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Dépistage génétique de l’hypersensibilité aux antirétroviraux : l’éventail d’options s’élargit

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

La 16e Conférence canadienne annuelle de recherche sur le VIH/SIDA (CAHR)

Toronto, Ontario / 26-29 avril 2007

Le dépistage de l’allèle HLA-B*5701 avant l’exposition à l’abacavir (ABC) élimine pratiquement tout risque d’une réaction d’hypersensibilité au traitement et réduit de façon marquée la probabilité d’un abandon précoce du traitement. Le patient peut donc profiter des avantages réels de l’ABC, notamment un excellent profil d’efficacité et d’innocuité, sans que les tissus adipeux, les os ou la fonction rénale n’en soient compromis.

L’expérience réalisée en Australie-Occidentale, une première déterminante

Comme l’explique la Dre Elizabeth Phillips, professeure titulaire de pharmacologie, Murdoch University, Perth, Australie, l’évaluation prospective du dépistage de l’allèle HLA-B*5701 réalisée en Australie-Occidentale a révélé que la réaction d’hypersensibilité – observée chez environ 5 % des sujets d’essais cliniques – peut être décelée avec succès et évitée si le patient jamais exposé à l’ABC se soumet à un test de dépistage pharmacogénétique préalable. La réaction d’hypersensibilité à l’ABC se limite strictement aux patients porteurs de l’allèle HLA-B*5701, insistent les conférenciers. Cela dit, on croit maintenant que la présence d’autres allèles pourrait aussi contribuer à déclencher la réaction.

Depuis la mise en œuvre du programme de dépistage génétique en Australie-Occidentale en 2002, 160 patients ont été exposés à l’ABC pendant plus de six semaines, et l’absence de l’allèle avait été confirmée chez 157 d’entre eux. «La totalité des 157 patients ont toléré l’ABC à 100 %», rapporte la Dre Phillips. Les trois patients chez qui la présence de l’allèle a été confirmée ont tous manifesté une réaction d’hypersensibilité en l’espace de deux semaines. (Chez deux patients, les résultats du test n’avaient pas été vérifiés avant le début du traitement par l’ABC, ce qui explique qu’ils aient été exposés à l’agent.)

«Ces résultats indiquent que le dépistage génétique a diminué significativement non seulement l’incidence des réactions d’hypersensibilité réelles à l’ABC au cours des trois années du programme de dépistage, mais aussi le nombre de diagnostics erronés», affirme la Dre Phillips, qui ajoute que le dépistage génétique pourrait avoir une influence favorable sur les abandons du traitement toutes causes confondues.

Résultats globaux du dépistage

L’expérience du dépistage génétique prospectif réalisée en Australie-Occidentale a été reproduite ailleurs, rappelait la Dre Phillips à l’auditoire. À Brighton, au Royaume-Uni, par exemple, l’incidence des réactions d’hypersensibilité à l’ABC est passée de 6,5 % avant l’introduction du test de dépistage pharmacogénétique à 0 % par la suite. En France, depuis quelques années, la présence de l’allèle HLA-B*5701 est aussi vérifiée prospectivement, et on a observé, là aussi, une diminution de l’incidence des réactions d’hypersensibilité à l’ABC, celle-ci étant passée d’un maximum de 12,2 % avant le dépistage systématique à essentiellement 0 % par la suite. Le dépistage de l’allèle chez des patients encore jamais exposés à l’ABC pourrait donc représenter une importante nouvelle stratégie de traitement, estime la Dre Phillips, car les médecins pourront éviter d’exposer à l’ABC les patients positifs pour l’allèle HLA-B*5701.

Les données du British Columbia Drug Treatment Program ont confirmé certains aspects de l’utilité éventuelle du dépistage pharmacogénétique. Des 1448 patients inscrits au programme, 171 (12 %) jamais exposés à l’ABC ont abandonné le traitement tôt, c’est-à-dire au cours des six premières semaines de traitement. Parmi les patients qui ont mis fin à leur traitement, l’abandon précoce a été associé à une prolongation significative du délai d’atteinte d’une charge virale inférieure à 500 copies/mL : 131 jours vs 81 jours chez les patients qui toléraient l’ABC. «Les patients qui ont abandonné le traitement précocement étaient aussi plus susceptibles de consulter un urgentologue ou un spécialiste dans les 60 jours suivant le début du traitement par l’ABC, ce qui augmente les coûts», d’ajouter la Dre Phillips.

PREDICT-1 et SHAPE

Il importe ici de souligner que l’expérience pharmacogénétique de chaque centre sera bientôt consolidée dans le cadre d’une étude, PREDICT-1. Cette étude prospective et randomisée, la première du genre, aura pour objectif de déterminer si le dépistage pharmacogénétique préalable à un traitement à base d’ABC permet de réduire le nombre de réactions d’hypersensibilité, voire de les éliminer.

