Comptes rendus

Prise en charge des neurofibromes plexiformes associés à la NF1 : nouvelle option pour les cas inopérables
Faisons le point sur le fardeau et la prise en charge de la NF1

Depuis 10 ans, l’issue du SHUa ne cesse de s’améliorer : regard sur l’inhibition du complément au sein de populations particulières

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - 60e Congrès de l’ERA (European Renal Association)

En présentiel/virtuel, Milan, Italie / 15-18 juin 2023

Milan – Le syndrome hémolytique et urémique atypique (SHUa) est une forme de microangiopathie thrombotique (MAT) qui se caractérise par une anémie microangiopathique avec fragmentation érythrocytaire, une thrombopénie et une atteinte rénale aiguë. À long terme, les lésions rénales secondaires aux thromboses peuvent mener à une maladie rénale terminale et à une greffe de rein. Bien que le SHUa soit rare, les cliniciens doivent comprendre comment le distinguer des autres formes de MAT et instaurer le traitement approprié. Au congrès, le diagnostic et la prise en charge du SHUa ont fait l’objet d’une douzaine d’affiches et d’un symposium commandité; il sera question dans le présent compte rendu de nouvelles données concernant l’impact de deux inhibiteurs de C5, l’éculizumab et le ravulizumab, sur la prise en charge du SHUa et sur divers aspects du SHUa à considérer chez la femme enceinte et l’enfant.

Rédactrice médicale en chef : Dre Léna Coïc, Montréal, Québec

« Toutes les MAT se caractérisent à la base par une atteinte sévère de l’endothélium vasculaire imputable à de nombreuses causes », affirmait le Dr Manuel Praga, Hospital Universitario 12 de Octubre, Madrid, Espagne, dans un symposium commandité. Dans le SHU « typique », certaines souches d’E. colisont généralement en cause. Le SHU atypique (SHUa) se subdivise en :

  • SHUa primitif ou familial : associé à des mutations génétiques dans la voie du complément; 
  • SHUa secondaire ou non familial : déclenché par des événements externes, p. ex. médicaments, maladie auto-immune, infection virale ou pneumococcique, tumeur maligne, greffe ou grossesse.

On doit distinguer le SHUa primitif du SHUa secondaire à l’aide d’un bilan clinique complet, d’analyses du complément, de tests génétiques et de la caractérisation des déclencheurs possibles, car une bonne compréhension de la cause influe sur la prise en charge. « Le SHUa primitif étant clairement lié à une dysrégulation du système du complément, le traitement de 1re intention est un blocage de C5 par l’éculizumab ou le ravulizumab, poursuit le Dr Praga. Dans le SHUa secondaire, il faut d’abord s’attaquer à la cause : arrêter la prise du médicament, traiter la maladie auto-immune, etc. » Cela dit, explique-t-il, une activation temporaire du complément peut survenir dans le SHUa secondaire, ce qui donne à penser que les inhibiteurs du complément pourraient jouer un rôle en association avec le traitement de la cause1.            

Regard sur l’inhibition de C5 par l’éculizumab et le ravulizumab

L’éculizumab et le ravulizumab – deux inhibiteurs de la composante C5 de la voie terminale du complément – constituent le traitement de référence du SHUa dans de nombreux pays dont le Canada. Ils viennent au secours de la fonction rénale et rétablissent les paramètres hématologiques chez des patients atteints d’un SHUa déjà traité ou non. Les deux s’administrent par voie i.v. : l’éculizumab toutes les 2 semaines et le ravulizumab, toutes les 8 semaines1, après une dose de charge.

