Comptes rendus

La vaccination contre le VPH allège le fardeau de la maladie dès ses premières manifestations
De nouveaux horizons dans la prise en charge de l’aspergillose invasive

Nouvelles stratégies antifongiques chez les transplantés de cellules souches à risque élevé de mycose

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - La 36e Assemblée annuelle de l’EBMT (European Group for Blood and Bone Marrow Transplantation)

Vienne, Autriche / 21-24 mars 2010

Au cours des 10 dernières années, l’une des grandes avancées de la prise en charge des hémopathies malignes à risque élevé a été la théorie dite de l’effet greffon vs leucémie chez les greffés de cellules souches hématopoïétiques (CSH) allogéniques. Certes, pareille démarche peut réduire considérablement le risque de récidive chez de nombreux patients, mais elle est aussi source de nouvelles difficultés. De plus, de nouvelles techniques comme la greffe de sang placentaire sont susceptibles d’augmenter le nombre de patients fortement immunodéprimés et, partant, le risque d’infections opportunistes comme les mycoses invasives.

Depuis 10 ans, le marché a vu apparaître de nouvelles préparations d’amphotéricine B, de nouveaux azolés comme le voriconazole et le posaconazole, et des échinocandines comme la caspofongine. Les experts ne s’entendent pas cependant sur les stratégies les plus mieux adaptées à certains types de patients. Au cœur du débat : La prophylaxie antifongique est-elle souhaitable chez certains patients? Quel est le moment idéal pour amorcer le traitement préemptif ou empirique? Idéalement, la prise de décisions cliniques reposerait sur des recommandations claires formulées à partir de données concluantes d’essais cliniques. Or, dans un grand nombre de cas, les comparaisons directes font défaut, et il est fréquent que le comparateur soit inapproprié comme c’est le cas pour une étude clé sur le voriconazole (N Engl J Med 8 août 2002;347[6]:408-15) où le comparateur était le désoxycholate d’amphotéricine B, préparation d’amphotéricine B rarement utilisée de nos jours en raison de sa toxicité. La sous-représentation des greffés de CSH dans un grand nombre d’essais cliniques est un autre écueil qui vient compliquer l’extrapolation de données cliniques actuelles. C’est malheureux, car ces patients sont exposés à un risque considérable de mycose invasive, et le taux de mortalité par aspergillose invasive atteint 90 % dans certaines cohortes de témoins historiques.

Traitement documenté, préemptif et empirique

Il est difficile de cerner avec précision le moment idéal pour amorcer un traitement documenté, car il n’existe pas de définition claire et universelle des infections probable ou prouvée (condition sine qua non du traitement documenté). «Jusqu’à tout récemment, la définition d’une mycose invasive probable ou prouvée variait d’un essai clinique à l’autre», explique le Dr Andrew Ullmann, Johannes-Gutenberg Universität, Mayence, Allemagne. «Au nombre des “critères modifiés” figuraient les infections fongiques probables sans preuve mycologique, mais accompagnées d’infiltrats pulmonaires spécifiques considérés comme indicatifs d’une aspergillose invasive.» L’utilisation de cette définition de mycose probable donne toutefois lieu à une nette divergence de résultats entre mycoses prouvées et mycoses probables. En l’absence de preuves mycologiques, «je pense qu’on devrait davantage parler de traitement préemptif», affirme le Dr Ullmann. Deux études majeures témoignent de la réussite médiocre du traitement des mycoses invasives chez les greffés de CSH : la première, dont on a déjà fait mention, portait sur le voriconazole et le désoxycholate d’amphotéricine B (N Engl J Med 8 août 2002;347[6]:408-15) tandis que la seconde comparait différentes doses d’amphotéricine B liposomale (Clin Infect Dis 15 mai 2007;44[10]:1289-97). Dans les deux cas, les taux de réussite et de survie ont été médiocres. Dans la première étude, on a rapporté une réponse favorable chez 32 % des 37 greffés de CSH sous voriconazole. Dans la deuxième étude, la réponse a été favorable chez 47 % des 17 greffés de CSH et le taux de survie à 12 semaines se chiffrait à 40 %. «En tant que cliniciens, nous ne devrions pas nous contenter de cela, je pense», poursuit le Dr Ullmann. Dans un contexte de traitement empirique (administré en cas de neutropénie fébrile persistante), les résultats ne sont pas tellement meilleurs : le taux de succès associé à des antifongiques comme l’amphotéricine liposomale, le voriconazole et la caspofongine se situe entre 26 et 50 %.

