu anormal par le froid à l’aide d’azote liquide, est actuellement le traitement de référence des KA, et c’est également le plus répandu. On croyait que la cryochirurgie était associée à un taux élevé de guérison avoisinant 99 % (Lubritz RR, Smolewski SA. J Am Acad Dermatol 1982;7[5]:631-2), mais ce taux a récemment été remis en question. On a, en effet, avancé qu’il serait plutôt d’environ 67 %. Bien que la prolongation de l’application de froid augmente l’efficacité du traitement, elle est associée à un inconfort plus marqué de même qu’à un risque accru d’hypopigmentation post-traitement, conséquence que de nombreux patients jugent inacceptable (Thai et al. Int J Dermatol 2004;43[9]:687-92). En outre, si efficace soit-elle, la cryochirurgie ne cible pas la zone peau entourant les KA cliniquement apparentes, laquelle a aussi été exposée aux rayons UV et constitue un terrain propice à la cancérisation. Les KA subcliniques peuvent évoluer vers des KA cliniques, voire un CSC.

De plus en plus, les traitements ciblant la zone entourant les lésions sont considérés comme des adjuvants viables au traitement ciblé pour les raisons suivantes : ils ne sont pas invasifs; ils pourraient réduire le risque de formation de tissu cicatriciel; ils ciblent des zones difficiles à traiter; ils réduisent les coûts; ils stoppent la cancérisation subclinique sous-jacente; et ils offrent des avantages cosmétiques secondaires. Au nombre des autres traitements ciblant la zone environnante figurent le 5-fluoro-uracile (5-FU), l’imiquimod, le diclofénac, les rétinoïdes topiques et systémiques, les dermabrasions chimiques, le resurfaçage au laser et la thérapie photodynamique (TPD) modifiée. Parmi les autres traitements ciblant la lésion, on compte le curetage, l’électrochirurgie et la TPD traditionnelle.

Résultats prometteurs

L’étude présentée au congrès avait pour objectif d’évaluer l’efficacité de la cryochirurgie ciblée suivie de l’application topique d’imiquimod à 3,75 % sur la zone environnante dans le traitement des KA chez des adultes. Après avoir été soumis à une cryochirurgie pour une partie de leurs KA, les sujets étaient randomisés de façon à recevoir une application topique d’imiquimod à 3,75 % ou de crème placebo sur l’ensemble de la face 1 fois/jour pendant deux intervalles de deux semaines séparés d’un intervalle de deux semaines sans traitement.

Dans les groupes imiquimod et placebo, la diminution médiane du nombre de lésions a atteint respectivement 86,5 % et 50 % (p<0,0001) lorsque toutes les KA étaient considérées collectivement, 100 % et 80 % (p=0,0008) lorsque seules les KA traitées par cryochirurgie étaient prises en compte, et 83,3 % et 22,2% (p<0,0001) lorsque seules les KA non traitées par cryochirurgie étaient prises en compte (Figure 1). En outre, les lésions ont disparu complètement chez 30,2 % et 3,3 % (p<0,0001) des sujets lorsque l’analyse portait sur la totalité des KA, chez 59,5 % et 29,8 % (p<0,0001) des sujets dans le cas des KA traitées par cryochirurgie, et chez 34,1 % et 5 % (p<0,0001) des sujets dans le cas des KA non traitées par cryochirurgie. Le traitement a été bien toléré et s’est révélé plus efficace que le placebo selon les trois analyses. Les réactions cutanées locales ont été plus fréquentes dans le groupe imiquimod, et les sujets sous imiquimod ont été plus nombreux à avoir des réactions cutanées locales sévères (34,9 % vs 1,7 % pour le placebo).

De l’avis de l’un des auteurs de l’étude, le Dr Joseph Jorizzo, professeur titulaire de dermatologie, Wake Forest University, Winston-Salem, Caroline du Nord, et professeur adjoint de dermatologie, Weill Cornell Medical Center, New York, «l’association de la cryochirurgie et d’un traitement topique de la zone environnante est la meilleure façon d’intervenir pour régler le problème continu des KA». L’application d’azote liquide pour détruire les KA par le froid est une excellente modalité thérapeutique, surtout lorsque la lésion est épaisse, confirme le Dr Jorizzo. Par contre, «si le dermatologue se contente de détruire les lésions, il passera son temps à en détruire chaque fois que le patient se présentera pour un traitement. L’ajout d’une modalité qui traite la cancérisation de la zone environnante est une façon de faire avancer le traitement. Bref, si l’on détruit les lésions par cryochirurgie tout en faisant disparaître un certain pourcentage des lésions en voie de formation, la prise en charge du problème est davantage intégrée.»