Le registre mondial du SHUa est une étude observationnelle multinationale en cours, menée en conditions réelles, chez des patients atteints d’un SHUa partout dans le monde, notamment dans plusieurs centres au Canada. Au fil des 10 dernières années, selon une analyse du registre par la Dre Gema Ariceta, Brigham and Women’s Hospital, Boston, et al., le délai entre le diagnostic et le traitement du SHUa s’est largement atténué, probablement parce que la maladie est mieux connue et que des inhibiteurs de C5 ont été homologués. Les auteurs ont noté un recours moindre à la dialyse et aux greffes de rein depuis 10 ans, surtout en pédiatrie. « Bien que le traitement soit plus rapide qu’il y a 10 ans, il reste beaucoup à faire pour optimiser la pratique clinique, surtout chez les adultes», concluent-ils.

La Dre Lucia Cordero, Hospital Universitario 12 de Octubre, Madrid, Espagne, a présenté une affiche sur l’étude observationnelle rétrospective sur l’éculizumab dans le traitement précoce du SHUa secondaire, menée dans son centre. La pratique actuelle est généralement de traiter la cause du SHUa secondaire alors que, dans l’étude, l’éculizumab était instauré tôt, sans égard à la cause. Après 5 cycles (médiane), la durée du SHUa était significativement plus brève et le rétablissement de la fonction rénale était meilleur dans le groupe ayant reçu l’éculizumab tôt (n = 23, vs témoins [n = 14]) (Tableau 1). « L’utilisation précoce et brève de l’éculizumab dans le SHUa secondaire pourrait être une option sûre et efficace associée à un meilleur rétablissement de la fonction rénale, comparativement au traitement de la cause sous-jacente seulement ou à l’utilisation d’autres traitements», concluent les auteurs.           

Le Dr Álvaro Madrid Aris, Hospital Sant Joan de Déu, Barcelone, Espagne, s’est penché sur le ravulizumab dans le traitement de 1re intention du SHUa chez l’enfant. « Il y a encore peu de données sur le traitement de 1re intention par le ravulizumab en pédiatrie », explique-t-il. Il a présenté deux cas récents où le ravulizumab a donné de bons résultats. Le premier était une jeune fille de 13 ans qui arrivait d’un autre pays et qui avait des symptômes de SHUa depuis 1 semaine, notamment des symptômes digestifs aigus, une atteinte neurologique et une atteinte rénale aiguë. Une fois le ravulizumab administré, les paramètres hématologiques et la fonction rénale se sont rétablis rapidement, et une rémission hématologique complète a été observée dans les 7 jours suivant la 1re dose. Le deuxième cas était une fillette de 7 ans qui avait des épisodes de SHUa depuis sa naissance : elle a eu besoin d’une greffe rénale en raison d’une maladie rénale chronique de stade 5. On la considérait à haut risque de récidive de SHUa vu la présence du gène MCP, transmis par sa mère. On lui a greffé un rein de son père; elle a reçu une première dose de ravulizumab avant la chirurgie et une deuxième 2 semaines plus tard. Lors du suivi, sa fonction rénale était stable, et le SHUa n’avait pas récidivé. « L’inclusion du ravulizumab dans l’arsenal thérapeutique pave la voie à un traitement sûr et efficace chez les enfants atteints de SHUa », conclut le Dr Madrid4.

 

Tableau 1. Principaux résultats selon le groupe de traitement dans le SHUa secondaire

DFGe, débit de filtration glomérulaire estimé

 

Regard sur le SHUa associé à la grossesse 

Le SHUa associé à la grossesse – qui se manifeste le plus souvent en fin de grossesse ou durant le post-partum – peut avoir des conséquences mortelles. Plusieurs affiches du congrès ont illustré l’importance d’un diagnostic et d’une prise en charge rapides.

