Comptes rendus

Améliorer les résultats du traitement du cancer du sein HER2+
Déclaration du Comité consultatif national sur l’immunisation sur l’usage du vaccin antirotavirus pentavalent : nouvelles recommandations pour les nourrissons

Défis cliniques du traitement des lymphomes non hodgkiniens : Utilisation des anticorps monoclonaux en 2008

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

49e Assemblée/Exposition scientifique annuelle de l’American Society of Hematology

Atlanta, Géorgie / 8-11 décembre 2007

Comité de rédaction :

Wendy Lam, MD, FRCPC Burnaby Hospital Regional Cancer Centre University of British Columbia Vancouver (Colombie-Britannique)

Matthew C. Cheung, MD, FRCPC Sunnybrook Health Sciences Centre University of Toronto Toronto (Ontario)

Pierre Laneuville, MD, FRCPC Division d’hématologie CUSM – Hôpital Royal Victoria Montréal (Québec)

Chaque année, plus de 10 000 patients reçoivent un diagnostic d’hémopathie maligne au Canada, et il s’agit d’un lymphome dans environ 60 % des cas. L’incidence des lymphomes non hodgkiniens (LNH), qui représentent plus de 85 % de tous les lymphomes au Canada, est en hausse constante. On ignore les raisons exactes de ce phénomène, mais comme c’est le cas dans d’autres pays, l’incidence a à peu près doublé de 1970 à 1996 (Liu et al. Hematol Oncol 2003;21:57-66). Fort heureusement, l’incidence croissante des LNH s’accompagne maintenant de progrès thérapeutiques. Au nombre des avancées thérapeutiques figurent les indications de plus en plus nombreuses des anticorps monoclonaux (AcM) qui ciblent la protéine CD20, laquelle est exprimée à la surface des cellules cancéreuses dans un vaste éventail d’hémopathies émanant des lymphocytes B, en particulier les lymphomes à cellules B.

Place des AcM

Les AcM prolongent la survie lorsqu’on les ajoute aux chimiothérapies cytotoxiques classiques dans des indications qui comprennent à la fois les LNH indolents et les LNH agressifs.

Les AcM qui ciblent la protéine de surface CD20 causent la mort des cellules cancéreuses par de multiples mécanismes, notamment la cytotoxicité dépendante du complément et la cytotoxicité à médiation cellulaire dépendante des anticorps. Ils exercent également des effets indirects qui contribuent à la cytotoxicité, notamment l’induction de modifications structurelles, le déclenchement de l’apoptose et la sensibilisation des cellules cancéreuses à la chimiothérapie (Cerny et al. Anticancer Drugs 2002;13[suppl 2]:S3-S10). Les données cliniques dont on dispose sur les biothérapies anti-CD20 proviennent en grande partie d’études sur le rituximab, mais les études sur d’autres agents, comme l’alemtuzumab, l’épratuzumab, l’ibritumomab et le tositumomab, viennent rapidement gonfler le corpus.

Le présent article se veut une évaluation critique de plusieurs études importantes sur la place qui revient aux agents biologiques dans le traitement des hémopathies malignes, notre objectif étant de situer leurs conclusions dans le contexte des soins prodigués au patient. Si certaines études viennent confirmer la pertinence de pratiques déjà répandues, d’autres constituent le fondement de nouvelles indications. Bien que la plupart des données, surtout les données d’innocuité et d’efficacité à long terme, continuent d’être générées par des études sur le rituximab, le succès que connaît cet agent alimente le développement d’un nombre croissant d’AcM, dont les AcM humanisés anti-CD20 de deuxième génération et ceux qui ciblent d’autres protéines de surface comme CD52, CD40, HLA-DR, CD33 et CD19.

AcM et lymphomes Indolents : bénéfice en hausse

La publication des résultats de l’essai qui a mené à l’homologation du rituximab en traitement de première intention des LNH à cellules B CD20-positifs (CD20+) de type folliculaire remonte à il y a maintenant deux ans (Marcus et al. Blood 2005;105:1417-23). Lors de cette étude, l’ajout du rituximab au protocole CVP (cyclophosphamide, vincristine et prednisone) (R-CVP) a plus que doublé le délai médian de progression par rapport au protocole CVP seul (32 vs 15 mois; p<0,001). Certes, la maladie a progressé dans un délai de trois ans chez la majorité des patients des deux groupes, mais des études subséquentes ont révélé que le rituximab administré en traitement d’entretien pouvait maintenir la rémission. Une méta-analyse de nombreuses études sur le rituximab en traitement d’entretien (Vidal et al. Congrès de l’ASH de 2007, résumé 3408) est venue confirmer la pertinence d’une démarche déjà utilisée dans de nombreux établissements.