Plaidoyer en faveur de la prophylaxie

«Bien que les résultats du traitement soient nettement meilleurs depuis la commercialisation d’agents actifs contre les moisissures, ils sont loin d’être optimaux. La prophylaxie est donc logique, surtout chez les patients à risque élevé de mycose qui peuvent demeurer immunodéprimés longtemps», explique le Dr Daniel Couriel, Sarah Cannon Cancer Center, Nashville, Tennessee. Lorsqu’on envisage la prophylaxie antifongique chez des greffés de CSH, on ne doit pas oublier que ces patients peuvent demeurer neutropéniques pendant près de 100 jours. La normalisation du nombre de monocytes, de neutrophiles et de cellules NK, puis du nombre de cellules B et CD8, s’accompagne d’un risque de réaction du greffon contre l’hôte (GvH), ce qui donne lieu «probablement à la plus forte immunosuppression que l’on puisse rencontrer en médecine», souligne le Dr Couriel. Ces patients sont donc très vulnérables aux infections. Le risque de candidose survient assez tôt, alors que le risque d’aspergillose peut survenir plus tard, en association avec la GvH. Compte tenu du taux de mortalité élevé associé au traitement documenté et au traitement empirique, le traitement prophylactique pourrait avoir sa place.

La notion de prophylaxie antifongique chez les greffés de moelle osseuse a d’abord été validée lors d’un essai sur le fluconazole avec placebo (N Engl J Med 26 mars 1992;326[13]:845-51). Depuis, un certain nombre d’essais ont démontré que l’antifongique évalué était au moins équivalent, parfois supérieur au comparateur, généralement le fluconazole. Dans le cadre d’une étude récente, on a comparé le posaconazole avec le fluconazole comme traitement prophylactique chez des patients présentant une GvH sévère sous traitement immunosuppresseur. Le paramètre principal était l’incidence des mycoses invasives entre la randomisation et le 112e jour (le terme de la période de traitement) (N Engl J Med 25 janv 2007;356[4]:335-47). L’étude n’a objectivé aucune différence significative entre les traitements quant au paramètre principal, mais une tendance s’est dégagée en faveur du posaconazole (5,3 % vs 9 %; p=0,074). La différence était toutefois significative durant le traitement. Des résultats jamais présentés auparavant ont révélé que «52 patients (17,4 %) sous fluconazole, contre 26 patients (8,6 %) sous posaconazole, présentaient une mycose possible, c’est-à-dire des infiltrats pulmonaires, ce qui représente une différence significative (p=0,013)», affirme le Dr Ullmann. C’est en partie à la suite de cette étude que plusieurs organismes recommandent maintenant le posaconazole comme traitement prophylactique chez les patients à risque élevé.

Prophylaxie en conditions réelles

Le Dr Ullmann a présenté quelques données préliminaires d’une étude d’observation réalisée dans son hôpital, qui a adopté le posaconazole en prophylaxie pour la plupart des allogreffés de CSH. En 2008, son équipe a recueilli des données chez 52 patients suivis pendant 100 jours. Les chercheurs ont recensé quatre cas d’infection prouvée (l’agent pathogène en cause était un zygomycète dans un cas) et 15 cas d’infection possible (infiltrats pulmonaires). Le taux d’observance du traitement (soit plus de 70 jours sous posaconazole, avec possibilité de traitement de relais si la voie orale ne convenait pas) a atteint 60,6 % chez les patients exempts d’infiltrats, par comparaison à 36,8 % chez les patients présentant une mycose possible ou prouvée. Parmi les patients exempts d’infiltrats, seulement 3 % sont décédés, comparativement à 58 % parmi les patients présentant des infiltrats. Bien que de tels résultats soient encourageants dans un contexte de pratique clinique, ils semblent illustrer la nécessité d’une bonne observance. Ainsi, de l’avis du Dr Ullmann, dans les cas où l’observance du traitement par voie orale est difficile, «une préparation de posaconazole injectable par voie intraveineuse serait utile».

Résumé

L’allogreffe de CSH améliore les chances de guérison, mais elle augmente également le nombre de patients à risque de mycose invasive. De nouveaux agents dotés de modes d’action différents ont élargi l’éventail d’options pour la prise en charge de ces patients et amélioré les résultats, mais l’utilisation optimale de ces agents n’est pas établie pour autant. À ce jour, les stratégies de traitement documenté, préemptif et empirique ont donné des résultats plutôt médiocres. Un diagnostic précoce reposant sur des marqueurs moléculaires ou des techniques d’imagerie avancée améliorera peut-être les résultats, mais les arguments les plus solides que nous ayons actuellement plaident en faveur de la prophylaxie. Les agents utilisés à des fins de prophylaxie doivent respecter un certain nombre de critères, notamment un bon profil d’innocuité et un large spectre d’activité. Le posaconazole, nouvel antifongique indiqué en prophylaxie chez les patients à risque élevé, pourrait donc être bénéfique en pareilles conditions.

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