Comptes rendus

Progrès récents dans le traitement du carcinome basocellulaire : la voie de signalisation Hedgehog ciblée
De nouveaux horizons dans le traitement de l’hémophilie A et B

Des progrès en vue dans le traitement de l’hémophilie A

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - XXIVe Congrès de l’International Society on Thrombosis and Haemostasis (ISTH) / 59e Assemblée annuelle du Scientific and Standardization Committee (SSC)

Amsterdam, Pays-Bas / 29 juin-4 juillet 2013

Depuis l’avènement du rFVIII, dans les années 1990, on a tenté d’améliorer ce produit de diverses manières. Les procédés de fabrication ayant évolué, on a mis au point des rFVIII hautement purifiés et stables, présentant un risque minime de contamination virale et dont plusieurs en sont aux derniers stades des essais cliniques pour la prophylaxie et le traitement à la demande des hémorragies dans l’hémophilie A.

Technologie de purification de pointe

À partir de la préparation de rFVIII avec sucrose actuellement offerte (rFVIII-FS; Kogenate), on a mis au point une nouvelle protéine pleine longueur dotée d’une demi-vie prolongée; celle-ci a fait l’objet de deux essais cliniques chez des patients atteints d’hémophilie A sévère qui avaient déjà été traités. Le BAY 81-8973 est produit à partir de la même construction génétique et de la même lignée BHK que la préparation précitée, mais son schéma de glycosylation est plus proche de celui du FVIII natif. Sa fabrication ne requiert pas l’utilisation de protéines d’origine animale ou humaine lors des étapes de fermentation et de purification, et on a ajouté au procédé une étape de nanofiltration, le tout dans le but de réduire encore davantage l’immunogénicité et le risque de transmission d’agents pathogènes. Les résultats de l’essai LEOPOLD I, présentés par le Dr Kapil Saxena, Boston Hemophilia Center, révèlent un profil pharmacocinétique au moins non inférieur à celui du rFVIII-FS, une ASC, une t1/2 et un temps moyen de résidence (TMRiv) significativement plus élevés ainsi qu’une clairance moindre (résumé PB 4.37-2). «Il y a, dans le procédé de fabrication, plusieurs nouvelles étapes qui ont pour but de faire du BAY 81-8973 un médicament plus efficace que le rFVIII-FS», souligne le Dr Saxena; ainsi, précise-t-il, l’ajout de protéines de choc thermique «améliore le repliement et le dépliement de la protéine, ce qui devrait réduire l’agrégation protéique et permettre une expression plus efficace du rFVIII qu’avec la préparation rFVIII-FS», avance-t-il. Chez 62 hommes traités par cet agent à titre prophylactique (20-50 UI/kg 2-3 fois/semaine) pendant 12 mois, on a enregistré un taux annualisé d’hémorragies de 1,0 par patient (médiane). L’incidence des effets indésirables liés au traitement était faible (≤7 %), l’hémostase a été maintenue et aucun patient n’a développé d’inhibiteurs pendant l’essai.

Le turoctocog alfa (N8) est une nouvelle protéine rFVIII exempte de matériaux bruts d’origine animale ou humaine et exprimée par un gène codant pour le FVIII humain modifié (domaine B tronqué) dans des cellules CHO (Thim L et al. Haemophilia 2010;16:349-59). Le turoctocog alfa s’est montré sûr et efficace dans le traitement des épisodes hémorragiques et en prophylaxie lors de deux essais cliniques de phase III (Kulkani R et al. Haemophilia sept. 2013;19(5):698-705; Lentz SR et al. Haemophilia sept. 2013;19(5):691-7). Dans son exposé, la  Dre Margareth C. Ozelo, INCT do Sangue Hemocentro UNICAMP, Universidade Estadual de Campinas, São Paulo, Brésil, a expliqué comment on avait construit, à partir de données provenant de 210 sujets d’essais cliniques traités par le turoctocog à titre prophylactique, un modèle de prédiction de l’activité coagulante du FVIII (FVIII:C) (résumé PA 2.06-5). On a ainsi constaté que plus la FVIII:C était élevée, plus le risque d’hémorragie était faible. C’est en présence d’une FVIII:C >10 % que le risque d’hémorragie spontanée et traumatique était le plus faible, tant chez l’adulte que chez l’enfant et l’adolescent. D’autres études sur le sujet s’imposent sans nul doute.

rFVIII pégylé

Les experts en génie biomédical s’emploient à prolonger la demi-vie du rFVIII dans le but de réduire la dose et la fréquence des injections prophylactiques. Parmi les stratégies à l’étude, notons la libération prolongée du rFVIII grâce à la modification de sa structure chimique au moyen de polyéthylèneglycol (pégylation). Les produits nés de ces travaux sont le N8-GP (rFVIII glycopégylé), le BAY 94-9027 – rFVIII ayant perdu son domaine B, lié par covalence à une seule molécule de PEG de 60 kDa – et le BAX 855, rFVIII pleine longueur d’action prolongée, issu d’une tentative de prolongation de la demi-vie du facteur antihémophilique (recombinant) non dérivé du plasma ni de l’albumine (FAHr-NDPA; Advate). Lors d’un essai prospectif ouvert de phase I mené chez 19 patients de 18 ans ou plus atteints d’hémophilie A sévère et ayant déjà été traités, la demi-vie du BAX 855 a été environ 1,5 fois plus longue que celle du FAHr-NDPA (Bevan D et al. Haemophilia 2013, 19 [Suppl. 2], 10-82.PO 053). Le BAY 94-9027 a été associé à une prolongation comparable de la demi-vie en phase I, soit 19 h vs 13 h pour le rFVIII-FS (Coyle T et al. Haemophilia 2012, 18 [Suppl. 3], 1-208. FP-MO-03.2-3).