Cette méta-analyse englobait cinq essais comparatifs avec randomisation qui réunissaient en tout 1053 patients porteurs d’un lymphome folliculaire recevant du rituximab en traitement d’entretien ou faisant partie d’un groupe de comparaison. Une étude a été exclue de l’évaluation de l’effet du traitement sur la survie globale (SG) en raison de vices méthodologiques. Au dernier suivi, le taux de risque (hazard ratio [HR]) à l’égard de la SG se chiffrait à 0,53 (IC à 95 % : 0,39 à 0,73), ce qui revient à un avantage relatif de 47 % (Figure 1). Cet avantage a été obtenu au prix d’un taux acceptable d’effets indésirables. Bien que le risque relatif de complications infectieuses ait augmenté de façon significative (1,99; IC à 95 % : 1,21 à 3,27), celles-ci étaient considérées comme traitables.

Figure 1. Le rituximab dans le traitement d’entretien des lymphomes folliculaires : survie globale


Les résultats de cette méta-analyse – dont les critères de sélection étaient très rigoureux et n’ont permis de retenir que cinq essais parmi les 266 évalués – valident ceux des essais individuels, la plupart ayant associé le traitement d’entretien par le rituximab à une prolongation de la survie sans progression (SSP). Bien sûr, de nombreux établissements considèrent que la SSP est acceptable en tant que marqueur de substitution d’un bienfait clinique important, mais la démonstration d’une augmentation de la SG par cette méta-analyse – qui est le fruit d’une collaboration entre divers centres d’Allemagne, de Suisse et d’Israël – valide un avantage important qui s’obtient au prix d’une augmentation acceptable du risque d’effets indésirables.

Selon les études à long terme sur les agents biologiques dans le traitement de première intention des lymphomes indolents, le bénéfice s’amplifie. Les nouvelles données à cinq ans (durée médiane) de l’essai multicentrique randomisé FL2000 – lors duquel on a comparé le protocole R-CHVP+I (rituximab en association avec le cyclophosphamide, la doxorubicine, l’étoposide et la prednisone, plus l’interféron alpha) et le même protocole sans rituximab – ont révélé que la survie sans événement (SSE) se chiffrait à 53 % dans le groupe R-CHVP+I vs 37 % dans le groupe sans rituximab (p=0,0004) (Salles et al. Congrès de l’ASH de 2007, résumé 792). Bien que le taux de SG à cinq ans de 84 % dans le groupe R-CHVP+I n’ait pas été statistiquement supérieur au taux de SG de 79 % dans le groupe CHVP+I, une analyse de régression multivariable a fait ressortir des différences lorsque les patients étaient stratifiés en fonction de l’indice pronostique international (IPI) appliqué aux lymphomes folliculaires (FLIPI). Chez les patients dont le FLIPI était ³3, l’ajout du rituximab a été associé à une augmentation significative des taux de SSE (p=0,0002) et de SG (p=0,025).

Les résultats confirment que le rituximab est particulièrement efficace dans le traitement des lymphomes folliculaires chez les patients exposés à un risque élevé, de conclure les auteurs. La tolérabilité relative des deux protocoles n’a pas été abordée dans l’analyse des données à cinq ans, mais les analyses antérieures faisaient état d’une tolérabilité acceptable du protocole avec AcM, quoique alors administré sur une période de très courte durée.

AcM et lnh agressifs : Intensification de la dose

Dans les lymphomes diffus à grandes cellules B (LDGCB), on continue d’enregistrer des progrès en raffinant le traitement pour améliorer l’issue, même si la publication de l’étude de référence pour l’obtention de l’indication dans les LDGCB remonte à plus de cinq ans (Coiffier et al. N Engl J Med 2002;346:235-42). Dans le cadre de cette étude, le protocole R-CHOP (cyclophosphamide, doxorubicine, vincristine et prednisone plus rituximab) a été comparé au protocole CHOP seul. Les données à cinq ans (Feugier et al. J Clin Oncol 2005;23:4117-26) ont révélé que le protocole R-CHOP était associé à un meilleur taux de SSE (47 % vs 29 %; p=0,00002) et à un meilleur taux de SG (58 % vs 45 %; p=0,0073). Les analyses de sous-groupes ont fait ressortir un avantage en faveur du protocole R-CHOP, que les sujets aient eu un IPI ajusté en fonction de l’âge (IPIaa) élevé ou faible.