Le Dr Andrea Spasiano, Università Cattolica del Sacro Cuore, Rome, Italie, a présenté 14 cas de SHUa associé à la grossesse, potentiellement causés par une hémorragie du post-partum, la mort in utero, l’atonie utérine ou le décollement placentaire. Le diagnostic de SHUa et le traitement ont été rapides (respectivement, 1 à 5 jours après l’apparition des symptômes et, en moyenne, 27,6 ± 15,2 heures après le diagnostic). Peu à peu, dans tous les cas, la fonction rénale s’est rétablie et les paramètres hématologiques se sont normalisés. Le traitement se poursuit chez la quasi-totalité des patientes; il a été arrêté chez une patiente, étroitement surveillée. « Nous espérons que ces données contribueront à mieux faire connaître ce syndrome variable et à souligner l’importance d’un diagnostic précoce et d’un traitement par l’éculizumab au moment opportun pour garantir un rétablissement complet », conclut le Dr Spasiano5.

Le Dr Michael Che, Université d’Ottawa, Canada, a présenté deux cas instructifs de SHUa du post-partum. Dans le premier cas – un syndrome HELLP sévère (hémolyse, taux élevés d’enzymes hépatiques et thrombopénie) en fin de grossesse –, la détérioration rénale s’est poursuivie durant le post-partum, malgré la résolution des autres symptômes. La biopsie rénale a révélé des signes de MAT et les analyses du complément étaient évocatrices d’un SHUa. « Tout semble indiquer que la patiente pourrait être à haut risque de MAT récidivante, surtout si elle redevient enceinte, affirme le Dr Che. Il nous faut poursuivre la recherche pour cerner les patientes atteintes d’une MAT durant la grossesse qui bénéficieraient d’un inhibiteur du complément comme l’éculizumab6. » 

Dans le deuxième cas, une hypertension et une atteinte rénale aiguë sont survenues anormalement tôt (1er trimestre). Un SHUa a été diagnostiqué, et le traitement par l’éculizumab a été amorcé; l’exploration a révélé des mutations de gènes codant pour le système du complément. Après l’accouchement, la fonction rénale s’est détériorée au point de nécessiter une greffe; depuis, la fonction rénale et le bilan hématologique sont restés normaux sous traitement continu par l’éculizumab. « La MAT déclenchée par la grossesse n’est pas toujours une prééclampsie ou un syndrome HELLP; un SHUa doit être envisagé lorsque les symptômes se manifestent avant 20 semaines de gestation», concluent les auteurs.

Conclusion

L’optimisation de la prise en charge passe par un diagnostic et une caractérisation rapides du SHUa dans la population générale, à plus forte raison chez la femme enceinte. Comme le SHUa est mieux connu et que l’éculizumab et le ravulizumab, deux inhibiteurs du complément, sont plus utilisés, on obtient de meilleurs résultats, mais il reste beaucoup à faire pour poursuivre dans cette direction. Le traitement précoce peut être bénéfique dans le SHUa primitif et le SHUa secondaire.

 

Références

1. What’s new in the management of aHUS? Symposium satellite, ERA 2023, 16 juin 2023.

2. Ariceta G et al. Changes in the clinical characteristics and management of patients with aHUS over 10 years: trends from the Global aHUS Registry. Affiche virtuelle, ERA 2023, 14–18 juin 2023.

3. Cordero L et al. Rational use of eculizumab in secondary atypical haemolytic uremic syndrome. Communication orale ciblée, ERA 2023, 14–18 juin 2023.

4. Madrid Aris A et al. Ravulizumab "de novo" in pediatric patients with atypical hemolitic uremic syndrome: first worldwide cases. Communication orale ciblée, ERA 2023, 14–18 juin 2023.

5. Spasiano A et al. The multiverse of pregnancy-associated aHUS: triggers, timing and outcomes – a single center experience. Communication orale ciblée, ERA 2023, 14–18 juin 2023.

6. Che M et al. Differentiating postpartum HELLP syndrome from atypical hemolytic uremic syndrome. Communication orale ciblée, ERA 2023, 14–18 juin 2023.

7. Che M et al. Kidney transplantation in early pregnancy-associated atypical hemolytic uremic syndrome. Affiche virtuelle, ERA 2023, 14–18 juin 2023.




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