Comptes rendus

Dépistage génétique de l’hypersensibilité aux antirétroviraux : l’éventail d’options s’élargit
FUTURE I et FUTURE II : Vaccination contre le virus du papillome humain

Vaccination des adultes en pratique familiale : savoir saisir toutes les occasions

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

Primary Care Today

Toronto, Ontario / 10-12 mai 2007

Le médecin de famille doit promouvoir activement la vaccination auprès de ses propres patients adultes et les amener à se faire vacciner. La première étape est de leur recommander les vaccins qui conviennent à leur âge chaque fois qu’ils consultent, peu importe le motif de la consultation. «Si la vaccination nous tient à cœur, les patients y accorderont aussi de l’importance. Si on soulève la question, le patient écoute, mais si on ne la soulève pas, on rate une occasion», explique la Dre Vivien Brown, chargée de cours en médecine familiale et communautaire, University of Toronto, Ontario.

Les obstacles

Comme elle et la Dre Allison McGeer, professeure titulaire de médecine de laboratoire et de pathobiologie, University of Toronto, l’ont expliqué tour à tour, il est facile de comprendre pourquoi la vaccination des adultes demeure sous-optimale. Le suivi des vaccins chez l’adulte n’est pas une mince tâche et c’est une responsabilité qui s’ajoute à la liste déjà longue de toutes les autres qui incombent au médecin. Comme le fait remarquer la Dre Brown, le Public Task Force aux États-Unis a estimé que le médecin de famille type devrait consacrer 7,5 heures par jour à la seule médecine de prévention s’il souhaite appliquer toutes les directives existantes.

Les patients eux-mêmes lui compliquent souvent la tâche en se rendant au service des urgences ou à une clinique sans rendez-vous pour obtenir une injection et en ne se souvenant pas de ce qu’ils ont reçu. Il est donc très difficile pour le médecin de faire un suivi des vaccins que ses patients adultes ont reçus et de ceux dont ils ont besoin. «À cet obstacle s’ajoutent les craintes que suscite souvent la vaccination», d’ajouter la Dre Brown. De plus, tout le monde n’a pas un médecin de famille, et c’est là un autre obstacle à la vaccination. Par ailleurs, même si le patient a un médecin de famille, il ne lui est pas toujours possible d’obtenir un rendez-vous, de se rendre au cabinet du médecin et de payer pour le vaccin.

Les obstacles qui dépendent du patient expliquent en partie que les taux de vaccination demeurent sous-optimaux chez les adultes, mais ce n’est pas tout. Dès l’âge de neuf ou dix ans, «l’enfant a déjà été exposé aux principaux agents pathogènes et il a alors des cellules mémoire, de sorte que quand il y est exposé de nouveau, son organisme est prêt à les combattre», souligne la Dre McGeer. Les vaccins de la petite enfance – dont le succès fait l’unanimité au Canada et ailleurs – protègent les nourrissons contre les agents pathogènes majeurs et, partant, les jeunes enfants contre les maladies graves et la mortalité. Vers l’âge de 15 à 20 ans, cependant, le patient a déjà été exposé à de nouveaux agents pathogènes en raison de ses activités professionnelles, de ses déplacements et de ses comportements. Bien que l’exposition à ces nouveaux agents pathogènes ne soit généralement pas mortelle, «le fardeau de morbidité peut être appréciable», fait observer la Dre McGeer. Or, une proportion importante de ces infections aurait pu être prévenue si, à l’adolescence ou au début de l’âge adulte, ces personnes avaient reçu les vaccins appropriés. Pour ajouter au problème, de nombreux immigrants vivent dans les grandes villes comme Toronto, où plus de 40 % des résidants ne sont pas nés au Canada. Et de nombreux immigrants originaires de pays où les programmes de vaccination de la petite enfance sont inappropriés ont besoin d’un «rattrapage» substantiel pour être bien protégés contre les principaux agents pathogènes présents dans leur pays d’adoption, poursuit la Dre McGeer.

Les répercussions

Même les adultes déjà vaccinés ont besoin de doses de rappel – le vaccin antitétanique et le vaccin anticoquelucheux acellulaire en sont deux exemples – et les patients à risque de contracter et de transmettre des maladies évitables par la vaccination en raison de leurs activités professionnelles, de leurs déplacements ou de leurs comportements, doivent se protéger contre de nombreuses infections comme l’hépatite A et B, la fièvre typhoïde, la rage, la coqueluche et la grippe, mais souvent ne le font pas. Par exemple, seulement 57 % des travailleurs de la santé se font vacciner contre l’hépatite B, selon une enquête pancanadienne sur la vaccination menée en 2006, alors que l’immunité contre la varicelle est vérifiée chez seulement 36 % des travailleurs de la santé qui n’ont jamais contracté cette maladie.