Les nouvelles données ont révélé que, par comparaison au protocole R-CHOP-14 classique, le protocole R-CHOP-14 administré en dose-densité à des patients âgés (>60 ans) dont l’IPIaa était élevé au départ (³3) se traduisait par une augmentation des taux de réponse complète (RC) (81 % vs 68 %) et de SSE à un an (74 % vs 65 %) (Pfreundschuh et al. Congrès de l’ASH de 2007, résumé 789) (Figure 2). Le schéma intensif a été associé à une toxicité plus importante dans cet essai non randomisé de phase II, mais la possibilité d’un gain de survie a amené les auteurs à recommander la tenue d’une étude multicentrique pour vérifier la faisabilité du schéma intensif à plus grande échelle.

Figure 2. Données de survie de
-14 en dose-densité

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Lors de cette étude, 100 patients âgés souffrant d’un lymphome à cellules B CD20+ agressif ont reçu six cycles du protocole CHOP sur 14 jours (CHOP-14) plus 12 doses de rituximab à 375 mg/m² administré les jours 0, 1, 4, 8, 15, 22, 29, 45, 57, 71, 85 et 99. La radiothérapie était autorisée à des fins de réduction tumorale et en présence d’atteinte extra-ganglionnaire. Les résultats obtenus dans cette population ont été comparés à ceux de 306 sujets de l’essai RICOVER-60 qui ont reçu six cycles de CHOP-14 en association avec huit doses de rituximab (résultats présentés par Pfreundschuh et al. au congrès de l’ASH en 2006).

Ce schéma a été une source de difficultés, trois décès liés au traitement ayant été signalés chez les 20 premiers patients. Une modification du protocole, soit l’ajout de lévofloxacine, d’acyclovir et de cotrimoxazole, a permis de prévenir d’autres décès d’origine infectieuse dans cette population. Les taux de RC ont été plus élevés (83 % vs 78 %) et les taux de progression sous traitement, plus faibles (5 % vs 7 %), mais l’analyse initiale des résultats n’a pas fait ressortir d’avantage sur les plans de la SSE ou de la SG en faveur des 12 doses de rituximab, par rapport aux résultats antérieurs obtenus avec huit doses de rituximab dans le cadre du protocole R-CHOP-14. Cela dit, lorsque les patients étaient stratifiés en fonction de l’IPIaa, la différence en faveur du schéma intensif était plus marquée quant aux taux de RC et de SSE.

Nous devrons réaliser une étude randomisée afin de déterminer s’il est viable d’intensifier davantage la dose d’un agent biologique chez les patients à risque élevé, mais les résultats donnent à penser qu’une exposition accrue à un AcM anti-CD20 pourrait en soi influer sur la réponse, même chez les patients qui reçoivent une chimiothérapie dont la dose a été intensifiée au maximum. Ces éléments orientent la recherche clinique, principalement dans un contexte où l’on essaie de prolonger la survie de sujets dont le profil est de mauvais pronostic.

Lymphome du manteau

Le lymphome du manteau (LM) est un lymphome agressif beaucoup moins courant pour lequel un schéma à base de rituximab pourrait aussi être bénéfique, si l’on en juge par deux essais du European MCL Network (Dreyling et al. Congrès de l’ASH de 2007, résumé 388). Lors du premier essai sur le traitement de première intention, des sujets âgés ont reçu après randomisation huit cycles de R-CHOP, ce que l’on considérait comme la norme de traitement, ou un schéma expérimental qui consistait en six cycles de rituximab plus fludarabine et cyclophosphamide (R-FC). Chez les sujets qui obtenaient une RC ou une réponse partielle (RP), on ajoutait en traitement d’entretien un interféron au protocole R-CHOP standard et du rituximab au protocole expérimental. Le deuxième essai sur le traitement du LM en première intention a été réalisé chez des patients plus jeunes. Après randomisation, ces sujets recevaient le traitement d’induction standard, soit le protocole R-CHOP, suivi soit d’un traitement de consolidation myéloablatif (irradiation corporelle totale [ICT] à 12 gray [Gy] et deux doses de cyclophosphamide de 60 mg/kg), soit d’un traitement expérimental (R-CHOP plus cytarabine à forte dose [ara-C], puis ICT à 10 gy, quatre doses d’ara-C à 1,5 mg/m² et 140 mg/m² de melphalan). Le protocole de l’étude ne prévoyait pas de greffe de cellules souches hématopoïétiques.