Figure 1. Diminution médiane du nombre total de KA par rapport au nombre initial


L’application d’imiquimod en crème à 3,75 % après la cryochirurgie facilite le traitement au-delà de la lésion, affirme le Dr Fenske. «Lors de cette étude, l’imiquimod a aidé à démasquer toutes les lésions inapparentes. C’est d’ailleurs l’un des meilleurs médicaments que nous ayons pour faire surgir les lésions inapparentes. Le traitement par cycles rend le processus plus facile à supporter pour le patient en raison de la période de repos, d’une fréquence d’administration simplifiée et de l’abrégement de la durée du traitement.» Le Dr Fenske estime que l’on devrait envisager de traiter la zone environnante chez chaque patient. «On doit offrir le traitement adjuvant à la cryochirurgie à chacun de nos patients. Le concept de la cancérisation sous-jacente de la zone environnante est indéniable.»

Disparition complète et durable des lésions

Dans le cadre d’une autre étude présentée au congrès, on a évalué à 12 mois la durabilité de la disparition complète des KA après un traitement par l’imiquimod en crème à 2,5 % ou à 3,75 %. La disparition complète des KA (face entière et cuir chevelu en voie de devenir chauve) pendant au moins 12 mois s’est maintenue dans =40 % des cas où les lésions avaient complètement disparu après le traitement par l’imiquimod en crème à 3,75 %.

À l’heure actuelle, tant aux États-Unis qu’en Europe, le traitement des KA par l’imiquimod en crème à 5 % repose sur une fréquence d’administration contre-intuitive, dure longtemps et ne cible qu’une petite surface (25 cm2) (Lebwohl et al. J Am Acad Dermatol 2004;50[5]:714-21; Korman et al. Arch Dermatol 2005;141[4]:467-73; Jorizzo et al. J Am Acad Dermatol 2007;57[2]):265-8). De plus, la préparation à 5 % pour usage quotidien n’est pas suffisamment bien tolérée (Gebauer et al. Br J Dermatol 2009;161[4]:897-903).

Quatre études de phase III avec placebo ont été réalisées pour l’évaluation de schémas plus faiblement dosés (2,5 % ou 3,75 %). L’imiquimod et le placebo, en crème, ont été appliqués quotidiennement sur la face entière ou le cuir chevelu chauve ou presque (surface traitée >25 cm2) pendant deux cycles de deux ou trois semaines, séparés par une période sans traitement de deux ou trois semaines, respectivement (Swanson et al. J Am Acad Dermatol 2010;62[4]:582-90; Hanke et al. J Am Acad Dermatol 2010;62[4]:573-81). Les deux préparations actives se sont révélées plus efficaces que le placebo et ont été bien tolérées malgré un usage quotidien.

Dans les cas où la disparition des lésions ne s’était pas maintenue, le nombre médian de KA (récurrentes ou nouvelles) dans la surface traitée était respectivement de 4, 3 et 3 chez les témoins sous placebo et les sujets sous imiquimod à 2,5 % et à 3,75 % en cycles de deux semaines, et de 6, 2 et 2 chez les témoins sous placebo et les sujets sous imiquimod à 2,5 % et à 3,75 % en cycles de trois semaines. Compte tenu du nombre élevé de KA avant le traitement (plus le nombre de lésions est élevé au départ, plus la probabilité de lésions récurrentes est forte) et de l’étendue assez vaste de la zone traitée (plus la surface à traiter est vaste, plus la probabilité de nouvelles lésions est forte), la disparition durable des KA chez =40 % des sujets à 12 mois sous l’effet de la préparation à 3,75 % est encourageante.

Résumé

La cryochirurgie est une modalité efficace et très utilisée pour le traitement des KA. Depuis peu, on sait qu’un processus de cancérisation existe dans la zone entourant les KA : ce tissu a également été exposé aux rayons UV et pourrait donc être altéré sur le plan histologique. Le traitement des lésions subcliniques en plus des KA visibles constitue une démarche plus intégrée. Il a été démontré qu’un traitement adjuvant par l’imiquimod augmentait l’efficacité de la cryochirurgie et qu’il était bien toléré. La préparation à 3,75 % administrée quotidiennement en cycles de deux semaines (deux semaines de traitement, deux semaines de repos, deux semaines de traitement) a donné lieu à une diminution médiane de 86,5 % du nombre de lésions. La disparition complète des KA s’est maintenue pendant au moins 12 mois après l’application topique de crème à 3,75 % chez =40 % des patients. Vu le nombre élevé de KA avant le traitement et l’étendue assez vaste de la surface traitée, ce résultat est certes digne de mention.

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