La population âgée

Sur le plan de la morbi-mortalité évitable par la vaccination, le groupe le plus important est la population âgée. Plus précisément, ce sont les adultes d’un certain âge qui, malgré une exposition préalable à tous les principaux agents pathogènes, ne peuvent plus produire de réponse immunitaire assez robuste pour combattre les infections lorsqu’ils sont de nouveau exposés à ces agents pathogènes. Prenons par exemple l’incidence de l’infection pneumococcique invasive. Avant la commercialisation du vaccin antipneumococcique en 1995, on observait une «augmentation remarquable» des cas de morbidité et de mortalité à partir de l’âge de 50 ans, et les taux augmentaient de façon exponentielle avec l’âge, «de sorte que le fardeau de morbi-mortalité est beaucoup plus lourd chez les personnes âgées», confirme la Dre McGeer.

Les vaccins actuellement recommandés chez les adultes âgés ou atteints d’une maladie chronique sont le vaccin antigrippal, le vaccin antipneumococcique et, aux États-Unis, le vaccin contre le zona. En Ontario, environ 70 % des adultes de plus de 65 ans sont vaccinés contre la grippe chaque année, à l’instar d’environ 60 % des travailleurs de la santé, «ce qui est supérieur aux taux enregistrés dans la quasi-totalité des autres pays du monde», indique la Dre McGeer, mais à son avis, ces pourcentages sont tout de même «décevants», car il suffit de vacciner 14 travailleurs de la santé contre la grippe pour prévenir la mort d’une personne âgée.

Le taux de couverture du vaccin antipneumococcique est aussi sous-optimal, soit moins de 40 % des personnes de 65 ans ou plus, selon un sondage réalisé à Toronto. Néanmoins, l’incidence de l’infection pneumococcique invasive a diminué de moitié environ dans la région de Toronto-Peel depuis l’introduction du vaccin 23-valent en 1996.

Le vaccin contre le zona réduit l’incidence du zona de moitié environ sur une période de cinq ans et l’incidence des névralgies post-zostériennes de 67 %, selon les résultats de la Shingles Prevention Study (Oxman et al. N Engl J Med 2005;352[22]:227-84). «Nous espérons que ce vaccin demeurera efficace pendant beaucoup plus que cinq ans», précise la Dre McGeer.

Recommander la vaccination aux adultes

Pour convaincre ses patients adultes de se faire vacciner, le médecin peut notamment recommander les vaccins qui sont actuellement remboursés par le gouvernement. Lors d’une enquête, par exemple, les investigateurs ont constaté qu’environ 80 % des patients qui avaient consulté un médecin à son cabinet ou à une clinique avaient opté pour le vaccin antigrippal lorsque celui-ci leur avait été recommandé, par comparaison à seulement 25 % en l’absence de recommandation. Une proportion semblable de patients se rendant aux urgences a aussi décidé de se faire vacciner contre la grippe lorsque le vaccin avait été recommandé, par comparaison à environ 40 % en l’absence de recommandation.

Selon un autre sondage, près de 90 % des patients ont accepté de recevoir le vaccin antipneumococcique lorsque leur professionnel de la santé le recommandait, comparativement à seulement une très petite proportion de patients quand il ne l’était pas. «Je pense également que la personnalisation des recommandations – “Oui, je donne le vaccin antipneumococcique à ma mère, le vaccin contre le virus du papillome humain à ma fille et je me fais vacciner contre la grippe” – fait une énorme différence auprès du patient parce que, si vous utilisez ces vaccins vous-même, c’est que vous y croyez», estime la Dre Brown.

Diffuser l’information

Elle a aussi invité les médecins à se servir des affiches, des brochures et d’autres outils éducatifs distribués par la Coalition canadienne pour la sensibilisation et la promotion de la vaccination (CCSPV) et à les mettre bien en évidence dans leur cabinet. «Nous devons aussi responsabiliser les patients en les incitant [à tenir leur propre carnet de vaccination à jour], car c’est une tâche trop lourde pour nous», a-t-elle expliqué à l’auditoire. Les médecins doivent par ailleurs commencer à tenir des dossiers exacts et à jour de sorte que quand un patient déménage ou change de médecin, «nous avons un dossier indiquant les vaccins qu’il a eus, à quel moment il les a reçus et les vaccins qu’il devrait encore recevoir», enchaîne la Dre Brown.

En définitive, cependant, les médecins doivent cesser de minimiser l’importance de la vaccination chez l’adulte sous prétexte qu’elle n’est pas efficace à 100 % contre l’infection. «Nous traitons le diabète et l’hypertension parce que nous savons que les patients en tireront profit. Il en va de même pour la vaccination de nos patients adultes. Il ne s’agit pas d’éliminer la maladie, mais bien d’améliorer la situation», conclut la Dre McGeer.

Nota : Au moment où le présent article a été mis sous presse, le vaccin contre le zona n’était pas commercialisé au Canada.

Commentaires

Nous vous serions reconnaissants de prendre 30 secondes pour nous aider à mieux comprendre vos besoins de formation.