Pour tous ces produits, on doit préciser quels sont les agents activateurs fiables pour la détermination du temps de céphaline activé (TCA), qui permettront la surveillance de la FVIII:C. Dans une étude menée aux États-Unis, on a évalué l’activité du BAY 94-9027 au moyen de 5 réactifs d’emploi courant et constaté que les activateurs à base d’acide ellagique étaient ceux qui rendaient le mieux compte de la puissance et convenaient le mieux à la surveillance, en laboratoire, de la FVIII:C après perfusion  (résumé PA 2.11-5). Avec les activateurs à base de silice, on a enregistré un temps de coagulation plus long et obtenu des résultats qui manquaient de précision, peut-être parce que la molécule de PEG interférait avec l’activation de contact à la surface de la silice. On a également fait état de la validation d’une méthode nouvelle et hautement sélective d’évaluation de l’activité du BAX 855 dans du plasma humain normal et du plasma présentant une déficience en facteur VIII : le test MDAA (modification-dependent activity assay) (résumé PA 2.11-5). Ce concept, qui consiste à évaluer spécifiquement la puissance du rFVIII pégylé avant d’évaluer son activité, pourrait permettre de déterminer si une protéine pégylée est encore intacte.

Protéine de fusion

Pour prolonger la demi-vie du rFVIII, on peut également l’associer à une autre protéine dotée d’une demi-vie beaucoup plus longue, par exemple le fragment Fc (cristallisable) d’une immunoglobuline (rFVIIIFc). Lors d’un essai pivot de phase III, 165 sujets ont reçu, 1 ou 2 fois/semaine, un traitement prophylactique au moyen d’un rFVIIIFc à action prolongée (Eloctate); comme le rapporte le Dr Johnny Mahlangu, University of the Witwatersrand, Johannesburg, Afrique du Sud, on a enregistré un faible taux annualisé d’hémorragies, et 98 % des épisodes hémorragiques ont été réprimés moyennant 1 ou 2 injections (résumé OC 37.2). Par ailleurs, les résultats de l’essai A-LONG ont confirmé la longue durée d’action du rFVIIIFc, dont la demi-vie terminale a atteint 19 h, comparativement à 12 h pour le FAHr-NDPA. «Le profil pharmacocinétique résultant de cette prolongation nous ouvrira de nouvelles possibilités de prise en charge», prévoit le Dr Mahlangu.

On s’est servi des données de l’essai A-LONG pour comparer les nouveaux rFVIII à action prolongée aux rFVIII traditionnels, à courte durée d’action, sur les plans suivants : consommation prévue à des fins prophylactiques et effets sur les hémorragies. Un nouveau modèle d’analyse décisionnelle présenté par le Dr Alec H. Miners, London School of Hygiene and Tropical Medicine, Royaume-Uni, montre comment on peut, en ayant recours à un rFVIII doté d’une demi-vie prolongée, réduire le nombre d’injections et la consommation du facteur, tout en obtenant des effets hémostatiques comparables (résumé PB 3.55-5). On a mis ce modèle en application chez un patient fictif de 30 ans traité 3 fois/semaine par un rFVIII à courte durée d’action ou 2 fois/semaine par un rFVIIIFc, à raison de 37,5 UI/kg dans les deux cas. La fréquence des hémorragies était semblable pour les deux produits (2 par année), mais on a utilisé 33 % de facteur de coagulation en moins avec le rFVIIIFc qu’avec le rFVIII, produit à courte durée d’action. Sur 30 ans, cela représente une économie de 4,6 millions d’UI de rFVIII. «Il va de soi qu’on utilisera moins de facteur de coagulation, mais c’est l’importance de l’écart qui est intéressante», fait remarquer le Dr Miners. En terminant, il y est allé d’une mise en garde : ce sont là des résultats généraux; en réalité, précise le médecin, «la prophylaxie, c’est du cas par cas».

Traitement curatif : une lueur d’espoir

Peut-être pourra-t-on un jour guérir l’hémophilie A et B par la thérapie génique : un gène codant pour un facteur de coagulation pourrait, après son administration au moyen d’un vecteur viral, continuer de s’exprimer dans l’organisme du patient. «On fonde beaucoup d’espoirs sur la thérapie génique, c’est indéniable», affirme le Pr Thierry VandenDriessche, Université libre de Bruxelles (ULB), Belgique. Les cellules hépatocytaires, les cellules musculaires squelettiques et les cellules souches hématopoïétiques se sont toutes montrées capables de maintenir des taux stables de facteur de coagulation et constituent dès lors des cibles de choix pour la thérapie génique, a-t-il expliqué dans le cadre d’une séance sur l’état actuel des connaissances. «Mais le talon d’Achille de la thérapie génique, prévient le professeur, c’est le vecteur du gène.» Les vecteurs dérivés des lentivirus et des virus adéno-associés (VAA) figurent parmi les plus prometteurs. On sait que la thérapie génique à base de VAA amène une expression à long terme du facteur IX (FIX); cependant, la production de vecteurs à base de VAA pour le FVIII est plus difficile, a précisé le Pr VandenDriessche.

Résumé

De nombreux agents thérapeutiques innovants contre l’hémophilie A sont à l’étude; les nouveaux rFVIII peuvent non seulement améliorer la qualité de vie des patients, mais aussi amener une réduction des coûts grâce à des injections moins fréquentes. La thérapie de substitution n’élimine toutefois pas le risque d’hémorragie. La thérapie génique pourrait un jour conduire à un traitement curatif, mais il pourrait s’écouler encore quelques années avant que le succès clinique associé au FIX se concrétise aussi pour le FVIII; on doit dès lors approfondir les études sur la question. 

 

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