Même si 66 % des sujets âgés avaient un IPI témoignant d’un risque élevé, les principaux signes d’hématotoxicité ont été considérés comme traitables. Le taux de cytopénies de classe 3 et 4 était plus élevé dans le groupe R-FC que dans le groupe R-CHOP. Cependant, des infections ont été signalées chez seulement 19 % des sujets du groupe R-CHOP et 23 % des sujets du groupe R-FC, et les neutropénies fébriles ont été qualifiées de peu fréquentes. Le taux de réponse objective (RO) a atteint 84 % dans les deux groupes et le taux de RC, 51 %. Après 12 mois, le taux de SSP s’établissait à 77 %. Ce taux de réponse se compare avantageusement aux taux de SSP que l’on a obtenus antérieurement chez des patients âgés porteurs d’un LM. On doit poursuivre le suivi afin d’évaluer la réponse à long terme et de bien comprendre le rôle du rituximab en traitement d’entretien.

Dans le cadre de l’étude où l’on a comparé des schémas intensifs chez des sujets plus jeunes, les taux de cytopénies de classe 3 et 4 étaient plus élevés, soit plus de 70 % pour la thrombocytopénie et la leucopénie dans le groupe ara-C à forte dose, mais les taux d’infection et de neutropénie fébrile étaient plus faibles. Avant le traitement de consolidation, le taux de RO globale des deux groupes combinés se chiffrait à 93 % et le taux de RC, à 60 %. Après 12 mois, le taux de SSP enregistré dans le groupe de sujets plus jeunes était de 90 %, ce qui est meilleur que les taux obtenus pour la plupart des protocoles mis à l’essai. La toxicité ayant été traitable dans le cadre de l’étude, les résultats confirment la pertinence d’un protocole associant un agent biologique et une chimiothérapie intensive.

Leucémie lymphoïde chronique

Les agents biologiques demeurent à l’étude dans le traitement de la leucémie lymphoïde chronique (LLC) vu la présence de protéines de surface pouvant être ciblées, dont CD20 et CD52. Les résultats prometteurs des premières études cliniques monocentriques sur le rituximab, comme celle du groupe d’étude allemand sur la LLC (Huhn et al. Blood 2001;98:1326-31), ont été un tremplin pour plusieurs études cliniques d’envergure sur cet agent biologique et d’autres. L’activité des agents biologiques dans la LLC est maintenant bien établie, mais le rapport bénéfice:risque relatif est un enjeu réel, car on essaie, dans le cadre d’études cliniques, de combiner des protocoles de chimiothérapie classiques et des agents biologiques afin de stimuler la réponse tout en conservant une toxicité acceptable.

L’un des défis est le risque d’infection qui découle de l’ajout d’un agent biologique. L’analyse d’une série de trois études consécutives menées par le CALGB (Cancer and Leukemia Group B) a révélé que le risque d’infection était considérablement plus élevé lorsque l’association de la fludarabine et d’un agent biologique était comparée à la fludarabine seule (Morrison et al. Congrès de l’ASH de 2007, résumé 756). Les trois études évaluées étaient : CALGB 9011, lors de laquelle 188 patients souffrant de LLC jamais traitée ont reçu de la fludarabine seule; CALGB 9712, lors de laquelle on a administré de la fludarabine avant le rituximab ou en concomitance avec celui-ci chez 104 patients; et CALGB 19901, lors de laquelle 59 patients ont reçu de la fludarabine, puis un traitement de consolidation par l’alemtuzumab. La comparaison des taux d’infection grave a mis en évidence des différences significatives et potentiellement importantes. Pendant l’étude, une infection grave – qui se définissait comme un épisode ayant entraîné l’hospitalisation et/où une antibiothérapie par voie parentérale – a été signalée chez 38 % des patients du groupe alemtuzumab-fludarabine, par comparaison à 23 % des patients du groupe fludarabine seule et 20 % des patients du groupe rituximab-fludarabine (p=0,01 pour l’alemtuzumab vs la fludarabine et p=0,0007 pour l’alemtuzumab vs le rituximab).

