Comptes rendus

Nouvelles stratégies antifongiques chez les transplantés de cellules souches à risque élevé de mycose
Progrès dans la prise en charge des infections associées aux allogreffes de cellules souches

De nouveaux horizons dans la prise en charge de l’aspergillose invasive

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - Focus on Fungal Infections

La Nouvelle-Orléans, Louisiane / 3-5 mars 2010

Lors d’études comparatives avec placebo ou agent actif, un antifongique azolé administré en prophylaxie a réduit significativement le risque de mycoses, y compris l’aspergillose (N Engl J Med 2007;356:348-59). La prévention de l’aspergillose invasive (AI) peut se faire à l’aide d’un traitement prophylactique ou d’un traitement préemptif fondé sur le diagnostic soupçonné, explique le Pr Ben de Pauw, Université Radboud, Centre médical de Nimègue, Pays-Bas. Le traitement prophylactique perd toutefois de son intérêt dans les jours ou semaines qui précèdent la confirmation ou non de l’infection par les épreuves de laboratoire. Des tests d’exécution plus rapide ouvriraient la porte à une nouvelle stratégie, le traitement antifongique préemptif. «Avec les cultures, il fallait attendre deux semaines pour qu’une mycose invasive soit confirmée, alors que la tomodensitométrie nous permet de la suspecter dans un délai de une semaine et la sérologie, de quelques jours», poursuit-il.

Selon des études récentes, la temporisation avec sérologies sériées n’a pas diminué la fréquence des mycoses invasives comparativement au traitement empirique, mais elle a réduit l’utilisation d’antifongiques sans modifier la mortalité totale (Clin Infect Dis 2005;41:1242-50; Clin Infect Dis 2009;48:1042-51; Bone Marrow Transpl 2009;41:553-61). «Avec toutes ses complexités, le traitement préemptif est une démarche novatrice qui a gagné ses lettres de noblesse», affirme-t-il, ajoutant que «le traitement empirique ne disparaîtra pas, mais il sera moins utilisé».

Monitoring thérapeutique

Les guides de pratique clinique sur la prise en charge des risques associés à l’AI (et aux autres mycoses) traitent du monitoring thérapeutique (MT) des antifongiques azolés, affirme Paul G. Gubbins, PharmD, University of Arkansas, Little Rock. Chaque antifongique a certaines caractéristiques qui compliquent la prise de décisions reposant sur le MT, par exemple : profil pharmacocinétique non linéaire et imprévisible, absorption variable influencée par des facteurs tels le pH gastrique et l’ingestion de nourriture, métabolisme lent ou activité variable de la molécule mère. Quelles que soient les différences entre les agents, «la clé est de savoir s’il existe une corrélation entre les concentrations sanguines et l’efficacité», poursuit M. Gubbins.

Plusieurs écueils ont brouillé les premières études sur le MT de l’itraconazole, notamment : utilisation de capsules et de biodosages, effectifs de petite taille et populations hétérogènes. Malgré tout, les données semblaient indiquer que l’échec du traitement était corrélé avec de faibles concentrations et qu’en dessous de la concentration minimale de 500 ng/mL (0,5 mg/L) , les résultats étaient mauvais, souligne M. Gubbins.

Une étude récente a porté sur le lien entre les concentrations et la toxicité de l’itraconazole administré par voie orale pendant trois semaines pour un syndrome lié à Aspergillus. Les biodosages ont objectivé des concentrations comprises entre 0,5 et 25,6 mg/L, et la dose était ajustée pour l’obtention de concentrations <5 ou >15 mg/L. «Une concentration de 5 mg/L mesurée par biodosage conférait une probabilité de 26 % d’effet indésirable, souligne M. Gubbins. La probabilité de toxicité était d’autant plus forte que la concentration était élevée. Selon les résultats, une concentration de 17 mg/L mesurée par biodosage serait la limite supérieure appropriée aux fins de MT.»

Selon des données chez l’humain soumises à la FDA aux États-Unis, le lien entre la réussite du traitement et les concentrations serait ténu. L’analyse n’a montré globalement aucun lien pharmacocinétique ou pharmacodynamique entre les concentrations du médicament et l’efficacité. «Les doses thérapeutiques ayant permis l’obtention de concentrations supérieures à la concentration minimale inhibitrice dans les isolats cliniques, le MT du voriconazole – dont il est fait mention dans le résumé général du dossier – n’a pas suscité grand intérêt», poursuit M. Gubbins.

À en juger par les études sur le lien entre les concentrations et la toxicité du voriconazole, le MT serait généralement peu utile, dit-il. L’élévation des transaminases rapportée lors des essais cliniques sur le voriconazole était le plus souvent légère ou modérée sans qu’un seuil particulier n’ait été repéré, les élévations de transaminases étant par ailleurs un effet de classe des azolés, fait-il remarquer.

Quelques petites séries ont objectivé un lien entre des concentrations croissantes de voriconazole et un risque accru d’effets indésirables sur le système nerveux central (SNC) (Clin Infect Dis 2004;39:1241-4; Clin Infect Dis 2008;46:201-11). «Dans l’éventualité d’une encéphalopathie ou d’un autre trouble du SNC après le début du traitement par le voriconazole, on devrait probablement mesurer les concentrations sériques et cesser l’administration du traitement jusqu’à ce que la cause des symptômes et le lien éventuel avec le voriconazole puissent être déterminés», estime M. Gubbins.

