Comptes rendus

Deuxième Conférence de l’Est de l’Ontario sur la prise en charge des GIST
Dépister la sclérodermie pour diagnostiquer et traiter l'hypertension artérielle pulmonaire sans délai

De nouvelles données sur l’individualisation du traitement de l’infection à VIH chez les patients qui avancent en âge

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - La 17e Conférence sur les rétrovirus et les infections opportunistes (CROI)

San Francisco, Californie / 16-19 février 2010

Plusieurs nouvelles études importantes sont venues étoffer les premières données ayant montré que le traitement antirétroviral exacerbait le risque cardiovasculaire chez les patients infectés par le VIH. Ces études permettent de différencier les agents quant à leurs risques relatifs d’effets défavorables sur plusieurs systèmes organiques, lesquels influent sur la survie à long terme indépendamment de la maîtrise de l’infection à VIH. Ces données modifient les bases de la sélection des antirétroviraux, surtout chez les patients qui avancent en âge. De nouvelles données ont été publiées récemment quant au risque relatif d’effet défavorable sur l’intégrité osseuse et d’insuffisance rénale chronique. La suppression de la charge virale demeure bien sûr l’objectif premier de la prise en charge de l’infection à VIH, mais les effets des antirétroviraux sur les maladies liées au vieillissement des principaux organes pourraient écourter la survie à long terme.

Perte moindre de densité osseuse

Parmi les nouvelles données, celles qui concernent la densité minérale osseuse (DMO) comptent parmi les plus probantes. Une sous-étude prospective de l’essai ACTG A5202, intitulée ACTG A5224s, a mis en évidence des différences hautement significatives sur le plan statistique entre les groupes recevant comme inhibiteurs nucléosidiques de la transcriptase inverse (INTI) l’association abacavir/lamivudine (ABC/3TC) ou l’association ténofovir/emtricitabine (TDF/FTC) de même qu’entre les groupes recevant en complément l’éfavirenz (EFV), inhibiteur non nucléosidique de la transcriptase inverse (INNTI), ou l’atazanavir, inhibiteur de la protéase (IP), potentialisé par le ritonavir (ATVr). Ces données sont importantes parce que nous savons maintenant que l’infection à VIH est en soi une source d’ostéoporose, ce qui souligne la nécessité de bien choisir les antirétroviraux chez les patients vulnérables.

«La perte de densité osseuse est une complication majeure de l’infection à VIH, mais les antirétroviraux diffèrent entre eux quant à leurs effets sur l’intégrité osseuse au fil du temps, et cette différence risque d’avoir une portée clinique dans un certain nombre de groupes à risque, dont les hommes ayant des antécédents de fractures et les femmes en périménopause ou ménopausées», souligne la Dre Grace McComsey, Case Western Reserve University, Cleveland, Ohio.

Cette dernière présentait les résultats des quatre groupes de la sous-étude A5224s. Après randomisation, les 269 participants recevaient aléatoirement les INTI ABC/3TC ou TDF/FTC et soit l’EFV, soit l’ATVr. Une perte de DMO a été observée avec tous les schémas, explique la Dre McComsey, mais la diminution a été plus marquée dans les deux schémas à base de TDF/FTC. La perte osseuse beaucoup plus marquée à 96 semaines sous TDF/FTC que sous ABC/3TC, qu’elle ait été mesurée au niveau de la colonne lombaire (-3,0 % vs -1,3 %; p=0,04) ou de la hanche (-3,9 % vs -2,6 %; p=0,025), annonce un déficit prononcé avec le temps.

La comparaison de l’EFV et de l’ATVr a fait ressortir une perte significativement plus marquée sous ATVr au niveau de la colonne lombaire (-1,7 % vs -3,2 %; p=0,035), mais l’écart n’était pas significatif au niveau de la hanche (-3,1 % vs -3,4 %; p=0,59). Cela dit, la perte substantielle de DMO avec l’un et l’autre agent justifie que l’on redoute l’ostéoporose chez les patients infectés par le VIH qui avancent en âge.

Ce risque n’est pas seulement théorique. Dans une deuxième présentation au nom de l’équipe du Veterans Aging Cohort Project, Julie Womack, PhD, Veterans Affairs Connecticut Healthcare System, West Haven, Connecticut, a expliqué que les fractures de fragilisation étaient déjà en hausse chez les hommes infectés par le VIH, âgés en moyenne de seulement 47 ans. Si les fractures de la hanche et des vertèbres sont déjà fortement liées à l’âge chez l’homme, infection à VIH ou non, l’infection à VIH a augmenté ce risque d’environ 50 % selon une analyse univariée et 35 % selon une analyse multivariée.

En raison du risque d’ostéoporose auxquels sont exposés les patients infectés par le VIH, nous ne devons pas nous contenter de choisir les antirétroviraux appropriés pour éviter d’autres complications, nous devons aussi appliquer diverses mesures prophylactiques, affirment la Dre McComsey et Mme Womack. Elles estiment toutes deux qu’une mesure de la DMO initiale suivie de mesures sériées devraient servir à consigner par écrit l’intégrité du système osseux chez les patients infectés par le VIH. En plus d’opter pour les agents qui risquent le moins d’exacerber la perte osseuse en présence d’une ostéopénie évolutive, elles recommandent la prise de suppléments alimentaires connus pour augmenter la DMO et l’adoption de nouvelles habitudes de vie qui atténueront le risque de fracture.