L’analyse des agents pathogènes à l’origine des infections a mis au jour un lien très étroit entre l’alemtuzumab et un risque accru d’infection à cytomégalovirus (CMV). Même si les auteurs concluent que les agents biologiques ne semblent pas interchangeables quant au risque relatif d’infection grave, ils soulignent que ces résultats pourraient être utiles pour la planification d’une prophylaxie antimicrobienne et la surveillance du patient.

Dans la LLC encore jamais traitée, les résultats préliminaires d’une étude multicentrique dans laquelle on a évalué le protocole R-FCM (rituximab, fludarabine, cyclophosphamide et mitoxantrone) suivi du rituximab ont été qualifiés de prometteurs (Bosch et al. Congrès de l’ASH de 2007, résumé 626). Lors de cette étude non comparative, 69 patients âgés de moins de 70 ans ont reçu 500 mg/m² de rituximab le jour 1, 25 mg/m² de fludarabine les jours 1 à 3, 200 mg/m² de cyclophosphamide les jours 1 à 3 et 6 mg/m² de mitoxantrone le jour 1. Le cycle était de quatre semaines, et les patients ont reçu six cycles de traitement. Tous les patients recevaient également le facteur stimulant les colonies de granulocytes (G-CSF) et du cotrimoxazole. Si le patient obtenait une RO, on lui administrait du rituximab à raison de 375 mg/m² tous les trois mois pendant deux ans. Au départ, la maladie était avancée selon la classification de Binet chez 83 % des patients.

Parmi les patients évaluables, le taux de RO globale a atteint 92 %, incluant un taux de RC de 36 %, et le taux de maladie résiduelle minime (MRM) était de 41 %. La toxicité a été qualifiée de traitable, une neutropénie de classe 3 ou 4 ayant été signalée chez seulement 8 % des patients (Figure 3). Le taux d’infection, l’infection étant l’effet indésirable grave le plus fréquent, a atteint 13 %, et englobait un cas de réactivation de l’infection à CMV. Les taux de RO, surtout de RC, sont élevés par comparaison à ce que l’on a enregistré avec les schémas étudiés auparavant, et ont permis à la quasi-totalité des patients traités à ce jour de passer au rituximab en traitement d’entretien. Pareil taux de RO annonce une issue favorable à long terme, bien qu’un suivi prospectif s’impose pour confirm
effet bénéfique.

Figure 3. R-FCM dans la LLC : taux de réponse

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Lors d’une autre étude de phase II sur un agent biologique, 42 patients évaluables dont la LLC n’avait jamais été traitée ont reçu un schéma appelé FCR-Lite (20 mg/m² de fludarabine les jours 1 à 3; 150 mg/m² de cyclophosphamide les jours 1 à 3; et 500 mg/m² de rituximab les jours 1 et 14 d’un cycle de quatre semaines) durant six cycles (Ahmad et al. Congrès de l’ASH de 2007, résumé 2037). Le rituximab a été administré en traitement d’entretien à raison de 500 mg/m² tous les trois mois jusqu’à la progression de la maladie. Le taux de RO, qui était le paramètre principal, était de 100 %, soit 85 % de RC et 15 % de RP. La présence d’une MRM a été décelée au moyen de la cytométrie en flux à quatre couleurs chez huit patients à quelques reprises suivant l’obtention d’une RC. Sept patients ne présentaient pas de MRM au moment du suivi, lequel variait entre sept et 30 mois. On a décelé une MRM chez un patient 12 mois après la RC. D’autres tests visant à évaluer la présence d’une MRM sont en cours.

Le protocole FCR-Lite a non seulement été associé à un taux de RO impressionnant, mais également à un taux remarquablement faible d’effets indésirables. Une neutropénie de classe 3 ou 4 a été observée chez seulement 12 % des patients, alors qu’une thrombocytopénie ou une anémie de classe 3 ou 4 a été confirmée chez seulement 3 % et 2,5 % des patients, respectivement. Les auteurs ont conclu que ce schéma est au moins aussi actif que les schémas testés auparavant, mais qu’il est possiblement mieux toléré.