Vu l’inévitable variabilité interindividuelle et le profil pharmacocinétique non linéaire du voriconazole, il est difficile de prédire les concentrations sériques à partir d’un dosage unique. Le MT impose une série de prélèvements, explique-t-il. «Dans la pratique, le MT du voriconazole n’aide pas à réduire le risque d’effets indésirables courants, même si l’on tente actuellement de corréler concentrations et résultats. Le MT a sa place dans certains cas, pour autant que l’on garde à l’esprit qu’il n’existe aucune valeur cible validée.»

Dans le cas du posaconazole, nous manquons de données pour déterminer si le MT systématique est justifié. La possibilité de prédire l’efficacité à partir des concentrations est à l’étude, et les concentrations cibles restent à déterminer, indique M. Gubbins. Les concentrations semblent toutefois très sensibles à l’apport de nourriture (surtout de lipides), au pH gastrique et à la vitesse de vidange gastrique.

Le rôle des associations

Le Dr Luis Ostrosky-Zeichner, University of Texas Health Science Center, Houston, estime que, pour prolonger la survie, l’association d’antifongiques est une stratégie très intéressante. De nouvelles données cliniques, quoique limitées, montrent que la combinaison des agents actuels peut être sûre et efficace. L’association de l’anidulafungine et du voriconazole, par exemple, fait l’objet d’études cliniques et précliniques dans le traitement de l’AI (Antimicrob Agents Chemother 2009;53:5102-07; Expert Opin Investig Drug 2009;18:1393-404; Antimicrob Agents Chemother 2009;53:2382-91; Antimicrob Agents Chemother 2009;53:2005-13).

L’Infectious Diseases Society of America recommande l’association d’antifongiques dans quelques cas, notamment les infections du SNC et cardiovasculaires (Clin Infect Dis 2009;48:503-35). «Nous avons encore peu d’expérience avec les associations, reconnaît le Dr Ostrosky-Zeichner, mais les données portent à croire [qu’elles] pourraient être utiles dans certains cas précis.»

De nouvelles stratégies antifongiques à l’horizon

L’éventail d’options pour le traitement des mycoses invasives ne cesse de s’élargir, souligne le Dr Thomas Patterson, University of Texas Health Science Center, San Antonio. Du côté des azolés, on attend une préparation liquide d’itraconazole pour gavage oral et une préparation liquide congelée par pulvérisation pour aérolisation. En fait, l’intérêt grandissant pour les aérosols découle du constat de la nature changeante des mycoses pulmonaires. De plus en plus, l’évolution des agents en cause et du moment de la survenue de l’infection nécessitent un diagnostic rapide. Les infections avancées demeurent associées à de piètres résultats, surtout chez les patients fortement immunodéprimés et les patients atteints d’une infection disséminée ou du SNC.

La quête d’un traitement plus efficace a donné lieu à de nouveaux agents et associations, poursuit le Dr Patterson, mais les interactions médicamenteuses, la toxicité systémique, le profil pharmacocinétique et le coût sont souvent sources de limitations. Au vu de ces facteurs de confusion et de ces limitations, la possibilité d’un traitement en aérosol pour prévenir les mycoses invasives chez les patients à risque élevé suscite un intérêt grandissant.

Le voriconazole en aérosol semble prometteur pour combler certaines lacunes du traitement des mycoses invasives. Une étude récente menée chez la souris a comparé trois stratégies pour la prévention des infections invasives par Aspergillus fumigatus (Antimicrob Agents Chemother 2009;53:2613-5). Après randomisation, les souris recevaient du sodium de sulfobutyl éther de bêta-cyclodextrine (SBECD) en aérosol, du voriconazole intraveineux dissous dans du SBECD en aérosol ou du désoxycholate d’amphotéricine B. Le voriconazole et le SBECD (aérosol témoin) étaient libérés dans les poumons de la souris grâce à une chambre d’inhalation adaptée pour un seul animal et à une micropompe à nébulisation. Le voriconazole en aérosol a prolongé la survie de manière significative durant le traitement et après l’arrêt du traitement, comparativement à l’aérosol témoin et au désoxycholate d’amphotéricine B (p<0,01).

Le recours à un inhibiteur d’histone désacétylases (HDAC) pour accroître la sensibilité des champignons aux azolés comme le voriconazole est une autre stratégie séduisante. L’idée de combiner ces agents découle du constat que les azolés désacétylent le promoteur de la transcription, entraînant ainsi une diminution de la répression ou, inversement, une stimulation des gènes de résistance. Les inhibiteurs d’HDAC pourraient accroître la sensibilité des champignons aux azolés en réduisant la stimulation du mécanisme d’efflux dépendante des azolés et la transcription des gènes codant pour la biosynthèse de l’ergostérol. Des études préliminaires ont révélé que la diminution de la transcription pouvait atteindre 50 % sous l’effet de l’association d’un azolé et d’un inhibiteur d’HDAC (Antimicrob Agents Chemother 2002;46:3532-9).

Résumé

Le traitement de l’AI s’est amélioré considérablement grâce aux nouveaux antifongiques et aux nouvelles stratégies. De plus en plus, les cliniciens doivent s’efforcer d’optimiser l’utilisation des agents à leur disposition. Les stratégies prophylactique et empirique ont des lacunes, dont certaines sont comblées par le traitement préemptif fondé sur des sérologies. Bien que de faibles concentrations d’un antifongique augmentent le risque d’échec thérapeutique, le rôle du MT dans la prise en charge de l’aspergillose reste à définir.

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