Résultats de l’essai ACTG 5202 à 96 semaines

Les résultats de la sous-étude, qui ont fait l’objet d’une séance de dernière heure, faisaient suite aux résultats définitifs de l’essai principal ACTG 5202, également présentés en séance de dernière heure. L’objectif de cette étude avec randomisation – qui regroupait 1857 patients infectés par le VIH jamais traités – était d’évaluer l’équivalence de deux associations d’INTI, l’ABC/3TC et le TDF/FTC, auxquelles s’ajoutait soit l’EFV, soit l’ATVr. L’essai comportait donc quatre groupes. L’effectif a par ailleurs été stratifié en fonction de la charge virale initiale. Une analyse partielle a été présentée il y a plusieurs mois pour les 797 patients dont la charge virale était élevée (Sax et al. N Engl J Med 2009;361:2230-40), mais les nouvelles données portaient principalement sur les résultats définitifs à 96 semaines obtenus chez les 1060 patients dont la charge virale initiale était <100 000 copies de l’ARN/mL.

«Le suivi prolongé des patients porteurs d’une faible charge virale n’a objectivé aucune différence quant à l’intervalle sans échec virologique lorsqu’on comparait les INTI associés à l’IP ou à l’INNTI», enchaîne le Dr Eric Daar, Los Angeles Biomedical Institute, Harbor-UCLA Medical Research Center, Torrance, Californie. «Au chapitre de l’échec virologique, la différence était très faible à 96 semaines – moins de 2 % – et les intervalles de confiance étaient bien inférieurs au seuil de 10 % généralement utilisé pour définir l’équivalence.»

En fait, les taux d’échec à 96 semaines étaient d’environ 11 % seulement dans les groupes ATVr avec l’une ou l’autre association d’INTI (11 % vs 10,2 % pour l’ABC/3TC vs TDF/FTC, respectivement) et de 15 % environ dans les groupes EFV (16,6 % vs 14,7 %), ce qui étaye la durabilité du bénéfice avec l’ABC/3TC ou le TDF/FTC chez les porteurs d’une charge virale initiale <100 000 copies de l’ARN/mL. Cependant, note le Dr Daar, des mutations conférant une résistance sont apparues plus souvent sous EFV que sous ATVr durant l’étude, quelle qu’ait été l’association d’INTI administrée. Sur le plan de l’innocuité, les associations étaient généralement équivalentes, si ce n’est que les dyslipidémies étaient plus fréquentes sous ABC/3TC et les dysfonctions rénales (clairance de la créatinine anormale), plus fréquentes sous TDF/FTC.

Fonction rénale

De nouvelles données montrent que les antirétroviraux diffèrent également quant au risque d’insuffisance rénale chronique (IRC) chez les patients infectés par le VIH qui avancent en âge. Comme c’est le cas pour la perte de DMO, la probabilité d’IRC cliniquement importante augmente avec le temps. Ainsi, si le problème ne se pose pas vraiment chez un jeune patient dont la fonction rénale est saine, il n’en va pas de même pour le patient plus âgé, en particulier s’il présente d’autres facteurs de risque de dysfonction rénale.

Dans le cadre d’une séance de dernière heure où l’on a présenté les données de l’étude EuroSIDA sur l’IRC, il a été démontré que quatre antirétroviraux augmentaient le risque d’IRC de façon hautement significative selon une analyse univariée, mais que le lien était hautement significatif pour seulement trois d’entre eux selon une analyse multivariée.

«L’augmentation du risque d’IRC a été observée avec le TDF, l’ATV, l’indinavir et le lopinavir (LPV). Dans le cas du LPV, le lien avec l’augmentation du risque était plus flou selon l’analyse multivariée», affirme le Dr Ole Kirk, Programme de Copenhague sur l’infection à VIH, Université de Copenhague, Danemark. Il est ressorti de l’analyse multivariée que le risque relatif (RR) d’IRC atteignait un maximum avec l’ATV (RR de 1,21; p=0,0003) et le TDF (RR de 1,16; p<0,0001). Le Dr Kirk a toutefois insisté pour dire que la corrélation était évidente entre le risque d’IRC et une exposition accrue au TDF et que cette corrélation confirmait les données publiées antérieurement. Les chercheurs n’ont pas été étonnés de constater que le risque d’IRC associé au TDF était d’autant plus marqué que le débit de filtration glomérulaire initial estimé était faible et que le nombre de facteurs de risque d’IRC présents au départ était élevé, ce qui souligne l’importance d’individualiser le traitement.

Les résultats des études présentées au congrès témoignent de l’évolution globale des recommandations quant au choix des antirétroviraux et à l’ajustement des schémas pour contourner les effets défavorables de l’infection à VIH sur les organes vieillissants. Les données semblent indiquer qu’il n’existe aucun traitement optimal pour l’ensemble des patients, mais qu’il pourrait y avoir un traitement optimal pour chaque patient lorsqu’on tient compte de toutes ses caractéristiques et de la qualité de ses systèmes organiques pour déterminer les soins à lui prodiguer à long terme dans le cadre d’une démarche holistique.

Résumé

Parce que nous réévaluons constamment les modalités d’une maîtrise optimale à vie de l’infection à VIH, nous portons maintenant une plus grande attention aux caractéristiques de l’infection et des antirétroviraux chez les patients qui avancent en âge. Aucun objectif ne prime la suppression durable de la charge virale, bien entendu, mais l’expansion de l’arsenal thérapeutique signifie qu’il est maintenant possible de maîtriser l’infection à VIH efficacement en optant pour les antirétroviraux qui présentent le moins de risques possible pour les systèmes organiques et qui risquent le moins d’en accélérer le vieillissement. Le processus de sélection d’un antirétroviral s’est amélioré de façon remarquable.

Commentaires

Nous vous serions reconnaissants de prendre 30 secondes pour nous aider à mieux comprendre vos besoins de formation.