Comme l’ont précisé les chercheurs dans une communication par affiche sur l’étude PREDICT-1, l’objectif principal est de déterminer si le dépistage de l’allèle HLA-B*5701 chez l’adulte avant le traitement par l’ABC, par comparaison à la ligne de conduite actuelle (ne comportant ni dépistage génétique ni test cutané avec bande adhésive), diminue significativement l’incidence des réactions d’hypersensibilité confirmées par une analyse immunologique en cas de suspicion clinique. Des sujets n’ayant jamais été exposés à l’ABC seront randomisés en deux groupes. Les sujets du premier groupe ne subiront aucun test de dépistage génétique et recevront un schéma à base d’ABC, après quoi on les surveillera afin de déceler toute réaction d’hypersensibilité. Les sujets du deuxième groupe subiront d’abord un test de dépistage génétique prospectif, après quoi ils recevront un schéma à base d’ABC pour autant qu’ils soient négatifs pour l’allèle. Les sujets chez qui la présence de l’allèle sera confirmée seront exclus de l’essai.

SHAPE, autre étude pharmacogénétique, est une analyse cas-témoins rétrospective que l’on a conçue pour évaluer les caractéristiques fonctionnelles du HLA-B*5701 chez des Blancs et des Noirs. Même si la prévalence de l’allèle HLA-B*5701 est très faible chez les Afro-Américains, on croit que, si un Afro-Américain est porteur de l’allèle, la probabilité d’une réaction d’hypersensibilité serait aussi élevée que chez un sujet de race blanche porteur de l’allèle.

«Le dépistage de l’allèle HLA-B*5701 dans le but de prévenir les réactions d’hypersensibilité à l’ABC est à la fois faisable et efficient compte tenu de la technologie actuelle. Nous espérons que les résultats de PREDICT-1 et de SHAPE justifieront la généralisation du test de dépistage génétique», de conclure la Dre Phillips.

L’initiative canadienne au premier plan

Le Canada fait figure de proue en instituant le dépistage pharmacogénétique systématique avant le traitement par l’ABC. Comme le souligne le Dr Simon Mallal, professeur titulaire et directeur général, Centre for Clinical Immunology and Biomedical Statistics, Perth, Australie, les autorités sanitaires canadiennes ont rapidement généralisé le dépistage génétique de l’allèle HLA-B*5701 et en ont standardisé les résultats à l’aide d’une analyse fiable reposant sur la réaction en chaîne de la polymérase (PCR). Les résultats des tests de laboratoire réalisés à ce jour semblent indiquer que l’allèle serait présent chez 4 % à 5 % des patients canadiens, «et l’on observe une très bonne concordance entre les laboratoires», fait remarquer le Dr Mallal.

À la clinique d’immunodéficience de l’Hôpital d’Ottawa, par exemple, les scientifiques ont fait à ce jour plus de 500 tests. Le délai d’attente des résultats est de deux à trois semaines, et le taux de tests positifs pour l’allèle HLA-B*5701 est d’environ 7 %. Depuis l’avènement du test de dépistage à Ottawa, le nombre de patients ayant dû abandonner le traitement par l’ABC a baissé de façon spectaculaire, passant de 12 % à 15 % avant la mise en œuvre du test pharmacogénétique à 2 % à 3 % après coup.

Les chercheurs de Montréal ont aussi rapporté que 68 % des patients qui avaient mis fin à leur traitement par l’ABC en raison d’une réaction d’hypersensibilité probable n’étaient pas, dans les faits, porteurs de l’allèle HLA-B*5701 lorsqu’ils se sont prêtés au test de dépistage pharmacogénétique. Par ailleurs, le nombre d’abandons précoces du traitement par l’ABC a chuté sensiblement, passant de 15,5 % en l’absence de test à 2,9 % lorsque le test était effectué.

Bénéfice à long terme

Pour la vaste majorité des patients qui tolèrent bien l’ABC, les gains à court terme sont appréciables, précise le Dr Mallal, mais le bénéfice à long terme pèse tout aussi lourd dans la balance. Comme les médecins le savent bien, les analogues de la thymidine, surtout la stavudine (d4T) mais aussi la zidovudine dans une certaine mesure, entraînent une déplétion marquée de l’ADN mitochondrial dans les adipocytes. «En définitive, il en résulte une altération fonctionnelle de l’adipocyte», explique le Dr Mallal. Bien que cette dysfonction ne soit pas cliniquement perceptible, le pourcentage de graisse continue de baisser avec la poursuite du traitement.

«Une fois les adipocytes périphériques atteints, il est extrêmement difficile de faire régresser le mécanisme pathologique, même lorsqu’on met fin au traitement par l’analogue», note le Dr Mallal. Ce phénomène tient au fait que la première lésion entraîne l’apparition d’un état pro-inflammatoire et une diminution de la synthèse d’adiponectine, élément clé du métabolisme des graisses. La baisse du taux d’adiponectine entraîne à son tour une résistance à l’insuline continue, facteur contributif clé du syndrome métabolique, d’enchaîner le Dr Mallal.

Lorsqu’il est administré en association avec le 3TC dans le cadre d’un schéma de fond à base d’inhibiteurs nucléosidiques de la transcriptase inverse, l’ABC n’est pas associé au même phénomène de lipodystrophie, fait-il remarquer. En effet, lors de l’étude ABCDE, où l’on a comparé l’incidence de la lipoatrophie chez des patients traités par l’ABC et des patients traités par la d4T, on a rapporté une faible incidence de lipoatrophie (moins de 5 %) dans le premier groupe vs plus de 38 % dans le deuxième groupe.

Néanmoins, d’ici à ce que les résultats des études PREDICT-1 et SHAPE soient dévoilés, la pharmacovigilance demeure essentielle à la réussite du traitement par l’ABC, soulignent les chercheurs.

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