Autres utilisations des AcM

Deux études montrent que la place des anticorps anti-CD20 continue de se définir. Lors de la première étude, l’efficacité du rituximab a été évaluée dans le traitement des troubles lymphoprolifératifs post-transplantation (TLPT) (Krishman et al. Congrès de l’ASH de 2007, résumé 1084). Lors de la deuxième, le même agent a été évalué en association avec la dexaméthasone dans le traitement du purpura thrombopénique idiopathique (PTI) (Zaja et al. Congrès de l’ASH de 2007, résumé 567). Bien que les deux études soient d’envergure modeste, elles donnent toutes deux à penser que l’activité observée justifie la tenue d’essais cliniques de plus grande envergure et plus décisifs.

Les données de l’étude sur les TLPT proviennent de l’analyse combinée de 17 essais regroupant 308 patients au total. Chez tous les patients, le rituximab a été utilisé comme traitement de première intention après l’arrêt de l’immunosuppression. En général, les patients recevaient chaque semaine du rituximab à raison de 375 mg/m² pendant quatre semaines, et un traitement d’entretien par le rituximab était parfois offert, quoique non systématiquement. Le taux de RC était globalement de 58 %. Chez une minorité de patients qui ont subi une greffe de cellules souches hématopoïétiques, le taux de RC se chiffrait à 70 %. Les auteurs ont qualifié les effets indésirables de minimes. Bien que les données du suivi à long terme soient limitées, on a rapporté une rémission durable chez environ le tiers du petit groupe de patients suivis pendant cinq ans. Au dire des auteurs, le rituximab est une option qui mérite d’être explorée dans le traitement des TLPT, même si, préviennent-ils, des études prospectives avec randomisation seraient difficiles à réaliser dans le cas d’un trouble hétérogène relativement peu fréquent.

L’étude sur le PTI qui visait à évaluer le rituximab en association avec la dexaméthasone était à la fois prospective et randomisée. Les principaux critères d’inclusion étaient un âge de 18 ans ou plus, un PTI jamais traité au préalable et un nombre de plaquettes £20 x 109/L. Après randomisation, les participants recevaient soit une dose unique de 40 mg de dexaméthasone les jours 1, 2, 3 et 4, soit le même schéma de dexaméthasone plus 375 mg/m² de rituximab les jours 7, 14, 21 et 28. Les patients du groupe dexaméthasone seule pouvaient passer au traitement d’association s’ils ne parvenaient pas au paramètre principal, c’est-à-dire une réponse soutenue que l’on définissait comme une RC (nombre de plaquettes >100 x 109/L) à six mois. Même si l’effectif visé était de 198 patients, on a mis fin à la randomisation lorsque le nombre de patients a atteint 103, parce qu’il était prévu dans le protocole de mettre fin à l’essai si l’une ou l’autre des analyses provisoires mettait en évidence une différence de 50 % ou plus dans la réponse soutenue. Au moment où l’étude a pris fin, le taux de réponse soutenue se chiffrait à 81 % dans le groupe rituximab vs 29 % dans le groupe dexaméthasone seule (p=0,0001). Le taux d’effets indésirables de classe 3 ou 4 ne différait pas notablement (8 % dans le groupe rituximab-dexaméthasone vs 12,5 % dans le groupe dexaméthasone).

Résumé

Les agents biologiques qui ciblent la protéine CD20 font déjà partie intégrante du traitement des hémopathies malignes, ce pour quoi ils sont indiqués, mais il est clair que leur utilisation continue de faire l’objet d’études. De nouvelles données militent en faveur du rituximab en traitement d’entretien, à tout le moins dans certaines maladies pour lesquelles on l’emploie déjà en traitement d’induction. D’autres données nous incitent à entreprendre des essais plus décisifs sur le traitement d’hémopathies malignes, des études de phase II et d’autres études exploratoires ayant mis en évidence une certaine activité de l’AcM. La posologie optimale du rituximab ou des agents avec lesquels il est associé n’étant encore déterminée qu’en partie, il nous incombe d’optimiser les schémas posologiques. Au Canada, où il est commercialisé depuis 2001, le rituximab joue un rôle clé en contribuant étroitement à faire connaître les attributs des AcM. La publication de nouvelles données permet de continuer à raffiner leur utilisation.

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